Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER

TRISTAN ET ISOLDE WWV90 : DE LA LÉGENDE CELTIQUE AU DRAME DE RICHARD WAGNER

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par Jean MATHIEU

L’histoire merveilleuse de Tristan et Yseut se perd dans la nuit des temps médiévaux  mais on est impressionné de constater que l’aventure de ces deux amants arrive soudainement dans la conscience européenne et se manifeste subitement dans une littérature française qui, au Xllème siècle, est à sa naissance, pour se diffuser très vite dans tous les pays d’Europe. Si les origines de ce beau conte d’amour et de mort, pour reprendre la formule de  Joseph Bédier, sont incertaines ou discutées, une chose est sûre: c’est dans le dernier tiers du  Xllème siècle que va commencer la multiplication des textes qui font allusion à l’histoire des  deux amants et en font le sujet principal de leur récit.

 

Chronologie de la légende

En introduction, il est nécessaire de rappeler brièvement la chronologie de la légende dans ses étapes essentielles.

Vers 800, apparaît un récit celtique qui serait à l’origine d’un récit irlandais «Diarrnaid  et Grainne» et d’une version commune de l’histoire de Tristan et Yseut.
Au Xllè siècle, en 1135, un troubadour gascon, Cercamon, fait allusion dans ses  poèmes au thème des amours de Tristan et Yseut.
En 1138, un clerc normand, Geoffroy de Monmouth, traduit du latin L’histoire  des Rois de Bretagne, que l’on a appelée La Matière de Bretagne et qui est un ensemble de  récits autour du roi Arthur, de Tristan et Yseut et plus largement des légendes celtiques.
1170-1173 : Tristan et Yseut de Thomas (parvenu incomplet)
– Vers 1180 : Tristan et Yseut  de Béroul (parvenu incomplet)
– 1170-1190 : Tristant de l’allemand Eilhart d’Oberg, texte qui nous est parvenu  intact, l’un des seuls textes complets du Xllè siècle, proche de la version de Béroul.
Dans les mêmes années, trois courtes nouvelles écrites en ancien français : Le lai du chèvrefeuille de Marie de France, conte des ruses de Tristan pour  communiquer avec Yseut ainsi que Les folies de Tristan d’Oxford et de Berne, d’auteurs anonymes, qui relatent un  retour de Tristan auprès d`Yseut en Cornouailles, déguisé en fou.
– 1200-1210 : Tristan et Isolde de Gottfried de Strasbourg, adaptation en allemand  du récit de Thomas, inachevé, et ses deux continuations par Ulrich de Turheim (1230-  l235) et par Heinrich de Freiburg (1290-1300).  1226 : la saga traduite en vieil islandais, pour le roi de Norvège, par Frère Robert,  adaptation du roman de Thomas, texte précieux car il est complet.  Fin XIIIe, «Sir Tristram››, récit d’un anonyme anglais.
XIVème et XVème : diffusion de divers textes, italiens, islandais, consacrés à la légende  tristanienne.
XVIème : des versions danoises et serbo-croates de «Tristan», «Tristan mit Isolde» de  Hans Sachs: Tragedia mit Personen, von der strengen Lieb Herr Tristant mit der schönen  Königin Isolden.
Les XVIIè et XV1IIè siècles ne s’intéressent plus à la légende. Au cours de cette  période médiévale qui s`échelonne sur quatre siècles, le traitement de la légende tristanienne  va évoluer. Ainsi, les premiers textes, fin Xllè, début XIIIè, dont le succès se marque par leur  multiplication et diffusion rapides, sont des récits presque nus de la passion portée à l’incandescence et aboutissant à la mort.
Ils suscitent des réactions de fascination et en même temps de rejet, car le mythe est  trop fort, trop dur, trop violent. Il transgresse les lois de la chrétienté médiévale, puisqu’il  pose l’amour comme valeur absolue, au-delà des règles et des valeurs morales. C`est pourquoi, très vite, au siècle suivant, on atténue ce mythe, on propose une version courtoise de  l’amour tristanien. On fait de Tristan un chevalier de la Table Ronde. Les versions chevaleresques de Tristan et Yseut vont alors se développer.
Puis, au XIXè siècle, choc étonnant, on  redécouvre le mythe du Xllè siècle. Les Romantiques, qui reviennent au Moyen Age, sont à  la recherche de l’irrationnel et s’intéressent aux versions les plus anciennes de la légende, plus  pures et plus subversives. Ce retour est amorcé en Angleterre par Walter Scott. D’autres  poètes s’emparent de la légende : AW. Schlegel et F. Rückert en Allemagne, d’Annunzio en  Italie. Mais c’est surtout Richard Wagner qui en 1859, avec son drame «Tristan et Isolde››,  refond et magnifie la légende, par l’épuration extrême et les modifications qu’il y apporte.  En 1900, Joseph Bédier a le mérite de nous restituer en français moderne un récit  complet et cohérent de la légende : «Le Roman de Tristan et Yseut››, qu’il a mis au point en  comparant les divers textes médiévaux qui nous sont parvenus.

A cette chronologie, il faudrait ajouter quelques repères historiques et littéraires.

