Janvier 1861
Les répétitions de Tannhäuser reprennent Wagner note dans Mein Leben que « la presse était entièrement entre les mains de Meyerbeer » et que « la direction redoutait pour Tannhäuser un accueil hostile ».
Le Prince Metternich, puis le Comte Walewsky, nouveau ministre d’Etat, mettent en garde le compositeur contre sa volonté de conserver le ballet au premier acte (bacchanale). Walewsky explique à Wagner « qu’un ballet au premier acte ne comptait pas, parce que « des habitués » (…) avaient pris l’habitude de ne venir au théâtre que vers dix heures après avoir dîné, donc au milieu de la représentation de l’opéra ». (Mein Leben)
Wagner fait la connaissance de Petipa, le maître de ballet qui sera en charge de la chorégraphie de la bacchanale. L’Empereur lui-même fait savoir au compositeur qu’il en va de son intérêt d’inclure le ballet au second acte et non pas au premier, et qu’il ne s’agit là que « d’un conseil amical ». Wagner, par son obstination, se coupe de l’emploi des premières danseuses de l’Opéra.
20 février 1861
Les répétitions sont marquées par de violentes querelles avec Albert Niemann qui demande des coupures dans son rôle qu’il juge écrasant. Il menacera le compositeur de se retirer des représentations si Wagner n’opère pas dans la partition les coupures qu’il demande.
Par ailleurs, plusieurs incidents ont lieu avec le chef d’orchestre, Pierre-Louis Dietsch. Wagner le juge incapable d’avoir pris en considération les tempi qu’il avait recommandés au cours des premières répétitions.
Enfin, quelques jours avant la Première, on s’aperçoit que l’on ne peut pas réunir les douze cors de chasse requis pour le final du premier acte : ils sont introuvables dans tout Paris ! Wagner fait la connaissance d’Adolphe Sax, facteurs d’instruments, qui lui propose d’autres instruments, sous la forme de saxophones et de saxhorns. Sax se verra en outre chargé de diriger la musique derrière la scène (premier acte).
Les amis qui garantissent le soutien de Wagner arrivent à Paris, persuadés de venir pour assister au couronnement du compositeur grâce aux représentations de Tannhäuser sur la scène du Grand Opéra : Otto Wesendonck, Kietz, von Bülow, Chandon qui offre « une caisse de « Fleur du Jardin », son meilleur champagne » (Mein Leben).
13 mars 1861
Première de Tannhäuser sur la scène du Grand Opéra de Paris.
Le succès n’est pas au rendez-vous. Il est reproché à Richard Wagner de ne pas avoir lui-même suffisamment insisté auprès de la direction en ce qui concerne les invitations et le plan de salle afin que les élans d’enthousiasme de la part des fervents défenseurs du compositeur aient pu décider du succès de l’ouvrage.
18 mars 1861
Deuxième représentation de Tannhäuser.
Le début de la représentation est accueilli très favorablement. Puis, au deuxième acte, des coups de sifflet se font entendre. Royer se tourne vers Wagner : « Ce sont les Jockeys, nous sommes perdus ». Les membres du Jockey-Club font un tel four que l’opéra parvient péniblement au bout de la représentation, malgré la présence dans la salle de l’Empereur et de l’Impératrice.
25 mars 1861
Troisième représentation de Tannhäuser. Wagner et Minna n’assistent même pas à la représentation.
La cabale éclate dès le premier acte… le troisième acte se déroule « comme sur un champ de bataille » (Mein Leben)
Le lendemain de la représentation, Richard Wagner rédige une note à l’attention de la direction de l’Opéra, note dans laquelle il retire sa partition et, en sa qualité d’auteur, en interdit toute représentation « pour des raisons de sécurité, surtout concernant les chanteurs » (Mein Leben).
Malgré les quatrième et cinquième représentations d’ores et déjà fixées, l’administration de l’opéra accepte de retirer l’œuvre de l’affiche.
15 avril 1861
Départ pour Karlsruhe dans l’espoir d’y rencontrer le Grand-duc de Bade et de pouvoir « préparer un peu le terrain pour l’avenir » (Mein Leben).
Les préoccupations de Richard Wagner concernent essentiellement les possibilités de faire jouer Tristan et Isolde sur la scène du Théâtre de Karlsruhe.
18 avril 1861
A son arrivée à Karsruhe, Richard Wagner est introduit auprès du Grand-duc de Bade qui se montre très favorable à faire représenter Tristan et Isolde sur la scène de Karlsruhe, mais il manque de chanteurs capables d’affronter les difficultés de la partition.
