Résultat de plusieurs années de recherches minutieuses, notre biographie exhaustive de Richard Wagner rassemble la plupart des informations connues à ce jour sur la vie du compositeur de la Musique de l’Avenir. Ces informations proviennent notamment des propres écrits du compositeur, ainsi que de correspondances et informations recueillies par les témoignages écrits de ses proches. Notre travail s’appuie sur une compilation des autobiographies de Richard Wagner (Ma Vie, Une Communication à mes amis…) ainsi que des ouvrages attestés des plus célèbres biographes du compositeur (M. Gregor-Dellin, H.S. Chamberlain, H. Lichtenberger…).
Réparties en neuf périodes, chacune de ces sections permet ainsi d’accéder à une chronologie complète, année après année, de la vie de Richard Wagner.
La maturité Parsifal, Venise (1877-1883)
13 janvier 1882
Richard Wagner achève l’orchestration de Parsifal.
Cosima écrit dans son Journal : “Nous portons un toast à Parsifal !”
C’est l’anniversaire de Joukowski : une petite réception est donnée en l’honneur de l’artiste et ami du couple Wagner (on joue le chœur des Fées, puis la Ballade de la Sorcière – interprétée par Wagner – puis enfin l’Ouverture du même opéra).
15 janvier 1882
A Palerme, le peintre Auguste Renoir esquisse un portrait de Wagner (aujourd’hui conservé au Musée d’Orsay, à Paris).
Cosima note dans son Journal : “Cet artiste appartient à l’Ecole des Impressionnistes qui peignent tout en clair et, sous le soleil, il (Renoir) amuse Richard en faisant beaucoup de grimaces et en travaillant avec une telle nervosité que Richard lui dit qu’il est le genre de peintre que l’on trouve dans les Fliegende Blätter. Quant au résultat très étrange, bleu-rose, Richard dit qu’il a l’air d’un embryon d’ange avalé par un Épicurien qui croit que c’est une huître.”
Cosima note également que Wagner ajoute à propos des portraits : “Qu’est-ce que cela me dit ? La meilleure chose que puisse produire aujourd’hui un portraitiste, c’est le tableau d’un braque !”
19 janvier 1882
Wagner reçoit une lettre des éditeurs Härtel qui annonce la publication de Lohengrin et une nouvelle édition de Tristan et Isolde.
A propos de cette dernière œuvre, Cosima note dans son Journal : “Richard se demande s’il doit alléger la partition et il y renonce.”
20 janvier 1882
De retour d’une promenade à Bagheria, le couple Wagner est contrarié en trouvant un compte-rendu des concerts Brahms à Berlin : “Ces fêtes Brahms nous rendent tristes” (Journal de Cosima).
Une lettre de Gobineau rend également le compositeur de mauvaise humeur car ce dernier ne comprend pas qu’il ne vienne pas les rejoindre à Naples.
2 mars 1882
Wagner reprend un ancien thème auquel il avait auparavant pensé pour le deuxième acte de Tristan : c’est le “thème Porazzi” (appelé également au moment de la constitution du catalogue WWV des œuvres musicales de Wagner “Élégie”. Dans ce catalogue, il porte le numéro WWV93).
(Le thème ne sera “achevé” que le 19 avril 1882).
Pour découvrir ce thème :
ainsi que son développement bien après par le compositeur américain Alfred Reed (1921-2005) :
Printemps 1882
Pendant le séjour du couple Wagner dans le Sud de l’Italie, à Bayreuth on attaque les travaux d’agrandissement et d’embellissement du Festspielhaus en prévision de l’édition 1882 du Festival (construction de l’avant-corps baptisé Königsbau – bâtiment royal)
10 avril 1882
Après avoir subi de nouvelles attaques cardiaques, Wagner effectue un itinéraire à travers la Sicile, depuis Catane, jusqu’à Taormine, puis Messine…
13 avril 1882
Hermann Levi écrit à son père : “C’est (Richard Wagner) le meilleur et le plus noble des hommes. Que ses contemporains se méprennent sur lui et le calomnient, c’est naturel ; le monde a coutume de noircir ce qui resplendit ; Goethe lui-même n’était pas mieux loti. Mais la postérité reconnaîtra un jour que Wagner était aussi grand comme homme que comme artiste, ainsi que le savent ses proches déjà maintenant. Il n’y a pas jusqu’à sa lutte contre ce qu’il appelle le “judaïsme” dans la musique et la littérature moderne qui ne provienne des motifs les plus nobles ; et qu’il ne nourrisse aucune Risches (NDT : mot yiddisch signifiant à la fois “rancune” et “esprit de vengeance”) mesquine, comme par exemple un hobereau ou quelque cagot protestant, son attitude envers moi, envers Joseph Rubinstein, le prouve, sans oublier ses relations intimes d’autrefois avec Tausig, qu’il a aimé tendrement.”)