De 1096 à 1270, soit en près de deux siècles, huit croisades ont vu le jour.

1175 : Le Roman de Renart

1176-1181 : Chrétien de Troyes écrit Yvain ou le Chevalier au Lion et Lancelot  ou le Chevalier de la Charette

1182-1183; Perceval ou le Comte du Graal de Chrétien de Troyes

1208: Parzival de Wolfram von Eschenbach

Nous constatons ainsi que le Graal est contemporain de la légende de «Tristan et  Yseut››.

 

Origines de la légende

Certains commentateurs attribuent une origine orientale à la légende qui aurait sa  source dans un poème iranien du Xlè siècle «Wis et Ramïn››. Régis Boyer, pour sa part, pense  que cette histoire aurait été ramenée d’Orient par les Croisés. L’hypothèse la plus communément admise privilégie l’origine celtique. Ainsi, on trouve des éléments très ressemblants  dans la légende irlandaise «Dirmaid et Grainne» dont on retrouve des traces au Xè siècle et  qui raconte comment Grainne, mariée au vieux roi Finn et amoureuse de son jeune neveu  Diarmaid, obtient, grâce à une contrainte magique, que celui-ci s’enfuie avec elle.  Au début du Xllè siècle, la légende devait circuler, oralement ou par écrit, dans une  aire assez vaste, débordant largement les limites du domaine celtique, puisque le troubadour  Gascon Cercamon y fait allusion en 1135. Les auteurs français du Xllè siècle, s’inspirant de  récits oraux ou écrits dont on a perdu la trace et utilisant les différents éléments mis à leur  disposition par une légende vraisemblablement celtique, ont eu le mérite d`avoir donné une  forme cohérente a l’histoire et d’en avoir fait un mythe.

Les premières versions

Des anciennes versions, allant des années 1170 à 1230 environ, qui exercèrent une  véritable fascination lors de leur redécouverte au XIXè siècle, il reste essentiellement des  manuscrits tronqués, incomplets, voire fragmentés, dont les textes nous sont parvenus en  piteux état, à deux exceptions près : ceux de l’allemand Eilart d’Oberg et du scandinave Frère Robert.

Mais en comparant les versions françaises ainsi que les adaptations étrangères, il a été  possible de reconstituer la légende. Ce travail d’industrieuse mosaïque fut notamment l’oeuvre, en 1900, de Joseph Bédier, oeuvre qui connut un grand succès au sein d’un large public.  Les grandes étapes de l’histoire légendaire de Tristan et Yseut peuvent se résumer  ainsi :
1-    Les enfances de Tristan et la rencontre d’Yseut
2-    Les amants ensemble – Les amours clandestines
3-    La séparation – I’exil et le mariage de Tristan – La mort des amants

1- Les enfances de Tristan et la rencontre d’Yseut

Il faut remonter aux parents de Tristan. Tout commence dans le Léonois, en Bretagne. Rivalin, jeune grand seigneur venu se mettre en Cornouailles au service du roi Marc,  rencontre Blanchefleur, sœur du roi, dont il devient brusquement amoureux. L’amour de  Blanchefleur est réciproque. Ils auraient pu se marier mais des épisodes racontent qu’ils ont  eu des rapports avant d’être mariés. Rivalin doit rentrer chez lui parce qu’un seigneur lui  prend ses terres. Blanchefleur, enceinte, le suit. Elle accouche et meurt aussitôt, après avoir  appris la mort de Rivalin, en mettant au monde Tristan. La naissance de ce dernier est  difficile et c’est à cause de cela que les textes français disent qu’il s’appelle «Tristan›› : il est né dans un triste moment, bien que ce nom soit d’origine celtique (Drystan, apparenté au  chêne, drus ou drys en latin, et aux druides).

