Si Wagner défraya la chronique culturelle et musicale de son temps, s’il fut même un activiste révolutionnaire frappé d’exil et poursuivi par les forces de police même en dehors de son pays, et s’il fut enfin le Maître de Bayreuth célébré comme l’un des artistes majeurs de son époque, l’illustre compositeur n’en demeurait pas moins avant tout un homme fait de chair et de sang, animé de passions, avec un caractère parfois violent, parfois facétieux, et même parfois tendre…

LES LUNETTES DE RICHARD WAGNER

RICHARD WAGNER, AU QUOTIDIEN

Wagner intime, un article de Judith Gautier, «Richard Wagner, un artiste malade»Les lunettes de Richard WagnerWagner à tableWagner et les animauxRichard Wagner et les bêtes; Wagner et les enfants/Wagner et la famille; Wagner et l’argent/Wagner…et la question du « bien être matériel »; Mieux connaître Wagner à partir de sa correspondance avec Franz Liszt

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ANNÉE 1883
Au cours des premiers jours de 1883, Richard Wagner apprend l’invention du phonographe, cette nouvelle l’indigne tant qu’elle l’attriste. 6 février 1883 (Soir de Mardi Gras) Le Carnaval bat son plein et les Wagner sont Place Saint-Marc où ils voient passer le cortège du prince Carnaval.(Lire la suite)

ÉLÉGIE WWV93
Cette œuvre fragmentaire (feuille d’album) en la bémol majeur semble avoir été écrite par Wagner en 1869. Cette page fut longtemps considérée comme une œuvre tardive (cf. les dernières notes qu’il traça à Venise avant sa mort en 1883). Wagner la joua dit-on la veille de sa mort.(Lire la suite)

TRISTAN ET ISOLDE
Septième opéra de Richard Wagner, Tristan et Isolde (WWV 90) est le quatrième de la période dite de maturité du compositeur et le premier créé sous le patronage du roi Louis II de Bavière. Il s’agit également du seul ouvrage résultant d’une commande dans la carrière du compositeur : le 9 mars 1857,(Lire la suite)

par Luc ROGER

L’exposition sur la période munichoise de Richard Wagner qui s’est tenue en mai 2013 à la Bayerische Staatsbibliothek (Bibliothèque d’Etat de Bavière) de Munich présentait une paire de lunettes de lecture ayant appartenu au compositeur. Les lunettes étaient présentées avec leur étui sur lequel est gravé le mot « Lesung » (lecture). Elles provenaient d’une collection privée. Comme ces lunettes étaient alors hors catalogue, on ne sait pas quand Wagner en a fait l’acquisition ni s’il les portait déjà pour la lecture lors des deux années passées à Munich.

C’est anecdotique bien sûr, mais ce type de petit objet qui a dû passer maintes fois dans les mains du compositeur a quelque chose d’émouvant. L’objet m’a interpellé car je ne connaissais pas de photographie, de portrait ni de sculpture du compositeur le représentant avec des lunettes.

Quand Wagner a-t-il commencé à porter des lunettes? Quel était son problème de vue? L’a-t-il jamais évoqué dans un écrit, ou des témoins qui ont côtoyé le compositeur l’ont-ils mentionné? Y a-t-il une photo représentant le compositeur portant ses lunettes?

Les curateurs de l’exposition n’avaient pas de réponse immédiate à ces questions. C’est grâce aux participants d’un forum consacré à la vie de l’opéra que des premiers éléments de réponse ont commencé à apparaître. L’un d’entre eux m’a apporté des références intéressantes en signalant deux ouvrages qui évoquent les problèmes de vision de Richard Wagner.

Première référence, le site internet pathos.compositeurs du Dr Bernard Charton consacré aux pathologies des grands compositeurs. Voici que qu’écrit le docteur à propos des problèmes de vision de Richard Wagner :

Il est une particularité médicale rare qu’il faut relever chez Richard Wagner, c’est son strabisme vertical, appelé Hypertropie : L’axe vertical de l’œil droit est décalé par rapport à celui de l’oeil gauche. Ce qui est parfaitement visible sur les photos, que l’on observera de près. Son fils Siegfried était atteint de la même malformation. Cette particularité gênante s’ajoute à sa myopie, assez importante d’ailleurs. Cette réflexion étant utile pour expliquer les fréquentes migraines et céphalées endurées presque quotidiennement par le maître, d’autant qu’il avait horreur de porter des lunettes. Ceci explique cela. (lien)

J’ai contacté le Dr Charton en lui posant la question de savoir s’il disposait de sources livresques. Le Docteur Charton m’ aussitôt répondu, en m’autorisant à publier sa réponse. Voici son courriel :

