L’œuvre musicale de Richard Wagner est composée d’opéras ou “drames musicaux” allant des “Fées” (Die Feen) à “Parsifal”. Une présentation détaillée de chacune de ces œuvres majeures est ici associée à un ensemble d’articles thématiques, replaçant celles-ci non seulement dans le contexte de sa vie personnelle mais également dans son contexte social, économique et culturel. Cette section regroupe également l’ensemble des œuvres musicales (hors opéra) et son œuvre littéraire.

L'OEUVRE DE RICHARD WAGNER : ENJEUX, PARTICULARITES, COMPLEXITES

RICHARD WAGNER ET LE GRAND OPÉRA FRANÇAIS LES AMBIGUÏTÉS D’UNE RELATION

par Jean-François CANDONI
(texte reproduit avec l’aimable autorisation de la Fondazione Bru Zane, Venezia, www.bruzanemediabase.com)

Il arrive parfois, notamment dans les programmes de salle des théâtres, que soit invoqué le jugement de Wagner pour justifier l’intérêt que l’on porte aujourd’hui à La Juive de Halévy, à La Muette de Portici d’Auber, voire au Prophète ou aux Huguenots de Meyerbeer : c’est là un étrange paradoxe historique, dans la mesure où Wagner a une part de responsabilité énorme dans la disparition du Grand Opéra français des répertoires des théâtres d’aujourd’hui, que ce soit parce que ses drames musicaux l’ont supplanté dans la faveur du public, ou bien à cause de la propagande virulente menée par le compositeur allemand et ses adeptes contre une esthétique qu’on a injustement réduite au culte de  » l’effet sans cause  » (« Wirkung ohne Ursache »)(1). Il n’en reste pas moins que, pour toute une série de raisons – souvent d’ailleurs contradictoires –, Wagner (pas plus que Verdi) n’aurait été possible sans le Grand Opéra français. La confrontation avec ce genre aujourd’hui tombé en désuétude a été un moment absolument décisif dans l’évolution artistique du compositeur de Parsifal – sans parler des arrière-plans personnels de cette relation (notamment la rivalité plus ou moins fantasmée avec Meyerbeer) et l’épineuse question de l’antisémitisme.

 

 RICHARD WAGNER ET LE GRAND OPÉRA FRANÇAIS

Le Grand Opéra et l’Allemagne : les raisons d’un transfert culturel inabouti

Pendant les décennies 1830 et 1840, il est difficile pour un compositeur d’opéra un tant soit peu ambitieux d’éviter de se mesurer au Grand Opéra français. Si Paris est, pour reprendre le mot de Heine, la « capitale du monde civilisé (2) », les opéras qui y sont créés incarnent une forme de culture dominante en Europe, dont rien ne semble pouvoir entraver le succès : La Muette de Portici, pour ne prendre qu’un exemple, triomphe dès 1829 à Berlin, Hambourg, Vienne et Leipzig. Dans une certaine mesure, le Grand Opéra français joue pour Wagner le rôle qu’a joué la tragédie classique française (le théâtre de Corneille et Racine) pour Lessing à la fin du XVIIIe siècle, au moment où s’était posée la question de la fondation d’un théâtre national allemand. La relation de Wagner au Grand Opéra se développe, pour schématiser, en deux grandes étapes : à une phase d’appropriation d’un modèle admiré succède une période de rejet et de dénigrement. Cette seconde phase débute, et ce n’est certainement pas un hasard, après l’échec de la révolution de 1848-1849, qui marque une césure importante dans l’histoire culturelle européenne. Toutefois, et c’est un fait remarquable, La Muette de Portici échappera à cette disgrâce et sera toujours perçue par Wagner, sinon comme un modèle, du moins comme une œuvre d’exception qui n’est pas entachée des défauts, réels ou supposés, propres au Grand Opéra français.

Les sentiments que Wagner nourrit envers l’opéra français, dans lesquels se mêlent la fascination et le rejet, sont certes déterminés par des expériences personnelles, mais ils se révèlent également, aux yeux des commentateurs d’aujourd’hui, paradigmatiques des liens complexes qui unissaient l’Allemagne et la France dans le domaine culturel au milieu du XIXe siècle. Si le Grand Opéra français fait pour les Allemands figure de référence incontournable, c’est d’abord en partie pour des raisons géopolitiques : on veut importer ce modèle étranger pour combler une attente et remplir un vide dans le paysage culturel germanique. De fait, le genre du Grand Opéra marque symboliquement le triomphe d’une culture bourgeoise de la communication universelle à laquelle aspire une Allemagne divisée en petits États, cloisonnée selon un modèle féodal, au moment précisément où elle tente de se sortir de ce carcan – ce dont témoigne, au niveau économique, la création du Zollverein en 1834. Mais des considérations esthétiques jouent également un rôle déterminant : la constitution d’un Grand Opéra allemand est, au cours de ces décennies, l’un des fantasmes les plus répandus parmi les compositeurs et les penseurs de la musique dans le monde germanique.

Lorsqu’il se lance dans la carrière de compositeur, Wagner est convaincu – comme du reste un grand nombre d’intellectuels de son époque – que l’opéra allemand n’existe pas (« Nous n’avons pas d’opéra allemand (3) », écrit-il en 1834, dans son tout premier essai), ou plutôt qu’il n’existe que sous une forme mineure, celle du Singspiel, avec son alternance, souvent jugée triviale, de dialogues parlés et de numéros musicaux. L’opéra romantique allemand reste largement tributaire de ce modèle jusqu’à ce que Wagner parvienne à réaliser, dans Tannhäuser et Lohengrin, une synthèse avec le modèle français. Si on lit la presse musicale ou les écrits esthétiques des années 1830, ceux d’E.T.A. Hoffmann, d’Adolf Bernhard Marx, de Franz Brendel, de Louis Spohr ou de Wagner lui-même, on constate que tous aspirent à la constitution d’un Grand Opéra, seul digne de représenter cette nation allemande qui émerge progressivement.

