Le théâtre communal de Bologne (en italien, Teatro Comunale di Bologna) est un opéra construit en 1763 par Antonio Galli da Bibbiena, sur le lieu même où était l’ancienne Domus Aurea des Bentivoglio, détruite en 1507.
Le théâtre Malvezzi construit en 1651 fut détruit en 1745 par un incendie et la ville décida de reconstruire un Teatro Pubblico, premier nom du théâtre communal. Ce fut la première fois qu’un théâtre destiné à l’opéra fut financé par des fonds publics et confié à la municipalité. Il a été inauguré le 14 mai 1763 avec la première représentation de Il trionfo di Clelia de Christoph Willibald Gluck. Il faut rappeler que Mozart avait étudié à l’Académie de musique de Bologne, célèbre institution à l’époque. La façade ne fut complétée seulement en 1933 par Umberto Rizzi. Plus tard c’est le temps du Bel canto avec la création d’œuvres de Rossini qui vécut longtemps dans cette ville, Bellini et Donizetti. Le théâtre est remaniée plusieurs fois, en 1818 et 1820, jusqu’à sa forme actuelle en 1853.Ce furent toutefois les œuvres de Giuseppe Verdi et ensuite la première italienne de Lohengrin qui firent la renommée de cette scène. Verdi a travaillé dans les villes voisines de Busseto et Sant’Agata. En 1867, la première représentation italienne de Don Carlo s’est déroulé sur la scène de la Bibiena quelques mois après la « première » parisienne. Mais la ville et le théâtre étaient également ouverts à l’arrivée de productions et d’artistes non italiens. Comme il fut le premier théâtre à mettre en scène Lohengrin, Tannhäuser, Der fliegende Holländer, Tristan und Isolde et Parsifal, le Teatro Comunale acquit pour Bologne la réputation d’une ville « wagnérienne ».
Bologne ou la revanche de la mal-aimée
Dans les années qui ont suivi l’unification de l’Italie, Bologne a subi une profonde transformation, due à la nouvelle situation politique et sociale provoquée par la fin de l’État pontifical, auquel la ville était liée depuis environ trois siècles.
Jusque-là, le Teatro Comunale de Bologne n’avait accueilli aucune «première» des principales œuvres opératiques, les titres les plus significatifs du répertoire avaient été crées surtout à Milan, Rome, Naples et Venise. Ainsi Bologne, bien qu’étant l’une des grandes capitales de la musique italienne, n’en reste pas moins marginale dans l’histoire de l’opéra. La bourgeoisie bolognaise naissante vivait cette situation avec un certain malaise, aussi parce qu’aucun compositeur italien ne semblait comparable à la figure de Verdi, qui privilégiait la Scala de Milan. Les œuvres jouées à Bologne avaient pour la plupart qu’un faible un écho local, et le théâtre historique et magnifique de la ville émilienne ne pouvait se vanter d’une création. La première occasion d’un réveil artistique survient avec l’arrivée à Bologne du célèbre chef d’orchestre Angelo Mariani (1821-1873), notamment avec la création italienne du Don Carlo de Verdi qui, après son échec à Paris, obtint à Bologne en 1867, sous la direction d’Angelo Mariani, sa consécration définitive. Mariani peut être défini comme le premier chef d’orchestre d’opéra italien entendu au sens moderne : jusqu’alors la responsabilité d’une mise en scène était partagée entre deux personnes, le chef d’orchestre (généralement le premier violon), et le maître de concert, qui assemblait les parties vocales avec l’orchestre. A la suite du Don Carlo, de nombreux journaux avaient rapporté que le succès obtenu par cet ouvrage était plutôt dû à Mariani, qui lui avait insufflé un nouvel élan. S’ensuivra une certaine rivalité entre Mariani et Verdi.
