Wagner a exploité à fond cette relativisation par son système de mélodie continue où les leitmotivs, agissant sans cesse comme pressentiment ou comme souvenir, produisent une véritable dissolution du temps. Dès le prélude de ses drames, il cherche à abolir la conscience temporelle des auditeurs. Les préludes de Lohengrin et de Parsifal en sont des exemples frappants. Mais le plus extraordinaire dans ce sens est certainement le prélude de L’Or du Rhin.
À Bayreuth, où l’orchestre et son chef sont invisibles, c’est à peine si on peut localiser le moment où commence ce prélude que le Maître appelait lui-même « la berceuse de l’univers ». Il nous évoque en quelques minutes le processus créatif qui a transformé un état primordial éternel en y faisant naître le mouvement et en organisant ce chaos. Avec une habileté merveilleuse, Wagner passe progressivement de cette évocation de la force vitale de l’univers dans sa gestation infinie à la description du Rhin dont le cours immuable est fait d’eaux toujours changeantes.
Ainsi ce prélude de L’Or du Rhin qui ramasse en lui des milliards d’années, se termine par une évocation du décor que l’on verra apparaître au moment où le rideau se lèvera.
Après ce qui vient d’être dit, si on veut essayer de replacer la Tétralogie dans un cadre temporel mesurable, mieux vaut donc laisser de côté le problème du prélude de L’Or du Rhin et commencer à prendre date à l’arrivée d’Alberich.
La représentation de la Tétralogie, en une durée globale de 14 heures environ, relate des événements dont on peut fixer le déroulement à l’échelle humaine sur une période d’environ 50 ans, bien qu’une grande incertitude pèse sur le temps qui a pu s’écouler entre la fin du prologue et la première journée. Il est certain que Wotan n’a guère tardé pour aller rendre visite à Erda qui donnera naissance à Brünnhilde, mais on peut penser qu’il a rencontré beaucoup plus tard la mortelle qui sera la mère des jumeaux. L’âge que peut paraître Brünnhilde dans La Walkyrie ne peut servir de base à l’échelle humaine, la meilleure preuve étant qu’après avoir dormi une vingtaine d’années, elle ne semble pas du tout avoir vieilli. L’âge que paraissent avoir Siegmund et Sieglinde, entre 20 et 25 ans, nous donne une première indication. Le deuxième repère chronologique est l’âge que paraît Siegfried, 18 ou 20 ans auxquels, pour être précis, il ne faut pas oublier de rajouter les neuf mois de grossesse de Sieglinde.
Avant de reprendre plus en détail l’analyse chronologique de la Tétralogie, il nous faut survoler les lieux dans lesquels les faits vont se dérouler. Une remarque préalable est que l’espace tétralogique, comme le temps tétralogique, a un caractère mythique et fabuleux. Par exemple, le Rhin tétralogique n’a pas grand-chose à voir avec le Rhin géographique où jamais le touriste ne trouvera, près de ses rives, les hautes montagnes dignes de servir de cadre à la demeure des dieux.
Faisons cependant le recensement des divers lieux où se passe l’action. Il y a dans la Tétralogie 17 tableaux correspondant à 12 lieux de scénographie :
1 – Le fond du Rhin (1ère scène de L’Or du Rhin) ;
2 – Libre étendue sur des sommets montagneux (2ème et 4ème scènes de L’Or du Rhin) ;
3 – Le gouffre souterrain de Nibelheim (3éme scène de L’Or du Rhin) ;
4 – L’intérieur de l’habitation de Hunding (1er acte de La Walkyrie) ;
5 – Site sauvage de montagnes rocheuses (2éme acte de La Walkyrie) ;
6 – Le sommet d’une montagne rocheuse, le rocher de Brünnhilde (3ème acte de La Walkyrie, 2ème tableau du 3ème acte de Siegfried, prologue du Crépuscule des dieux, 2ème tableau du 1er acte du Crépuscule des dieux) ;
7 – La caverne de Mime donnant sur la forêt (1er acte de Siegfried) ;
8 – Une forêt profonde (2ème acte de Siegfried) ;
9 – Site sauvage au pied du rocher de Brünnhilde (1er tableau du 3ème acte de Siegfried) ;
10 – Grande salle du palais des Gibichungen au bord du Rhin (1er acte du Crépuscule des dieux, 1er tableau et 3ème acte du Crépuscule des dieux, 2ème tableau) ;
11 – Au bord du Rhin devant le palais des Gibichungen (2ème acte du Crépuscule des dieux) ;
12 – Site sauvage de forêt et de rochers situé au bord du Rhin (3ème acte du Crépuscule des dieux, 1er tableau).