Encore faut-il s’entendre sur ce qu’implique la notion de « große Oper » dans le vocabulaire des musiciens et musicologues du XIXe siècle : le terme désigne, pour être précis, un opéra entièrement composé, avec récitatifs et sans dialogues parlés. Wagner dit à propos de La Muette : « […] elle est entièrement en musique » (« ganz und gar in Musik (4) »). En 1828, l’année même de la création du chef-d’œuvre d’Auber, le musicologue berlinois Adolf Bernhard Marx propose une typologie des différentes formes de drames musicaux dans laquelle il opère une distinction entre, d’un côté, l’Opérette (ou Singspiel), l’opera buffa et l’opéra-comique et, d’un autre côté, le große Oper allemand, l’opera seria italien et le drame lyrique français. Les œuvres ressortissant au second groupe doivent selon l’auteur « avoir un contenu sérieux et être entièrement mises en musique » (durchkomponiert) (5). Dans cette nomenclature, le Grand Opéra fait figure de genre noble, situé au sommet de la hiérarchie, et la constitution d’un grand opéra historique allemand apparaît dès lors comme un enjeu non seulement artistique, mais aussi idéologique, à l’image de l’achèvement de la cathédrale de Cologne (6).

Dans une perspective d’histoire culturelle, on peut affirmer que le Grand Opéra, avec ses sujets historiques et politiques, est envisagé par les Allemands comme un moyen de se réapproprier symboliquement l’histoire et le politique, et donc de faire enfin partie du concert des nations. En effet, de nombreux intellectuels allemands de la première partie du XIXe siècle – et Wagner au premier chef – sont animés par la conscience d’appartenir avant tout à une nation culturelle, mais pas à un peuple ayant un destin politique et historique. On connaît les vers du célèbre poème de Friedrich Hölderlin,  Aux Allemands : «Car vous autres, Allemands, vous êtes/ Pauvres en actes et riches en pensées (7).» La problématique avait déjà été formulée précédemment dans un fragment de Friedrich Schiller intitulé La Grandeur allemande (1791), dans lequel le poète revient sur cette place singulière occupée par l’Allemagne dans l’histoire politique européenne :

« C’est en dehors du politique que l’Allemand a fondé ses propres valeurs, et si l’Empire disparaissait, la dignité allemande resterait intacte. C’est une dignité morale qui réside dans la culture et dans le caractère de la nation et qui est indépendante de son destin politique (8).»

On trouvera ultérieurement, mutatis mutandis, des analyses comparables sous la plume de Friedrich Engels et de Karl Marx (L’Idéologie allemande, 1845-1846) ou bien dans l’essai de Wagner intitulé Qu’est-ce qui est allemand ? (1865/1878).

Mais dans les années 1830 et 1840, en plein Vormärz, on veut rompre avec ce fatalisme, en particulier dans les milieux libéraux qui aspirent à la constitution d’une nation allemande. Cela implique, pour ces derniers, une politisation marquée de la production artistique. Wagner est à cette époque convaincu que l’Allemagne doit désormais se doter d’une conscience et d’une culture politiques, et qu’elle doit donc produire un Grand Opéra politique et historique. Mais il n’est ni le seul, ni le premier à afficher cette ambition. Le philosophe souabe Friedrich Theodor Vischer, intellectuel libéral très influent au milieu du XIXe siècle (il a siégé à l’Assemblée nationale de Francfort en 1848), expliquait par exemple en 1844 que le monde germanique, s’il voulait entrer de plain-pied dans l’histoire moderne, devait posséder à la fois un Grand Opéra et une grande peinture d’histoire :

« Nous voulons avoir de nouveau une histoire, et c’est pour cela que nous nous nourrissons de l’histoire qui a eu lieu. Il est vrai pour les Allemands plus que pour quiconque que leur défaut fondamental et leur péché originel est leur caractère non-historique. Nous qui sommes un peuple de l’intériorité et de la transcendance n’avons pas encore su faire des expériences [historiques] ; nous étions partout et nulle part chez nous, nous regardions les oiseaux voler pendant qu’on retirait la chaise sur laquelle nous étions assis. Nos yeux commencent enfin à se dessiller et nous étudions l’histoire (9). »

C’est, curieusement, autour de la Chanson des Nibelungen que se cristallise le débat sur le Grand Opéra historique allemand. L’idée de composer un opéra sur les Nibelungen n’émane pas à l’origine, comme on pourrait le penser a posteriori à la lumière des commentaires de Wagner, du désir de rompre avec le genre du Grand Opéra, mais au contraire de la volonté de trouver un pendant allemand au modèle français. Lancé initialement, avant que Wagner ne s’en empare, par des intellectuels comme Friedrich Theodor Vischer (10) ou la militante féministe Louise Otto, le projet témoigne de l’ambition de créer un Grand Opéra allemand servant de ciment culturel à l’unité nationale. Comme le note Louise Otto dans la Neue Zeitschrift für Musik, il n’y a pas de grande nation sans Grand Opéra historique :

« L’opéra ne réunit pas uniquement des connaisseurs – on y trouve également la foule. Et la foule est malléable, même si on dit qu’elle n’est pas éduquée – donnez-lui ce qu’elle veut et ce dont elle a besoin : une musique nationale sur un sujet national – donnez-lui un opéra sur les Nibelungen, et on aura fait un premier pas vers l’unification, on aura jeté un premier pont pour faire se rejoindre les objectifs de l’époque actuelle et ceux des compositeurs (11).»

