Carl August RÖCKEL

Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

RÖCKEL Carl August

(né le 1er décembre 1814 – décédé le 18 juin 1876)

Carl August Röckel fut un compositeur et chef d’orchestre allemand qui bénéficia d’une certaine notoriété dans sa patrie d’origine. Né un an seulement après Richard Wagner, il fut un compagnon d’armes au côté de ce dernier et prit une place active dans les événements révolutionnaires de 1848-1849 à Dresde.

Né à Graz, en Autriche, Carl August Röckel est issu d’une famille de musiciens : son père fut un ténor particulièrement brillant, célèbre à son époque pour avoir interprété le redoutable rôle de Florestan lors de la création de la seconde version de Fidelio de Beethoven, le 29 mars 1806. Aux côtés de son père, le jeune homme fit l’expérience du monde du théâtre à Vienne, puis à Paris et à Londres. Au cours de l’un des engagements de son père à Paris, le jeune Röckel fut même l’assistant du Maestro Rossini au Théâtre des Italiens. Plus tard, il reviendra dans la capitale où il sera témoin des événements de la “Révolution de Juillet 1830”, ce qui ne fut sans doute non sans une certaine importance dans ses prises de position politiques futures.

Après avoir achevé son éducation musicale auprès de son oncle Johann Nepomuk Hummel (lui-même époux d’Elisabeth, la sœur de son père), Röckel prit ses premières fonctions en temps que directeur musical de l’Opéra de Bamberg en 1838. Après un bref retour dans sa patrie d’origine à Vienne, le jeune musicien devint chef d’orchestre au sein du Théâtre de la Cour de Weimar dans les 1840 ; durant cette période il composa son tout premier opéra, Farinelli, inspiré de la vie du célèbre castrat napolitain. En 1843, c’est à Dresde que l’on retrouva sa trace, l’année de la création du Vaisseau Fantôme : Röckel rencontra alors Wagner, alors devenu directeur musical. Les deux hommes se lièrent rapidement d’amitié. Une amitié durable et indéfectible dans les meilleurs moments… comme dans l’adversité. Röckel occupa la fonction d’assistant au chef principal (Musikdirektor), et seconda ainsi directement son ami Richard Wagner avec qui il travailla de concert pendant les cinq années qui suivirent, jusqu’aux événements de 1848.

Ardent républicain dont les convictions politiques avaient été renforcées au cours des événements parisiens de 1830 auxquels, trop jeune, il n’avait pu prendre part, mais durant lesquels il avait fait la connaissance de Lafayette, Laffitte et de Marrast avec qui il partageait les mêmes opinions, Röckel se lia d’amitié avec Bakounine, frappé d’interdiction de territoire en Russie et à l’époque installé à Dresde en continuant de défendre avec ardeur ses idées révolutionnaires.

Tout en occupant sa fonction de directeur musical à Dresde, Röckel se présenta comme député et fut élu au sein du Parlement du Royaume de Saxe à l’automne 1848. A la tribune tout comme dans les colonnes des Volksblätter, le journal révolutionnaire de Dresde qu’il édita lui-même (et dans lequel écrivaient également Wagner et Bakounine), Röckel fit ouvertement part de son combat pour la liberté de la presse ainsi que pour une réforme des lois concernant celle-ci. Son combat ne se limita pas à la presse seule, et Röckel défendit la nécessité d’une unification des territoires allemands.

A l’issue du soulèvement populaire ainsi qu’à la débâcle de ce dernier, hélas pour lui, Röckel fut moins prompt que Wagner à prendre la fuite, et fut arrêté avec Bakounine, le 8 mai 1849 à Chemnitz, puis emprisonné. Wagner, alors dans un exil qui le mena de Zurich en France, fut frappé de terreur en apprenant que son ami Röckel, emprisonné à Dresde venait d’être condamné à mort, alors que Bakounine était transféré en Russie pour y purger sa peine.

La peine de Röckel fut commuée en emprisonnement, et c’est dans la forteresse de Köngstein, puis à Walheim qu’il purgea sa longue peine…. d’une durée de treize années et dans le plus total isolement. Malgré ces très pénibles conditions de détention, Röckel put entretenir avec son ami Wagner une très vaste correspondance ; au travers de celle-ci, on peut y lire la dimension politique, sociale et révolutionnaire que le compositeur souhaitait donner à son chef-d’œuvre, La Tétralogie. Röckel de son côté coucha sur le papier ses idées dans un recueil de chroniques et de pensées, La Révolution de Saxe et le Pénitentiaire de Waldheim.

Röckel ne fut libéré qu’au mois de janvier 1862 : il était le tout dernier des “insurgés de mai”. Il revit son ami Richard Wagner quelques mois plus tard de la même année, en juillet, alors que ce dernier résidait à Biebrich et était en pleine composition des Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Pourtant l’amitié si forte des deux hommes ne résista pas à l’arrivée de Cosima. Après un assez bref séjour à Francfort en 1863, Röckel s’installa à Munich en 1866, où il fut le spectateur de la pleine reconnaissance de l’œuvre de Wagner soutenue par l’autre “Ami”, le roi Louis II de Bavière. La jalousie aurait-elle eu raison de la fidèle amitié qui liait Wagner et Röckel ? En juillet 1868, le Roi écrivit une lettre à Cosima dans laquelle il rapporta des “calomnies éhontées” dont il avait eu vent à propos de sa liaison adultérine avec le compositeur. Et de terminer sa missive en indiquant qu’il détenait ces informations “de sources fiables” et que celles-ci provenaient “d’un homme qui a toujours été considéré par Richard Wagner comme un ami sincère et fidèle”.

Bien que Röckel rejeta la responsabilité de ces ragots qui avaient été rapportés au roi, Wagner tint son fidèle ami pour responsable dans cette affaire, une querelle qui mit fin à la longue amitié qui liait les deux hommes.

Revenu à Vienne en 1871, Röckel fut terrassé par une attaque dont il ne guérit jamais. Il décéda finalement au terme d’une longue période de souffrance auprès de son fils, le 18 juin 1876, à Budapest. Röckel ne vit ainsi jamais l’avènement de l’œuvre d’Art de l’Avenir telle qu’il l’avait politiquement défendue avec son ami Richard Wagner.

NC

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