On confie l’éducation du jeune orphelin au fidèle sénéchal Rual qui lui apprend le métier des armes -et les arts, la musique entre autres. Un jour, Tristan est enlevé par des  marchands-pirates norvégiens qui l’abandonnent après une tempête sur un rivage de Cornouailles près de Tintagel, résidence du roi Marc. Introduit à la cour de son oncle, le roi  Marc, il conquiert l’estime et l’affection de celui-ci qui en fait son favori, l’adoube chevalier  et songe à lui comme héritier car il n’est pas marié. Tristan retourne ensuite dans son pays et  venge son père en tuant l’usurpateur Morgan. Le héros revient alors en Cornouailles accompagné de son fidèle  écuyer, Gouvernal  La Cornouailles est contrainte de verser périodiquement au roi d’Irlande, représenté  par son beau-frère, le Morholt, un tribut en jeunes gens et en jeunes filles, destinés à être des  serviteurs et courtisans auprès du roi. Ce Morholt est très grand  et réputé invincible. Nul ne  veut s’y opposer. Tristan obtient de l’affronter dans une île, et le vainc après un combat difficile. Mais en tuant son ennemi, après lui avoir laissé dans le crâne un fragment de son  épée, le héros est victime d’une blessure empoisonnée. Le Morholt lui a alors révélé que seule  sa sœur, la reine d’Irlande, pouvait guérir ce poison.  Tristan se rend en Irlande, sans se faire reconnaître, déguisé en marchand et sous le  faux nom de «Tantris››. Il est soigné par la reine d’Irlande, Yseut, et par sa fille qui s’appelle  aussi Yseut. Guéri, il devient son professeur de musique.  Au bout d’un an, Tristan retourne en Cornouailles auprès du roi Marc. Jaloux de  l’affection que porte le roi à son neveu, des seigneurs font pression sur lui pour qu’il prenne  une épouse. Marc déclare qu’il ne veut épouser que la jeune fille à qui appartient le cheveu  d’or déposé dans sa chambre par deux hirondelles qui étaient entrées en se querellant par la  fenêtre ouverte (épisode du cheveu d’or raconté par Eilhart d’Oberg). Cette jeune fille, c’est  Yseut, Yseut la blonde, fille d’Yseut, reine d’Irlande.  A nouveau déguisé et sous le faux nom de Tantris, Tristan retourne en Irlande pour  accomplir l’exploit d’amener à Marc la fille de la reine d’Irlande. Pour se qualifier, il accomplit un deuxième exploit en tuant un dragon qui ravageait le pays, mais il est empoisonné par  la langue du dragon qu’il a emportée en guise de preuve de son exploit. La reine et sa fille le  guérissent à nouveau mais la princesse, en voyant l’épée ébréchée, découvre que Tantris est  Tristan, le meurtrier de son oncle, le Morholt. Après de nombreuses hésitations, Yseut renonce cependant à la vengeance et Tristan gagne sa main pour le roi Marc. Il s’embarque  pour la Cornouailles avec la fiancée et sa suivante Brangien.

2 – Les amants ensemble – Les amours clandestines

C’est lors du voyage en mer entre l’Irlande et la Cornouailles que se situe l’épisode  du philtre. Nous sommes au milieu de la journée, la chaleur est accablante. Tristan demande  qu’on apporte une boisson pour Yseut et pour lui. Mais au lieu d’un rafraîchissement, une  servante, en l’occurrence Brangien, leur apporte par méprise le «vin herbé» préparé par la  reine d’Irlande pour sa fille et destiné à unir Marc et Yseut d’un amour indéfectible. Voilà les  deux jeunes gens qui s’aiment et se désirent follement.  Le mariage de Marc et d’Yseut a lieu en Cornouailles. Brangien remplace Yseut, qui  n’est plus vierge, dans le lit de Marc pour la première partie de la nuit de noces.  Le roi, ignorant leurs amours coupables, laisse sa femme et son neveu seuls ensemble. Ils en profitent et entretiennent une liaison clandestine qui ne peut échapper longtemps  à l’observation des seigneurs jaloux. Ces derniers essaient de rendre le roi méfiant mais les amants, se sentant épiés, déjouent les ruses de leurs ennemis.  Tristan et Yseut se sont donné rendez-vous dans le jardin. Ils sont dénoncés par le  nain Frolin qui engage le roi à grimper et à se cacher dans un pin (épisode du rendez-vous  épié du début du roman de Béroul) afin d’écouter les jeunes gens. Mais Tristan et Yseut  s’aperçoivent de la présence de Marc. Le piège se retourne alors contre le roi. Grâce à un  discours habile et recourant même au mensonge, ils vont pouvoir convaincre Marc de leur  innocence. Mais le nain Frolin parvient à les faire tomber dans le piège en semant de la farine  entre le lit d’Yseut et celui de Tristan (épisode de la fleur de farine, Béroul, Gottfried). Bien  qu’éventée par Tristan, la ruse réussit à moitié et ils sont pris en flagrant délit. Marc constate  alors l’adultère et finit par faire condamner Tristan au bûcher, Yseut à être livrée aux lépreux.  Avant de rejoindre le bûcher, Tristan, emmené par les gardiens, va se recueillir dans une  chapelle. Il réussit à échapper aux gardiens, s’élance au dehors en sautant par une fenêtre  (épisode du saut de la chapelle) et s’enfuit. Il enlève Yseut aux lépreux avec l’aide de Gouvemal  et tous trois se réfugient dans la forêt de Morrois. Commence alors pour eux une vie âpre et  dure que seul l’amour permet de supporter selon la version de Béroul. Pour d’autres auteurs,  Thomas, Gottfried, frère Robert, ils vivent dans une grotte qui se révèle être un véritable  paradis. C’est dans cette retraite que le roi découvre les amants endormis, dans une position  décente, l’épée de Tristan entre eux, épée séparatrice qui convainc le roi de leur innocence.  Marc substitue son épée à celle de Tristan, échange son anneau avec celui d’Yseut, renouvelant par ces deux gestes les pactes de fidélité qui lient à  lui chacun des jeunes gens et il place   son gant de façon à empêcher les rayons du soleil de frapper le visage d`Yseut, puis il s’éclipse.  Il semble que ce dernier geste traduise un sentiment de pitié et de tendresse. Ainsi s’est  manifestée la clémence de Marc.  L’épisode de la découverte des amants endormis coïncide chez Béroul au moment  où le philtre perd son effet; Béroul écrit: «Seigneur, vous avez entendu parler du vin dont ils  burent et par lequel ils furent plongés si longtemps dans une si grande peine; mais je pense  que vous ne savez pas pour quelle durée fut déterminée l’action du «lovendrine››, du vin  herbé: la mère d’Yseut, qui le fit bouillir, l’avait composé pour trois ans d’amour›› On peut  se demander alors si Tristan et Yseut vont cesser de s’aimer. Il n’en est rien. Ils vont continuer  de s’aimer mais d’une autre façon. Le philtre qui les plaçait sous la contrainte l’un de l’autre  ayant fini son oeuvre, ils vont être libérés et obligés de trouver une définition de leurs rapports plus humaine, plus courtoise.  Tristan manifeste son désir de repentir. Aidés par l`ermite Ogrin qui joue le rôle de  confesseur et de médiateur, ils demandent à revenir à la cour du roi. Marc accepte et offre  son pardon. Tristan, à la demande des seigneurs jaloux, aurait dû quitter la Cornouailles,  mais il se cache dans une forêt voisine. Yseut, elle, doit faire face à l’offensive des félons qui  lui reprochent de n’avoir jamais vraiment prouvé son innocence. Elle décide alors de prêter  serment devant Dieu et jure, en présence du roi Arthur et de ses prestigieux chevaliers de la  Table Ronde, qu’elle n’a tenu aucun autre homme entre ses jambes que son mari et un  lépreux (en l’occurrence Tristan) qui lui a servi de bête de somme pour traverser un marais.  Par la suite, Tristan et Yseut qui ne peuvent renoncer l’un `a l’autre, se revoient en cachette  mais ils sont surpris par le roi qui les découvre endormis dans un verger, sans épée entre eux  cette fois. Tristan est banni. Les amants échangent serments et gages éternels d`amour.