Du 15 avril au 1er mai 1882
De retour en Italie continentale, les Wagner passent ensuite par Venise où ils séjournent une quinzaine de jours et au cours desquels ils visitent l’étage central du Palazzo Vendramin-Calergi, qu’ils envisagent de louer à l’automne suivant, à l’issue de la création de Parsifal à Bayreuth.
A partir du 5 mai 1882,
Début d’une série de 4 cycles de l’intégrale de La Tétralogie à Londres, par la compagnie d’Angelo Neumann, dirigés par Seidl.
Du 11 mai au 17 juin 1882
Gobineau est à nouveau l’hôte des Wagner à Wahnfried.
22 mai 1882
Dernier anniversaire de Richard Wagner
A Bayreuth, Richard Wagner assiste à son dernier anniversaire : sa belle-fille Blandine, qui vient de se fiancer, lui récite un poème, Humperdinck fait interpréter par de jeunes garçons des extraits du premier acte de Parsifal, la soirée se termine avec des chansons bavaroises qui réjouissent le compositeur.
A l’occasion de cet anniversaire, le roi Louis II de Bavière a fait envoyer un couple de cygnes noirs au compositeur.
28 mai 1882
Sur l’initiative de Wagner est créée l’Institution Bayreuthienne de la Fondation de bourses pour gens sans fortune (Stipendienstitung für Unbemittelte).
12 juin 1882
Hermann Levi arrive à Bayreuth pour les premiers préparatifs de la création de Parsifal au festival de Bayreuth. Durant toute la période des répétitions, le chef d’orchestre est l’hôte et le convive des Wagner à Wahnfried.
Le soir, lectures à haute voix du poème de Parsifal par Wagner.
2 juillet 1882
Début des répétitions de Parsifal à Bayreuth sous les directions conjointes de Hermann Levi et de Franz Fischer.
Heinrich Porges et Julius Kniese qui assistent aux répétitions en dressent un véritable procès-verbal dans des réductions pour piano, notant toutes les remarques de Wagner.
Le roi Louis II de Bavière fait savoir quant à lui qu’il n’assistera pas à la première.
Du 15 juillet au 5 août 1882
Franz Liszt séjourne à Bayreuth.
Anton Bruckner également qui assiste aux répétitions avec un jeune homme, fils d’un corniste de l’orchestre de Munich : c’est le jeune Richard Strauss.
Durant l’intervalle des répétitions, Wagner aurait promis à Bruckner qu’il ferait exécuter plus tard ses symphonies à Bayreuth.
Judith Gautier arrive également à Bayreuth.
22 juillet 1882
Répétition générale de travail (Hauptprobe) de Parsifal à Bayreuth.
Cosima note dans son Journal : “Au premier acte, Richard trouve que les tempi traînent assez fortement… à moi; il fait la remarque que, comme membre de l’orchestre, il ne voudrait pas être dirigé par un juif.”
NB : cette dernière remarque, rapportée seule par Cosima, n’engage la responsabilité que de cette dernière.
24 juillet 1882
Répétition générale de Parsifal à Bayreuth.
25 juillet 1882
Au cours d’un banquet offert aux participants dans le restaurant du Festival, Wagner rend une fois de plus hommage à Franz Liszt comme ayant été son promoteur.
26 juillet 1882
Ouverture de la deuxième édition du Festival de Bayreuth avec la création mondiale de Parsifal, Bühnenweihfestspiel (festival sacré).
Sur la création mondiale de Parsifal :
Hermann Levi assure la direction d’orchestre.
La distribution réunit Hermann Winckelmann (Parsifal), Karll Hill (Klingsor), Amalia Materna (Kundry), Emil Scaria (Gurnemanz), Theodor Reichmann (Amfortas).