 

Wagner et Auber : histoire d’une relation

Les projets de Friedrich Theodor Vischer et de Louise Otto n’aboutiront pas, et outre-Rhin l’imitation du Grand Opéra français conduira à une aporie, puisque que l’opéra allemand prendra finalement une tout autre voie. Néanmoins, la confrontation avec le modèle français (devenu finalement un contre-modèle) a été une étape cruciale dans la genèse de la réforme wagnérienne.

Richard Wagner était convaincu d’être l’héritier de Carl Maria von Weber, le compositeur national par excellence, et d’être ainsi investi d’une mission essentielle : réussir là où ce dernier avait échoué, et créer un Grand Opéra allemand. Il lui fallait, pour arriver à ses fins, se confronter à une forme de théâtre musical envers laquelle il allait nourrir d’étranges sentiments, dans lesquels se mêlent inextricablement admiration et répulsion. Cela se traduit dans son appréciation par une série de revirements difficilement explicables, du moins au premier abord. Parmi les trois compositeurs du Grand Opéra sur lesquels Wagner s’est longuement exprimé, à savoir Meyerbeer, Halévy et Auber, il apparaît que ce dernier occupe une place privilégiée. La première rencontre de Wagner avec l’opéra français, celle qui lui laissera le souvenir le plus marquant et le plus durable, c’est une représentation de La Muette de Portici, à laquelle il assiste en 1829 à Leipzig, à l’âge de 16 ans. Le rôle de Fenella est alors tenu par sa sœur Rosalie. Lorsqu’il est nommé chef d’orchestre à Magdebourg en 1835, c’est La Muette de Portici qu’il choisit, malgré la pauvreté des moyens mis à sa disposition, pour rehausser le prestige du théâtre et donner de l’éclat à son entrée en fonction. Le 23 novembre 1836, la veille de son mariage, il donne un concert de bénéfice pour financer son installation, et choisit de nouveau La Muette – c’est cette fois-ci sa future épouse Minna qui tient le rôle de Fenella. À l’âge de la maturité artistique, il restera toujours fidèle à son admiration pour cette partition, ce dont témoigne l’étrange hommage publié en 1871 à l’occasion de la disparition du compositeur, « Souvenirs sur Auber ».

Si, comme à son habitude, Wagner utilise et instrumentalise les œuvres qu’il commente pour les intégrer, de gré ou de force, dans des argumentations polémiques visant surtout à défendre ses propres choix esthétiques, il semble que son admiration pour La Muette de Portici ait été sincère, puisqu’il en fait l’apologie même dans ses essais les plus critiques vis-à-vis de l’opéra français. Dans le texte de 1871, le portrait qu’il donne du compositeur français est certes assez mitigé, mais il présente La Muette comme une exception absolue et heureuse dans une production jugée globalement assez plate, comme un moment de grâce quasiment inexplicable, sinon par le fait qu’un démon se serait emparé du jeune Auber.

L’argumentation développée par Wagner dans son éloge de l’opéra s’inspire en partie de commentaires publiés dans la presse de l’époque, notamment en Allemagne. Il lui reconnaît une dramaturgie novatrice, qui se caractérise par sa vivacité dramatique, par sa concision, et par un agencement qui évite la raideur de la tragédie classique française ; il s’agit, selon lui, du seul bon livret que Scribe ait jamais conçu (le rôle joué par Delavigne est tout simplement escamoté). Il approuve la construction en cinq actes avec une fin tragique, même si elle renvoie à la tragédie classique, car elle rend toute sa dignité au théâtre musical, trop souvent ravalé au rang de simple amusement. Et surtout, la mort finale du héros rompt avec le traditionnel lieto fine, signalant ainsi qu’on n’a pas affaire à un banal divertissement, mais à une forme d’art dans laquelle sont mis en scène des enjeux politiques, sociaux ou humains profonds :

 « La Muette de Portici surprit immédiatement par un aspect absolument nouveau : on n’avait jamais connu un livret aussi vivant, c’était le premier véritable drame en cinq actes avec tous les attributs de la tragédie, en particulier avec une fin tragique. Je me souviens que cet élément fit grand bruit : jusqu’à présent, un livret d’opéra devait toujours se caractériser par une fin heureuse, aucun compositeur n’aurait osé renvoyer les gens chez eux en les laissant sur une impression triste (12).»

Wagner admire en outre l’organisation de la dramaturgie en tableaux, l’utilisation adéquate du pittoresque, qui ne sombre pas dans le maniérisme ou l’effet sans cause, mais se résout toujours dans une forme plastique (13). Enfin, il voit en Auber un compositeur national. C’est un point sur lequel il revient dans tous les textes où il mentionne l’auteur de La Muette – tantôt sur un ton franchement admiratif (en 1871, à une époque où il s’empêtre dans des considérations d’un chauvinisme attristant), tantôt à l’inverse en y voyant une limite de l’art du compositeur (dans les années 1840, où le nationalisme est perçu comme une entrave à l’universalité de l’art). Dans l’essai De la musique allemande, publié en 1840, il écrit : « La musique dramatique française a atteint son sommet absolu dans l’inégalable Muette de Portici, une œuvre nationale comme chaque nation n’en possède qu’une seule (14) » ; et en 1871, il réaffirme qu’Auber est à ses yeux « le plus français des compositeurs » français (15).