La création à Bologne d’une œuvre de Wagner est principalement due à l’intérêt du maire de Bologne Camillo Casarini (1830-1874), qui devint l’interprète d’un sentiment populaire de renouveau très répandu à Bologne; que Mariani ait ensuite dirigé cet opéra était un choix évident, étant donné qu’il opérait à Bologne depuis 1860 avec un grand succès. Casarini trouva un fervent allié dans une grande partie de la presse bolognaise, dominée à l’époque par Enrico Panzacchi (1840-1904), wagnérien enthousiaste et partisan d’un renouveau du théâtre bolognais, et par Gustavo Sangiorgi, conseiller municipal et directeur de l’influent magazine musical L’Arpa.
Le premier Lohengrin italien
Des documents de l’époque rapportent que 1 500 personnes ont assisté à cet événement, sur une population totale qui était alors de 70 000 habitants. Depuis lors, la Comunale est devenue célèbre pour le haut niveau de qualité de ses spectacles et pour la renommée des artistes qui viennent du monde entier.
La société bolognaise connaît Wagner depuis un certain temps : dans les récitals du Liceo Musicale et du Teatro Comunale, l’Ouverture de Tannhäuser a été jouée en 1869, mais il reçut un accueil « modéré ».
À la mi-août 1871, le programme de la saison d’automne du théâtre de Bologne n’était pas encore décidé, même si depuis quelques années on parlait déjà de la possibilité de représenter le Lohengrin de Wagner. Cela peut surprendre, étant donné qu’aujourd’hui les saisons d’opéra sont programmées des années à l’avance. Cependant, l’intention de réussir dans cette entreprise a été fortement soutenue par le maire Casarini, qui s’était rendu personnellement à Munich pour assister à une représentation de Lohengrin. Le 23 octobre, Wagner écrivit personnellement à Mariani depuis Triebschen, lui donnant quelques conseils sur la mise en scène de Lohengrin. Mariani a répondu dans les jours suivants, écrivant entre autres à Wagner « qu’aucune de vos indications ne sera ignorée le moins du monde ». Le maire Casarini, après avoir réuni d’urgence le conseil municipal, a décidé d’inviter le Maestro à Bologne pour la première représentation de son œuvre. Wagner a télégraphié qu’il ne pouvait pas accepter l’invitation. Il ne viendra à Bologne que 5 ans plus tard, en 1876, à l’occasion de Rienzi.
Cela nous amène au 1er novembre 1871, date de la première représentation de Lohengrin, qui remporte un grand succès. De nombreuses critiques des journaux décrivent la soirée, assez pour remplir un livre entier. Par exemple, Panzacchi ou Gino Monaldi, qui écrivait entre autres : « Avec cette interprétation, Mariani a hissé l’orchestre italien au niveau des orchestres européens les plus célèbres ». Dans une lettre écrite à propos de cette soirée par le peintre allemand Gustal Gaul à son ami Nilius de Vienne, on peut lire une phrase devenue célèbre : « Il a fallu des années aux Allemands pour découvrir la beauté de Lohengrin. Les bolognais l’ont découvert dès le premier soir ». La Gazzetta dell’Emilia a rapporté: « Dans les stalles, chaque interstice le plus petit était occupé, et non seulement à la porte mais aussi dans le hall d’entrée où se trouvaient des spectateurs, y compris de nombreux étrangers ».
Sous la direction du maestro Angelo Mariani l’un des meilleurs chefs d’orchestre d’Italie, se retrouvent les chanteurs suivants : le ténor Italo Campanini (Lohengrin), Bianca Blum, Elisa Stefanini Donzelli, Pietro Silenzi. Le Teatro Comunale est bondé et accueille les plus beaux noms de l’aristocratie bolognaise.
Les « bizarreries de la musique du futur » trouvent cependant une opposition parmi les membres influents de la société Felsinea, qui considèrent Wagner « aussi incompréhensible qu’un hiéroglyphe égyptien », chez les libéraux modérés et surtout chez les cléricaux, qui attaquent le « franc-maçon » dans des articles très durs envers Wagner. Le baron Mistrali parle d’un « avortement monstrueux de l’ingéniosité humaine » et définit Lohengrin comme un défi « au bon sens et à l’art ». Le critique d' »Ancora » s’en prend surtout au deuxième acte, qui contient un duo si long « qu’il fait perdre patience à Job avec une musique à envoyer au diable ».
