Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
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WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

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 WAGNER APRÈS WAGNER

RICHARD WAGNER, AMI ET DEFENSEUR DES BÊTES / LA « LETTRE CONTRE LA VIVISECTION » PAR RICHARD WAGNER (1879)

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LETTRE OUVERTE À M. ERNST VON WEBER

En 1879, Richard Wagner lit l’ouvrage de M. Ernst von Weber, les chambres de torture de la science. Ernst von Weber a fondé en 1879 dans sa ville natale de Dresde l’Association internationale pour la lutte contre la torture scientifique des animaux, le nombre de membres en quelques mois de 565 membres inscrits (1 Mars 1880) a atteint 6000 membres (début 1881). Parmi les membres les plus célèbres, on trouve Johanna von Puttkamer  et Franz Liszt.

Richard Wagner est horrifié à la lecture du livre de von Weber et prend la plume pour écrire à l’auteur pour lui faire part de son soutien et de ses réflexions sur un thème qui lui tient à cœur, lui qui a toujours aimé les animaux et notamment les chiens. Le texte est publié alors dans les Bayreuther Blätter la même année.

Richard Wagner débute cette lettre par sa modeste aide pour combattre la vivisection par sa notoriété. Il poursuit rapidement en rappelant que le « démon de l’utilitarisme » concerne autant les manufactures que les laboratoires de recherche.

Il avoue n’être pas encore entré dans une des associations protectrices des animaux en raison des bons sentiments dont elles font preuve, d’une pitié inutile qui n’intéresse pas la société moderne. Wagner estime qu’il faut prouver l’utilité de la protection animale.

« Les représentants de la ligne de conduite suivie jusqu’à présent par les sociétés protectrices contre la barbarie la plus inhumaine envers les animaux, celle qui s’exerce dans nos salles de vivisection autorisées par l’État, ne sauraient produire un seul argument concluant, dès que l’on fait valoir, pour la défendre, l’utilité de cette barbarie. »

Il faut prouver l’inutilité de la vivisection et ne pas uniquement se fonder sur la pitié, même si cette notion est le fondement de la philosophie schopenhauerienne. La société bourgeoise méprise la pitié, l’amour du prochain. La Science, au contraire, serait bénéficiaire du sentiment de pitié, notamment à travers les médecins, qui par leur profession, doivent soulager leur prochain de ses souffrances.

« Pleins de confiance en lui, nous devons respecter ce qui lui prête les moyens de nous guérir de cruelles souffrances ; c’est pourquoi nous regardons la science médicale comme la plus utile et la plus précieuse, et sommes prêts à tout sacrifier à son exercice et à ses exigences ; c’est elle, en effet, qui nous donne le praticien vraiment breveté de la pitié active et personnelle, chose si rare à trouver parmi nous. »

Mais la médecine est pervertie par  les  « opérateurs-professeurs de physiologie spéculative » qui cherchent à travers une science abstraite à découvrir des vérités médicales et qui mènent à la logique de chantage suivante : si vous souhaitez guérir, laissez-nous pratiquer la vivisection sur les animaux. Wagner ne fait plus confiance à un médecin tel que celui-ci qui est dépourvu de pitié.

« […] nous pouvons espérer à bon droit que le spectre de l’utilité de la vivisection ne viendra pas nous hanter dans nos efforts ultérieurs ; il nous importera désormais uniquement de cultiver avec énergie chez nous la religion de la pitié, en dépit des fidèles du dogme de l’utilité. Malheureusement, la façon de considérer les choses humaines que nous venons d’adopter, nous a montré que la pitié était rayée de la législation de notre société ; car nous avons vu, sous prétexte de s’occuper de l’homme, nos institutions médicales même se transformer en écoles de la brutalité, – au nom de « la science », – celle-ci, un jour, se détournera naturellement des animaux contre l’homme, qui n’aura plus aucune protection contre ses expériences. »

Richard Wagner évoque ensuite rapidement des notions historiques totalement imaginées : le fait que l’homme sage est végétarien car il prend conscience de sa culpabilité en faisant souffrir l’animal qui devient une victime innocente. Il affirme que la rédemption de l’homme passe impérativement par ce sentiment de pitié de l’autre. Il affirme que les peuples, qui pour survivre étaient obligés de se nourrir de chair animale, respectaient le produit de leur chasse en immolant l’animal aux dieux. Mais ce sentiment de respect cessa rapidement. Les saints ont pris sur eux tous les péchés du monde et souvent dans les légendes, des animaux sont attirés par les saints et reconnaissent entre eux une sagesse perdue. Seuls les brahmanes ont conservés la pureté de leur âme en respectant l’animal, contrairement à l’Eglise qui a succombé au péché.

Wagner aborde alors le fait que Darwin a démontré que les hommes descendent des animaux et rien que cela permet d’affirmer que nous devons avoir pitié d’eux, comme de nous-mêmes.

« Nous venons de dire ce qui nous rend à nous autres, esclaves de la civilisation, si incomparablement difficile la pratique de cette doctrine. Comme nous avons, jusqu’à présent, employé les animaux non seulement à nous nourrir et à nous servir, mais encore à faire connaître, dans leurs souffrances provoquées artificiellement, les maladies que nous pourrions avoir nous-mêmes, quand notre corps est corrompu par une vie non conforme à la nature, par toute sorte d’excès et de vices, nous devrions désormais nous en servir, dans notre éducation, pour épurer notre moralité et même, sous bien des rapports, comme des témoignages indiscutables de la sincérité de la nature. »

Il rappelle le récit de Plutarque (Sur le fait que les animaux se servent de raison) où les compagnons d’Ulysse transformés en cochons par la magicienne Circé refusent de reprendre leurs formes humaines. Et l’homme par l’animal reprend alors conscience de sa noble nature.