Dans son hommage posthume, Wagner insiste, dans une perspective résolument romantique, sur les affinités entre Auber et une culture musicale émanant du peuple. Il parle, à propos de la musique de La Muette, d’un retour aux origines populaires authentiques qu’il « trouvait ici dans la danse et la façon de danser de son peuple » ; et il ajoute : « […] aucun autre compositeur français ne pouvait à la vérité se targuer d’être un homme du peuple comme lui (16). » Jamais, en revanche, il ne fait état des polémiques qui ont eu lieu en Allemagne à propos des mélodies italiennes qu’Auber se serait appropriées sans le mentionner.

Nous avons évoqué essentiellement les jugements de Wagner sur Auber, car La Muette de Portici fait partie des quelques œuvres qui ont durablement marqué l’imagination du compositeur, mais il eût été aisé de trouver des commentaires équivalents sur Halévy (notamment dans un long article consacré à La Reine de Chypre) ou bien sur Meyerbeer, à propos de qui il écrit : « Ce [qu’il] a écrit relève de l’histoire universelle, de l’histoire des cœurs et des sentiments, il a détruit les barrières des préjugés nationaux, il a réduit à néant les frontières étouffantes des idiomes linguistiques et a écrit des actes de la musique (17). »

 

Le rejet du Grand Opéra

Les raisons pour lesquelles Wagner se détourne ensuite du Grand Opéra, à partir des « écrits de Zurich » au tout début des années 1850, et oppose le mythe atemporel au drame historique sont nombreuses et complexes : on peut y voir, par exemple, la volonté de trouver sa propre voie et de mettre en avant l’originalité de son génie, ou un certain ressentiment face au succès de Meyerbeer. Mais il ne faut pas oublier que les critiques formulées par Wagner à l’encontre de Meyerbeer, et plus généralement du Grand Opéra historique, étaient alors assez répandues et reprennent, en les développant, un certain nombre de topoï déjà formulés par Franz Brendel (18), Robert Schumann (19), Adolf Bernhard Marx (20) ou encore Heinrich Heine (21).

Mais la raison profonde de ce désamour est certainement d’ordre philosophique et politique. Wagner condamne l’extériorité, réelle ou supposée, de l’opéra selon Scribe et Meyerbeer parce qu’il y voit l’expression artistique de l’aliénation de l’homme moderne. Le Grand Opéra et son équivalent littéraire, le roman, sont en effet les produits artistiques de l’État moderne (celui dans lequel triomphent les valeurs de la bourgeoisie), qui fonctionne de manière mécanique, impitoyable et inflexible, sans tenir compte du «purement humain» (das Reinmenschliche (22)), et produit ainsi de l’aliénation. Ni l’État moderne, ni les formes d’expression esthétiques qui lui appartiennent en propre, le roman et le Grand Opéra historique, ne sont capables de saisir l’intériorité de l’individu et de lui rendre justice. Parce qu’ils partent de la description de données sociales, politiques et historiques multiples, ils conçoivent l’homme de manière extérieure, fragmentaire et purement mécanique, passant ainsi à côté de la mission de l’art, qui est de rendre compte du « purement humain ».

L’argumentation n’est d’ailleurs pas entièrement nouvelle, et on en trouve les prémices dans un texte attribué à Schelling, rédigé à l’aube de l’époque romantique, « Le plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand » (1797) :

« En mettant en avant l’idée d’humanité, je veux montrer qu’il n’y a pas d’idée [i.e. de justification] de l’État, parce que l’État est une mécanique, de la même manière qu’il ne peut y avoir d’idée d’une machine. Seul ce qui est objet de la liberté peut être appelé idée. Il nous faut donc dépasser l’État ! Car tout État ne peut traiter l’homme autrement que comme un rouage mécanique ; et il n’a pas le droit de le faire ; il doit donc cesser d’exister (23).»

On relève dans ce fragment d’évidentes connotations anarchistes qui ne sont pas sans évoquer par anticipation les positions défendues par Wagner à l’époque où il fréquentait Bakounine. Le texte de Schelling, qui appelle de ses vœux une « nouvelle mythologie » (de la même manière que Wagner veut faire revivre le mythe), est une forme de réponse apportée au déficit de légitimité de l’État et de la société bourgeoise modernes : le rationalisme de la société moderne, qui s’appuie sur une approche analytique de ses objets, tend à disloquer et à anéantir toutes les totalités, ne laissant subsister au final que des atomes isolés. D’où un éclatement de la vie publique, une atomisation des préoccupations de l’homme en sciences particulières et la séparation des différentes formes d’art, d’où enfin l’hétérogénéité stylistique et l’éclectisme musical du Grand Opéra à la Meyerbeer, qui est le produit et l’expression de cette mécanisation des rapports humains. C’est pourquoi, selon Wagner, un compositeur comme Meyerbeer « ne demande pas à un poète de lui offrir des êtres humains, mais à un mécanicien [Scribe] de lui fournir des pantins articulés (24) ». La critique du Grand Opéra, considéré par le compositeur comme une émanation de l’État bourgeois moderne, est le versant esthétique de la polémique des romantiques contre un État ayant perdu toute légitimité humaine en voulant rationaliser l’ensemble des relations sociales. Dans la controverse engagée par le compositeur dans Opéra et Drame, le personnage muet de Fenella devient le symbole d’une société et d’un théâtre dans lesquels la parole poétique et humaine ne parvient plus à se faire entendre au milieu d’un fatras d’effets spectaculaires, mécaniques et déshumanisés :

« Cette Muette était devenue la muse silencieuse du drame qui errait, triste et solitaire, le cœur brisé, lasse de la vie, au milieu de ces foules chantant bruyamment, et cherchait à étouffer enfin sa douleur inconsolable dans la fureur artificielle du volcan théâtral (25).»