3 – La séparation et la mort des amants.

Ils sont désormais séparés et s’aimeront de loin. Tristan imagine des ruses multiples  pour revenir voir furtivement Yseut, sous de fausses identités, déguisé en fou, en marchand,  en pèlerin, en lépreux ou en musicien. Il erre de pays en pays, réalisant des exploits. Après  des années, il arrive en Bretagne où, par jalousie ou par dépit, il courtise la soeur de son  confident et ami Kaherdin, Yseut aux blanches mains, homonyme de la première et qui lui  ressemble par sa beauté. Elle l’aime et il la désire, mais le souvenir de l’autre Yseut l’empêche  de consommer le mariage. Pour se consoler, Tristan a fait placer des statues de sa bien-aimée  dans une salle secrète et s’entretient avec l’image de celle qu’il n’a pas cessé d’aimer.  Un jour, voulant aider un certain chevalier nommé Tristan le Nain, seigneur de  Bretagne, à retrouver sa femme enlevée par un géant, Tristan, dans un combat inégal, reçoit  une blessure empoisonnée. Désespéré de son sort, il envoie son ami Kaherdin chercher Yseut  qui seule pourrait le guérir. Si la nef la ramène, que le messager hisse une voile blanche, sinon  une voile noire. Mais l’épouse de Tristan, Yseut aux blanches mains, qui a compris la signification de ses couleurs, ment par jalousie et annonce au moribond une voile noire. Celui-ci  meurt aussitôt. Yseut, retardée par une tempête, débarque trop tard et vient mourir de douleur sur le corps de son bien-aimé. Marc apprend leur fin tragique et le secret du breuvage.  Il pardonne et les fait enterrer côte à côte.  Eilhart d’Oberg termine le roman en rapportant la fable du rosier et du cep de  vigne: «Marc fit planter un rosier à l`endroit où se trouvait la femme et un cep de vigne là où  était Tristan. Les deux plantes s’entrelacèrent si étroitement qu’il aurait été impossible de les  séparer… c’était là encore un effet de la force du philtre››.  Telle est, ainsi résumée, l’histoire de Tristan et Yseut

 

Comparaison des principales versions

Béroul et Thomas

Les deux récits les plus anciens qui nous sont parvenus dérivent de deux textes  connus, mais fragmentaires, écrits par Béroul et Thomas en ancien français, en vers de huit  syllabes, dans le dernier tiers du Xllè siècle. Le texte de Béroul longtemps considéré comme  le plus ancien, semble postérieur à celui de Thomas.  Du roman de Béroul, dont un seul manuscrit est conservé, ne subsistent que 4500  vers environs. Ces fragments ne relatent que les événements ayant trait aux étapes «les amants  ensemble» et «les amants séparés» et sont structurés ainsi: les amants à la cour de Marc, les  amants dans la forêt de Morrois, la fin  d’action du philtre, la séparation des amants et le  retour d`Yseut `a la cour du roi. Les fragments concernant les enfances de Tristan et la mort  des amants sont perdus. Trois personnages principaux: Tristan, Yseut et Marc. On peut rapprocher de la version de Béroul un «Tristant››, écrit par l’Allemand Eilhart d’Oberg entre  1170 et 1190, qui a le mérite d’être une version complète de l’histoire de Tristan et Yseut.  Dans son texte, Béroul a gardé une certaine familiarité, parfois comique, souvent naïve, que  l`on trouve dans les contes.

