2 janvier 1843
Création du Vaisseau fantôme (Der Fliegende Holländer, WWV63) au Semperoper de Dresde (Théâtre Royal de la Cour de Saxe) sous la direction du compositeur. L’œuvre est donnée dans sa version initiale en trois actes. Dans le rôle de Senta, Wilhelmine Schröder-Devrient “sauve” l’accueil de l’œuvre de la part d’un public fort mitigé à l’issue de la représentation. L’œuvre sera retirée de l’affiche au bout de quatre représentations.
Sur Le Vaisseau fantôme – entre répétitions et création.
L’ouvrage est mis en répétition dès le lendemain du succès de Rienzi. Entendu pour la première fois par son auteur à l’orchestre, celui-ci sonne pour lui comme une révélation. Malgré les réserves que Wagner avait émises à l’encontre de la prestation de Wilhelmine Schröder-Devrient, celui-ci est subjugué par les talents d’actrice de l’artiste : dès le deuxième acte où celle-ci enflamme la scène au cours de la Ballade de Senta, la cantatrice vit pleinement son personnage. Tant et si bien que Wagner est obligé de conseiller son amie chanteuse de se ménager de crainte qu’elle ne puisse arriver en pleine forme le soir de la Première fixée au 2 janvier 1843.
Le soir de la Première, le public est décontenancé, tant il espérait un ouvrage de la même trempe que le Rienzi qui l’avait tant enthousiasmé. Mais c’est l’interprétation et en particulier, celle de l’égérie de Wagner, Wilhelmine Schröder-Devrient qui rallie tous les suffrages.
1er et 8 février 1843
Suite au succès de Rienzi surtout (Le Vaisseau fantôme n’ayant rencontré qu’un accueil fort mitigé de la part du public), il est suggéré au compositeur de se présenter et se faire connaître auprès du public allemand. c’est ce que le compositeur fera en faisant publier en deux parties dans le Journal pour le Monde élégant (Zeitung für die Elegante Welt) de Heinrich Laube son Esquisse autobiographique (Autobiographische Skizze).
2 février 1843
Par décret Royal, Wagner est nommé au poste de Maître de Chapelle de la Cour Royale de Saxe.
Le compositeur n’est pas particulièrement motivé à accepter ce poste ; il est pressé toutefois de prendre cette nouvelle fonction par son épouse Minna, la veuve de Carl Maria von Weber ainsi que l’intendant von Lüttichau. Le compositeur pressent qu’accepter celui-ci sera “ lourd de conséquences ” (Mein Leben). Quelques jours plus tard seulement, il est reçu en audience par le Roi de Saxe en personne
Le 7 avril 1843, Wagner écrit à Lehrs : “ Il m’a été déclaré sans ambages qu’on attend de moi une véritable réorganisation artistique de la vie musicale d’ici. ”
Wagner, Kappelmeister de la Cour de Dresde
Le succès de Rienzi avait déjà porté Wagner de l’anonymat à la reconnaissance locale.
Comble du hasard, le Maître de Chapelle de la Cour, Rastrelli, meurt prématurément, créant ainsi une vacance. Fort du succès de Rienzi, Wagner est dans la mire directe des autorités du Royaume de Saxe : se pourrait-il qu’il en accepte la charge devenue disponible ?
Wagner hésitera longtemps avant d’accepter le poste : certes celui-ci est fort bien rémunéré, et Minna, son épouse, qui en a assez des années d’incertitude et de précarité, pousse son mari à l’accepter. En revanche, Wagner voit en cette distinction tout autant sociale qu’artistique un écueil à sa liberté de composition, ainsi que l’impossibilité matérielle de consacrer tout le temps qu’il souhaite à la composition de ses propres œuvres. Autrement dit, Wagner est une personnalité artistique qui ne rentre dans aucun moule. Surtout que ce moule est subordonné à la censure encore bien présente au Royaume de Saxe à l’époque.
Malgré tout, Wagner finit par céder, et le 2 février 1843 paraît le décret qui le nomme Maître de Chapelle (Kappelmeister) du Royaume de la Cour de Saxe. Quelques jours plus tard à peine, il est reçu en audience par le roi et prête alors serment.
Il occupe cette fonction pendant une durée de sept années consécutives… jusqu’à la disgrâce la plus totale.
Entre le 6 et le 18 février 1843
Wagner rencontre Hector Berlioz qui s’est déplacé à Dresde pour venir assister aux représentations de Rienzi et du Vaisseau fantôme.
Mars 1843
Première représentation à Dresde d’Armide de Glück sous la direction de Wagner. L’ouvrage reçoit un accueil très favorable de la part du public, ce qui vaudra au compositeur la réputation de “ glückiste ”.