Le journal « l’Arpa » écrivait le lendemain que les spectateurs « n’avaient pas l’apparence de personnes rassemblées pour se divertir, mais au contraire tous semblaient être des jurés qui devaient rendre un verdict dans une affaire capitale ». Le succès est pourtant remarquable dès le départ: les artistes et le metteur en scène sont à plusieurs reprises rappelés sur scène.
Pour le rédacteur de « l’Arpa« , Sangiorgi, Wagner « n’est ni un démon ni un ange : ce n’est pas un génie, mais il est tel qu’on peut le qualifier de maître de sa propre science, et avec des combinaisons harmoniques, il a trouvé la magie d’une sonorité absolue ».
Mariani écrivit une lettre à Wagner le 2 novembre 1871, lui communiquant le succès de l’œuvre, et le compositeur lui envoya pour le remercier une reproduction de son propre portrait par le peintre Jäger, avec la dédicace écrite de sa propre main « Evviva Mariani ! !! Richard Wagner- Lucerna 12 Nov 1871 », aujourd’hui conservé à Gênes. Les choeurs de la Comunale reçurent de Wagner l’image d’une statue de Lohengrin avec la dédicace manuscrite : « A mes très excellents choristes de Bologne -Lucerne, 10 novembre 1871 ».
Dans ces mêmes jours, le 7 novembre 1871, Wagner écrivit une lettre de Lucerne à Arrigo Boito, dans laquelle il affirmait que « peut-être qu’une nouvelle union du génie des peuples est nécessaire et dans ce cas, nous, Allemands, ne pourrions sourire à un plus beau choix d’amour que celui qui associerait le génie de l’Italie au génie de l’Allemagne ». Wagner suscitait un large débat, et la première de Lohengrin a été largement couverte dans les journaux de l’époque, comme cela ne s’était jamais produit auparavant pour un autre opéra. Tous les aspects de la musique wagnérienne et de sa poétique ont été analysés, la controverse sur la musique italienne et la musique allemande, sur la musique d’avant-garde et traditionaliste a été lancée, et en bref le nom de la ville de Bologne était inextricablement lié à la première représentation italienne des œuvres de Wagner. A Milan, en revanche, l’aversion pour Wagner se manifeste ouvertement, confirmée plus tard par le fiasco de Lohengrin à La Scala le 20 mars 1873.
Lors de l’une des quatorze représentations, Giuseppe Verdi sera également présent, accompagné d’Arrigo Boito. On dit même qu’auparavant, Verdi se serait discrètement faufilé dans une loge pendant les répétitions pour se faire une idée de la musique de son turbulent concurrent. Il détenait la partition qu’il annota. La partition se trouve aujourd’hui dans la Villa di Sant’Agata ; au total Verdi a noté 114 observations, 78 négatives et 25 positives. Dans l’ensemble, Verdi a eu une impression médiocre, comme en témoigne quelques unes de se lettres.
Le 31 mai 1872, le conseil municipal décerne à Wagner le titre de citoyen d’honneur. Le Teatro Comunale deviendra le temple du culte wagnérien en Italie : les premières italiennes de Tannhäuser (1872), Il vascello fantasmo (1877), Tristan et Isolde (1888) et Parsifal (1914) se tiendront également à Bologne.
Un parfum porte même le nom de Lohengrin – un « extrait odorant » (sic), qu’une publicité définit comme indispensable à « toute personne qui aspire à l’élégance » – et aussi un beignet d’après une recette gardée secrète par la chef pâtissière Geremia Viscardi.
Tannhäuser en 1872
Wagner et Mariani s’écrivent dans les mois qui suivent le succès de Lohengrin. Le compositeur espérait voir Mariani à Bayreuth le 22 mai 1872, lorsque de nombreux artistes s’y réunirent pour la pose de la première pierre du grand théâtre. Wagner écrivit alors à Mariani, espérant le rencontrer un jour. Mariani répondit le 24 juin 1872 en écrivant entre autres : « Je serai probablement appelé à diriger l’exécution d’un de vos chefs-d’œuvre à l’automne et si je ne suis pas à la hauteur de vos créations poétiques, je sens pourtant que mon âme les comprend ».