Présences du Grand Opéra dans les drames wagnériens

Si la théorie wagnérienne s’acharne à discréditer la production de Scribe et de Meyerbeer, il n’en reste pas moins que l’ascendant de ces derniers sur l’esthétique dramatique du compositeur est énorme, et va bien au-delà de la révolution de 1848. Dès le tout début de sa carrière, le compositeur allemand a essayé de s’approprier le vocabulaire dramatique du Grand Opéra. Plusieurs années avant la composition de Rienzi, dont on a coutume de dire, de façon sans doute trop schématique, que c’est son œuvre la plus proche du théâtre musical de Meyerbeer, il lance plusieurs projets qui ne verront pas le jour, dans lesquels il s’essaie au genre du grand drame historique, dans l’espoir secret de conquérir le succès à Paris.

Au mois d’août 1836, il envoie ainsi à Eugène Scribe la traduction en français d’un scénario de Grand Opéra intitulé La Noble Fiancée (Die hohe Braut), dont la version originale a probablement été rédigée au mois de juillet de la même année (26). Le livret, dont la tonalité est résolument révolutionnaire, semble s’inspirer en plusieurs points de La Muette de Portici – même si l’intrigue est empruntée, comme le veut la loi du genre, à un grand roman historique (en l’occurrence de Heinrich König). L’action, située à Nice en 1792, met en scène un épisode de la lutte entre la royauté italienne et les révolutionnaires français. La révolte du héros, Giuseppe, combine des motifs politiques (il s’insurge contre le pouvoir de la noblesse, ses privilèges exorbitants et son comportement immoral) et des raisons d’ordre privé (il est amoureux de Bianca, la fille du comte Malvi, à laquelle sa position sociale lui interdit de prétendre). L’intrigue repose, pour schématiser, sur une double série d’événements qui renvoient à la fois au livret de La Muette de Portici et au schéma de l’  » opéra à sauvetage « , sur le modèle de Fidelio. Parmi les emprunts les plus évidents au livret de Scribe et Delavigne, on relèvera notamment le duo entre Giuseppe et Vincenzo Sormano, un activiste révolutionnaire en contact avec les troupes françaises, dont le texte rappelle étrangement le célèbre duo entre Pietro et Masaniello (« Amour sacré de la patrie ») au deuxième acte de l’opéra d’Auber. D’autres passages sont à l’évidence démarqués de Guillaume Tell de Rossini (ou de Schiller), notamment le serment des insurgés face à un splendide lever de soleil, qui rappelle fortement le serment sur le Rütli. Si La Muette se termine par cette célèbre éruption du Vésuve qui fait figure de mise en garde contre les excès de la révolution, Wagner, qui voyait en elle un opéra précurseur des événements de 1830, fait quant à lui triompher le soulèvement populaire dans la scène finale. Scribe n’a pas donné suite à l’envoi de Wagner : sans doute a-t-il été effrayé par le message politique d’une œuvre qui prend ostensiblement le parti de la révolution, alors que le Grand Opéra français est plutôt, pour reprendre l’expression de Carl Dahlhaus (27), « un opéra politique conçu dans un esprit apolitique » – et d’ailleurs, Scribe avait-il vraiment besoin qu’on lui fournisse des livrets ?

Nous n’insisterons pas ici sur Rienzi (achevé en 1840), qui serait, selon le bon mot de Hans von Bülow, le meilleur opéra de Meyerbeer. On y trouve tous les ingrédients du Grand Opéra (28), avec une intrigue en cinq actes qui tente, sans toujours y parvenir, de transposer sur scène la substance d’un grand roman historique, un chœur dramatiquement très actif, qui agit de façon autonome et possède une psychologie propre (de véritables dialogues se nouent entre le chœur et les personnages solistes), une série de grands tableaux mettant l’accent sur l’élément visuel, de nombreux défilés, des scènes de serments (qui font écho aux tableaux de Jacques-Louis David), une longue pantomime, un scénario qui montre l’ascension et la chute d’un héros révolutionnaire contre qui le peuple se retourne en l’accusant de trahison, etc. Mais, contrairement à ce que Wagner a ensuite prétendu, Rienzi ne marque pas, loin de là, la fin de sa confrontation avec le Grand Opéra.

On découvre, en y regardant de près, que la dramaturgie du Grand Opéra historique transparaît nettement dans des œuvres plus tardives – même s’il est toujours difficile d’évaluer avec certitude ce que telle ou telle œuvre doit réellement au modèle français. Il faut en effet se garder de surinterpréter certains détails : peut-on par exemple légitimement prétendre que le troisième acte de Parsifal contient de lointains échos du Grand Opéra simplement parce que le rôle de Kundry relève de la pantomime ? Nous ne le croyons pas.

