L’œuvre musicale de Richard Wagner est composée d’opéras ou “drames musicaux” allant des “Fées” (Die Feen) à “Parsifal”. Une présentation détaillée de chacune de ces œuvres majeures est ici associée à un ensemble d’articles thématiques, replaçant celles-ci non seulement dans le contexte de sa vie personnelle mais également dans son contexte social, économique et culturel. Cette section regroupe également l’ensemble des œuvres musicales (hors opéra) et son œuvre littéraire.

LE VAISSEAU FANTOME, WWV63

Der Fliegende Holländer, WWV63

ANALYSE PSYCHOLOGIQUE ET VOCALE DES RÔLES

LE HOLLANDAIS

(baryton-basse)
Le Vaisseau Fantôme (Der Fliegende Holländer)

Le personnage du Hollandais annonce tous les rôles de baryton-basse chers à Wagner, dont les plus belles illustrations seront Hans Sachs et Wotan. Le compositeur a « inventé » pour son Vaisseau fantôme une tessiture de voix oscillant entre le baryton aigu et la basse légère. Elle correspond à l’archétype du baryton-basse tel que Wagner la développe par la suite jusqu’à s’inscrire comme indispensable dans les conceptions d’opéras du romantisme tardif et ce, jusqu’aux compositions de Richard Strauss et même d’Arnold Schönberg.

Mais qui est ce Hollandais volant ? Le Hollandais est avant tout un personnage de légende : il fait échos à d’autres mythes de personnages errants et évocateurs (Ulysse, le juif errant…). Ce personnage, son destin fatidique et sa légende apparaissent en Europe au début du XIXème siècle sous la plume de Heinrich Heine et est rapportée dans les Mémoires de Monsieur de Schnabelewopski. Alors qu’il se trouvait perdu dans un cyclone et qu’il tentait de franchir le Cap de Bonne Espérance (ou le Cap des Tempêtes), le capitaine hollandais jura qu’il en franchirait l’écueil, dût-il y passer l’éternité. Le Diable l’aurait alors pris au mot et l’aurait condamné à errer éternellement sur les mer, sans pouvoir accoster. Maudit de Dieu car il avait vendu son âme au Diable, l’apparence fantomatique de son navire était alors, pour les navires en détresse, présage de malheur. Chez Heine, toutefois, le tableau n’est pas aussi sombre qu’il l’est dans la légende populaire initiale puisque le poète inclut une possibilité à ce Maudit des Mers de se sortir de la malédiction dans laquelle il s’est plongé par orgueil : autorisé une fois tous les sept ans à accoster, il sera délivré de la terrible malédiction s’il trouve sur terre une jeune fille capable de l’aimer et de lui vouer fidélité… jusque dans la mort.

Si le personnage fantomatique du Hollandais (dépourvu d’ailleurs de nom dans la légende populaire, dans la nouvelle de Heine et dans l’opéra de Wagner afin de mieux signifier encore sa déchéance et sa déshumanité) appartient à l’univers des spectres si cher au romantisme (on pense au Freischütz de Weber ou bien encore au Vampyr de Marschner), celui-ci n’est pas finalement si hiératique dans son caractère sombre, ni dépourvu d’humanité. Dès son premier monologue qui le dévoile au public (acte I : « Die Frist ist um »), on perçoit entre ses accents de rage et de haine une profonde souffrance dans sa quête et son aspiration au repos qui confère au personnage une grande humanité, rendant ainsi ce dernier particulièrement attachant.

Le Hollandais est ainsi le premier d’une longue lignée de ces personnages wagnériens qui, après avoir provoqué leur chute, sont tourmentés par le désir de mort et d’anéantissement (on pense à Wotan ou Amfortas), et dont le poids de la faute (trop humaine) et le désir d’en finir les rendent accessibles et émouvants.

Très émouvant même en ce qui concerne le Hollandais, car celui-ci, alors qu’il pense que Senta ne lui sera pas fidèle, lui révèle son terrible secret et le terrible destin qui attend la jeune femme rompant le serment de fidélité. Il préfère sacrifier sa faible chance d’être sauvé pour ne pas condamner la jeune femme. Preuve en est, s’il le fallait, de cette incroyable humanité dont le Hollandais est capable. Senta ne sera pas en reste et sacrifiera sa vie immédiatement pour sauver le Maudit des mers.

Rôle emblématique du répertoire wagnérien, terriblement exigeant, devant faire preuve d’aigus généreux – rares pour une basse – et le plus souvent face à un orchestre particulièrement tonitruant, le rôle doit allier des accents de noirceur et des expressions touchantes de détresse et de désespoir. George London, Theo Adam ou bien Simon Estes furent des Hollandais de légende inscrivant leur personnage dans la noirceur, là où Dietrich Fischer-Dieskau ou bien encore José van Dam laissaient épancher, entre deux accents de fureur, des torrents de larmes d’humanité. Aujourd’hui le baryton-basse Bryn Terfel s’est imposé sur toutes les plus grandes scènes lyriques internationales (Covent Garden, Zurich…) comme étant l’une des plus intéressantes et puissantes incarnations de ce rôle terrible.

NC.

Sources :
Le Vaisseau fantôme, collection « L’Avant-Scène Opéra », n.30 (2010)
Le Vaisseau fantôme, commentaire de Michel Debrocq, Guide des opéras de Richard Wagner (Fayard, Les Indispensables de la musique, 1988)
Dictionnaire des personnages (collectif, Robert Laffont éditeurs, Bouquins, 1992)

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