Parmi les drames lyriques que Richard Wagner nous a laissés en dépôt, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg occupent une place très particulière. C’est la seule véritable “comédie”, si l’on excepte La Défense d’aimer, œuvre de jeunesse que l’on n’a guère l’habitude de représenter. C’est donc la seule œuvre où la mort et la souffrance ne jouent pas vraiment un rôle fondamental. Mais, comédie ne signifie pas simple divertissement, au contraire ! Au fil de cet ouvrage, le spectateur est, comme toujours, incité à une réflexion profonde.
D’abord sur la création artistique, ses règles et ses sources d’inspiration ; mais aussi sur l’amour et les choix qu’il impose, sur la sagesse et l’illusion, toujours des sujets qui nous touchent profondément et font de cette comédie une œuvre digne des plus grands auteurs dramatiques. Mais il existe aussi une dimension, un peu moins immédiate, qui apparaît lorsqu’on s’intéresse aux références religieuses figurant dans le livret. Le sujet semble, de prime abord, un peu mince, mais s’étoffe au fur et à mesure de l’étude. Bien sûr, il ne s’agit pas forcément de citations des textes sacrés de la tradition chrétienne, mais plutôt de l’intervention de divers personnages sacrés dont les vies sont décrites dans ces textes.
Dès le début, une certaine apparence religieuse semble se faire jour, puisque l’action commence dans l’église Sainte-Catherine. Le Choral qui s’enchaîne avec le prélude du premier acte nous parle de Jean Le Baptiste, le Précurseur du Christ. Enfin, les personnages eux-mêmes constituent, par leurs prénoms, de notables références religieuses :
1- David, l’apprenti, et aussi le personnage biblique qui figure sur la bannière des maîtres-chanteurs, et sur un tableau d’Albrecht Dürer, qu’Éva semble d’ailleurs la seule à avoir vu, comme s’empressent de le signaler tous les commentateurs ;
2 – Eva qui nous rappelle bien sûr l’héroïne malheureuse du Jardin d’Eden ;
3 – Magdalene, prénom que l’on peut rapprocher de la Marie-Madeleine des Évangiles ;
4 – Et bien sûr, Hans, le prénom du personnage principal, que David mettra un peu longtemps à rapprocher du Jean Le Baptiste du Jourdain ; on pourrait aussi penser à Jean l’Évangéliste mais celui que l’on fête le 24 juin est bien le premier nommé.
S’agit-il d’un hasard ou peut-on y trouver une idée sous-jacente ? La question se pose avec une certaine pertinence, car il n’est guère d’usage, dans les œuvres de Richard Wagner, de trouver des références bibliques dans les noms des héros. Il est vrai que ceux-ci sont souvent fixes par la matière même du mythe que le poète musicien se plait à ressusciter. En fait, le doute n’est guère permis ici, car des allusions aux épisodes bibliques correspondant à ces personnages sont explicitement faites dans le corps de l’œuvre ; il y a donc bien une volonté de se référer à ces archétypes mythologiques dans l’intrigue et le fil conducteur psychologique de l’ouvrage.
Nous allons commencer par examiner les aspects symboliques que ces différents personnages peuvent évoquer pour essayer ensuite de mieux comprendre comment ces archétypes peuvent s’insérer dans la trame dramatique de l’œuvre, pour nous en faire découvrir une autre profondeur.
Personnages mineurs
Tout d’abord, Marie Madeleine, rappelée par le prénom Magdalena ou Magdalene. Sans vouloir céder à la mode actuelle qui consiste à donner à ce personnage un rôle qu’elle n’avait peut-être pas dans la réalité évangélique, il nous faut reconnaître qu’il s’agit d’un personnage féminin très important : une forte personnalité aussi qui n’hésite pas à bouleverser complètement son existence pour incarner l’appel spirituel qu’elle a perçu dans les paroles du Christ et à venir jusqu’en Gaule pour diffuser le message chrétien. La tradition nous enseigne qu’elle vécut au voisinage de Rocamadour, pour finir son existence à la grotte de la Sainte-Baume. Mais ici, le rapport semble bien éloigné avec le personnage de Magdalene, servante assez terre à terre et surtout absorbée par l’amour presque maternel qu’elle porte à l’apprenti David ; on ne peut donc attribuer la présence de ce prénom qu’au seul hasard.
