Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

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COSIMA WAGNER VON BÜLOW (née LISZT)
(née le 24 décembre 1837 – décédée le 1er avril 1930)
L’histoire de Cosima pourrait se résumer ou plutôt se retrouver dans chacun de ses noms. Cosima Liszt, Cosima épouse von Bülow, Cosima Wagner, Cosima Veuve Wagner : on pourrait écrire une biographie de chacune d’elles et les portraits ne se ressembleraient pas.(lire la suite)

SIEGFRIED IDYLL WWV103
Le 25 août 1870, le divorce de Cosima d’avec Hans von Bülow enfin prononcé un mois plus tôt et après trois enfants illégitimes, Richard Wagner épouse sa compagne dans l’église protestante de Lucerne. Cette période est pour le compositeur des années de bonheur et de sérénité. (lire la suite)

ANNEE 1869
Courant février 1869,
Wagner se remet à la composition de La Tétralogie et achève la composition du deuxième acte de Siegfried. Il entame la composition du troisième acte dans la foulée. (lire la suite)

WAGNER Siegfried

(né le 6 juin 1869 – décédé le 4 août 1930)

Fils de Richard Wagner et Cosima Liszt von Bülow
Chef d’orchestre, compositeur et directeur du Festival de Bayreuth (1906-1930)

Il est la victime désignée par Richard Wagner pour lui succéder tant comme directeur du Festival de Bayreuth que pour perpétuer son propre nom.

Fils unique du couple formé par l’auguste compositeur et Cosima, Siegfried – enfant de l’amour, né dans la plénitude et la sérénité des années passées à Tribschen – n’en sera pas moins sans cesse à courir après sa propre identité. Mais laquelle ? Fils de Richard Wagner le génie ? de Cosima l’étouffante ? chef d’orchestre, compositeur d’opéra, metteur en scène, directeur de Festival ? Marié – alors que, homosexuel discret, il ne se sentait que peu concerné par la chose – à Winifred Williams, il donne à celle-ci – et au clan Wagner qui désespérait – quatre beaux enfants. Eux-mêmes, à leur tour et chacun à sa manière, tentera de s’imposer dans une famille compliquée et de s’inscrire dans l’histoire du Festival. Figure attachante – car sans doute sacrifiée – de l’histoire wagnérienne, Siegfried Wagner n’en demeure pas moins un très fin connaisseur et interprète de l’œuvre de son père.

Troisième enfant de Richard Wagner et Cosima von Bülow, Siegfried Wagner voit le jour le 6 juin 1869 dans le cadre très privilégié de Tribschen : après de nombreuses années d’errance, le compositeur peut enfin goûter aux joies de la vie de famille. Une famille certes « recomposée » comme nous le dirions aujourd’hui : Cosima vit depuis plusieurs années auprès de son amant, après avoir laissé son mari, Hans von Bülow, à Munich. Les premiers enfants – Isolde, Eva – bien que sans conteste de Wagner, sont pourtant nées sous le nom du premier époux de Cosima. Le poids du péché qui a tant marqué le caractère de Cosima n’affectera pourtant pas Siegfried. Né alors que son père travaille au troisième volet de La Tétralogie (il en porte d’ailleurs le nom), Siegfried arrive sous les auspices les plus radieux. D’autant plus qu’il est le premier fils (et le dernier) du compositeur. Celui-ci abandonne à cette occasion quelques temps l’âpre composition de La Tétralogie pour consacrer son énergie créative sur une aubade destinée à célébrer la venue du « petit Wagner », et surtout à en remercier sa mère. Se sentant en effet porté et inspiré par cette période de bonheur qui l’entoure au quotidien, Richard Wagner compose une pièce pour petit orchestre (Siegfried Idyll WWV 103 ou Tribschiner Idyll mit Fidi-Vogelgesang und Orange-Sonnenaufgang, Idylle de Tribschen avec chant d’oiseau de Fidi et lever de soleil orange) qui sera offerte à Cosima à l’occasion de l’anniversaire de celle-ci … et du premier Noël de Fidi (surnom du petit Siegfried).

À l’âge de cinq ans, il quitte avec sa famille Tribschen et s’installe dans l’ « auguste demeure », la villa Wahnfried de Bayreuth, toute tournée vers la gestation du premier festival. Il vivra dans l’ombre les deux festivals de 1876 et 1882.