Du roman de Thomas, dont cinq manuscrits sont conservés, il ne reste que 3500  vers environ sur les dix à douze mille que devait certainement compter ce poème. Thomas  était probablement un clerc vivant en Angleterre, à la cour d’Henri II Plantagenêt. Du texte  de Thomas, il ne subsiste pas l’enfance de Tristan, ni les premiers événements de Cornouailles.  Le roman commence à la scène où Tristan et Yseut sont surpris par ruse dans le jardin. Il se  poursuit avec le mariage de Tristan qui épouse Yseut aux Blanches Mains, la blessure empoisonnée de Tristan et la mort des amants. Quatre personnages principaux: Tristan, Yseut (la  Blonde), Marc, Yseut aux Blanches Mains.  La version de Thomas, plus lyrique, plus courtoise, plus raffinée que celle de Béroul, donne la priorité à  l’analyse des sentiments des quatre personnages principaux dont il  dépeint les passions et les souffrances plutôt qu’au récit des événements. Ainsi de longs  20     monologues traduisent le déchirement intérieur des personnages: monologue d’Yseut qui,  au cours de son voyage en mer et dans la tourmente de la tempête, se désole de mourir loin  de Tristan; long monologue de Tristan blessé qui envoie son ami Kahetdin auprès d`Yseut  pour qu’elle vienne le guérir; monologue de Tristan qui, avant son mariage, exprime ses  pensées contradictoires.  Béroul et Thomas donnent une orientation différente à leur récit. Ainsi, chez Béroul, il apparaît une forte volonté de vivre des amants qui, toujours en lutte, sont résolus à se  défendre coûte que coûte afin de protéger leur vie et leur amour; alors que chez Thomas,  tout semble converger vers la mort qui semble être l’unique possibilité de réalisation de leur  amour. Dans son monologue du voyage en mer, Yseut dit : «Que Dieu nous accorde de nous  retrouver, mon ami, afin que je puisse vous guérir ou bien que nous mourions tous deux  d’une même angoisse››. Cet aspect de la légende tristanienne retenu par Thomas constitue  bien l’essence du mythe. Son roman jouissait, dès la fin du Xllè siècle et dans la première  partie du Xlllè, d’une célébrité indéniable, tant en France qu’en Europe comme en témoignent les nombreuses traductions et adaptations auxquelles il a donné lieu et dont les deux  essentielles sont:
– celle de Gottfried de Strasbourg, écrite en haut allemand dans le premier tiers du  Xlllè siècle
– celle de Frère Robert, la saga en islandais ancien, du début du Xlllè siècle qui a  l’avantage d`offrir un récit complet.

Gottfried de Strasbourg

Nous savons que le récit de Gottfried de Strasbourg est la source principale dont  Wagner s`est servie.  Poète épique de langue allemande de la fin du Xllè siècle et du début du Xlllè,  Gottfried était sans doute un clerc. Sa vie nous est pratiquement inconnue. Son «Tristan und  Isolde» inachevé, compte un peu moins de vingt mille vers. Il débute par l’histoire de Rivalin  et Blanchefleur, parents de Tristan et s’arrête au moment où Tristan se décide à épouser  Isolde aux Blanches Mains.  Un grand nombre d’épisodes, narrés par Gottfried, ont été rapportés, avec quelques  variantes néanmoins, dans l’histoire de Tristan et Yseut esquissée dans le précédent résumé.  Gottfried, qui adapte le roman de Thomas, reconnaît lui-même que ce dernier a  donné la seule version authentique de l’histoire de Tristan.  Tout en se référant sans réserve à l’idéal courtois et en prônant inlassablement les  vertus chevaleresques, il montre aussi comment l’amour de Tristan et Isolde bouleverse totalement ce système de valeurs et s`avère plus fort que les lois et conventions humaines, et plus  fort même que la loi divine. La grotte d`amour où les amants trouvent refuge n`est-elle pas  un véritable temple consacré au culte de l`amour? Gottfried raconte qu’après avoir été  bannis de la cour de Marc sous la pression des barons jaloux, «ils se réfugient dans une grotte  merveilleuse, tout enchâssée de pierres précieuses, avec au milieu un lit de cristal. Dans ce  sanctuaire de l’amour, ils vivent heureux pendant longtemps…››  I’oeuvre de Gottfried sera poursuivie au Xlllè siècle par deux continuateurs allemands: Ulrich de Türheim et Heinrich de Freiburg qui s’inspirèrent tous deux du Tristant  d`Eilhart d’Oberg. Tous deux, à la fin de leur poème, condamnent l`amour illégitime de  Tristan et Isolde qui leur apparaît infamant et blâmable face à la morale chrétienne.