De même, bien que toute Faction se déroule pendant les fêtes commémorant la Nativité de Jean Le Baptiste, bien que l’œuvre s’ouvre sur un choral en son honneur, on cherche vainement un lien sérieux qui puisse lier ce personnage, dont l’âme est pleine du Feu et de la Lumière de Dieu, à quelque élément important du drame wagnérien. Son destin lumineux mais tragique ne semble guère en rapport avec l’action dramatique en cours ; tout au plus, peut-on noter la présence d’un baptême au troisième acte, mais l’acte qui scelle ce sacrement n’a vraiment pas beaucoup de rapport avec le baptême d’eau et de repentance que pratiquait le Précurseur. Il en est de même pour le choral de début qui parle du baptême et ne nous apporte guère d’éléments qui pourraient nous permettre de relier l’action globale de l’œuvre au personnage de Jean.
Roi et Poète
Pour le roi David, deuxième roi de la nation hébraïque d’après les Ecritures, le lien avec le drame wagnérien est beaucoup plus profond. On pourrait dire que ce personnage eut trois lignes de destin successives.
Il est d’abord berger anonyme dans les prairies proches de Bethléem, – “la maison du pain” étymologiquement, -jusqu’à ce que Samuel vienne le chercher sur l’ordre même de Yhwh (transcription du tétragramme imprononçable dans la religion judaïque), pour l’oindre de l’huile d’une corne, ce qui transfère immédiatement en lui l’Esp1it du Seigneur. Il devient ensuite vaillant guerrier qui combat Goliath et l’abat grâce à sa foi profonde certes, mais aussi grâce à son habileté à la fronde, et non pas par sa force. Il est enfin roi et poète, auteur d’une multitudes de psaumes qui clament son malheur d`être devenu meurtrier pour la beauté de la belle Bethsabée ; mais qui expriment aussi la grandeur de la clémence du Seigneur qui lui pardonna et bénit leur couple de l’enfant merveilleux que fut Salomon.
En somme, un personnage à trois facettes existentielles. Il intervient explicitement dans la première scène du premier acte, là où Eva semble trouver une ressemblance entre le jeune guerrier David et le chevalier Walther qu’elle vient de rencontrer. Lorsqu’elle s’en ouvre à Magdalene, il se produit un court quiproquo qui nous montre combien la pensée de sa servante est occupée par l’image de l’apprenti don le prénom prête à confusion Puis celle-ci pense à l’image du roi poète que les maîtres ont choisi pour figurer sur la bannière de leur corporation En somme, nous retrouvons, dès le départ, deux des trois facettes de David, en relation directe avec le personnage et le destin de Walther von Stolzing : le jeune chevalier arrive en David guerrier, d’une beauté incomparable disent les Ecritures elles-mêmes, et partira en poète couronné par ses pairs.
Il a donc suivi la même transformation que le David historique, pour l’amour d’une femme au prénom très significatif (nous reviendrons sur ceci plus tard). Nul doute que l’intervention du roi David nous permette de comprendre, dès le départ, toute l’évolution que décrit le drame pour le personnage de Walther ; c’est l’aspect glorieux de ce destin qui se manifeste en lui, comme un éternel retour des mythes authentiques grâce à leur résonance avec la nature humaine.
Mais, en y réfléchissant bien, le destin de David, dans son aspect plus tragique, peut aussi s’appliquer à un autre personnage. Rappelons que le roi David vécut une épreuve redoutable en se laissant subjuguer par la beauté de Bethsabée, épouse d’un de ses chefs militaires, Urie. Ayant commis l’adultère avec elle, apprenant qu’un enfant en fut conçu, et devant l’intransigeance de l’époux, David dénoue ce véritable nœud gordien de manière criminelle : il envoie Urie commander une attaque suicidaire et celui-ci est tué au cours de l’assaut ! Il épouse la toute nouvelle veuve, mais l’enfant qui naît meurt très rapidement ; David comprend alors sa faute et exprime toute la douleur que ressent son âme dans une bonne partie de son œuvre poétique. Mais l’histoire finit bien puisque le couple est pardonné et donne naissance à un nouveau fils, le grand roi Salomon.