C’est l’année de la création de Tannhäuser qui se déroule à Bologne le 7 novembre, obtenant un résultat plus mitigé que Lohengrin. Panzacchi écrit : « Le Tannhäuser, dans sa première représentation après le succès du premier acte, se poursuivit et se termina au milieu d’une huée diabolique et de cris hostiles. Les soirs suivants, les huées se sont transformées en applaudissements de plus en plus nombreux et les cris hostiles en une attention profonde d’un public nombreux et satisfait ».
La Gazzetta Musicale di Milan se réjouit du fiasco de la première de Tannhäuser rapportant : « Le sublime Mariani a su sauver sa baguette au milieu des cris ! » : c’était l’avis des tenants de l’opéra italien contre l’opéra allemand. Il est certain que le fiasco de la première avait été préparé par les adversaires de Wagner, alors que dans les représentations ultérieures, Tannhäuser confirma de plus en plus son succès ; les acclamations du style « Viva Rossini ! Mort à Wagner ! » se trouvèrent contredits par des « Retourne à l’école ! À la porte! ».
Dans le sillage du débat initié par les opéras de Wagner, se produit le succès retentissant obtenu en 1873 par l’opéra I Goti ( Les Goths) de Stefano Gobatti ; le public bolognais croit voir dans le jeune maître du Polesine l’étoile montante capable de marcher dans les pas de Wagner et de s’opposer à l’hégémonie de Verdi en Italie. L’œuvre de Gobatti a des mérites considérables, mais le succès exceptionnel (51 rappels sur scène !) finit par nuire au jeune compositeur, qui se retrouve mêlé à des querelles instrumentales qui l’impliquent malgré lui. Un autre grand succès est obtenu avec Mefistofele de Boito en 1875, qu’il faut également lire comme une affirmation du parti progressiste pro-wagnérien à Bologne, contre les tenants de l’opéra italien de Verdi.
Wagner à Bologne
En septembre 1876, après l’effervescence du premier Festival à Bayreuth, Wagner décide de prendre quelques semaines de repos en Italie grâce aux 5000 dollars qu’il avait reçu pour la composition de sa Marche célébrant le centenaire de l’indépendance des Etats-unis. Son périple lui fera visiter en trois mois Vérone, Venise, Bologne, Naples, Pompéi, Sorrente et Capri, puis Rome et de nouveau Bologne, avant de terminer par Florence et Pise.
Il séjourne donc une première fois à Bologne (26 au 29 septembre 1876) mais Wagner aurait souhaité rester incognito car il y revient en fin de séjour pour la mise en scène de Rienzi. Le Maire de la ville, Tacconi, écrit à Wagner : « Bologne, qui a reçu une telle annonce avec la plus grande approbation, sera très honorée d’avoir pour hôte l’illustre auteur des deux grands ouvrages, Lohengrin et Tannhäuser, qu’elle a la fierté d’avoir fait représenter le premier en Italie. »
Les journalistes attendent la famille Wagner sur le quai de la gare et suivent tous ses faits et gestes. Ce qui les amuse le plus, c’est que Wagner loge dans la chambre n°31 où Verdi aurait terminé l’orchestration de la Traviata. S’ensuivent visite de la ville et visite officielle auprès du maire. De nombreux articles relatent ce premier séjour.