Avril 1843
Wagner poursuit la composition du poème original en vue d’établir le livret de Tannhäuser.
14 mai 1843
Une association culturelle de Dresde commande à Wagner une pièce musicale sur le thème de la Pentecôte. Ce sera La Cène des Apôtres (Das Liebesmahl der Apostel), scène biblique pour chœurs d’hommes et orchestre, d’une durée d’environ trente minutes. Le compositeur est chargé d’en composer la musique ainsi que le livret.
22 mai 1843
Trentième anniversaire du compositeur
Wagner achève la composition du poème original en vers de Tannhäuser.
29 juin 1843
Wagner met un point d’orgue à la composition de La Cène des Apôtres.
6 juillet 1843
Dimanche de Pentecôte
Création de La Cène des Apôtres (Das Liebesmahl der Apostel, WWV69) à la Frauenkirchen de Dresde. Pour l’occasion, on a réunion l’effectif spectaculaire d’un orchestre de cent musiciens, ainsi que d’un chœur de près de mille deux cents choristes provenant de tout le Royaume de Saxe.
L’ouvrage reçoit un accueil très chaleureux. Malgré le succès obtenu à l’issue du concert, le compositeur est globalement déçu par l’ ”effet relativement faible ” (Mein Leben) de la pièce, vu le grand nombre de musiciens réunis pour à cette occasion.
Sur la Frauenkirche et La Cène des Apôtres, voir également (en allemand) :
A partir du 19 juillet 1843 et été 1843
Wagner consacre la majeure partie de l’été à la composition de la musique de Tannhäuser au cours d’un séjour à Teplice. En parallèle à la composition de Tannhäuser, Wagner lit par ailleurs assidûment La Mythologie allemande de Jakob Grimm.
16 août 1843
Après quelques jours passés à Prague, et de retour à Dresde, le couple Wagner emménage Marienstrasse, n°9.
1er octobre 1843
Le couple Wagner déménage de nouveau pour un appartement plus spacieux (et beaucoup plus onéreux – le compositeur rencontre l’opposition de Minna), Ostraallee n°6.
Le compositeur commence à se constituer une bibliothèque, avec une prédilection très marquée pour les domaines ancien-allemand et médiéval.
Novembre 1843
Wagner entame une première ébauche d’orchestration du premier acte de Tannhäuser.
Sur les origines de Tannhäuser
La « gestation » de Tannhäuser se fait d’une traite : au mois de mai 1843, le poème de Tannhäuser est achevé : Wagner travaille sans relâche en quête d’un nouveau succès, qu’il espère plus franc et enthousiaste que pour Le Vaisseau fantôme. Avant la fin de l’année 1843, il en achève la musique.
Les sources de Tannhäuser sont multiples : le poème tient à la fois des Légendes allemandes des frères Grimm que du Tournoi des Chanteurs de E.T.A. Hoffmann. Dans le livret de son opéra, Wagner y mêle sans sourciller deux légendes : celle du chevalier Heinrich von Tannhäuser qui, après s’être adonné à la volupté du monde de Vénus (Le Vénusberg, qui était d’ailleurs le titre original pressenti par Wagner pour son œuvre), va demander le pardon à Rome des mains du pape Urbain. L’autre est celle du tournoi de la Wartburg dont Wolfram von Eschenbach, poète bien réel du XIIIème siècle, fut l’un des héros les plus notoires. La lutte des chanteurs a lieu au château de la Wartburg, à la cour du Landgrave Hermann (lui également, personnage bien réel). Seul anachronisme à l’Histoire, Wagner insère à son poème le personnage d’Elisabeth de Thuringe qui vécut au XIIIème siècle et… qui ne connut ni le Landgrave Hermann ni du reste, Tannhäuser.
Le personnage d’Elisabeth, incarnation et glorification d’un amour courtois proche de la pieuse dévotion intervient pour faire contrepoids au monde de la sensualité charnelle de Venus.
Dans Tannhäuser, Wagner personnalise son système de leitmotive et le perfectionne : il n’est pas encore aussi abouti naturellement qu’il le sera dans La Tétralogie. Mais avec Tannhäuser, si le système des motifs conducteurs est déjà plus fouillé qu’il ne l’est dans Le Vaisseau fantôme, Wagner institue de manière quasi définitive le principe de mélodie continue : si encore dans Le Vaisseau fantôme, on pouvait noter quelques numéros, hérités de l’opéra classique italien ou français, dans Tannhäuser, cet héritage disparaît totalement au profit d’une structure en trois actes, totalement indépendants les uns des autres.