A l’issue de cette rencontre, Richard Wagner rentre à Paris « pour y mettre (ses) affaires à jour » (Mein Leben).
Mi-mai 1861
Départ définitif de Paris pour Karlsruhe.
Wagner obtient l’autorisation d’aller à Vienne y chercher des chanteurs pour « une représentation exemplaire de Tristan à Karlsruhe » (Mein Leben ).
11 mai 1861
A son arrivée à Vienne, le compositeur assiste aux répétitions de la première de Lohengrin.
15 mai 1861
Première de Lohengrin sur la scène de l’Opéra de Vienne : c’est la première fois que le compositeur assiste à une représentation de son opéra créé en 1850 par Franz Liszt à Weimar.
Richard Wagner ne trouve rien à redire à cette représentation. Mieux encore, les capacités de l’Opéra de Vienne à interpréter Lohengrin finissent de convaincre le compositeur que c’est là qu’il doit y faire créer Tristan et Isolde.
20 mai 1861
Richard Wagner quitte Vienne pour rapporter à Karlsruhe ce qu’il y a entendu et vu concernant la première de Lohengrin.
22 mai 1861
Arrivée de Wagner à Zurich (en route pour Karlsruhe) et où il célèbre son anniversaire.
Il y retrouve Otto Wesendonck, avec ses amis Jacob Sulzer, Gottfried Semper, Georg Herwegh et Gottfried Keller.
23 mai 1861
Voyage de Richard Wagner à Karlsruhe ; le compositeur craint la réaction du Grand-duc de Bade et est finalement étonné de la réaction de ce dernier, raisonnée par le fait qu’il est impossible de recruter des chanteurs de Vienne. Tristan et Isolde sera donc viennois.
26 mai 1861
Retour de Richard Wagner à Paris.
Le compositeur y retrouve Franz Liszt, Charles Baudelaire et Charles Gounod, au cours d’un petit-déjeuner chez ce dernier : « ennuyeux à périr » (Mein Leben)
18 juin 1861
Richard Wagner écrit un Albumblatt en ut majeur, WWV94 dédié à la princesse Pauline von Metternich.
22 juin 1861
Le chien Fips meurt, peut-être empoisonné.
12 juillet 1861
Minna part en cure pour Bade Soden (elle rejoindra ses amis à Dresde par la suite).
Richard Wagner emménage à l’Ambassade de Prusse où il est accueilli grâce à l’entremise du comte de Pourtalès. Le compositeur travaille à la traduction française du Vaisseau fantôme.
Chez le comte de Pourtalès, une réception est donnée au cours de laquelle la princesse de Campo-Reale accompagnée par Camille Saint-Saëns au piano, interprète la « scène finale d’Isolde en allemand avec une étonnante sûreté d’intonation » (Mein Leben)
29 juillet 1861
Afin de remercier ses hôtes de leur accueil, Wagner dédie une Albumblatt en ut majeur, WWV95 dédié à la comtesse de Pourtalès (L’arrivée près des cygnes noirs).
Wagner fait ses adieux à Paris. Lors d’une de ses dernières soirées dans la capitale, il dit adieu à Gustave Doré. Cet ami l’a assuré de tout son soutien et de son amitié lors de son séjour à Paris. Il s’était proposé de représenter en dessin Wagner dirigeant son orchestre ainsi que de mettre en images La Tétralogie (Mein Leben) : malheureusement, aucun de ces projets n’a vu le jour…
Première semaine d’août 1861
Départ de Paris pour Bad Soden où Richard Wagner rejoint Minna.
Le couple se sépare (Minna rentrera à Dresde, mais Richard Wagner est encore interdit de séjour en Saxe), Richard Wagner part pour Vienne, via Francfort. Une fois de plus, il ne pourra rencontrer Schopenhauer qui vient alors de décéder.
13 août 1861
Sur la route, Richard Wagner s’arrête à Weimar où il croise Franz Liszt, puis Munich et Salzbourg.
14 août 1861
Arrivée de Richard Wagner à Vienne. Le compositeur est reçu par les Princes von Metternich et Liechtenstein.
Septembre 1861
A Vienne, Wagner fait la connaissance du couple Comte et Comtesse Nakos, sur recommandation de la princesse von Metternich.
