Ernest Van Dyck nait à Anvers et suit ses études dans une école de Jésuites, puis il étudie le droit et la philosophie à Louvain, avant de décider de devenir chanteur. Un notaire chez qui il avait étudié le présente au chef d’orchestre Joseph Dupont. Puis Van Dyck devient journaliste au journal L’Escaut d’Anvers et le journal La Patrie à Paris.
A son arrivée à Paris, il débute aux Concerts Lamoureux dans le premier acte de Tristan et Isolde et il étudie avec Chabrier qui deviendra un de ses amis. Van Dyck avait été repéré par Chabrier dans cet opéra de Wagner qu’il chantait à Karlsruhe. Ernest Van Dyck interpréta de nombreuses œuvres aux Concerts Lamoureux, notamment La Damnation de Faust, des extraits de Sigurd de Reyer, Tristan et Isolde, La Walkyrie, Les Sept péchés capitaux de Goldschmidt et il réalisa la première du Chant de la cloche de Vincent d’Indy. Il chante également la première de L’enfant prodigue de Debussy le 27 juillet 1884.
A Paris, Van Dyck étudie aussi le chant avec Saint-Yves Bax avant de faire ses premiers débuts sur une scène d’opéra (jusqu’alors il faisait essentiellement des concerts) au Théâtre Eden le 3 mai 1887, à l’occasion de la première française de Lohengrin. Un témoin relate que « c’étaient ses premiers pas sur la scène, mais qui les a vus ne saurait les oublier : ils avaient la souplesse et la fermeté que donne la foi. Ses adieux au cygne et la façon dont il se présentait au Roi pour défendre Elsa donnaient vraiment l’impression d’un être surnaturel ; plus tard, le duo d’amour ne semblait pas moins détaché de la terre ; quant au récit du Graal, sa ferveur fit passer comme un frisson d’aise. »
Plus tard, il travaille intensément avec Felix Mottl afin d’interpréter le rôle-titre de Parsifal à Bayreuth en 1888, où il remporta un grand succès. L’intensité de son jeu d’acteur fut saluée par la critique et il fut souvent invité à Bayreuth où il devint une référence en matière de sprechgesang.
L’opéra de Vienne l’engage également et il rejoint cette compagnie pendant une dizaine d’années, durant lesquelles il créa le rôle-titre du Werther de Massenet le 16 février 1892. Parallèlement Van Dyck fait ses débuts aux Etats-Unis le 29 novembre 1989, en interprétant le rôle-titre de Tannhäuser au Metropolitan Opera. Il resta à New-York jusqu’à la saison 1901-1902, en interprétant des rôles wagnériens ainsi que les rôles du répertoire français.
Il écrit un article dans le journal Musica N°13, d’octobre 1903 sur Richard Wagner et l’interprétation (voir ci-après, l’article que nous reproduisons)
En 1907, il participe à une saison au Covent Garden uniquement axée sur les opéras allemands. Le 1er avril 1913, l’artiste met également en scène le Freischütz de Weber au Théâtre des Champs-Elysées. En 1914, il apparaît dans la première parisienne de Parsifal. Il épouse la fille du violoncelliste Adrien-François Servais et meurt à Berlaar en 1923.
Le ténor réalisa enfin quelques enregistrements aux débuts des années 1900 (pour les firmes Pathé, Fonotipia et Homophone), des témoignages qui nous permettent encore aujourd’hui d’apprécier son art. Un art qui certes ne possède plus la jeunesse de ses débuts, surtout après des années de déclamation wagnérienne assez fatigantes pour la voix mais qu’il est essentiel à tout wagnérien d’apprécier comme témoignage de l’école de son époque.
Ernest Van Dyck fut également chevalier de la Légion d’honneur et des ordres de Léopold de Belgique, de François-Joseph d’Autriche, de Saint-Stanislas de Russie, du lion de Zaeringhen, de Baden, de l’Etoile de Roumanie, etc. Il fut également officier de l’Instruction publique.
Article de Ernest Van Dyck, dans la revue Musica N°13, oct. 1903 :
« Il est convenu que l’art d’interprétation est inférieur à l’art créateur et il serait puéril de ne pas admettre cette classification.
Ceci posé, rien n’empêchera de constater qu’il y a de grands artistes interprètes et qu’il y a des compositeurs médiocres. On doit admettre que l’interprète est le collaborateur indispensable du dramaturge ; car, sans interprète, les plus beaux poèmes et les plus nobles mélodies ne seraient que des œuvres muettes.
L’art créateur n’est en fait supérieur à l’art d’interprétation que par l’influence que celui-ci exerce sur celui-là. Lorsqu’une époque est en pleine décadence dramatique, l’interprète subit les effets de cette misère, et son art, n’ayant à s’exercer que d’après des œuvres fausses et médiocres, s’altère et s’amoindrit.
Lorsqu’au contraire apparaît un génie comme Richard Wagner, qui pour la première fois a su donner à l’art lyrique sa haute signification, l’interprète se trouvera du coup grandi et ennobli.
Dans sa « Lettre sur la musique », Wagner nous a dit les considérations qui l’amenèrent à réformer les poèmes du drame musical. Son génie inspiré et logique ne pouvait en effet se contenter longtemps de la pauvreté et du ridicule de ce triste genre littéraire qu’on avait baptisé livret d’opéra. Un livret d’opéra n’avait vraiment plus rien à faire avec le drame véritable ; il n’était plus qu’un prétexte à musique, prêtant un temps et un lieu à des exhibitions de virtuoses.
Wagner nous a raconté comment il s’était déterminé à rendre à l’opéra sa signification idéale. Il nous a dit « comment il avait voulu la remettre en sa conception naturelle, contenant une action dramatique développée avec suite dans une fusion infiniment plus intime du poème et de la musique ».
Richard Wagner a mis la musique au service du drame. Le geste illustre la mélodie, la parole commande au geste. Toute attitude conventionnelle est désormais choquante et impossible. Nous n’avons plus devant nous un ténor, une basse, un soprano, une falcon ou une galli-marié — dénominations de genres immuables ! — mais des personnages qui doivent vivre le poème et qui sont obligés d’être au même titre que le décor qui l’encadre, que l’orchestre dont la symphonie l’illustre et l’accompagne, les interprètes d’une action dramatique, et non plus des chanteurs donnant un concert en costume.
D’ailleurs, l’influence du maître de Bayreuth ne s’est pas seulement fait sentir dans ses propres œuvres, mais aussi dans l’interprétation des chefs-d’œuvre antérieurs à la réforme du drame musical.
J’oserai même dire que les artistes du drame parlé ont subi sa bienfaisante empreinte. La recherche de la vérité dans l’attitude, dans le geste, dans le décor, dans le costume est due en grande partie à Richard Wagner.
La « mode » et ses exigences aura désormais moins de prise sur l’art d’interprétation, qui devra être à l’avenir un collaborateur probe, respectueux et intelligent de l’art créateur. »
(Ernest Van Dyck, Musica n° 13, octobre 1903)
Ernest VAN DYCK en quelques portraits de personnages d’opéras de Richard Wagner :
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