Il est en revanche légitime de se poser la question pour Lohengrin, œuvre à propos de laquelle on peut affirmer que Wagner y réalise une forme de synthèse de la dramaturgie de l’opéra romantique et de celle du Grand Opéra. On retrouve ici l’omniprésence du chœur (29), essentiel à ces grands défilés ou scènes- tableaux qui marquent les temps forts de l’intrigue. L’exemple le plus spectaculaire est sans doute le grand finale du deuxième acte, qui met en scène la rivalité entre Elsa et Ortrud sur les marches de la cathédrale d’Anvers. Certes, Wagner emprunte cette configuration dramatique à la scène opposant Kriemhild et Brunhild sur les marches de la cathédrale de Worms dans la Chanson des Nibelungen. Il n’empêche que le vocabulaire dramatique particulièrement spectaculaire employé par le compositeur est bien celui du Grand Opéra. L’imposant tableau de la cérémonie interrompue devant la cathédrale d’Anvers (il s’agit là d’un véritable topos de l’opéra au XIXe siècle et du Grand Opéra historique en particulier) rappelle à plus d’un égard la scène du couronnement au quatrième acte du Prophète de Scribe et Meyerbeer (1849), sans qu’il faille pour autant chercher une influence directe d’une des deux œuvres sur l’autre : elles ont été conçues pratiquement à la même époque. Lohengrin et Jean de Leyde, le protagoniste du Prophète, sont tous deux des héros charismatiques qui ont su subjuguer la foule, à cette différence près que le premier est véritablement un envoyé du Ciel (du moins dans l’esprit de l’auteur), tandis que le second n’est qu’un imposteur, un faux prophète. Dans les deux cas, on voit une cérémonie interrompue par une femme ou un couple qui ose poser la question de l’identité du héros. Dans Le Prophète, il s’agit de Fidès, la mère de Jean de Leyde, qui, en reconnaissant en lui son propre fils, nie le caractère divin du prophète anabaptiste. Dans Lohengrin, c’est Telramund qui demande au mystérieux chevalier au cygne de dévoiler ses véritables origines. Pas plus Lohengrin que Jean de Leyde n’acceptent de se justifier, se réfugiant tous deux derrière un miracle qui se substitue à une justification rationnelle. Le héros du Prophète fait passer Fidès pour une folle, Lohengrin accuse Telramund de félonie et Ortrud de sorcellerie, permettant ainsi à la cérémonie de parvenir à son terme.

Les emprunts de Wagner à la dramaturgie du Grand Opéra ne sont pas circonscrits à ses « opéras romantiques », et on peut en déceler jusque dans Le Crépuscule des dieux. Mais la référence au contre-modèle français prend ici un tout autre sens. Pour mieux dénoncer un monde en pleine déliquescence, rongé par la corruption et situé aux antipodes de l’innocence des origines mythiques, Wagner joue dans Le Crépuscule des dieux sur le mode citationnel avec une forme opératique qu’il avait lui-même vilipendée dans ses écrits théoriques, la jugeant obsolète et factice. Citer le Grand Opéra est dès lors pour lui un moyen habile d’illustrer le déclin et la perte de sens qui caractérisent la société moderne. L’une des scènes les plus spectaculaires du dernier volet du Ring est sans doute celle du serment au milieu du deuxième acte, construite sur le mode de la parodie du Grand Opéra. Dans Rienzi ou dans Guillaume Tell, le serment est une figuration théâtralisée du contrat social, il est l’acte fondateur d’une nouvelle société qui se libère du joug de la tyrannie en proclamant l’égalité des contractants, mais aussi leur absolue fidélité à un idéal politique. Dans Le Crépuscule des dieux à l’inverse, le serment sur la lance de Hagen ne montre pas l’instauration d’un nouvel ordre social, mais plutôt sa destruction. La lance de Hagen est en effet censée être garante de la loi, en tant que substitut de celle de Wotan, sur laquelle son gravées les lois de l’État. Or, le spectateur sait que la lance du maître des dieux vient d’être brisée, et que de ce fait, les lois qu’elle incarnait n’ont plus cours. La parodie du pathos du Grand Opéra permet de révéler au grand jour la fausseté et la perversion des valeurs sur lesquelles repose la société moderne, de dénoncer cette société matérialiste et bourgeoise qui croit trouver dans l’extériorité pompeuse et vide des œuvres de Meyerbeer la consécration de ses propres valeurs, au lieu d’y percevoir les prémices de son crépuscule.

Si le rapport de Wagner au Grand Opéra français fait apparaître une ligne évolutive certaine, qui conduit d’une tentative d’appropriation de son langage dramatique à son détournement parodique dans Le Crépuscule des dieux, il n’en reste pas moins que le regard du compositeur allemand sur le Grand Opéra français est, dès ses origines, empreint d’ambiguïtés. Celles-ci montrent qu’il s’agit là surtout d’une confrontation critique permanente permettant à l’artiste, dans une logique progressive d’appropriation puis de différenciation et d’opposition, de mieux définir et affirmer ses propres options esthétiques.