MVRW WAGNER Richard et Siegfried Naples en 1880

Il a quatorze ans lors de la mort de son père. Placé sous l’autorité (la terrible autorité) de sa mère Cosima et ballotté entre ses deux sœurs, souvent méchantes et cyniques à son égard, le jeune garçon vit avec le désir d’embrasser la carrière d’architecte. Car la succession de son père – aussi inenvisageable que puisse l’être la mort du Maître elle-même – n’avait pas été « pensée » du temps de son vivant. Mais on n’est pas né un Wagner de Bayreuth… pour devenir architecte ! Siegfried se résigne donc avec fatalité : il faut devenir musicien.

Placé sous la férule du fidèle ami de son père Hans Richter, celui qui quelques années auparavant avait dirigé la première du cycle intégral de La Tétralogie au Festspielhaus de Bayreuth, Siegfried reçoit l’apprentissage du métier de  chef d’orchestre.

Si Richter enseigne au jeune héritier l’art de la direction d’orchestre, Engelbert Humperdinck, le célèbre compositeur de Hänsel et Gretel et des Königskinder, lui apprend les rudiments de la composition. Son influence sur l’œuvre de « Wagner le jeune » est très présente : la voie que suit Siegfried dans la composition de ses opéras est en effet celle des contes de fées pour enfants à résonance pour adultes, et traitée sur une musique dans la pure lignée du compositeur de la musique de son propre père. Ses compositions sont en outre fort nombreuses même si elles ne dépasseront que très rarement le stade de l’écriture. A l’actif de Siegfried, une vingtaine d’opéras en effet ; parmi ceux-ci Der Bärenhäuter (L’Ecorcheur d’Ours, 1898), Der Kobold (Le Kobold, 1903), Sternengebot (Pluie d’Etoiles, 1906) ainsi que Der Schmied von Marienburg (Le Forgeron de Marienburg, 1920). A l’instar de son père, Siegfried écrit la musique aussi bien que les livrets de ses propres opéras. Des opéras nettement plus modestes que ceux de son géniteur, simples et courts. Aucun de ceux-ci n’entrera dans le répertoire des maisons d’opéra, pas même outre-Rhin. Hors les opéras, quelques poèmes symphoniques – Sensucht, 1895, Glück, 1923 – une symphonie – Symphonie en ut majeur, 1913 – quelques pièces au total mais rien de très original. Dans l’univers post-wagnérien, c’est un autre compositeur, Richard Strauss, qui brillera avec plus de génie novateur et d’inspiration.

Sur la Colline verte, Siegfried, une fois ses premières armes faites, reprend naturellement la direction d’orchestre. Peut-être plus pour son nom que pour ses qualités musicales ? Les enregistrements qui nous sont parvenus de lui laissent entendre un chef particulièrement pompeux, emphatique et solennel. Avait-il hérité ces traits de son propre père ? Ou bien étaient-ce là les traits caractéristiques que l’on attendait de lui en tant que digne héritier du nom « Wagner » ? (NB : Philippe Olivier dans son ouvrage Wagner, manuel pratique à l’usage des mélomanes, Hermann Musiques, 2007 rapporte l’anecdote suivante : lors d’une répétition avec l’Orchestre Philharmonique de Berlin, Siegfried se trouve très embarrassé devant une difficulté technique. Le premier  violoncelle lui glisse alors discrètement à l’oreille : « Vous pourriez, ici, faire comme votre père avait l’habitude ! »).

Pour son “retour à la maison” en 1896, Siegfried prend ses fonctions avec La Tétralogie dans laquelle il alterne le prestige de tenir la baguette avec son mentor, Hans Richter. Puis il élargit son répertoire aux autres ouvrages de son père, Tannhäuser en 1904, Lohengrin en 1908.

