Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

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 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER

LE PHYSIQUE DE RICHARD WAGNER

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Plusieurs personnalités qui rencontrèrent Richard Wagner de son vivant nous rapportèrent une description le plus souvent très précise d’un petit homme survolté au physique assez ingrat en contradiction totale avec sa très vive personnalité. Nous laissons ici la parole aux témoins pour nous donner une image très fidèle du physique du génial compositeur de Bayreuth.

 

« Un esprit d’adolescent dans un corps de vieillard malade »

(témoignage d’Edouard Schuré dans Souvenirs sur Richard Wagner (Edition Perrin et Compagnie, 1900)

MVRW SCHURE Edouard
L’écrivain, philosophe et musicologue français, Philippe Frédéric « Édouard » Schuré (né le 21 janvier 1841 à Strasbourg, et mort le 7 avril 1929 à Paris), auteur de romans, de pièces de théâtre, d’écrits historiques, poétiques, et philosophiques. Photographie anonyme.

Philippe Frédéric « Édouard » Schuré (né le  à Strasbourg, et mort le  à Paris) était un écrivain, philosophe et musicologue français, auteur de romans, de pièces de théâtre, d’écrits historiques, poétiques, et philosophiques. Il fut surtout mondialement connu pour son ouvrage Les Grands Initiés, dont le succès ne s’est jamais démenti et qui est constamment réédité dans de nombreuses langues. Le 10 juin 1865, Edouard Schuré assiste à la première représentation de Tristan et Isolde de Wagner, à l’Opéra de la Cour de Bavière à Munich, et fait la connaissance du compositeur. Ce dernier, âgé de 52 ans, invite le jeune poète. Ils se revoient plusieurs fois par la suite et une correspondance amicale s’établit entre eux. Schuré est profondément marqué par l’œuvre de Wagner.
Dans ses Souvenirs sur Richard Wagner parus en 1900, l’auteur nous livre une description très précise du compositeur. Wagner vient alors d’assister au triomphe de son Tristan et Isolde à l’Opéra de la cour de Bavière à Munich. A 52 ans, il rêve de son propre théâtre qui – initialement – devait alors être construit à Munich. Le portrait que Schuré dresse de Richard Wagner est tout à fait saisissant.

« Grande fut ma surprise et ma joie lorsque, peu de jours après, je reçus une lettre de Wagner, qui me priait de venir le voir. Me trouver en présence du grand compositeur me paraissait chose redoutable, et mon cœur battait un peu quand je franchis les Propylées pour entrer dans la Briennerstrasse. Wagner habitait là une élégante villa à demi cachée dans un bouquet d’arbres et entourée d’un jardin. J’ouvris la grille, je sonnai à la porte, et un domestique mulâtre m’introduisit dans un petit salon aux tentures sombres, aux tapis luxueux, décoré de tableaux et de statuettes à peine visibles dans un demi-jour mystérieux. Au même instant, un rideau se souleva, et le maestro parut. Sa main nerveuse serra la mienne, et je me vis en face de l’auteur de Tristan et Iseult. Il paraissait fatigué et ne souriait que par une légère contracture des lèvres. Sa parole était précipitée, il s’exprimait par petites saccades. Après les compliments d’usage échangés, son premier mot fut celui-ci :
—  » Votre lettre m’a fait un plaisir extraordinaire. Je l’ai montrée au Roi, et je lui ai dit : Vous voyez que tout n’est pas perdu !
— Comment, m’écriai-je, tout serait-il perdu après la merveille de ces représentations ? Vous avez la presse contre vous, mais le public vous suit…
Il m’interrompit vivement :
— Ne croyez pas cela, il n’y comprend rien. Quand un Français s’enthousiasme, à la bonne heure, le voilà parti. Mais les Allemands, ce n’est pas la même chose.
Quand par hasard ils sont émus, ils commencent par se demander si leur émotion est d’accord avec leur philosophie, et ils vont consulter la Logique de Hegel ou la Critique de la raison pure de Kant, à moins qu’ils n’écrivent dix volumes pour prouver qu’ils n’ont pas été émus et qu’ils ne pouvaient pas l’être. Ah ! ce public, cette  presse, cette critique, voyez-vous, tout  cela est du dernier misérable ; cela n’est  rien !
— Alors, vous n’êtes pas satisfait ?
— Satisfait ? (il se dressa comme un ressort, les yeux étincelants), satisfait ! oui,  quand j’aurai mon théâtre, alors peut-être me comprendra-t-on. Pour le moment, je suis excédé, et vous me trouvez dans un formidable énervement. »
Il se jeta sur le divan, la tête en arrière.
Il paraissait vraiment souffrant ; une teinte  jaunâtre, une expression de fatigue étaient  répandues sur ses traits. Mais les lèvres frémissantes et la volubilité fiévreuse de la parole indiquaient cette énergie que rien ne lasse, cette volonté toujours prête à rebondir. La lumière de la fenêtre tombait en plein sur sa tête. Je pus enfin l’examiner en détail.