Regardons maintenant ce qu’Hans Sachs aurait pu faire vis-à-vis de Walther. Si sa sagesse n’avait pas pris le dessus, il aurait pu facilement écarter ce jeune prétendant car qui aurait osé lui refuser la main d’Eva s’il avait concouru pour le trophée ? Sûrement pas Eva elle-même, malgré sa passion subite pour Walther ; elle aurait peut-être accepté pour ne pas peiner cet ami de cœur si cher, à qui elle reconnaît devoir tout l’épanouissement de sa sensibilité artistique. Hans Sachs, véritable roi de la corporation des maîtres chanteurs, aurait donc pu abuser de sa position dominante pour obtenir la main d’Eva, comme le roi David a obtenu, par des moyens peu recommandables, celle de Bethsabée ! Curieusement, c’est l’exemple du roi Marke et de son neveu Tristan qui vient à l’esprit du cordonnier poète pour expliquer à Eva sa décision ; citation particulièrement justifiée puisque le Hans Sachs historique a effectivement écrit une œuvre théâtrale sur ce thème l Et lorsque Richard Wagner cite musicalement son propre drame lyrique, ceci constitue plus un hommage à son prédécesseur qu’une manifestation d’autosatisfaction.
Quoi qu’il en soit, la sagesse du maître chanteur est bien à la hauteur de ses qualités poétiques, et il laissera le destin glorieux de David s’incarner en Walther, sans l’aspect négatif qu’il sut ainsi écarter pour sa propre personne.
La Femme du Jardin d’Eden
Nous rencontrerons maintenant en Eva, alias Ève dans notre langue, un personnage sacré beaucoup plus délicat à approcher. Le terme même de « sacré » semble d’ailleurs curieux à utiliser pour elle Un relent métaphysique négatif découlant sans doute d’un “machisme religieux” très prégnant, nous empêche peut-être d’avoir une vision objective des événements liés a ce personnage.
ll est bien difficile de se faire une idée précise du profil psychologique d’Eve car les récits “officiels” n’en disent pas grand chose. Quant à son destin, on ne semble en retenir qu’un élément, d’importance il est vrai : elle a été séduite – c’est-à-dire détournée de son chemin – par le Serpent, manifestation d’un certain esprit de malice, pour désobéir au seul commandement que Dieu avait jugé bon d`instaurer pour le Jardin d’Eden, et elle a réussi à entraîner son compagnon Adam dans sa désobéissance. Cette dégustation interdite de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal a suffi pour entraîner tout un monde, y compris nous, dans un chemin de traverse vers la félicité promise, long, tortueux et assez désagréable ! Alors, quel rapport avec la jeune fille passionnée et très sensible que nous présente l’œuvre de Wagner ?
Le chant d’apparence comique de Hans Sachs nous éclaire lorsqu’il finit les chaussures du marqueur Beckmesser. Il se lance dans une diatribe assez humoristique qui lie les difficultés de son métier au Péché originel : si Ève n’avait pas péché, elle serait encore au Paradis terrestre et nul besoin de chaussures pour protéger ses pieds, ni ceux d’Adam l
Le propos semble simpliste, mais le parallèle avec la situation de l’instant n’échappe pas à la fille de Pogner : elle entend ce chant et comprend toute la mélancolie qui habite alors le cordonnier poète, qui se sent abandonné par son amie de toujours, celle à qui il a insufflé toute la sensibilité artistique qui donne à la vie son aspect “paradisiaque”. C’est en fait, dissimulée sous le voile de la plaisanterie, chantée sur une mélodie un peu comique et très entraînante, une véritable référence à l’aspect destructeur et négatif du destin d’Eve, mère tragique pour l’humanité qu’elle plongez, en un instant, dans un monde de souffrance et de tourments. Pour lui, il s’agit surtout des difficultés qu’il éprouve à trouver “chaussure à leur pied » à bien des humains, tant par ses chaussures que ses poèmes sans doute ! Mais il avoue aussi que la jeune fille joue pour lui le rôle d’ange.