Nous pouvons maintenant envisager une analyse de L’Anneau du Nibelung, non pas basée sur les motivations et les actes des personnages, mais consistant seulement à examiner les lieux où se passent l’action et la durée de cette action en se référant au texte du livret, poème et indications scéniques.
La première scène du Prologue représente le fond du Rhin d’une manière assez particulière et peu en rapport avec les lois physiques. Bien sûr, la partie supérieure est constituée par l’élément liquide et le fond proprement dit est fait de rochers assemblés en un chaos escarpé entrecoupé de failles profondes. La particularité est, qu’entre ces deux zones, se place, sur une hauteur de la taille d’un homme, une région de brumes humides où l’eau ne pénètre pas : c’est dans cet espace qu’évolue Alberich alors que les filles du Rhin se tiennent dans la phase aqueuse supérieure.
Dans la première partie de cette scène, il fait sombre, puis la lumière du soleil paraît et vient faire briller l’éclat de l’Or. Il n’est pas certain que ce phénomène corresponde au lever du soleil, celui-ci étant peut-être caché par une épaisse couche de nuages dans le ciel. Dès qu’Alberich a enlevé l’or, une nuit épaisse envahit l’espace. Cela peut s’expliquer par le fait que l’or jouait un rôle de source lumineuse secondaire focalisant et renvoyant la lumière solaire.
L’interlude orchestral préparant la deuxième scène représente un intervalle de temps imprécis mais d’une durée minimale de plusieurs jours : c’est le temps nécessaire à Alberich pour le travail de métallurgie consistant à fabriquer l’anneau à partir de la pépite volée dans le Rhin. Pendant ce temps, il a également organisé l’asservissement des Nibelungen et fait confectionner le Tamhelm par son frère Mime.
Au début de la deuxième scène, l’aube se dégage de l’obscurité et le jour naissant fait étinceler les créneaux du Burg auquel nous donnons dès maintenant son nom de Walhall, même si c’est seulement à la fin de la quatrième scène que Wotan le désigne ainsi. Le Walhall donc, se dresse au sommet d’un pic rocheux situé à l’arrière-plan, alors qu’au premier plan s’étale une région de libre espace sur des hauteurs montagneuses. Entre les deux, se trouve la vallée profonde dans laquelle coule le Rhin. Quand les géants s’en vont avec Freia, ils dévalent la pente et pataugent dans un gué du Rhin pour rejoindre leur fief de Riesenheim qui doit donc logiquement se trouver dans une région de collines (le dos de la terre – Erde Rücken) pas très éloignée de la hauteur escarpée du Walhall.
Le Nibelheim, lui, se trouve certainement sous le cours du Rhin. En effet, Alberich en est sorti directement pour venir lutiner les trois ondines. Pour y accéder, Loge et Wotan pourraient prendre cette voie, mais afin d’éviter de rencontrer les filles du Rhin, ils préfèrent descendre par des crevasses sulfureuses. L’interlude entre les scènes 2 et 3 décrit leur voyage. Le Nibelheim est un univers souterrain où s’entremêlent les crevasses naturelles, les puits de mines et les galeries creusées par les nains. La scène 3 est un premier exemple de scène synchronique, ce qui signifie qu’il y a conformité entre la durée de la représentation théâtrale et la durée logique des événements qui sont représentés.
Le voyage-retour de Loge et Wotan, ramenant Alberich, se passe pendant l’interlude orchestral et la scène 4 ramène au décor de la scène 2. La grande variété de l’action et des sentiments dans cette scène finale est illustrée par des conditions météorologiques très diverses. Tant qu’Alberichest là, le ciel est lourd, nuageux, l’ambiance sombre et brumeuse. Le temps s’éclaire ensuite, mais le Walhall reste caché par les nuages. La scène s’assombrit de nouveau au moment de l’apparition d’Erda.
Après le meurtre de Fasolt par Fafner, Donner va s’employer à nettoyer le ciel. Il appelle à lui les vapeurs, les brumes et les nuages qui se dissipent instantanément dans l’éclair qu’il fait jaillir d’un coup de marteau. La vive lumière du soleil couchant fait briller un arc-en-ciel qui par-dessus la vallée forme un pont rejoignant le Walhall. Ces indications nous permettent une déduction intéressante : le soleil se couchant à l’ouest forme un arc-en-ciel qui est donc orienté Sud-Nord. Comme l’orientation générale du cours du Rhin est également Sud-Nord, il faut en conclure que l’on se trouve sur une courbure du Rhin qui, à proximité du Walhall, coule d’est en ouest ou inversement (en fait, quand on veut établir une carte géographique situant d’une manière cohérente les divers épisodes du Ring, on s’aperçoit que seule la première éventualité est possible).