Wagner poursuit sur une constatation au niveau social : on pratique des expériences sur les animaux pour soigner des hommes riches qui sont en mauvaise santé et qui ont peur de la mort, de même que les pauvres sont souvent l’objet d’expériences des plus riches, car ces derniers ne s’attachent pas à leurs vies cruelles. De même les animaux domestiques sont dociles lorsqu’ils comprennent le bien fondé de ce qu’on leur demande, mais si on les brutalise, ils refusent d’obéir et cela entraine des châtiments inacceptables. Et pourtant l’animal continue à aimer son bourreau. Wagner écrit des lignes très émouvantes sur la douleur et la fidélité animale. Et il continue en démontrant que la raison de l’homme n’est pas toujours objet de glorification :

« Aux animaux, qui nous enseignent tous ces arts par lesquels nous les avions pris et soumis eux-mêmes, l’homme n’était supérieur que par la feinte, la ruse, non par le courage ni par la bravoure ; car l’animal lutte jusqu’à ce qu’il finisse par succomber, indifférent aux blessures et à la mort : « Il ne sait ni supplier, ni demander grâce, ni avouer sa défaite. » Ce serait une erreur de vouloir baser la dignité humaine sur l’orgueil humain, à l’encontre de celui des animaux, et nous ne pouvons expliquer notre victoire sur eux et leur soumission que par notre art plus grand de la dissimulation. Nous nous glorifions de cet art : nous l’appelons « raison », et nous croyons, grâce à cet art, pouvoir fièrement nous distinguer de l’animal, parce que cet art est capable, entre autres choses, de nous rendre semblables à Dieu »

Richard Wagner affirme que l’expression « fidélité de chien » ne permet pas de mépriser le terme de « chien » mais de respecter cet animal « sans considérer par raisonnement un avantage moral éventuel, se sacrifie entièrement et purement à l’amour et à la fidélité ». Il invite les scientifiques non pas à regarder à l’intérieur de l’animal mais à le regarder dans les yeux afin d’y retrouver la « sincérité, l’impossibilité du mensonge ». Wagner propose plutôt que le savant s’intéresse aux indigents, en essayant d’améliorer leurs quotidiens, de partager la nourriture abondante du riche qui est malade de trop manger, quand d’autres meurent de faim.

Richard Wagner termine sa lettre ainsi :

« Qui ne deviendrait socialiste en voyant que notre effort contre la perpétuation de la vivisection et la pétition pour son abolition sont repoussés par l’État et l’Empire ? »

Mais il ne saurait être question que de l’abolition absolue, non d’une « restriction aussi étendue que possible », sous le « contrôle de l’État » ; car il ne pourrait s’agir, en fait de contrôle de l’État, que de la présence d’un gendarme spécialement qualifié à toute conférence physiologique de messieurs les professeurs devant leurs « spectateurs ».

Notre conclusion, au point de vue de la DIGNITE HUMAINE, est que celle-ci ne se manifeste que là où l’homme peut se différencier de l’animal par la pitié qu’il aurait pour l’animal même, car nous pouvons apprendre de l’animal la pitié à l’égard de l’homme, dès que l’animal est traité raisonnablement et avec humanité.

Si cette conclusion faisait rire de nous, et si nos intellectuels nationaux devaient nous rejeter ; si la vivisection continuait à prospérer en public et dans le privé, nous devrions du moins un bienfait à ses défenseurs, c’est que, même comme hommes, nous quitterions volontiers et de bon cœur ce monde où « un chien ne pourrait plus continuer à vivre », même si l’on ne devait pas nous jouer un Requiem allemand. »

Bayreuth, octobre 1879.

NB : La référence au Requiem allemand de Brahms est assez absconse dans le contexte de la lettre. Néanmoins cela reste un des plus beaux textes de Wagner dans lequel on découvre un homme ému et sensible à la souffrance animale, lui qui a souhaité que ses chiens soient enterrés autour de sa tombe.

CPL

 

RICHARD WAGNER ET LA VIVISECTION, UNE CARICATURE DU KIKERIKI

Les prises de position de Richard Wagner contre la vivisection sont bien connues, surtout par Lettre ouverte à M. Ernst von Weber, auteur de « Les chambres de torture de la science », que les Bayreuther Blätter de 1879 avaient publiée et dont on doit une traduction en français à J.-G. Prod’homme.

La revue L’Antivivisection proposait dès 1908 un article de Prod’homme intitulé Richard Wagner antivivisectionniste dans lequel il proposait sa traduction. L’antivivisectionnisme wagnérien était connu dans les pays germanophones bien avant cela, on en parla aussitôt la lettre publiée en 1879. Preuve en est cette caricature du journal satirique autrichien Kikeriki, du 9 novembre 1879, que John Grand-Carteret reproduisait en page 168 de son Richard Wagner en caricatures : 130 reproductions de caricatures françaises, allemandes, anglaises, italiennes, portraits, autographes (lettre et musique).

in Kikeriki, Vienne, le 9 novembre 1879
LR.
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(Crédits photographiques : Luc Roger)

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