Les décors ont été créés par les frères Brückner d’après les dessins et maquettes de Paul de Joukowsky.
Les répétitions avec les solistes ont été assurées par les assistants musicaux Engelbert Humperdinck, Heinrich Porges, Kniese et Frank.
L’orchestre du Festival réunit des musiciens venus de toute l’Allemagne (Berlin, Cobourg, Darmstadt, Dessau, Hanovre, Karlsruhe, Meiningen, Munich, Weimar, Wurtzburg) ainsi que de Rotterdam et de Vienne.
La Première de Parsifal a lieu sans incident. Au premier entracte, Wagner avait demandé au public qu’il ne se manifestât pas en applaudissant entre les actes afin de ne pas casser l’émotion. Le public prend la recommandation du compositeur très au sérieux et n’applaudit pas à la fin de l’ouvrage. Le compositeur a un sursaut de colère : « Maintenant, je ne sais même pas si cela a plu ou non au public ». Il paraît dans la salle, et les applaudissements se déchainent, témoin du succès immédiat de l’œuvre.
Du 28 juillet au 29 août 1882
Série de quinze représentations de Parsifal au Festspielhaus de Bayreuth.
Hermann Levi et Franz Fischer se partagent la direction de l’orchestre durant la série de représentations.
Au cours du deuxième Festival se succéderont des personnalités venues de toute l’Europe ; parmi elles on note la présence de Franz Liszt, Anton Bruckner, Léo Delibes, Camille Saint-Saëns, Elisabeth Nietzsche (la sœur du philosophe), Lou Andreas-Salomé, Malvida von Meysenbug…
Le jeune Gustav Mahler qui assiste également aux représentations de Parsifal écrira un an plus tard : “En sortant du Festspielhaus, incapable de prononcer une parole, je savais qu’en moi s’était éclos ce qu’il y a de plus grand et de plus douloureux qui soit, et que j’irais désormais le porter avec moi sans profanation à travers ma vie.”
Durant la toute dernière de la série, le 29 août, Wagner descend dans la fosse pendant un changement de tableau et prend la baguette des mains de Hermann Levi, fébrile et souffrant d’un refroidissement, et dirige son œuvre jusqu’à la fin. Il ne va pas saluer pour autant, mais reste au milieu de ses musiciens.
Levi s’étant quand même tenu à côté de lui, écrira le surlendemain à son père : “A la fin de l’œuvre éclatèrent parmi le public des clameurs d’allégresse défiant toute description. Mais le Maître n’alla pas saluer.”
24 août 1882
Le grand absent de la deuxième édition du Festival est le roi Louis II de Bavière.
Wagner lui adresse ces quelques vers : “Du Graal tu dédaignas le réconfort, il fut tout ce que j’eus à porter vers toi en offrande. Que le mépris soit épargné à l’indigent qui ne peut pas te l’envier, mais plus te donner davantage.”
Août 1882
Neumann reçut l’autorisation expresse d’appeler sa compagnie « Théâtre Wagner ». Cette troupe Neumann voyagea à travers l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Italie et l’Autriche, où la dernière représentation à Graz eut lieu en Août 1883.
16 septembre 1882
Il arrive avec toute sa famille à Venise. Les Wagner s’installent au Palazzo Vendramin-Calergi visité en début d’année.
Le bilan du Festival s’avère pour la première fois positif : les bénéfices approchent les 150.000 marks.
Durant l’automne et l’hiver 1882, les visites se succèdent au Palazzo-Vendramin, les visiteurs pensant que c’est la dernière fois qu’ils verront le Maître vivant.
Liszt rend visite aux Wagner en novembre 1882. Richard Wagner est vite agacé par les conversations de son beau-père, créant une tension avec Cosima, la seule que celle-ci reportera dans son Journal.
Wagner se penche sur une œuvre de jeunesse (la Symphonie en Ut Majeur) qu’il souhaite diriger le Jour de Noël au théâtre La Fenice de Venise en l’honneur de sa femme qui allait fêter ses quarante-cinq ans. Cosima en est bouleversée et lui dit “celui qui a fait cela ne connaît pas la peur”.
Dernier Noël passé en famille.
Voir également :
– Lieux de vie, lieux d’inspiration : VENISE
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