En décembre, lors de la représentation de Rienzi, Wagner est à nouveau fêté avec banquet, réception et tous les honneurs qu’on lui doit. Le Teatro Communale accueille un public de choix où se concurrencent les toilettes les plus raffinées. Wagner souhaita que la salle ne reste pas illuminée durant la représentation afin d’obtenir un meilleur effet scénique (comme à Bayreuth). Son arrivée avec le maire de la ville provoque un tonnerre d’applaudissement. L’œuvre connait un grand succès et le compositeur se dit satisfait de la production du Teatro Communale. Cosima note dans son Journal : « Le soir, Rienzi, très solennel, gai et enthousiaste, bien meilleure représentation qu’à Vienne. »
Le Vaisseau Fantôme en 1877
La première représentation en Italie de Il Vascello Fantasma a lieu le 14 novembre 1877, de sorte que Wagner le 28 octobre de la même année puisse écrire de Bayreuth à son éditeur italien Lucca: « Les affaires de Bologne me rendent très heureux. C’est là, à Bologne seulement, que j’ai pu mettre un peu les pieds en Italie. A Bologne, j’ai trouvé de vrais amis, d’excellentes personnes et tout un ensemble de choses qui auraient bien pu me décider à établir mon domicile parmi des amis aussi excellents et sérieux, si favorables à l’idée qui me guide dans l’art, s’il n’était déjà trop tard pour moi. Je porte un grand intérêt à l’exécution du Vaisseau Fantôme, et rien ne me serait plus agréable que de pouvoir assister aux représentations de cette œuvre, mais avec le temps qui passe il m’est impossible d’y assister.»
La réception par le public du Vaisseau Fantôme était similaire à celle du Tannhäuser. La première représentation a été huée ; selon Panzacchi cela était dû à « un public non préparé, une médiocre performance des chanteurs, la machinerie ridicule à la fin du troisième acte ». Mais dès la deuxième représentation « les choses se sont immédiatement améliorées. La musique, réécoutée avec l’attention soutenue et honnête, a révélé aux auditeurs des beautés qu’on ne soupçonnait même pas à la première exécution, en bénéficiant effectivement d’une interprétation bien améliorée. Et voilà le public changer d’avis et applaudir avec la même sincérité avec laquelle il s’était tu ou hué la veille ». Dans l’ensemble, l’opéra fut un succès et cela confirma que l’orchestre dirigé par Marino Mancinelli était l’un des meilleurs d’Europe. L’interprétation de Maria Durand (Senta) et de Gustavo Moriani (Le Hollandais) a également été saluée par la critique et le public.
La postérité wagnérienne à Bologne
Dans les années 1880, le contraste entre partisans et adversaires de la musique de Wagner semble s’estomper, et les grands mérites des compositeurs allemands sont unanimement reconnus au fil du temps. Restent la grande difficulté de mettre en scène ces œuvres et la nécessité d’un chef d’orchestre qui puisse se montrer à la hauteur d’une tâche aussi exigeante. Avec l’arrivée du grand chef d’orchestre Luigi Mancinelli à Bologne, la possibilité s’est présentée de reprendre un Lohengrin qui pourrait dignement soutenir la comparaison avec celui de 1871.
Les premières relations entre Luigi Mancinelli et Richard Wagner remontent à 1880, lorsque le jeune chef d’orchestre avait écrit au Maestro pour lui demander quelques éclaircissements sur les exécutions de la Chevauchée des Walkyries et de la Mort d’Isolde, qu’il devait diriger à Milan. Wagner a répondu par une lettre datée du 3 décembre 1880, contenant de nombreuses remarques musicales. Dans une autre lettre datée du 10 décembre 1882, Wagner écrivit à Luigi Mancinelli pour demander la possibilité de la part de l’Orchestre du Teatro Comunale pour une représentation à Venise de sa propre Symphonie en ut. Ce projet n’a pas pu avoir lieu.
Lohengrin est joué au Teatro Comunale de Bologne durant 3 saisons : le 12 novembre 1882 mis en scène par Luigi Mancinelli (12 représentations), avec Ottavio Nouvelli dans le rôle-titre, Nadina Bulicioff (Elsa) et Angelo Tamburlini (Enrico) ; le 25 octobre 1887 (15 représentations) avec Vittorio Podesti à la baguette, Franco Cardinali dans le rôle-titre et Valentina Mendioroz (Elsa). Enfin le 16 novembre 1889 (12 représentations) mis en scène par Gialdino Gialdini et avec le couple Alfonso Garulli (Lohengrin) et Ernestina Bendazzi Garulli (Elsa).