Wagner avait alors cinquante-deux ans.
Impossible de voir une seule fois cette tête de magicien, évocateur et dompteur d’âmes, sans en garder une impression ineffaçable.
Quelle vie d’âpres luttes et de sensations tumultueuses se lisait sur cette face tourmentée et creusée de traits énergiques, dans cette bouche rentrante aux fines lèvres à la fois sensuelles et sardoniques, dans ce menton pointu, signe d’une volonté indomptable ! Et sur ce masque d’une force démoniaque, ce front surplombant colossal de puissance et d’audace. Oui, ce visage ravagé portait la trace de passions et de souffrances capables d’user bien des vies d’homme. Mais on sentait aussi que l’immense cerveau qui travaillait sous ce front avait dominé cette vile matière de ia vie pour la réduire en substance intellectuelle. Dans cet œil bleu, voilé de langueur ou fulgurant de désir, dans cet œil qui semblait toujours voir un but immuable, une vision constante dominait toutes les autres et lui prêtait comme une éternelle virginité ; — c’était la vision idéale, l’orgueil et le rêve divin du génie !
Observer la tête de Wagner, c’était voir tour à tour et dans un seul visage le front de Faust et le profil de Méphisto. Quelquefois aussi il ressemblait à un Lucifer tombé, méditant sur le ciel et disant : « Il n’existe pas, mais je saurai le créer. » En somme, cet homme imposait moins encore par ses facultés prodigieuses et ses contrastes étonnants que par leur formidable concentration et cette merveilleuse unité de pensée et de volonté toujours dirigées sur un seul point.

Sa manière d’être ne surprenait pas moins que sa physionomie. Elle variait entre une réserve, une froideur absolue et une familiarité, un sans-gêne complet. Pas l’ombre de pose ou de mise en scène solennelle, jamais d’attitude voulue et calculée. Dès qu’il se montrait, il éclatait tout entier, comme un torrent qui rompt sa digue. Alors on restait ébloui devant cette nature exubérante et protéiforme, ardente, personnelle, excessive en tout et, cependant, merveilleusement équilibrée par la prédominance d’un intellect dévorant. La franchise et l’extrême hardiesse dans la manifestation de son être, dont les qualités et les défauts se montraient au grand jour, agissaient sur les uns comme un charme, sur les autres comme un repoussoir.
Sa conversation était un spectacle continu, ne se ressemblaient pas. Il portait en lui ses grands héros. En quelques minutes on pouvait retrouver dans l’expression de son visage la noire tristesse du Hollandais, le désir effréné du Tannhaeuser, la fierté inabordable de Lohengrin, l’ironie glaciale de Hagen et la fureur d’Albéric. Oh ! l’étrange tourbillon que de regarder dans ce cerveau ! (…) Et, dominant tous ces personnages qui se succédaient en lui, il y en avait deux qui se montraient presque toujours simultanément, comme les deux pôles de sa nature : Wotan et Siegfried !

Oui, par le fond de sa pensée, Wagner ressemblait à Wotan, à ce Jupiter germanique, à cet Odin Scandinave qu’il a recréé à sa propre image, dieu bizarre, dieu philosophe et pessimiste, toujours inquiet de la fin du monde, toujours errant et méditant sur l’énigme des choses. Mais par sa nature primesautière, il ressemblait tout autant à Siegfried, le héros naïf et fort, sans peur et sans scrupule, qui se forge lui-même son épée et marche à la conquête de l’univers. Le miracle est qu’il réalisait ces deux types fondus en un seul par la constante union d’une réflexion profonde et d’une spontanéité jaillissante. Chez lui, l’excès de la pensée n’avait pas émoussé le ressort de la vie, et quels que fussent les soubresauts de celle-ci, il ne cessait jamais de philo-sopher. Il joignait un intellect calculateur et métaphysique à la joie et à l’éternelle jeunesse du tempérament créateur.
Sa gaieté débordait dans une écume joyeuse de fantaisies bouffonnes, de plaisanteries extravagantes, mais la moindre contradiction provoquait chez lui des colères inouïes. Alors, c’étaient des bonds de tigre, des rugissements de fauve. Il arpentait la chambre comme un lion en cage,  sa voix devenait rauque et jetait les mots comme des cris, sa parole mordait au hasard. Il semblait alors un élément déchaîné de la nature, quelque chose comme un volcan en éruption. Tout en lui était gigantesque et démesuré. Son infatigable volonté fut d’autant plus forte qu’elle agissait instantanément par l’intermédiaire de sa puissante imagination. Ces deux pouvoirs réunis donnaient à Wagner un magnétisme presque irrésistible. Ce qu’il pensait, ce qu’il voulait se présentait à lui comme une vision intense. Cette vision, vraie, ou fausse, bonne ou mauvaise, qui se créait dans son esprit, il la projetait dans les autres d’un mot, d’un geste ou d’un regard, avec une force égale à sa conviction. De là ce pouvoir de suggestion que subirent tant de personnes, cet empire presque illimité exercé sur tant de cœurs d’avance ensorcelés par sa musique. »

in Edouard Schuré dans Souvenirs sur Richard Wagner (Edition Perrin et Compagnie, 1900)

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