Puis c’est le drame. Un drame prévisible étant donnés son âge et son ardeur à entretenir le feu sacré à Bayreuth : le 9 septembre 1906, Cosima est victime d’une grave attaque cardiaque qui l’oblige à se retirer de la direction du Festival. Tous les regards sont à présent rivés sur le timide et maladroit Siegfried qui s’avance, tel Iphigénie, pour être sacrifié sur l’autel du dieu Wagner en son temple qu’est Bayreuth. Chaque lever de rideau a désormais lieu sous son autorité… et sa responsabilité. Du moins en apparence, car sa mère ne quittera jamais vraiment la petite loge qu’elle s’est faite aménager sous les combles du Festspielhaus et dans laquelle elle dirige avec son œil critique le travail de son propre fils. Et comme lorsque l’on porte de nom de Wagner on se doit d’accomplir toutes les besognes à Bayreuth, Siegfried met également en scène. Au grand dam de sa mère, car Siegfried a recours à une esthétique qui relève du réalisme poétique, utilisant par exemple pour Tannhäuser des faucons et des chiens vivants au cours de la scène de chasse qui clôt l’acte I. Cosima, adepte d’une préservation telle quelle des mises en scènes hiératiques de son défunt mari, ne voit en effet pas d’un très bon œil ces accès de modernité. Encore moins quand son fils verse dans la simplification (vers l’esthétique d’ailleurs de Wieland Wagner) des décors et des costumes ; Cosima, on le sait, est étrangère à tout apport nouveau sur la scène du Festspielhaus. Les accès de colère entre la mère abusive et le fils sont nombreux. Tout comme lorsque Siegfried entend installer l’électricité au sein du Festpielhaus.

La « dame de Bayreuth » campe sur ses positions et se montre toujours critique à l’encontre de son fils lorsque celui-ci met en scène Le Vaisseau fantôme (1901, puis 1914), Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1911), Tristan et Isolde (1927) et Tannhäuser – qu’elle ne verra pas, pourtant le chef d’œuvre absolu de son fils enfin débarrassé de toute influence de quelque « école » de mise en scène qu’elle soit.

Homosexuel discret, Siegfried n’envisage pas de gaieté de cœur le mariage, et l’on craint un moment pour la lignée. C’est donc avec un soupir de soulagement qu’est accueillie la nouvelle de son mariage avec Winifred Williams. Le 22 septembre 1915 est célébrée l’union. Siegfried a cédé à la pression familiale et donne à sa femme et pour la postérité quatre enfants qui naissent de manière successive : Wieland en 1917, Friedelind en 1918, Wolfgang en 1919 et enfin Verena, en 1920. Le devoir de géniteur accompli, Siegfried peut se consacrer pleinement à son travail de directeur du Festival.MVRW WAGNER Winifred et Siegfried mariage photo

Une tâche qu’il n’abordera pleinement qu’à la mort de sa mère, survenue le 1er avril 1930. Siegfried est alors chargé des pleins pouvoirs à Bayreuth. Il a le temps de présenter le magnifique travail qu’il réalise sur sa nouvelle production de Tannhäuser en 1930 : un pas décisif est alors lancé dans la direction de la modernité. Siegfried toutefois ne verra pas son propre triomphe sur la scène du Festspielhaus : pendant les répétitions, il s’écroule, frappé à son tour par une attaque cardiaque. Alors que la première, le 22 juillet 1930, est triomphale, Siegfried, lui, agonise. Le 4 août 1930, il s’éteint.

À cette occasion, Arturo Toscanini qui dirige justement cette année là la production de Tannhäuser, entonne le Siegfried-Idyll qui avait vu la naissance du jeune homme quelques soixante et une années plus tôt. Alors que, le cadavre encore chaud, les pourparlers vont déjà bon train quant à l’identité de la personne qui sera en charge de la nouvelle direction du Festival (Siegfried était mort trop tôt, les enfants sont trop jeunes pour lui succéder), à Bayreuth, la boucle est bouclée. La tragédie de la continuité dans laquelle s’était laissé enfermer Siegfried également. Le ton est donné, survivre pour vivre : la direction du Festival échoie entre les mains de « l’autre dame de Bayreuth », l’autre « veuve Wagner », Winifred.

MVRW Tannhauser 1930

NC

Sources :
– FLINOIS Pierre, Le Festival de Bayreuth, Histoire, mythologies, renseignements pratiques (Éditions Sand, 1989)
– OLIVIER Philippe, Wagner, Manuel pratique à l’usage des mélomanes (Hermann Editeurs, 2007)

 

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