Eduard HANSLICK

Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

HANSLICK Eduard

(né le 11 septembre 1825 – décédé le 6 août 1904)

hanslick

Critique musical

Même si Eduard Hanslick est de nos jours considéré comme l’un des fondateurs de la critique musicale moderne, il doit avant tout sa célébrité à l’acharnement qu’il déploya contre Richard Wagner de longues années durant. Ennemi juré du compositeur et peut-être le plus virulent, il contesta ouvertement la valeur de la musique et les prétentions artistiques de Wagner qu’il jugeait bien pompeuses voire mégalomaniaques !

Étudiant en musique et en droit, Eduard Hanslick a tout juste vingt ans lorsqu’il rencontre Wagner, en 1845, à Marienbad ; une rencontre placée sous de bons augures car le jeune homme est alors totalement acquis à la cause wagnérienne. Devant l’enthousiasme qu’il exprime à travers des flots de missives enflammées à destination du compositeur, ce dernier convie le jeune Hanslick à assister à la création de son dernier opéra, Tannhäuser, à Dresde, le 19 octobre 1845.
A l’issue de la représentation, le futur critique qu’est Hanslick est encore sous le charme, et dans un premier article, loue – presque avec une emphase dithyrambique – le génie de Wagner.
Mais rapidement des fissures apparaissent.

Lorsque Wagner – en exil à Zurich– fait publier L’Oeuvre d’art de l’avenir en 1849, puis Opéra et Drame en 1851, Hanslick – qui avait déjà manifesté son hostilité au cours de la création Lohengrin à Vienne – répond quasiment comme signe de provocation si ce n’est de protestation par un ouvrage, de sa propre plume cette fois, intitulé De la Beauté dans la musique (Vom Musikalisch-Schönen) qui paraît en 1854. L’œuvre en sept chapitres se veut à son tour un essai de réforme de la musique moderne du milieu du XIXème siècle.

Pourtant, ses connaissances en musique sont, d’après son entourage, «déplorables» (du moins est-il ainsi qualifié par ses contemporains) et son interprétation au piano «plus que maladroite». Ses cibles ? Wagner, en tête, bien sûr, dont il juge la musique trop descriptive et dramatique. Et Liszt, bien entendu, qu’il place sur un pied d’égalité avec Wagner au panthéon des «fausses idoles». Mais la liste des compositeurs dans sa ligne de mire est longue, à commencer par… Bach lui-même ! Dont Hanslick déclare – non sans fatuité – le caractère purement «formel» de ses compositions ; Beethoven, ensuite, dont les «incongruités» des dernières œuvres ne peuvent que relever de l’infirmité du compositeur ! et tant d’autres…

Fervent partisan d’une musique beaucoup plus conventionnelle et classique qu’il ne le décrit dans son manifeste (Mozart, le premier Beethoven…), Hanslick devient “officiellement” l’ennemi juré de Wagner à partir de la création de Tristan et Isolde (1865). Mais le critique (alors nommé professeur d’Histoire de la Musique au sein de la prestigieuse Université de Vienne) est plus dangereux que le jeune étudiant rencontré à Dresde vingt ans plus tôt. Reconnu tant dans le milieu universitaire qu’artistique viennois, Hanslick est devenu une figure incontournable dans le monde musical de cette seconde moitié du XIXème siècle. Et Wagner, contre lequel il se bat avec autant de hargne afin de démonter l’œuvre auprès du public, affirme – avec le tact qu’on lui connaît – les origines juives du critique expliquent son incompréhension de son œuvre.
On rapporte d’ailleurs que le personnage caricatural de Beckmesser dans Les Maîtres Chanteurs aurait été directement inspiré par celui d’Hanslick.

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Fier de ses compétences et de ses responsabilités éditoriales, Hanslick ne résiste pas à la tentation d’effectuer le voyage à Bayreuth afin d’assister à la création de La Tétralogie en août 1876. Dans une critique en quatre parties qu’il fait publier dans la Neuer Freier Presse, Hanslick fait un rapport détaillé (et comme on peut l’imaginer, fort acerbe) de l’ensemble des festivités wagnériennes qui se déroulent alors sur la Colline : il y décrit le bâtiment du Festspielhaus lui-même, la composition du public dont il critique ouvertement la dévotion au Maître des lieux, les conditions de représentation des ouvrages sur scène (avec force ironie sur les loupés scéniques), mais aussi, et naturellement, musique et livret du compositeur qui ne sont pas épargnés, loin s’en faut.

Si son second voyage à Bayreuth à l’occasion des représentations de Parsifal en 1882 le montre moins virulent à l’égard de l’œuvre de Wagner, c’est à l’homme – dont il n’a jamais pardonné les “dérapages” antisémites – qu’il s’en prend désormais. Et peu importe si la direction d’orchestre – pour la création de l’opéra le plus religieux de Wagner – a été confiée par la volonté même du compositeur à un juif, Hermann Levi ! Hanslick dans de nouvelles parutions prévient le monde musical et artistique du “danger” que représente Wagner en lui seul.

Lorsqu’il en finit avec Wagner, Eduard Hanslick s’acharne – avec presque autant d’énergie – sur l’œuvre et les destins de Tchaïkowsky, de Richard Strauss ou plus tard d’Anton Bruckner, dont il est, là encore, l’un des plus virulents détracteurs. Ami de Brahms en revanche, le critique compare toujours l’art de Wagner à celui du compositeur hongrois, faisant vraisemblablement naître par là la fausse idée de rivalité entre les deux compositeurs.
AKG218233Car si des mots vifs, rapportés par différents proches du cercle de Wahnfried à Bayreuth, ont été jetés par Wagner à l’encontre de la musique de Brahms, il ne semble jamais s’être acharné à détruire le travail de son contemporain et confrère dans un essai qui lui aurait été spécialement dédié. Par manque de temps ? D’intérêt ? Ou tout simplement parce que seul Hanslick agissait dans l’ombre entre les deux hommes pour accentuer cette rivalité… avec peut-être le but secret de  mieux encore faire parler de lui ! Nul ne le saura jamais…

Après la mort de Wagner, et malgré une santé des plus fragiles et une maladie qui aurait pu tempérer son agressivité à l’encontre de ses ennemis artistiques, c’est à Bruckner que le critique s’en prend, menant à son encontre une lutte là encore sans merci.

A la fin de sa vie, Hanslick reprend la plume littéraire qu’il avait délaissée après avoir publié De la Beauté dans la musique(Vom Musikalisch-Schönen) en 1854. A partir des années 1870, et ce pendant une quinzaine d’années, il se consacre ainsi à l’écriture d’œuvres littéraires aussi variées qu’un essai théorique sur l’opéra moderne ou bien… le récit de souvenirs de soirées mondaines auxquelles il assista.

Edouard Hanslick meurt à Baden en 1904, après une vie passionnée… et une infatigable volonté à saper le succès de ses ennemis. Mais Wagner aurait-il été Wagner s’il n’y avait eu des Hanslick pour se dresser sur sa route ?

NC

 

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