 

Le rôle du philtre

On ne peut rappeler l’histoire de Tristan et Yseut sans évoquer la magie du philtre  qui reste pour toujours rattaché à la légende.  Dans toutes les versions, c`est le philtre qui, grâce à son pouvoir magique, fait naître  la passion entre les deux amants. Ceux-ci sont à égalité et on ne peut dire que l’un a séduit  l’autre. Les raisons d’aimer ne résident pas dans l’apparence ou la valeur de l`un et de l’autre,  la seule source est le philtre. Dans Béroul, Yseut dit à l’ermite Ogrin : «Mon Père, au nom de  Dieu tout-puissant, il m’aime et moi je ne l`aime qu`a cause d`une boisson empoisonnée  dont j’ai bu, ainsi que lui. Telle fut notre faute…››  Dans le roman de Thomas, le philtre peut être aussi une force de mort. Dans son  dernier monologue, Yseut dit avant de mourir: «Puisque je n`ai pu arriver à temps, que je n’ai  pas su ce qui vous était arrivé et que je suis venue pour vous trouver mort, je trouverai le  réconfort dans le même breuvage… pour vous, je veux mourir de même››. Dans la fin de son  poème, Thomas fait bien ressortir le lien amour-mort en multipliant les figures de style telles  que «vous ne pouvez mourir sans moi, et je ne puis mourir sans vous››, «je meurs pour vous».

Cette histoire d’amour impossible, qui ne peut se réaliser que dans la mort, est bien  l`essence du mythe, mythe de caractère transgressif puisque cet amour érigé en valeur suprême, bouleverse l`ordre moral et social. Au XIXè siècle, les romantiques, qui sont à la  recherche de l’irrationnel et de l’inexplicable, redécouvrent la légende médiévale des amants  de Cornouailles telle qu`elle a été racontée dans les premières versions, mais c’est surtout  Richard Wagner qui remodèle la légende en composant son drame «Tristan et Isolde››.

 

La genèse du Tristan de Wagner et ses sources

C’est en octobre 1854 que Wagner, alors exilé à Zurich, conçut l’idée d’un drame  musical sur la légende médiévale. Il écrit dans «Mein Leben «La disposition d’esprit sérieuse où m’avait amené la lecture de Schopenhauer fut cause sans doute que je cherchai  pour mes sentiments une expression toute extatique et c’est ainsi que je conçus mon poème  de Tristan und Isolde.  ]e connaissais à fond ce sujet depuis mes études à Dresde, mais Karl  Ritter y avait rappelé mon attention en me communiquant le plan d’un drame qu’il venait  de faire là-dessus… Rentrant un jour d`une promenade, je dessinai les trois actes dans lesquels je comptai resserrer l’action de ce sujet». Le 16 décembre 1854, il écrit à Liszt: «Mais  comme dans mon existence je n’ai jamais goûté le vrai bonheur que donne l’amour, je veux  élever à ce rêve, le plus beau de tous les rêves, un monument dans lequel cet amour se  satisfera largement d’un bout à l’autre.  J’ai ébauché dans ma tête un Tristan et Isolde; c’est la  conception musicale la plus simple, mais la plus forte et la plus vivante; quand j’aurai terminé cette oeuvre, je me couvrirai de la voile noire qui flotte à la fin pour… mourir››.  En résumé, la connaissance acquise de bonne heure des divers poèmes médiévaux,  des «Hymnes à la nuit» de Novalis qui lient nuit, amour et mort, et surtout la passion  couvant sous la cendre pour Mathilde Wesendonck, furent des facteurs aussi décisifs pour la  conception du drame, dont les travaux de composition vont de 1854 à 1859, les années  1857 et 58 étant celles où la passion de Richard et Mathilde était à son paroxysme. Sans  doute s’est-il emparé de la légende médiévale pour y incarner le rêve d`un amour dont l’existence lui refusait l’accomplissement, rêve qu’il a cristallisé dans une musique qui porte la  passion à son plus haut degré d’incandescence.  A Dresde, dès 1843, Wagner s’était constitué une bibliothèque et, selon le biographe Martin Gregor-Dellin, il connaissait déjà, en 1848, toutes les versions importantes de  Tristan. Pratiquement, l`oeuvre de toute sa vie était déjà esquissée à cette date-là. Le même  biographe indique les ouvrages que Wagner avait acquis sur la légende de Tristan :
– La traduction par Hermann Kurz en allemand moderne de «Tristan und Isolt»  de Gottfried von Strasbourg, parue en 1844 ainsi que la traduction des deux continuateurs  de Gottfried, Ulrich von Türheim et Heinrich von Freiburg.
– Le poème en vieil anglais « Sir Tristram »
– Le poème de Tristan et Yseut en ancien français
– Un volume des « Minnesänger » édité par von Hagen dans lequel un article sur  Gottfried von Strasbourg fait un résumé de toutes les versions européennes et extra-européennes de Tristan  Le biographe ajoute que l’usure de ces livres révèle une utilisation intense.  La version utilisée par Wagner comme base de son drame est celle de Gottfried de  Strasbourg, elle-même étroitement tributaire du texte de Thomas. Mais Wagner, par rapport  aux récits médiévaux, pittoresques mais néanmoins complexes et touffus, procède a un élagage radical, simplifiant à l’extrême afin de resserrer l’action sur le drame qui se déroule dans  l`âme des protagonistes. Il modifie et innove.

