LA MAISON WAGNER, UN VOYAGE IMAGINAIRE
« C’est une maison-bateau avec un plancher en pente, des escaliers évoquant les mâts et des courbes dignes de voiles à bonne allure. »
Richard Wagner à Meudon
En 1841, à l’âge de 27 ans, Richard Wagner compose Le Vaisseau fantôme dans une modeste maison de l’avenue du château à Meudon. Il visait alors Paris et la gloire. Aujourd’hui, cette demeure totalement transformée en 1993 par l’architecte Jacques-Émile Lecaron se présente intérieurement comme un vaisseau en partance.
Paris était à l’époque de Wagner le centre artistique et intellectuel du monde. Ce sont les années où règne le romantisme avec Berlioz. Paris fascine… L’Opéra de Paris attire… Mais le jeune musicien, malgré les lettres de recommandation de Meyerbeer, le compositeur vedette de l’époque, ne va pas connaître le succès mais les critiques et le manque d’argent, voire la misère. Débarqué sur le pavé de Paris le 17 septembre 1839, il se souvient des tempêtes qu’il a dû affronter pendant sa périlleuse traversée de la mer Baltique pour rejoindre la France.
Éprouvé, rejeté, il se remémore la légende du « Hollandais volant » contée par Henri Heine. Celle de ce marin maudit pour avoir défié Dieu, condamné à errer sur la mer et ne pouvant être délivré de sa malédiction que par l’amour d’une femme. Cette possibilité de rédemption par l’amour est accordée au marin errant tous les sept ans lorsque son bateau aborde le rivage. Embarqué, il écrit le poème du Vaisseau fantôme, vendu 500 francs au librettiste Scribe. Le compositeur Louis Dietsch en écrit la musique et cette version française sera montée à l’Opéra de Paris en novembre 1842. Un fiasco ! Entre temps, harcelé par ses créanciers, Wagner quitte l’appartement qu’il occupe 25 rue du Helder à Paris.
Avec Minna, sa femme, le 29 avril 1841, il échoue à Meudon dans une modeste maison habitée par un certain monsieur Jadin, un original portant perruque très XVIIIe siècle et collectionnant des instruments de musique fantaisistes. On lui loue le premier étage ; il installe un piano face à l’avenue qui monte au château, et au-delà à la forêt qui fournira au couple affamé des provisions de champignons pour le dîner du soir.
Richard Wagner approfondit totalement son sujet du Vaisseau fantôme qu’il veut se réapproprier et en sept semaines, inspiré par les orages terribles de l’été 1841, il achève la partition.
Seule l’ouverture sera composée en novembre après que le couple Wagner, chassé par le froid, sera revenu à Paris, cette fois-ci 14 rue Jacob, dans un appartement misérable qu’il partage avec son ami l’artiste Kietz. Sur la dernière page de la partition, le compositeur a écrit ces mots : « Meudon, 22 août 1841, dans la misère et les soucis ». Le 7 avril 1842, Richard et Minna quittent la France pour Dresde dont l’Opéra créera Le Vaisseau fantôme le 2 janvier 1843. Sa grande carrière commence.
Une maison insulaire et singulière
En octobre 1937, la Société des Amis de Meudon appose une plaque commémorative sur la petite maison de l’avenue du château qui s’est agrandie d’un étage. Le début d’un travail de mémoire.
En 1985, un couple en quête d’un abri familial découvre cette maison blottie dans la verdure, dans cette avenue bordée de tilleuls vénérables. La femme imagine une vie paisible, toute tracée, sous les tilleuls odorants. L’homme déjà pressent les transformations, les métamorphoses à commencer par une recomposition de la maison. Un projet va prendre forme avec Jacques-Émile Lecaron, architecte bien connu pour son œuvre singulière réalisée principalement dans les Hauts-de-Seine et au Vietnam.
En 1993, Lecaron restaure entièrement la maison, fruit des rêves de l’architecte et de la famille qui s’approprie ce lieu et son histoire ancienne. Une maison-bateau prend forme.
Le 17 septembre 2016, la maison s’ouvre au public lors des Journées européennes du Patrimoine. Le public nombreux est séduit et intrigué par cette maison riche en symboles, par cette évocation artistique et esthétique de l’univers du Vaisseau fantôme porté par une architecture audacieuse.
Audacieuse parce que le choix a été de ne garder que la façade d’origine côté avenue du château et de recomposer toute la maison comme une ode au bateau, au vaisseau, à la voile, à la mémoire du lieu qui a vu naître l’opéra de Wagner.
Lecaron a redonné vie à cette maison en modifiant l’espace, en proposant des itinéraires, des surprises et des prouesses techniques. On y entre comme sur un bateau. On traverse une terrasse de verre qui surplombe la cale. Vertige. À l’intérieur le plancher est en pente. Douceur. Deux grands mâts traversent l’espace du sol au plafond. Verticalité. Un grand séjour cathédrale avec un sol en pont de bateau donne sur un jardin océan végétal à travers une baie en forme de voile, ou « de harpe », celle de Lohengrin, pour citer André Tubeuf, critique musical. Voyage. Il est ponctué par une mezzanine en forme de coque de navire ou de corbeille de théâtre, c’est selon. Traversée.
De grands luminaires-jonques en bambou noir créés par le designer Maurille Larivière sont suspendus à des cordages qui glissent le long de poulies fixées au plafond. Hommage à Fellini. La maison est un emboîtement de cercles : ceux de l’escalier, de l’entrée, des pièces aux différents étages. Le Ring, L’Anneau des Nibelungen !
Une maison, c’est une mémoire. Mémoire d’une légende, mémoire de l’époque romantique, mémoire des rêves que l’on peut y projeter.
La Maison Wagner à Meudon est située au 27 avenue du château à Meudon, anciennement 3 avenue du château.
La demeure se visite sur rendez-vous et lors de conférences contées organisées pour le public scolaire notamment.
Contact : maisonwagner.meudon@gmail.com