Avant de rejoindre sa demeure qu’il baptise Walhall, Wotan nous précise que tous les événements correspondants aux scènes 2, 3 et 4 ont eu lieu dans une même journée entre le matin et le soir.
Nous avons déjà évoqué la difficulté qu’il y a à préciser le temps écoulé entre la fin de L’Or du Rhin et le début de La Walkyrie. L’intervalle ne peut pas être inférieur à vingt ans d’après l’âge de Siegmund et Sieglinde, mais sa valeur maximale ne peut guère être définie puisqu’elle aurait pour argument l’existence d’êtres supra-humains (dieux, nains, géants, walkyries) dont la durée de vie est inconnue.
Quand le rideau se lève sur le premier acte de La Walkyrie, c’est le soir. Hunding, à son retour, demande qu’on lui serve le repas et puis après que la causette à la veillée ait mal tourné, il demande sa tisane et va au lit. Entre ce moment et l’instant où Sieglinde réapparaît, il doit s’écouler une petite heure : le temps que le somnifère produise son effet sur Hunding et le temps que Sieglinde fasse un brin de toilette ; or chacun sait que la toilette des dames a tendance à se prolonger. Ensuite, ce premier acte se termine par une scène synchronique n’appelant pas de commentaires particuliers, mais qui peut nous donner matière à réflexion sur la période exacte de l’année pendant laquelle se passe l’action puisqu’il est fait référence de manière insistante au printemps. Du point de vue d’une stricte définition astronomique, et sans entrer dans des considérations très arides et complexes, le printemps est la période de l’année comprise entre l’équinoxe de mars et le solstice de juin. L’ouverture soudaine de la porte de la cabane de Hunding sous l’effet d’une force invisible peut donner à penser que le printemps astronomique fait ainsi une entrée solennelle. En réalité, celui qui fait son entrée, c’est le printemps climatique qui a, en règle générale dans le climat continental, un certain retard sur son début officiel. D’ailleurs, le texte du poème lève tout ambiguïté : « Winterstürme wichen dem Wonnemond » (les orages de l’hiver cèdent au mois des délices) ; Wonnemond est un subtantif poétique qui désigne le mois de mai.
Le 2ème acte a pour cadre un site sauvage de montagnes rocheuses qui n’est pas le même que celui des scènes 2 et 4 du Rheingold comme des mises en scènes plus ou moins abstraites peuvent le laisser penser. L’action se passe le lendemain de l’acte premier, vraisemblablement dans l’après-midi. Le rideau est tombé à la fin du 1er acte pour éviter aux spectateurs des choses qui auraient pu heurter leur pudeur. On ne sait pas exactement si le frère et la sœur ont choisi de faire l’amour tout de suite, sous le toit de Hunding, ou s’ils ont préféré s’enfuir d’abord. Il existe cependant la référence à la musique du prélude du 2ème acte qui indique clairement la succession ; fuite, volupté, fuite. Pendant ce temps, Hunding dormait et il s’est réveillé probablement assez tard à cause du somnifère, ensuite il a pris le temps de constater le délit, de faire sa réclamation à Fricka et celle-ci a eu le temps de l’enregistrer. Ceci dit, le 2ème acte de La Walkyrie se déroule de manière parfaitement synchronique.
L’entracte entre le 2ème et le 3ème acte a un caractère tout à fait exceptionnel : il sert seulement au repos du spectateur mais ne correspond à aucune rupture chronologique dans le déroulement de l’action. La scène de la chevauchée des walkyries s’enchaîne immédiatement avec le combat et la mort de Siegmund et Hunding. On pourrait même dire que ces deux scènes se passent simultanément dans des endroits différents. Le 3èmeacte se passe sur le sommet d’une montagne rocheuse qui n’est évidemment pas la même qu’au 2ème acte. La montagne du 2ème acte est au sud de celle du 3ème, puisque Brünnhilde, qui redoute le courroux de son père, demande à ses sœurs de regarder vers le nord pour guetter l’arrivée de Wotan. Sieglinde dans sa fuite se dirigera vers l’est pour gagner la vaste forêt où Fafner veille sur son trésor.