© Jean-François CANDONI

NOTES

1 – Richard WAGNER, Oper und Drama, édité sous la direction de Klaus KROPFINGER, Stuttgart : Reclam, 1984, p. 101 : « Le secret de la musique d’opéra de Meyerbeer, c’est l’effet […]. Et si nous voulons définir précisément ce que nous entendons par là, nous pouvons traduire le terme “effet” par “résultat sans cause” » ; « Das Geheimnis der Meyerbeerschen Opernmusik ist der Effekt. […] Wollen wir daher genau das bezeichnen, was wir unter diesem Worte verstehen, so dürfen wir „Effekt“ übersetzen durch „Wirkung ohne Ursache“. »
2 – « Paris ist nicht bloß die Hauptstadt von Frankreich, sondern der ganzen zivilisierten Welt » (Heinrich HEINE, « Französische Zustände », Werke III, édité sous la direction d’Eberhard GALLEY, Francfort-sur-le-Main : Insel, 1994, p. 103).
3 – « Eine deutsche Oper aber haben wir nicht » (Richard WAGNER, « Die Deutsche Oper »(1834), Sämtliche Schriften und Dichtungen, Leipzig : Breitkopf & Härtel/C.F.W. Siegel, 1914, t. XII, p. 1).
4–  Richard WAGNER, « Erinnerungen an Auber », même référence, t. IX, p. 46.
5 – « Jusqu’à ce jour, on entend par opéra de cour rien d’autre qu’un opera seria ou un drame lyrique ou bien encore un grand opéra allemand qui doivent obéir aux règles et aux formes du genre et donc avoir un contenu sérieux et être entièrement mis en musique » ; « Noch bis auf den heutigen Tag soll wohl, wenn von Hofopern geredet wird, nichts anders darunter verstanden werden, als Opera seria, oder Drame lyrique, oder etwa deutsche grosse Opern, die ganz nach der Form und den Gesetzen jener, also namentlich durchaus ernsten Inhalts und durchkomponiert sind » (Adolf Bernhard MARX, « Übersicht der verschiedenen wesentlichen Gattungen des musikalischen Dramas », Berliner allgemeine musikalische Zeitung, 1828, no 26, p. 205).
6 – Ce projet architectural, officiellement lancé en 1842 (moins de deux mois avant la création de Rienzi), est devenu un symbole de l’effort en vue de l’unification de l’Allemagne. Comme le note l’historien de l’art Achim Hubel, on partait alors du principe que « si l’on parvenait à achever la cathédrale, alors il serait possible de réaliser l’unité nationale » (« Würde es gelingen, den Dom zu vollenden, könnte es auch möglich werden, die nationale Einheit zu erreichen », Achim HUBEL, Denkmalpflege, Stuttgart : Reclam, 2006, p. 55.)
7 – « Denn, ihr Deutschen, auch ihr seid/ Tatenarm und gedankenvoll » (Friedrich HÖLDERLIN,« An die Deutschen » (1796-1798), Sämtliche Gedichte, édité sous la direction de Jochen SCHMIDT, Francfort-sur-le-Main : Deutscher Klassiker Verlag, 2005, p. 202).
8 – « Abgesondert von dem Politischen hat der Deutsche sich einen eigenen Werth gegründet, und wenn auch das deutsche Imperium untergegangen, so bliebe die deutsche Würde unangefochten » (Friedrich SCHILLER, « Deutsche Größe », Sämtliche Werke, erster Theil, Stuttgart : Cotta, 1871, p. 414).
9 – « Wir wollen wieder Geschichte haben, und darum ist die Geschichte, die da war, unsere Nahrung. Für niemand mehr als für die Deutschen gilt es, daß ihr Grundmangel und Erbfehler ihr ungeschichtlicher Charakter ist. Wir innerliches und transzendentes Volk haben es bisher noch nicht verstanden, Erfahrungen zu machen; wir waren überall und nirgends zu Hause, wir sahen nach den Vögeln, indem man uns den Stuhl unter dem Leibe wegzog. Endlich fangen uns die Augen an aufzugehen, wir studieren Geschichte » (Friedrich Theodor VISCHER, « Zustand der jetzigen Malerei », Kritische Gänge V, édité sous la direction de Robert VISCHER, zweite, vermehrte Ausgabe, Munich : Meyer & Jessen, 1922, p. 40).
10 – En publiant sa « Proposition pour un opéra » (Vorschlag zu einer Oper, 1844), Vischer affiche explicitement son intention d’utiliser le sujet de la Chanson des Nibelungen pour rivaliser avec Meyerbeer sur son propre terrain. Voir : Friedrich Theodor VISCHER, Briefwechsel mit David Friedrich Strauß, édité sous la direction d’Adolf RAPP, Stuttgart : Ernst Klett, 1952, p. 143.
11 – « In der Oper versammeln sich nicht nur Kunstkenner – da herrscht die Menge. O die Menge ist bildsam, wenn sie auch ungebildet heißt – gebt Ihr was sie will und was sie bedarf: nationale Musik zu einem nationalen Stoff – gebt Ihr die Nibelungen als Oper, und der erste Schritt zur Vereinigung ist gethan, die erste Brücke über die Kluft geschlagen, welche die Bestrebungen der neuen Zeit feindlich trennt von den Bestrebungen der Componisten » (Louise OTTO, « Die Nibelungen als Oper », Neue Zeitschrift für Musik, 1845 (vol. II, no 13), p. 52).
12 – « Dagegen überraschte die Stumme sofort als etwas vollständig Neues: ein Opernsüjet von dieser Lebendigkeit war nie dagewesen; das erste wirkliche Drama in fünf Akten, ganz mit den Attributen eines Trauerspieles, und namentlich eben auch dem tragischen Ausgange, versehen. Ich entsinne mich, daß schon dieser Umstand ein bedeutsames Aufsehen machte. Das Süjet einer Oper hatte sich bisher dadurch charakterisirt, daß es immer „gut“ ausgehen mußte: kein Komponist hätte es gewagt, die Leute mit einem schließlichen traurigen Eindrucke nach Hause zu schicken » (WAGNER, « Erinnerungen an Auber », p. 44).