Elle semble ainsi, par sa seule présence pouvoir lui faire goûter à nouveau aux joies du Paradis, par l’inspiration que lui fournit sa beauté, par le soutien que lui apporte son attention et la compréhension de ses poésies sans doute, et aussi les attentions filiales et affectueuses qu’elle lui porte. Dans le cœur d’Eva, en cet instant, se déploie une douloureuse réflexion, qu’elle se trouve entre la douceur des bras de Walther et la mélancolie fascinante qu’exprime le chant du cordonnier poète. Sera-t-elle cette jeune femme passionnée qui va abandonner son ami dans les tourments d’un amour fou, en suivant l’impulsion irrépressible de sa jeunesse, sans souci des dégâts, renouvelant ainsi le destin tragique de l’antique mère dont elle porte le nom ? Ou restera- t-elle à ses côtés, sacrifiant ainsi son amour de jeunesse à la reconnaissance profonde qu’elle porte à celui qui fut un peu son père sans doute, mais surtout son ami et son initiateur aux délices de la vie artistique ?
L’aveu qu’elle fait au troisième acte à Hans Sachs, manifeste tout le tourment qu’elle porte, encore en cet instant, en son âme ; par sa sincérité, elle permet ainsi à cet ami de la sauver, un peu malgré elle, en rendant toute chose harmonieuse grâce à la sagesse et à la clairvoyance. Car sa décision et l’explication qu’il en fournit sont d’une délicatesse et d’une justesse tout à fait exceptionnelles, largement au-dessus des réactions humaines courantes dans le domaine de l’affectivité ! Par qui, ou par quoi, a donc pu être illuminé et guidé le valeureux cordonnier pour ainsi choisir la “bonne voie », celle qui rassemble et harmonise les énergies opposées dont nous avons pu constater la manifestation depuis le premier acte ? Par sa réflexion matinale, ce magnifique chant tout à fait pessimiste sur la vanité et l’illusion du monde ? Je ne crois pas, car le renoncement et la résignation n’ont qu’un lointain rapport avec la sagesse authentique ! C`est, bien sûr, le rêve de Walther qui lui a permis de franchir le pas au-delà duquel la pensée humaine touche au sublime !
Ce rêve décrit la transfiguration d’une femme, dans la vision éclairée par l’amour d’un poète. Walther nous rapporte d’abord la vision de l’Arbre de Vie, le deuxième arbre sacré du Paradis auquel n’ont pas goûté nos ancêtres, portant des pommes d’or que semble lui promettre une fiancée qu’il tient enlacée par la taille. Et voici que les feux du soleil couchant transfigurent cette femme en un être véritablement céleste : ses yeux deviennent des étoiles qui se multiplient bientôt pour former un ciel resplendissant de vie, un ciel comme celui que contempla peut-être le cordonnier poète, la veille, sous l’emprise du parfum entêtant du sureau. Nul doute que cette vision montre Hans Sachs combien l’amour du chevalier va au-delà de la simple passion, fugace et passagère, que peuvent éprouver deux jeunes gens l’un pour l’autre. L’idée de céder sa place prend alors le dessus, non sans qu’une mélancolie profonde se manifeste dans son âme, ainsi que l’exprime la musique en cet instant.
Cette décision va être encore confortée par la dernière partie du chant qui va être suggérée à Walther en présence d’Eva, pendant que Sachs s’affaire à réparer le problème des chaussures de la fiancée. Ici intervient une nouvelle symbolique puisque une couronne d’étoiles est portée par la Dame qui la remet à son époux. On comprend alors que, pour Walther, Eva constitue vraiment une inspiratrice capable de donner à sa poésie, par cette couronne d’étoiles, une véritable dimension cosmique, bien loin de la lourde poussière du monde matériel. Alors, Sachs peut se décider en toute connaissance de cause : assuré que sa protégée ne court pas le risque d’un désenchantement rapide après quelques semaines de passion, assuré aussi que la vie artistique va harmonieusement se conjuguer à la vie amoureuse au sein du nouveau couple, il peut rendre à Eva sa totale liberté et céder élégamment la place au jeune homme.
