L’ANNEAU DU NIBELUNG ou LA TÉTRALOGIE (Der Ring des Nibelungen), WWV86 : HAGEN, analyse psychologique et vocale du rôle

L’œuvre musicale de Richard Wagner est composée d’opéras ou “drames musicaux” allant des “Fées” (Die Feen) à “Parsifal”. Une présentation détaillée de chacune de ces œuvres majeures est ici associée à un ensemble d’articles thématiques, replaçant celles-ci non seulement dans le contexte de sa vie personnelle mais également dans son contexte social, économique et culturel. Cette section regroupe également l’ensemble des œuvres musicales (hors opéra) et son œuvre littéraire.

L'ANNEAU DU NIBELUNG (LA TETRALOGIE) WWV86

Der Ring des Nibelungen, WWV86

ANALYSE PSYCHOLOGIQUE ET VOCALE DES RÔLES

HAGEN

(Basse)
Le Crépuscule des Dieux (La Tétralogie)

Si certains personnages de La Tétralogie wagnérienne (le géant Fasolt, Mime ou bien encore Gutrune) sont nés de l’inventivité de l’auteur, le personnage de Hagen, lui, tout comme Brünnhilde et Gunnar/Gunther, figure dans les premiers récits mythologiques desquels Wagner tira son inspiration pour bâtir son épopée, même si dans les légendes héroïques les plus anciennes qui nous sont parvenues (les Edda), Hagen n’apparaît que comme un personnage de second plan. Certes, il conseille Gunnar (Gunther chez Wagner), d’aller conquérir la fière Brünhild, mais il ne participe que de très loin à la lutte contre les Huns.

Ce n’est que dans la Chanson des Nibelungen (le Nibelungenlied) que Hagen (qui de la version scandinave dans laquelle il était le demi-frère de Gunnar devient ainsi son vassal) apparaît comme un personnage de tout premier plan, organisant le meurtre de Siegfried qu’il tue en traître, et défiant l’autorité de la reine Kriemhild, animé par la vengeance, il défend jusqu’à la mort le trésor des Burgondes.

S’il apparaît ainsi dès les origines comme un personnage sombre et mû par le seul désir de vengeance, il faut reconnaître au personnage du mythe initial une certaine fidélité de vassal à ses maîtres et une loyauté indéfectible… jusque dans la mort.

Ce ne sont pas bien entendu ces derniers traits de caractère par trop nobles que retient Richard Wagner dans son propre poème des Nibelungen. Si le compositeur a quelque peu simplifié la complexité du personnage tel qu’il apparaît dans les légendes scandinaves et germaniques, c’est pour en faire l’antithèse la plus absolue de Wotan et l’incarnation tant du Mal que de la cupidité (deux notions d’ailleurs complémentaires voire inséparables dans l’œuvre wagnérienne). L’auteur de La Tétralogie ne fait donc aucune allusion particulière à cette noble fidélité de vassal qui poussait Hagen au crime, justification ultime de ses actes dans l’originelle Chanson des Nibelungen. Il ne retient que son âpreté au gain et la convoitise du pouvoir. Il est en cela le « digne fils de son père », le nain Alberich, qui avait dérobé l’or dans le premier volet de La Tétralogie. Dépossédé depuis de son butin, il n’a élevé son fils que dans l’unique but de récupérer l’Anneau. Ainsi Hagen est manipulé par son père (ce qui est dévoilé dans le dialogue crépusculaire des deux hommes dans la première scène de l’Acte II du Crépuscule des Dieux : « Schläfst du Hagen, mein Sohn ? »), et lui-même manipule le couple formé par Gunther et Gutrune qui, entre ses mains, n’agissent que comme des pantins.

Haineux (tout comme son père) à l’égard de ce qui est beau et jeune (il n’a d’ailleurs rien d’un demi-dieu), le sinistre personnage dépeint par Wagner est caractérisé par un thème lourd, insidieux et sauvage, un thème qui revient telle une menace grandissante tout au long du Crépuscule des Dieux. Il faut la grandeur et la force d’une héroïne telle que Brünnhilde (un temps son alliée, car trompée par la ruse de Hagen) pour l’empêcher de commettre ses noirs desseins. Sans la présence de celle-ci, il serait inéluctablement parvenu à ses fins. Chef des vassaux de Gunther, l’interprète, une basse profonde, doit être capable d’exprimer toute la noirceur de son âme et force subtilités dans toute la palette de son timbre où se font entendre des éclats de force vocale quasi bestiale (notamment dans le puissant chœur de l’acte II : « Hoiho ! Hoihohoho ! Ihr Gibichsmannen ! »).

Parmi les grands interprètes du rôle de Hagen dans l’histoire du chant wagnérien, citons, entre autres, les monstres sur scène qu’ont été Ludwig Weber, Josef Greindl, Gottlob ou bien encore Matti Salminen qui lui, aujourd’hui encore, triomphe dans ce rôle aussi inquiétant qu’exigeant !

NC

Sources :
La Tétralogie, collection « L’Avant-Scène Opéra », n. 230 (Le Crépuscule des Dieux) (2005)
La Tétralogie, commentaire de Stéphane Goldet et profil vocal des personnages de Pierre Flinois, Guide des opéras de Richard Wagner (Fayard, Les Indispensables de la musique, 1988)
Wagner, mode d’emploi, Christian Merlin, collection « L’Avant-Scène Opéra », hors-série (2011)
– Dictionnaire des personnages (collectif, Robert Laffont éditeurs, Bouquins, 1992)

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