 

Les aménagements apportés aux légendes médiévales

En fait, pour nous, le mythe de Tristan se réduit aux trois actes du drame de Wagner.  Acte I : le voyage en mer de Tristan et Isolde vers la Cornouailles. Le philtre et l’aveu. Acte Il :  la nuit d’amour. Acte III : la mort des amants. Deux lieux : la mer, présente aux premier et  troisième actes, un jardin planté d’arbres au deuxième acte.  Les personnages  Wagner limite considérablement leur nombre. Nous ne retrouvons ni Isolde aux  Blanches Mains, ni les trois barons félons. Ces derniers sont fondus dans un personnage  unique, Mélot qui inflige la blessure à Tristan.  Il introduit les personnages secondaires du jeune matelot, du berger et du pilote. Il  fait de Morold le fiancé d’Isolde afin de rendre la haine d’Isolde encore plus brûlante.

L’action

Wagner supprime de nombreux épisodes du récit de Gottfried : les enfances de Tristan, le combat de Tristan contre le dragon. Le drame s’ouvre sur l’épisode du philtre. L’auditeur  ne connaîtra les antécédents des protagonistes que par le récit qu’ils en font eux-mêmes  et dont Wagner ne pouvait se passer pour la compréhension de l’oeuvre. Grâce aux interventions de Kurvenal, de Brangaine et au récit d’Isolde, nous connaissons l’origine de la haine  amoureuse d’Isolde.  Au deuxième acte, Wagner supprime les épisodes anecdotiques pour ne garder que  l’essentiel : la nuit d’amour.  Au troisième acte, dans lequel Wagner s’inspire des continuateurs de Gottfried ainsi  que de Thomas, c’est la longue attente de Tristan, la mort, le pardon du roi Marke.

Les sentiments

– La haine amoureuse d’Isolde : fidèle à ses sources, c’est une Isolde pleine de  haine que Wagner embarque avec Tristan vers la Cornouailles. Mais, chez le compositeur, il  s’agit d`une haine amoureuse car depuis leur rencontre lors des soins prodigués à Tristan,  Isolde l’aime comme elle l’explique à Brangaine dans son récit du premier acte.

– L’honneur
Ce thème domine dans le premier acte. Il faut préciser à ce sujet que  dans les années 1857-1858, époque où Wagner travaillait  à Tristan, il lisait le théâtre du  dramaturge espagnol Calderon qui, en plein siècle d’or, avait mis en scène les grands thèmes  sentimentaux : honneur, fidélité  au roi, esprit chevaleresque, sentiments qui sont placés plus  haut que l’amour. Il est certain que ce poète castillan a exercé une influence sur Wagner,  influence dont le compositeur témoigne lui-même dans «Mein Leben» et dans une lettre  qu’il écrit à Liszt en janvier 1858. Dans «Ma Vie››, il affirme que l’auteur espagnol lui a laissé  une empreinte profonde et durable.  Ainsi, jusqu’à l’absorption du philtre, c`est l’obéissance et l’honneur qui priment  tout. C’est le philtre qui anéantira les barrières sociales et morales et fera triompher l’amour.

Le Philtre

Chez Béroul et Thomas, la passion qui naît entre Tristan et Isolde doit tout à la  magie du philtre qui est bu par inadvertance. Chez Gottfried, il semble néanmoins que  l’amour commence à poindre avant l’absorption. Ainsi lorsque les deux Isolde, mère et fille, prodiguent leurs soins à Tristan, la fille ne cesse de contempler Tristan avec un intérêt inhabituel, «jetant des regards furtifs sur ses mains et son visage››. Lorsqu’Isolde a reconnu en  Tristan le meurtrier de Morold et qu’elle veut le tuer, Gottfried raconte : «Et dès que la colère  poussait lsolde à frapper son ennemi, la tendre douceur féminine intervenait et disait doucement: mon, ne le fais pas!››. La belle jetait l’épée de Tristan mais aussitôt elle la reprenait. Elle  ne savait pas pour quoi elle devait se décider – pour la colère ou pour la bonté… I’indécision  la fit ainsi tourner en rond tant qu’enfin la tendre douceur féminine l’emporta sur la colère,  si bien que son ennemi mortel resta en vie et que Morolt ne fut pas vengé. lsolde  jeta l’épée  et dit en pleurant: «Malheur à moi, d’avoir connu ce jour››. Le philtre chez Gottfried revêt  une signification symbolique.  Dans le drame de Wagner, le philtre perd son pouvoir magique et prend une fonction dramaturgique nouvelle. Au moment où Tristan et lsolde boivent le breuvage de  Brangaine ils savent qu’ils absorbent un liquide aux propriétés mortifères. Ils en sont conscients l’un et l’autre. Et c’est à cet instant qu`ils échangent l’aveu de leur amour. Le philtre va  les conduire inéluctablement vers la nuit et la mort où leur amour pourra se réaliser pleinement. C’est une modification capitale apportée par Wagner à la légende.