Automne 1861
A Vienne, Richard Wagner fait la connaissance du ténor Anders en vue des représentations de Tristan et Isolde sur la scène de l’Opéra. Entre deux entrevues, le ténor souffre d’une extinction de voix ; dans l’attente que celui-ci recouvre sa voix, Richard Wagner adapte en allemand les modifications apportées à Tannhäuser dans sa dernière version, dite “parisienne”.
« L’affaire Tristan » (Mein Leben) « traîne en longueur » : Richard Wagner a toutes les peines du monde à faire accepter la musique qui est qualifiée d’ ”injouable” et les rôles par les chanteurs qui craignent d’y laisser leurs voix.
Autour du 6 novembre 1861
Invité par Otto et Mathilde Wesendonck, Richard Wagner va en chemin de fer à Trieste puis, en bateau, à Venise. Durant le trajet, Richard Wagner pense de plus en plus à son projet des Maîtres Chanteurs de Nuremberg.
Trouvant le couple en parfaite harmonie, Richard Wagner ne se résout pas à leur demander l’asile : il descendra à l’hôtel Danieli.
11-13 novembre 1861
Trajet de retour en train pour Vienne.
“ Pendant ce trajet morose (en chemin de fer), j’eus la première évocation musicale des Maîtres Chanteurs dont le poème, en sa conception primitive, était encore plus présent à mon esprit. Avec la plus grande précision, je notai immédiatement la partie principale de l’Ouverture en ut majeur ” (Mein Leben).
Dès son retour à Vienne, son ami Peter Cornelius, transporté d’enthousiasme par son projet, lui procure à la Bibliothèque impériale un exemplaire de la Chronique de Nuremberg du vieux Wagenseil (Du ravissant art des Maîtres chanteurs).
C’est dans ce livre que Richard Wagner acquiert la terminologie – les règles de la Tablature – telles que celles-ci seront exposées plus tard par l’apprenti David au jeune Walther von Stolzing au premier acte des Maîtres Chanteurs.
14-16 novembre 1861
Richard Wagner esquisse les grandes lignes du poème en prose des Maîtres Chanteurs ; on y note que le marqueur s’appelle Hanslick, du même nom que le critique musical viennois, par ailleurs particulièrement hostile à la musique et au personnage de Richard Wagner.
18 novembre 1861
Richard Wagner rédige le manuscrit en prose du scénario des Maîtres Chanteurs à destination de l’éditeur Franz Schott.
20 novembre 1861
En envoyant le manuscrit de son projet de poème des Maîtres Chanteurs à Schott, Richard Wagner écrit la note d’accompagnement suivante : “ Vous y verrez de quoi il s’agit et serez certainement d’accord avec moi si j’envisage dans l’exécution de ce travail une de mes œuvres les plus originales, en tous cas une de mes plus populaires. ”
Fin novembre 1861
Richard Wagner demande une avance sur ses futurs droits sur les Maîtres Chanteurs à l’éditeur Schott. Cette avance lui sera refusée. En revanche, l’éditeur propose au compositeur de lui acheter la partition de la réduction pour piano de La Walkyrie, et de lui verser 1.500 florins d’acompte pour ce travail.
Séjournant à Vienne, les Metternich croient pouvoir offrir à Richard Wagner la possibilité d’habiter quelques temps à Paris à l’Ambassade d’Autriche, un palais complètement remis à neuf récemment. Richard Wagner accepte la proposition, bien que l’idée de revenir à Paris ne l’enchante guère.
Avant son départ pour Paris, Richard Wagner fait travailler l’orchestre de l’Opéra des extraits de Tristan et Isolde, avec la cantatrice Louise Dustmann, toujours dans le but de créer l’opéra à Vienne.
Durant l’une des soirées organisées à Vienne par la cantatrice, une tentative de rapprocher le compositeur de son ennemi le critique Eduard Hanslick échoue.
30 novembre 1861
Sur la route pour Paris, Richard Wagner fait une halte à Mayence (Mainz) afin de rencontrer l’éditeur Schott. Le lendemain, 1er décembre 1861, devant les éditeurs Schott ainsi qu’un cercle d’invités, Richard Wagner lit le scénario en prose des Maîtres Chanteurs.
Fin décembre 1861
A son arrivée à Paris, Richard Wagner apprend la désagréable nouvelle que la proposition faite par les Metternich ne peut plus tenir, suite au décès de la mère de la princesse.
Richard Wagner va habiter quelques temps un petit hôtel garni, le “Voltaire”, qui se trouve sur le quai parisien du même nom, face au Louvre et aux Tuileries. Il y commence le manuscrit original du poème des Maîtres Chanteurs.