Ce 3ème acte, lui aussi, se déroule de manière synchronique. Quand Brünnhilde et Wotan restent seuls, le soir commence à descendre et la scène se termine à la nuit tombée. Donc, l’action de La Walkyrie depuis l’entrée de Sigmund jusqu’aux adieux de Wotan s’étend sur une période de 24 heures ou un peu plus.
Quand le rideau se lève sur le premier acte de Siegfried, le délai qui s’est écoulé est d’environ 20 ans, en additionnant à l’âge de Siegfried, qui ne doit pas être inférieur à 18 ans, la durée de la grossesse de Sieglinde. On peut s’interroger sur l’emploi du temps de la malheureuse femme. En effet, la distance entre le rocher de Brünnhilde et la caverne de Mime ne doit pas être très considérable, comme nous le verrons bientôt en examinant les pérégrinations de Siegfried ; on peut en déduire que Sieglinde a vécu seule dans la forêt, peut-être jusqu’à proximité de la caverne de Fafner, comme les walkyries le lui avait conseillé (à propos, celles-ci disent que Wotan évite de s’y rendre, pourtant on le trouvera là au 2ème acte de Siegfried). Ce serait seulement quand elle s’est sentie sur le point d’accoucher que Sieglinde aurait quitté son asile pour chercher du secours.
Le décor du 1er acte représente une caverne avec deux entrées naturelles donnant sur la forêt, plus une cheminée, elle aussi naturelle, qui troue le sommet de la caverne : la forêt se situe donc dans une zone rocheuse et déclive. Ce premier acte débute en fin de matinée ou au commencement de l’après-midi. Siegfried a couru tout le matin dans la forêt et quand Mime lui offre du rôti et de la soupe, il les rejette en disant qu’il a déjà mangé seul. Une autre indication est qu’à la fin de la scène 2, au moment du départ du Voyageur, le soleil brille d’un vif éclat. Dans la scène suivante qui est la scène de la forge, il y a une contraction du temps : c’est-à-dire que, relativement au temps nécessaire à tout le travail métallurgique de Siegfried, cette scène est trop courte (ce n’est certainement pas l’avis des ténors qui chantent le rôle). Logiquement, on peut estimer que l’acte se termine assez tard dans la soirée.
Le 2ème acte a lieu le lendemain, dans la forêt profonde, près de la caverne de Fafner qui est située à l’est de la caverne de Mime. Au début, il fait nuit et la lune apparaît pour éclairer l’arrivée de Wotan. Quand ce dernier quitte les lieux, le jour se lève. Arrivent alors Mime et Siegfried qui ont marché toute la nuit dans la forêt ; le problème étant de savoir comment ils ont pu trouver leur chemin dans l’obscurité ! Le temps passe très vite pendant cet acte puisque lorsque Siegfried a traîné les cadavres de Fafner et de Mime dans la caverne, il est déjà midi.
Au premier tableau du 3ème acte, on est dans une contrée sauvage au pied du rocher de Brünnhilde ; il fait nuit. Pendant l’entracte, Siegfried, sous la conduite de l’oiseau, a fait une longue marche d’est en ouest partant de Neidhöhle pour rejoindre le rocher de la Walkyrie. Wotan éveille Erda qui sort de la grotte qui lui sert de résidence à perpétuité : cette grotte se situe donc à proximité du rocher de Brünnhilde, ce dont nous aurons confirmation dans le prologue du Crépuscule des dieux où les Nornes se tiennent sur le rocher en question.
Quand Siegfried arrive, la nuit est éclairée par l’apparition de la lune. Si on admet que cette nuit vient à la suite du jour où s’est passé le 2èmeacte, il faut admettre que notre héros a marché tout l’après-midi, tout le soir et une partie de la nuit (puisqu’il a parcouru nécessairement une distance plus grande que lors de sa précédente sortie nocture). Après deux nuits sans sommeil et une activité physique intense (forge de l’épée, longues marches en forêt, combat contre le dragon et transport de celui-ci), il est toujours frais et dispos avant de casser la lance de Wotan, de traverser le feu et de faire la cour à Brünnhilde : on ne peut que s’étonnerd’une telle endurance ! Cependant, rien n’empêche de penser que Siegfried ait pris une journée complète de repos en cours de route, et dans cette hypothèse on doit reconnaître que Patrice Chéreau avait eu une bonne idée en mettant le petit oiseau dans une cage !