Le thème de la nuit

Le philtre patronne l’opposition jour-nuit, vie-mort. En effet, au deuxième acte, le  thème de la mort par amour se développe en thème de la nuit par opposition au jour et a ses  vanités, le jour dont le royaume brillant est trompeur et hostile. Tristan dit que c`est en tant  que prisonnier du jour qu’il est allé chercher Isolde pour le roi afin de garder saufs son  honneur et sa gloire. Le dialogue se poursuit rappelant les embûches et les mensonges du  jour, puis les amants invoquent ensemble la nuit et se réfugient dans son royaume, désirant  la nuit éternelle. Wagner développe ensuite l’idée de l’union éternelle dans la mort par la  dissolution de chacun d’eux, la disparition de la personnalité de Tristan et de celle d’Isolde,  du «toi» et du «moi››. A la fin de leur duo d’amour, l’extase des deux êtres culmine dans leur  dissolution. Wagner est bien loin de Gottfried.

La mort des amants

Dans la légende, la mort n’est pas vraiment recherchée par Tristan et lseut, même si,  chez Thomas, elle n’est vécue que comme l’ultime alternative à leur impossible réunion dans  la vie. C’est ce qui ressort du monologue d’Iseut: «Que Dieu nous accorde de nous retrouver, mon ami, afin que je puisse vous guérir, ou bien que nous mourions tous deux d’une  même souffrance » et Tristan mourant dit: «Que Dieu nous sauve, Yseut et moi. Puisque  vous ne voulez venir auprès de moi, il me faut donc mourir pour vous…››  Chez Wagner, les amants désirent la mort considérée comme le prélude à leur véritable union. Quoi qu’il arrive, l’amour de Tristan et lsolde tend vers la mort qui, sur un plan  musical, est présente du début à la fin de l’oeuvre.

Le roi Marke

Le roi, obstacle indispensable au désir des amants, détenteur du pouvoir politique et  de l’autorité morale, tiraillé entre ses affections pour Tristan et Yseut et son devoir de souverain, est dépeint, dans les romans médiévaux, comme un personnage dont le trait dominant  est l’inconstance, cherchant tantôt à punir, tantôt à protéger. Cruel et vindicatif chez Béroul,  il fait enchaîner Tristan, condamne Iseut au bûcher, puis la livre aux lépreux.  Chez Thomas et Gottfried, il apparaît comme un roi magnanime et compatissant,  en proie au doute et constamment soucieux mais toujours enclin a avoir foi dans la loyauté  des amants. Chez les continuateurs de Gottfried, il pardonne et avoue qu`il aurait donné  Isolde comme épouse à Tristan s’il avait su l’existence du philtre.  Chez Wagner, devant la trahison de Tristan, la réaction de Marke est la stupeur, le  chagrin mais en aucun cas la jalousie, la colère. Marke, qui, pour Tristan était l’image même  de l’honneur et de la loyauté, ne sait pas punir et ne peux qu’exhaler sa douleur. A la fin de  l’oeuvre, il pardonne et bénit les cadavres. Il est donc plus un ami blessé qu’un roi offensé dans sa dignité. En mettant l’accent sur la dimension purement humaine du roi, Wagner se  libère des romans médiévaux. Selon l’expression d’Henri Lichtenberger, Marke apparaît  «comme une âme généreuse brisée par le malheur et anoblie par la souffrance».

 

Conclusion

L’écrivain suisse Denis de Rougemont, dans son essai de 1939 intitulé L’amour et  l’Occident, explique le succès de l’histoire des amants de Cornouailles : «L’amour heureux  n’a pas d’histoire, il n’est de roman que de l’amour mortel, c’est-à-dire l’amour menacé et  condamné par la vie même. Ce qui exalte le lyrisme occidental ce n’est pas le plaisir des sens,  ni la paix féconde du couple. C’est moins l’amour que la passion d`amour. Et passion signifie  souffrance. Voilà le fait fondamental››.  Après avoir connu un immense succès durant tout le Moyen Age, la légende  tristanienne, reprise au XIXe siècle, va être l’objet d’une version toute nouvelle avec le drame  de Richard Wagner qui, en quelque sorte, réinvente le mythe.  En ne gardant des textes médiévaux que les éléments essentiels motivant le drame et  retenant comme centre de son oeuvre l’idée de l’unité réalisée par l’amour entre les deux  amants, Wagner va encore plus loin en portant cette idée jusqu’à la réunion désirée dans la  mort, ce qui a valu ce commentaire du célèbre critique littéraire Ferdinand Brunetière : «Tristan, qui n’a été jusqu’en 1859 qu’une légende comme les autres, est devenu depuis lors  l’aventure d`amour incomparable et unique››.  Mais le génie de Wagner est loin de se limiter au domaine poétique. C’est en cristallisant le paroxysme des passions dans une musique dont il a seul le secret qu’il a réussi  merveilleusement à donner toute sa modernité au mythe et à le fixer dans nos mémoires.

in WAGNERIANA ACTA  2001 @ CRW Lyon

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Quand et où Richard Wagner est-il mort ?

Réponse : Wagner est mort le 13 février 1883 au Pallazzo Vendramin-Calergi à Venise. Il fut victime d'une crise cardiaque alors qu'il travaillait sur l'article Du féminin dans l’être humain. Cinq jours plus tard, le 18 février 1883, il fut enterré dans le jardin de la Villa Wahnfried, à Bayreuth.

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