La mort de Wagner, survenue à Venise le 13 février 1883, eut un large écho dans les journaux bolognais. À l’occasion du trentième anniversaire de sa mort, la municipalité de Bologne a voulu commémorer l’illustre citoyen par un concert dans la salle du Liceo Musicale, dirigé par Luigi Mancinelli. A cette époque, Angelo Neumann forme une compagnie de théâtre Richard Wagner, avec laquelle il met en scène la Tétralogie en 1882 et 1883, lors de nombreuses tournées à travers le monde, sous la direction d’Anton Seidl. La première italienne de la Tétralogie eut lieu à Venise du 14 au 18 avril 1883. La compagnie se produisit ensuite à Bologne du 20 au 25 avril avec un grand succès. Un concert wagnérien dirigé par Mancinelli devait avoir lieu le 23 avril, mais il n’a pas été possible de le réaliser, en raison de malentendus avec certains membres de la compagnie allemande de Neumann. Luigi Mancinelli dirigera plus tard une nouvelle production de Tannhäuser le 1er novembre 1884 (9 représentations), avec Leopoldo Signoretti dans le rôle-titre et Ginevra Giovannoni Zacchi dans le rôle d’Elisabeth.
Le nom de Giuseppe Martucci est plutôt lié à la création italienne de Tristan et Isolde, donnée le 2 juin 1888 (7 représentations), à l’occasion de l’Exposition universelle d’Émilie, avec Ottavio Nouvelli et Aurelia Cattaneo dans les rôles des protagonistes. L’œuvre suscita une grande impression dans tout le milieu musical et a été un triomphe personnel pour Giuseppe Martucci, récemment nommé directeur du Liceo Musicale, en tant que successeur de Luigi Mancinelli.
Après l’énième Lohengrin le 25 novembre 1902 (5 représentations), dirigé par Alessandro Pomè, eut lieu le 29 octobre 1904 la première bolognaise des Maîtres-chanteurs de Nuremberg (18 représentations), l’un des rares opéras wagnériens dont Bologne ne peut pas se vanter d’avoir assuré la création en Italie (la première italienne a eu lieu à Milan en 1889, sous la direction de Franco Faccio). A la baguette se trouvait Arturo Toscanini, qui dirigea également l’Orchestre du Teatro Comunale dans le Siegfried du 9 octobre 1905 (9 représentations), avec le célèbre ténor Giuseppe Borgatti dans le rôle-titre.
En 1906, à l’occasion du 35e anniversaire de la création de Lohengrin à Bologne, L’Or du Rhin est mis en scène, dirigé par Rodolfo Ferrari et avec la basse Adamo Didur dans le rôle de Wotan, le ténor Giuseppe Borgatti dans le rôle de Loge et le baryton Giuseppe De Luke dans le rôle d’Alberich. La scène finale de La Walkyrie a également été jouée et le professeur Domenico Oliva a prononcé un discours commémoratif. A cette occasion, une plaque à la mémoire de Wagner est placée dans le foyer de l’Hôtel de Ville.
En 1913, anniversaire de la naissance de Giuseppe Verdi et de Richard Wagner, il y eut d’âpres polémiques dans les journaux et dans l’opinion publique bolognaise, sur le fait qu’une œuvre mineure comme Les Lombards du compositeur italien avait été programmée au Teatro Comunale, tandis que deux œuvres importantes de Wagner étaient prévues, Lohengrin et Parsifal. De plus, après avoir été exposée depuis 1906 dans le foyer de la mairie, la plaque à la mémoire de Wagner a été retirée par le sculpteur Silverio Montaguti jusqu’à ce que la municipalité de Bologne soit obligée de lui commander une plaque similaire dédiée à Verdi. Les deux plaques ainsi coulées en bronze furent placées dans le foyer de l’Hôtel de Ville en décembre 1913. Les wagnériens, non satisfaits de cette solution, adressent à la Municipalité une demande d’une nouvelle inscription, à placer cette fois sous le portique du Teatro Comunale. La proposition a déclenché une âpre controverse et un comité contre le placement de cette plaque a été formé, impliquant le directeur du Liceo Musicale Ferruccio Busoni, accusé de germanisme. Tout cela s’éternisa, puis la guerre a pris le dessus ; en 1920, le projet fut abandonné.
