par Nicolas CRAPANNE
et Marie-Bernadette FANTIN-EPSTEIN
Sept compositions pour le « Faust » de Goethe,
ensemble de pièces vocales pour soprano, ténor, basse, choeur et piano, WWV 15
(composées en 1832),
Curieusement, Richard Wagner n’a jamais manifesté un grand intérêt pour Goethe et très peu pour son Faust . C’est ainsi que ses Sept Pièces pour Faust, esquissées en 1831 et achevées l’année suivante – au moment où Goethe rendait l’âme à Weimar – ont été probablement inspirées par l’accueil favorable de sa sœur Rosalie dans le rôle de Gretchen du premier Faust auThéâtre de Leipzig. Le second Faust, pas encore publié (Goethe en avait exigé une publication post-mortem), mais dont certaines idées circulaient sous le manteau, avec son paradis dominé par « das Ewig-Weibliche » et Gretchen transfigurés dans l’esprit de « la rédemption par l’amour » qui sauve l’âme de Faust, exprime des notions que Wagner va bientôt reprendre, avec l’image de la femme rédemptrice qui hante ses œuvres ultérieures. L’Ouverture pour Faust de Wagner, composée lors de son pénible séjour à Paris en 1840, doit autant au mal du pays, au dégoût des conventions théâtrales françaises et au désir d’évoquer la culture allemande, qu’à l’œuvre de Goethe en elle-même.
En effet, déjà reconnu comme le plus grand poète d’Allemagne, Goethe ne pouvait que se présenter comme un rival heureux en face du jeune artiste, ambitieux mais cherchant encore sa voie, qui venait tout juste d’avoir 19 ans en 1832. Wagner n’avait pas grand chose à son actif : deux sonates pour piano, une Fantaisie laborieuse pour piano et plusieurs ouvertures maladroites, et il vivait tel un bohème de gauche…, terminant son Rienzi dans une prison pour dettes parisienne.
Les Sept pièces pour Faust de Wagner sont adaptées aux performances scéniques, offrant un chœur de soldats, un aperçu de danses paysannes sagement apprivoisées (Bauer unter der Linde), Le Chant du rat de Brander et Le Chant de la puce de Méphistophélès, tous deux accompagnés de refrains repris par le choeur. La « Sérénade » moqueuse de Méphistophélès (« Was machst du mir/Von Liebchens Tür… »), une Gretchen am Spinnrade assez terne, et un Mélodrame où Gretchen déclame sa prière à la Vierge (« Ach neige, du Schmerzenreiche… »).
La dernière partie, même si elle est la moins réussie, reste néanmoins la plus intéressante. Ce type de « déclamation » était en vogue au cours du XIXe siècle – Liszt en composa pour sa part, cinq – et pas plus tard qu’en 1897, Richard Strauss écrivit un mélodrame autour d’ Enoch Arden de Tennyson. Reflet probable de l’interprétation par Rosalie de la prière de Gretchen, l’hystérie banale du mélodrame de Wagner, la plus longue (moins de trois minutes) de ces très brèves pièces, suit ce thème de la misère de la jeune fille séduite, abandonnée et enceinte, à la mode à l’époque, et tel qu’on le retrouve dans les Scènes d’après Faust de Goethe (1844–1853) de Robert Schumann. L’écriture chorale de Wagner est un pur Liedertafel – plein de bonhomie boiteuse – tandis que ses Brander et Méphistophélès sont des gaillards bravaches et populaires qui font piètre figure, même dans les bas-fonds de la Cave d’Auerbach. Mais si l’on recherche une interprétation piquante et véritablement faustienne de ces scènes, mieux vaut se tourner plutôt vers l’opus 1 du jeune Berlioz, les Huit Scènes de Faust (1828-1829).
NC et MBFE
Titres et distributions des Sept pièces dans leur ordre d’exécution :
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