13 – Voir même référence, p. 45
14 – « Ihren höchsten Höhepunkt erreichte aber die französische dramatische Musik in Auber’s unübertrefflicher Stummen von Portici, – einem National-Werke, wie jede Nation höchstens nur Eines aufzuweisen hat » (Richard WAGNER, « Über deutsches Musikwesen », Sämtliche Schriften und Dichtungen, t. I, p. 165).
15 – « […] den allerfranzösischsten seiner Komponisten » (WAGNER, « Erinnerungen an Auber », p. 42).
16 – « Ich sagte, diese Befähigung erwuchs Auber aus dem Zurückgehen auf die Wurzel des eigentlichen Volksgeistes, welche für ihn hier in dem Tanze und der Tanzweise seines Volkes vorlag: kein anderer französischer Komponist konnte in Wahrheit sich rühmen, ein Mann des Volkes zu sein, wie er » (même référence, p. 51).
17 – « Meyerbeer schrieb Weltgeschichte, Geschichte der Herzen und Empfindungen, er zerschlug die Schranken der National-Vorurtheile, vernichtete die beengenden Grenzen der Sprachidiome, er schrieb Thaten der Musik […] » (Richard WAGNER, « Über Meyerbeers Hugenotten », Sämtliche Schriften und Dichtungen, t. XII, p. 26).
18 – Brendel ironise en particulier sur le culte de l’effet (Effectsucht) dans Robert le Diable. Voir : Franz BRENDEL, « Gegenwart und Zukunft der Oper », Neue Zeitschrift für Musik, 1845 (vol. II, no 38), p. 151.
19 – Voir en particulier sa critique assassine des Huguenots, qualifiés de «farce foraine» (Jahrmarktsfarce) : Robert SCHUMANN, « Fragmente aus Leipzig » (4), Neue Zeitschrift für Musik, 1837 (vol. II, no 19), p. 73.
20 – Marx reproche essentiellement à Meyerbeer son manque de sincérité artistique. Voir : Adolf Bernhard MARX, Die Musik des 19. Jahrhunderts und ihre Pflege, Leipzig : Breitkopf & Härtel, 1855, p. 117.
21 – Voir : Heinrich HEINE, « Über die französische Bühne, zehnter Brief », Historisch-kritische Gesamtausgabe der Werke, édité sous la direction de Manfred WINDFUHR, Hambourg: Hoffmann und Campe, 1980, vol. 12/1, p. 284. (Heine compare le Grand Opéra au cirque de Franconi.) Voir également sa critique de Robert le Diable dans Heinrich HEINE,« Französische Zustände, Artikel V », même référence, vol. 12/1, p. 117.
22 – Il s’agit là d’un concept central de l’essai Opéra et Drame.9
23 – « Die Idee der Menschheit voran, will ich zeigen, daß es keine Idee vom Staat gibt, weil der Staat etwas Mechanisches ist, so wenig als es eine Idee von einer Maschine gibt. Nur was Gegenstand der Freiheit ist, heißt Idee. Wir müssen also auch über den Staat hinaus! – Denn jeder Staat muß freie Menschen als mechanisches Räderwerk behandeln; und das soll er nicht; also soll er aufhören » (Friedrich Wilhelm Joseph von SCHELLING, « Das älteste Systemprogramm des deutschen Idealismus » dans Georg Wilhelm Friedrich HEGEL, Werke, Francfort-sur-le-Main : Fischer, 1979, t. 1, p. 234-235). (Le texte a été retrouvé dans une copie réalisée par Hegel et lui a été longtemps attribué à tort.)
24 – «Hatte er nicht vom Dichter den Menschen verlangt, sondern vom Mechaniker denGliedermann […] » (WAGNER, Oper und Drama, p. 67).
25 – « Diese Stumme war die nun sprachlos gewordene Muse des Dramas, die zwischen singenden und tobenden Massen einsam traurig, mit gebrochenem Herzen dahinwandelte, um vor Lebensüberdruß sich und ihren unlösbaren Schmerz endlich im künstlichen Wüten des Theatervulkanes zu ersticken! » (même référence, p. 60).
26 – Le livret en vers publié dans les Sämtliche Schriften und Dichtungen (t. XI, 136-178) est partiellement apocryphe : il s’agit en fait du livret de l’opéra composé par Jan Bedřich [ou Johann Friedrich] Kittl en 1848 pour Prague, rédigé par Uffo Horn à partir du texte de Wagner. Les différentes versions conservées du scénario ont été publiées dans : Richard WAGNER, « Dokumente und Texte zu unvollendeten Opern », édités sous la direction d’Egon VOSS, Richard Wagner-Gesamtausgabe, Reihe B: Dokumentenbände – Band 31, Mayence : Schott, 2005, p. 147-175.
27 – «[…] eine politische Oper aus dem Geiste des Unpolitischen» (Carl DAHLHAUS,Musikalischer Realismus, Munich : Piper, 1982, p. 107).
28 – Pour plus de précisions sur ce sujet, voir l’entrée «Rienzi» dans le Dictionnaire encyclopédique Wagner, sous la direction de Timothée PICARD, Arles : Actes Sud, 2010.
29 – Il demeure toutefois plus passif que dans Rienzi, où il était un véritable moteur du drame. Wagner semble hésiter ici entre le chœur du Grand Opéra historique et celui de la tragédie grecque, qui est une sorte de caisse de résonance des événements montrés sur scène.

Vous souhaitez apporter des informations complémentaires et ainsi enrichir cet article, contactez-nous !

Appeller le musée

16, Boulevard Saint-Germain 75005 Paris - France

Français / English / Deutsch