Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

LEVI Hermann

(né le 7 novembre 1839 – décédé le 13 mai 1900)

Chef d’orchestre

Hermann Levi est l’un des personnages et musiciens les plus fascinants qui ait évolué dans l’entourage de Richard Wagner du vivant du compositeur… car… il est partout où on ne l’attend pas !

Tout d’abord, alors qu’il est un fervent défenseur de la musique de Johannes Brahms, il est paradoxalement nommé Hoffkappellmeister à Munich alors profondément sous l’influence de Richard Wagner. Étonnant lorsque l’on connaît les querelles entre partisans de l’art de Richard Wagner et ceux de Brahms, tout comme les violentes disputes qui animent les deux clans rivaux.

Ensuite et d’une manière tout aussi paradoxale, le fils de Rabbin qu’est Hermann Levi évolue dans le sérail à tendances antisémites de Bayreuth, tout d’abord en tant qu’assistant de Richard Wagner puis en tant que chef d’orchestre de l’“abîme mystique” (dénomination du compositeur pour désigner la fosse d’orchestre) du Festspielhaus. Il réussit à s’imposer comme l’un des plus fidèles mais également les plus talentueux exécutants de l’oeuvre du Maître de Bayreuth. Choisi, malgré les réticences de la farouche Cosima ainsi que des détracteurs antisémites qui gravitent alors dans l’entourage du Maître, pour diriger la création de Parsifal en 1882, Levi survit au Maître et continue de donner la “Sainte messe” jusqu’en 1894, créant ainsi le premier une légende vivante.

Hermann Levi est né dans la petite ville de Giessen (Hesse). C’est là tout d’abord, puis à Mannheim, que le jeune garçon effectue ses premiers pas dans l’univers de la musique. Il prend ses toutes premières leçons sous la direction de son professeur Vinzenz Lachner qui décèle très vite de grandes aptitudes musicales chez le jeune garçon. Tant et si bien que ce dernier poursuit ses études au Conservatoire de Leipzig entre 1855 et 1858. Là, ses professeurs ont pour nom Hauptmann et Julius Reitz. Après avoir brièvement étudié à Paris (où il s‘essaie à la composition et fait même éditer la partition d’un Concerto pour piano), Hermann Levi décroche son premier poste en tant que chef d’orchestre à Saarbrück en 1859. Pendant environ treize ans, le tout jeune chef s’illustre avec talent (et la reconnaissance du monde musical) comme assistant au Kappellmeister de l’Opéra national de Mannheim, puis Kappellmeister lui-même de l’Opéra de Rotterdam, puis enfin Hofkappellmeister (Maître de Chapelle de la Cour) de Karsruhe. Et c’est à Karslruhe que le musicien se lie d’amitié avec Clara Schumann qui vit elle-même à proximité de Baden-Baden. C’est là aussi donc que Levi dirige une représentation unique de la Genoveva de Robert Schumann qui se solde par un fiasco absolu.

mvrw-richard_wagner_an_hermann_levi_3-_mai_1872Mais un autre destin, tout wagnérien celui-là, attend Hermann Levi. En 1872, le chef d’orchestre est nommé Maître de Chapelle de la Cour royale de Munich sous l’autorité du roi Louis II de Bavière. Sa venue en terre bavaroise est accueilli avec scepticisme  et on soupçonne une machination ourdie par le clan des défenseurs de la musique de Brahms, Levi s’étant largement forgé une notoriété parmi eux. Dans le même temps, en apprenant la nouvelle, Brahms voue aux gémonies Leviqu’il soupçonne de s’être fait “acheter” à la cause wagnérienne, mettant fin à l’amitié ainsi qu’à la confiance qu’il plaçait dans le jeune musicien. Ce qui profita à Hans Richter qui partagea avec ce musicien dont les bavarois ne savaient pas s’ils devaient le craindre ou bien lui faire confiance le poste suprême jusqu’en 1890.

Dès ses premiers jours passés à la Cour de Munich, Levi, tout en tentant de séduire le public munichois avec la musique de Brahms ainsi que celle de Mozart – alors peu (re-)connue en ce XIXème siècle décidément si romantique, et dont il présenta par la suite des versions “corrigées” des Noces de Figaro, de Cosi fan tutte ou bien encore de Don Giovanni – se montre d’une fidélité “exemplaire” à l’art de Richard Wagner. Jusqu’à refuser, tout comme Hans Richter, de diriger les deux premiers volets de la Tétralogie (L’Or du Rhin et La Walkyrie) exigés par le roi Louis II de Bavière contre la volonté du compositeur qui, lui, refusait toute représentation hors d’un écrin parfaitement adapté à son oeuvre. Est-ce parce que le Maître avait entendu parler de cette fidélité à toute épreuve qu’il confie au jeune Levi qu’il n’a pas encore rencontré les travaux préparatoires à la création de Parsifal ? Lorsque l’on connaît la force de l’ego de Richard Wagner, rien ne saurait être impossible en ce domaine !