Ainsi le Lohengrin à Bologne, en 40 ans environ fut joué de 1871 à 1913 en 11 productions, dont 6 à la Comunale (1871, 1882, 1887, 1889, 1902, 1913), 3 à Brunetti puis Duse (1884-1891 – 1900), 2 au Teatro del Corso (1907-1911) Il faut souligner que les représentations de Lohengrin ont toujours lieu en novembre, mois au cours duquel a eu lieu la première de 1871.
Le Teatro Communale de nos jours
Au-delà de l’univers wagnérien, cet opéra sera toujours le décor de manifestations et de contestations, entrecoupées de reconstructions et de réhabilitations. Pour ne citer que quelques exemples, en 1931, Toscanini est giflé par des partisans fascistes parce qu’il ne veut pas diriger la Marcia Reale et Giovinezza (hymnes douteux).
En 1935, le théâtre brûle mais sera épargné durant les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale. Des grands chefs d’orchestre vont se succéder à la tête de l’orchestre. Sergiu Celibidache dirigea en 1956 l’ouverture des Maîtres-chanteurs. Francesco Molinari Pradelli dirigea un concert symphonique le 11 avril 1957 uniquement consacré à Wagner.
En 1977, alors que des manifestations extrêmement violentes opposent sur la place Verdi des étudiants aux forces de police (la mort de Francesco Lorusso, le militant italien d’extrême-gauche en sera le point culminant), Riccardo Muti donne par deux fois le Requiem de Verdi. Sur la place, le public bourgeois se mêle aux manifestants dans un tableau sociologique inouï.
En 1981, le théâtre fait l’objet d’une nouvelle remise à neuf et actuellement le bâtiment est à nouveau en réfection (jusqu’en 2026).
Entre 1987 et 1992, Riccardo Chailly, chef principal, monte la Tétralogie avec Robert Hale, Siegfried Jerusalem, Christa Ludwig, Jeannine Altmeyer, Kurt Rydl, Hildegard Behrens, Matti Salminen entre autres.
C’est au tour de Christian Thielmann en 1996 de diriger Tristan und Isolde avec Heikki Siukola, Gabriele Schnaut, Matthias Hölle, Bernd Weikl. En 1998, c’est Giuseppe Sinopoli qui se lance dans une grande soirée Richard Wagner-Richard Strauss, puis entre 1998 et 2000 Daniele Gatti, alors directeur musical, programme des extraits des œuvres de Wagner. Il fera jouer également un Vaisseau Fantôme, puis un Lohengrin en 2002 (Stefan Vinke, Emily Magee, Linda Watson, avec une seconde distribution d’une immense qualité avec Doris Soffel, Martina Serafin ou Christopher Ventris). Il est impossible de citer tous les concerts de Daniele Gatti qui inscrit presque systématiquement du Wagner dans les programmes.
L’œuvre de Richard Wagner est toujours interprétée sur cette scène même si la programmation reste essentiellement italienne et bien plus traditionnelle, on notera malgré tout un Tristan und Isolde en 2020 avec une distribution remarquable (Stefan Vinke, Catherine Foster, Ekaterina Gubanova), et un Lohengrin en 2022 (Vincent Wolfsteiner, Martina Welschenbach, Ricarda Merbeth). Il faut se rappeler que la directrice musicale actuellement est Oksana Lyniv, qui fut la première femme à diriger à Bayreuth et qui est une des premières femmes à être responsable d’une institution musicale en Italie : Bologne apprécie toujours la modernité.
CPL.
Sources :
https://www.tcbo.it/il-teatro/storia-del-teatro/
https://www.forumopera.com/bologne-260-ans-dopera-au-teatro-comunale/
https://www.bibliotecasalaborsa.it/bolognaonline/cronologia-di-bologna/1871/prima_del_lohengrin_di_wagner
http://www.luigiverdi.it/wagner_e_wagnerismo.htm#_ftnref16
Luigi Verdi, Wagner a Bologna , in Nuova Rivista Musicale Italiana 3/2004