Bonjour et merci pour votre missive.
Je n’ai aucune référence à vous fournir au sujet des yeux de Wagner et de sa pathologie, sinon la mienne. À Ma connaissance, aucun biographe n’a fait référence à ce strabisme et cette malformation rare de R.W. Étant médecin, j’ai été frappé par cette malformation, ou de cette pathologie qui explique bien des choses, tant chez lui que chez son fils Siegfried.
Il n’est que de contempler les multiples portraits de R.W. pour s’en rendre compte, encore faut-il savoir observer ! ( Père et fils, donc génétique et transmissible)
Je vous envoie ce petit extrait de mon travail sur Wagner. Vous pouvez disposer de la totalité de ce travail sur Wagner si vous le désirez.
Les biographes en général ne s’intéressent que très peu à la pathologie des compositeurs, et c’est bien dommage, et même une grosse erreur, car la pathologie, le caractère et le psychisme du compositeur influent énormément sur ses compositions.C’est ainsi que j’ai traité 75 compositeurs, un ouvrage terminé mais pas encore publié.
À votre service; Dr. B. Charton
 
Une curiosité :
 
Il est une particularité médicale rare et curieuse que nous nous permettons de relever chez Richard Wagner, c’est son strabisme vertical, appelé aussi Strabisme sursumvergent, ou Hypertropie ou Hétérophorie, ou Déviation verticale dissociée (DVD) : C’est-à-dire que l’axe vertical de l’œil droit est décalé par rapport à celui de l’oeil gauche. Ce qui est parfaitement visible sur certaines photos, et même sur certains portraits exécutés par plusieurs peintres, comme Lenbach, par exemple, que l’on observera de près avec intérêt. L’on remarquera que l’oeil gauche regarde vers le haut, par rapport à l’oeil droit.
Son fils Siegfried était atteint de la même malformation strabique. Cette particularité gênante s’ajoute à la myopie importante de Richard Wagner, ainsi qu’à son astigmatisme. Cette réflexion concernant cette triple malformation oculaire étant extrêmement instructive pour expliquer et comprendre les fréquentes migraines, ou céphalées, endurées quotidiennement par le maître, d’autant plus qu’il avait horreur de porter des lunettes. Ceci explique cela.
(À notre connaissance, nous n’avons pas trouvé la description de cette particularité dans les nombreuses biographies consultées.)

Seconde référence apportée sur le forum : le même participant annonce avoir trouvé deux planches représentant le compositeur représenté avec des lunettes, dans le livre de René Dumesnil « Richard Wagner » – Editions Rieder 1929. Voici ce qu’il écrit :

On y trouve un portrait de Wagner (sans lunettes) par Renoir de 1884 d’après une esquisse de Renoir en 1880, des manuscrits, des photos etc., et des caricatures dont celle de « Wagner Chef d’orchestre » portant des lunettes, dessin de Gustav Gaul et un « Wagner (portant lunettes, il me semble) pendant une répétition au Théâtre wagnérien à Bayreuth » – dessin d’Adolph Menzel de 1875.

Cela ouvrait une nouvelle piste, celle de la caricature. Et de fait, des caricaturistes ont portraituré Wagner portant des lunettes.
C’est le cas de Sir Leslie Matthew Ward (21 Novembre 1851 – 15 Mai 1922), SPY de son nom de crayon, dans Vanity fair en 1877.
spy-leslie-m-ward-richard-wagner-the-german-musician-conducts-n-1880383-0
Grand-Carteret_-_Richard_Wagner_en_caricatures,_Larousse.djvuEn questionnant un moteur de recherche avec pour mots-clés ‘Wagner’ et ‘caricatures’, on trouve rapidement mention de l’ouvrage   ‘Richard Wagner en caricatures’ de John Grand-Carteret, que l’on peut entièrement consulter et lire en ligne (cliquer ici), et qui est une véritable mine d’or.   On y trouve en page 4 la caricature de Gustave Gaul, qui date de 1886.
Plus loin, un ‘portrait-charge’  montre Wagner de profil, avec des lunettes, en robe de chambre , en mouvement, un pied levé. Il provient du Wiener humoristisches Jahrbuch, un almanach de 1864.
Cette caricature est reproduite à la page 73 du livre.
Ce même livre reproduit une caricature très mordante du Moonshine, dans sa galerie des ‘Beautés professionnelles’ , avec Wagner portant là aussi des lunettes.
Le compositeur y porte un cor autour du cou (page 77).
Wagner porte donc des lunettes au moins à partir de 1864, précisément la période que couvre l’exposition de Munich, il a alors 51 ans.

P1160661La caricature ci-contre où on le voit frapper à la porte du de la caisse du cabinet doit dater de sa période munichoise (1864-1865). (Je n’en sais actuellement ni l’auteur ni où elle a été publiée).

Reste la question de savoir pourquoi le compositeur n’est représenté avec des lunettes que dans la caricature, pourquoi n’est-ce généralement pas le cas des peintures, des photographies et des sculptures le représentant.
Une hypothèse: Wagner n’avait pas de contrôle sur les caricaturistes, alors qu’au moment de la photographie il pouvait ôter ses lunettes.
A-t-il exercé son ‘ droit à l’image  ’?  Était-il soucieux de la manière dont on le représentait.
Toute information à ce sujet est la bienvenue.
A suivre donc.
page10-1000px-Grand-Carteret_-_Richard_Wagner_en_caricatures,_Larousse.djvu
LR
Pour lire l’article dans son intégralité et découvrir l’ensemble des iconographies originales sur le blog de l’auteur :
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