La muse de la fin…
Curieusement enfin, dans le chant de concours victorieux de Walther, apparaît une référence à un personnage nouveau relié à des textes fondateurs religieux, mais hors de la tradition chrétienne : les muses, compagnes d’Apollon au sommet du Mont Parnasse. On peut évidemment y voir le désir de Richard Wagner d’associer étroitement les deux formes culturelles qui lui sont les plus chères : la tradition religieuse chrétienne et la tradition esthétique grecque, en un magnifique couronnement par et pour l’amour que le jeune hobereau éprouve pour la jeune fille.
Mais il y a probablement une autre perspective, encore plus dans la lignée de la pensée philosophique wagnérienne. En effet, si l’on regarde plus en détail les éléments des ébauches de poème que le chevalier réalisa dans l’échoppe du cordonnier, on trouve de la des éléments se référant à d’autres personnes qu’Ève.
Nous avons évoqué déjà les pommes d’or et l’on pense immédiatement à la déesse Freia des mythologies nordiques ou aux Amazones de la tradition grecque. Quant à la couronne d’étoiles, on la retrouve dans l’Apocalypse de Jean dans l’image de “la Femme enveloppée de Soleil, une couronne d’étoiles sur la tête et la Lune sous ses pieds”.
Donc, au total, trois archétypes féminins bien différents de la Mère première dont nous sommes partis ; et ces trois archétypes s’app1iquent finalement au personnage d’Eva, vue à travers les yeux de son poète de fiancé. En somme, pour lui, Eva figure à la fois Ève, “la plus belle des femmes », puis une gardienne des pommes d’or de l`Arbre de Vie, puis la Femme enveloppée de Soleil et enfin la Muse inspiratrice du Mont Parnasse. D’autre part, le personnage d’Ève n’intervient qu’au petit matin alors que les trois autres semblent plutôt se manifester soit au crépuscule dans le rougeoiement du soleil couchant, soit la nuit, ce qui semble indispensable pour une couronne d’étoiles. En somme, on pourrait résumer tout ce cheminement autour de l’archétype de l’Éternel Féminin ainsi : la vision première de la femme pécheresse, Ève, se transmue, dans les feux du soleil couchant, en une femme lumineuse, inspiratrice, dispensant les fruits d’or de l’éternelle jeunesse, remettant l’esprit de l’être humain “dans les étoiles », lieux d’inspiration qu’il n’aurait, peut-être, jamais dû quitter pour accéder à l’état de poète authentique !
On voit ainsi que Wagner renoue avec une tradition bien ancrée dans l’inconscient collectif occidental, malgré peut-être certaines apparences : “La femme détient les clés de l’Avenir, car elle détient les clés de la Vie sur tous les plans ». Avec les alchimistes et les poètes courtois médiévaux, en unisson avec Dante et Pétrarque, l’idée force de la Rédemption par l’Amour de la Femme se manifeste donc une fois de plus, et de quelle manière, dans cette œuvre souriante mais sérieuse que constituent Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Les références aux textes sacrés sont finalement devenues, pour notre cheminement, un sûr et merveilleux guide qui nous a fait découvrir toute la profondeur des personnages principaux, bien au-delà des conventions usuelles de la comédie, en résonance profonde avec les plus grands esprits qui se sont exprimés par le Théâtre, pris dans son acception la plus universelle. Une fois de plus, le génie de l’Enchanteur de Bayreuth nous a illuminés un instant ,au plus profond de notre être, pour que nous puissions témoigner des merveilles que notre âme peut contempler lorsque des créateurs artistiques exceptionnels veulent bien partager avec nous leur vision du monde.
Pour conclure, on peut rapprocher la vision de la beauté exprimée dans cette œuvre de celle qu’un fervent wagnérien, Charles Baudelaire, fit dire à la Beauté à propos des poètes :
“Car j’ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! ”
Nul doute que Richard Wagner ait souvent regardé la beauté “droit dans les yeux” pour pouvoir nous en enseigner ainsi tous les arcanes !