C’est alors qu’il est de retour à Munich, après avoir séjourné quelque temps en Italie, que le compositeur et son épouse font la connaissance d’Hermann Levidébut novembre 1880, au cours d’une fête donnée à la villa Lenbach en l’honneur du compositeur. Immédiatement, l’entente entre les deux hommes est absolue. Celle-ci se confirme par la suite lorsque Wagner fait appeler Levi à Bayreuth pour organiser les répétitions de Parsifal. Lorsqu’il est admis dans le Saint des Saints de la petite communauté effervescente de la villa Wahnfried, le chef est transporté d’enthousiasme non seulement quant à la “mission” qu’il semblerait qu’on doive lui confier (soit la création in loco de Parsifal), mais également quant à la personnalité même de Wagner. Aussi dès son arrivée à Bayreuth, le jeune chef écrit à son père : “Wagner est le plus noble et le meilleur des hommes… Je remercie Dieu chaque jour de m’avoir fait don du privilège d’être au plus proche de lui. Il s’agit bien là de la plus belle expérience de toute ma vie entière.”

Et les deux hommes, le Maître et le disciple, de travailler main dans la main, malgré les nombreux obstacles que les opposants à Levi et à l’admiration que Wagner lui porte déploient. Car on rappelle au compositeur que Levi est juif. Et se pourrait-il qu’un juif portât la responsabilité de créer l’apogée musical de la plus noble et la plus pure expression du christianisme ? Certainement pas pour l’entourage antisémite qui – déjà – plane dans l’ombre de Bayreuth. Cosimala première n’a jamais véritablement apprécié ce fils de rabbin. Et Wagner – avec une finesse discutable – de demander à Levi… de se convertir ! L’homme, fidèle à ses convictions, refuse.

Wagner pour le convaincre lui montre les lettres anonymes qu’il reçoit et qui, en plus de reprocher au compositeur de permettre à un juif de diriger la première de Parsifal, accusent Levi d’être l’amant de Cosima ! Rien de moins ! Levi part en claquant la porte.  C’est le roi Louis II de Bavière qui, providentiel, va réconcilier les deux hommes – comme quoi le mécène ne fut pas qu’un pourvoyeur de fonds ! Profondément attaché à la personnalité du chef d’orchestre, le roi insiste auprès de Wagner pour que celui-ci renoue des liens d’amitié avec Levi. Wagner s’exécute.  (NDA : on a sans doute beaucoup exagéré le fait qu’en confiant la création de Parsifal à un juif tel que Levi, Wagner ne pouvait être profondément antisémite lui-même, ce qui était un sentiment toutefois largement répandu à l’époque. Le compositeur, qui pour autant partageait une véritable et toute entière communion artistique avec Levi, ne s’est-il pas senti également “pris au piège” et ne s’est-il finalement pas résolu à ce qu’il lui était dicté de faire ? Seul l’individu pourrait répondre sur ce sujet précis).

Une fois les querelles et les ego mis de côté, le travail peut enfin commencer. Et avec quelle fougue ! Levi s’épuise tout autant que Wagner à diriger cet orchestre colossal. Mais contrairement à son mentor, Levi, hiératique, ne laisse rien transparaître et intériorise toute émotion. Le succès de Parsifal lors de sa création peut être à juste titre considéré comme l’aboutissement d’une collaboration aussi exceptionnelle que celle qui caractérise l’amitié et la confiance entre le Maître et son disciple, entre Wagner et Levi.
Après la mort du Maître, Cosima, qui a fini par apprécier le talent de Levi, laisse la direction de Parsifal aux mains du chef d’orchestre. Celui-ci dirige l’oeuvre jusqu’en 1894 dans la fosse du Festspielhaus de Bayreuth, avant de se retirer lui-même de la scène. Il meurt à Munich en 1900 et est enterré dans le jardin de sa villa de Garmisch-Partenkirchen. Non loin de là, un autre grand wagnérien se retirera bien plus tard ; celui-là porte le nom de … Richard Strauss.

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NC

Il a dirigé à Bayreuth :
Parsifal (1882, 1883, 1884, 1886, 1889, 1891, 1892, 1894)

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