RICHARD WAGNER A LA VILLA LES ARTICHAUTS : LA LETTRE DU NOUVEL AN 1866 A UN AMI

par Luc ROGER

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Nous sommes à la fin de l’année 1865. Richard Wagner vient d’être chassé de Munich. Il quitte la capitale bavaroise le 6 décembre 1865, séjourne une semaine à La Tour-de-Peilz, puis se décide à séjourner à Genève dans une villa qu’il loue le 23 décembre. Il s’agit de la villa  « Les Artichauts », près du Jardin des Cropettes, dans le quartier de Sécheron. Là il se remet, après un an et demi d’interruption, à ses Maîtres chanteurs. Il en achève la composition et y orchestre le premier acte. Mais Les Artichauts ne lui donne pas le confort qu’il y avait espéré et très vite Wagner souhaite partir pour le Sud de la France. Pour ce faire, il écrit le premier janvier 1866 une lettre en français à un ami, Monsieur X., dont voici une copie photographique, suivie de sa retranscription.

Voici comment Albert Soubies (1846-1918) et Charles Malherbe (1853-1911) évoquent le parcours de cette lettre et comment ils y en ont reçu. On en trouve le récit dans leurs Mélanges sur Richard Wagner : un opéra de jeunesse, une origine possible des maîtres chanteurs, un projet d’établissement en France, publiés chez Fischbacher à Paris en 1892. D’après Soubies et Malherbe, la lettre a été adressée par Wagner à un personnage politique qu’il avait connu dans le salon d’Emile Ollivier et qui, depuis, a été mêlé à presque tous les événements de l’histoire de l’époque. Ce M. X. avait offert ses services au compositeur allemand et s’était mis en quelque sorte à sa disposition. Aussi la lettre a-t-elle un caractère intime qui ajoute à son intérêt. Elle appartenait alors à Mme M. Hellman qui leur en a communiqué la photographie.

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La lettre du Nouvel An 1866 et sa retranscription

 

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1er Janvier 1866.

Genève « Campagne des artichauts. »

     Merci, merci, mon cher ami! Vous savez combien peu je suis fort dans le français. Pardonnez-moi, si je ne fais autre chose pour réponse à votre magnifique lettre, que vous prier de m’assister pour arriver au seul but que je désire, c’est de gagner une retraite absolue, qui me met hors du monde, pour pouvoir enfin travailler et finir mes œuvres commencées et projetées.

    Je pense fort sérieusement à la France du Midi, et ce que je cherche, c’est une belle campagne ou un petit château depuis Avignon et Arles, jusqu’à Perpignan et les Pyrénées pourtant où que cela soit, pourvu que cela ne soit pas, ni Marseille, ni Nimes, plutôt une de ces petites villes hors du commerce, délaissées, où l’on trouve cette vie à bon marché, si vantée de la France méridionale.

     Eh bien mon ami! Je ne connais personne pour lui demander des renseignements. Mais à Paris, on sait tout, on trouve tout. Je voulais écrire à Truinet*, quand votre aimable lettre m’a tourné vers vous. Voilà mon affaire. Veuillez charger un agent, un homme d’affaires pour gagner les renseignements nécessaires. Peut-être avez-vous des connaissances au Midi? Enfin, faites tout votre possible pour me procurer ce que je cherche. Je préfère à tout autre arrangement un bail à 5 ou 6 ans, achat en vue. Prix n’importe.

     La chose principale est de me placer hors du monde d’une façon agréable, de m’éloigner de tout contact avec mes horribles relations du passé.

    C’est le seul moyen de sauver mes œuvres conçues, qui seront perdues, si je passe encore une année dans des convulsions du genre de mon ordinaire. Toute somme que vous demanderez pour les frais de l’agence, annonces, etc. etc., vous sera envoyée immédiatement.

     Eh bien, cher monsieur X., soyez si bon de prendre au sérieux ma grande prière, et tâchez de me faire avoir de favorables nouvelles. Aussitôt que tout est bien préparé, j’irai moi-même en route pour la France du Midi, je verrai tout ce qu’on m’aura indiqué et je vous serai immensément reconnaissant.

     Mille amitiés bien sincères et senties.

 Votre dévoué, 

Richard Wagner

 

(* Il s’agit du librettiste et dramaturge français Charles Nuitter, de son vrai nom Charles-Louis-Étienne Truinet (1828-1899). Nuitter a traduit plusieurs livrets d’opéras de Richard Wagner, dont il fut un ami et admirateur)

 

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Cette lettre date de janvier 1866, soient cinq années après le désastre parisien de Tannhäuser. Malgré le fait que Wagner a connu des années pénibles en France, il souhaite alors à nouveau s’y installer.

Wagner quittera Les Artichauts pour se rendre dans le Sud de la France le 21 janvier 1866 en y laissant son chien Pohl et en oubliant de moucher une bougie qui mettra le feu à une pièce de la bâtisse. Un domestique parviendra à circonscrire l’incendie dans lequel le chien périra. Le domestique enterra le chien dans le jardin de la propriété.

A son retour aux Artichauts, Wagner, qui a entre temps appris la mort de son épouse Minna, se désole de la mort de son chien et lui donne au pied d’un bel arbre une sépulture plus digne de l’affection qu’il lui portait. Wagner ne se rendit pas aux funérailles de sa femme, ce qui fit dire à Hans von Bülow que Richard Wagner accordait plus d’importance à son chien qu’à sa femme…

Wagner quittera Les Artichauts pour Tribschen, en compagnie de Cosima.

Des Artichauts il ne reste plus rien aujourd’hui. La demeure tomba sous la pelle des démolisseurs dans les années 1960.

 

LR.
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http://munichandco.blogspot.fr/2016/11/richard-wagner-la-villa-les-artichauts.html

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16, Boulevard Saint-Germain 75005 Paris - France

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