L’interlude entre la 2ème et la 3ème scène décrit la traversée des flammes pendant une durée supérieure aux exigences de la logique qui devrait nous valoir l’apparition d’un Siegfried complètement carbonisé. Puis dans la dissipation des brumes et des fumées, l’aurore paraît, le ciel passe du rose au bleu, un brillant soleil illumine Brünnhilde endormie : la journée qui commence va être magnifique et riche d’émotions sublimes et ardentes pour notre valeureux héros qui ne connaîtra pas le repos avant d’avoir honoré dignement son épouse qui elle, à l’inverse de son partenaire, n’est certes pas en retard de sommeil !
Une incertitude pèse sur le temps qui s’écoule entre la fin de Siegfried et le début du Crépuscule ; au minimum quelques jours et au maximum quelques semaines. C’est le temps nécessaire pour que Wotan fasse abattre et débiter le frêne du monde tandis que Siegfried et Brünnhilde épuisent les charmes de la vie à deux.
Nous retrouvons le rocher de la Walkyrie dans le prologue du Götterdämmerung. La scène des Nornes, qui se passe pendant la nuit, est suivie d’un interlude orchestral pendant lequel apparaissent successivement l’aurore, le lever du soleil et la pleine clarté du jour. Siegfried fait ses adieux à Brünnhilde et prend le chemin de la descente pour gagner la rive du Rhin (nous apprenons ainsi que le rocher de Brünnhilde surplombe directement le fleuve). Le voyage de Siegfried sur le Rhin, illustré par un interlude orchestral, a une durée difficile à préciser mais que l’on peut estimer à quelques jours voire à quelques semaines. Outre le fait que Siegfried a dû se procurer une embarcation, il est certain, d’après ce qu’explique Hagen au debur de l’acte, que le héros n’a pas gagné directement le palais des Gibichungen. Nous aurons la preuve bientôt que la distance entre ce palais et le rocher de Brünnhilde est relativement courte. Mais, à son départ, Siegfried ne semble pas s’être tracé un itinéraire précis et c’est seulement après avoir entendu quelque part vanter la gloire de Gunther qu’il décide de lui rendre visite. En conséquence, quand Hagen au premier acte dit que Siegfried rame contre le courant du fleuve, on ne peut pas en déduire que le palais de Gunther se situe en amont sur le cours du Rhin par rapport au rocher de Brünnhide (la preuve de cela, nous l’aurons au 2ème acte quand Siegfried expliquera que Gunther et Brünnhilde remontent le cours du fleuve).
Au premier tableau du premier acte, les événements se présentent de manière synchronique avec toutefois un épisode fort énigmatique qui est le moment où Siegfried boit le philtre d’oubli. Dans un drame aussi chargé de sens que L’Anneau du Nibelung, ce philtre ne saurait être une simple potion magique comme dans les contes pour enfants : il a nécessairement une signification symbolique. Or, par essence, l’oubli ne saurait être instantané. La fonction symbolique de ce philtre serait donc de fixer un laps de temps vague mais assez long pendant lequel Siegfried, résidant chez Gunther et séduit par Gutrune, se serait peu à peu détaché complètement du souvenir de Brünnhilde. Mais ceci est en contradiction avec le récit de Waltraute à la scène suivante, disant que, récemment, Wotan est rentré au Walhall en tenant à la main les morceaux de sa lance brisée.
L’interlude orchestral entre les scènes 2 et 3, ainsi que la rencontre entre Brünnhilde et Waltraute, condense le temps nécessaire au voyage de Siegfried et Gunther. (NB : à ce propos, on peut se demander comment Siegfried, qui ne garde plus aucun souvenir de sa rencontre avec Brünnhilde, a fait pour la retrouver sans difficulté). La distance peut être appréciée par ce que l’on sait de la durée du retour. Non pas celui de Siegfried qui est instantané grâce au Tarnhelm, mais celui de Gunther qui emmène Brünnhilde. On sait que Siegfried, sous l’aspect de Gunther, a passé la nuit près de Brünnhilde, séparé d’elle par son épée ; puis, au petit matin, il l’a conduite jusqu’au rivage où le vrai Gunther a pris sa place. Or, à peine Siegfried a-t-il terminé le récit de ces événements à Gutrune et à Hagen que celui-ci s’écrie : « J’aperçois au loin une voile » ; et il a tout juste le temps de convoquer les hommes pour qu’ils fêtent le retour de leur souverain. A partir de ce moment, le reste du 2ème acte se déroule dans une parfaite vraisemblance chronologique.
Le 3e acte se passe le lendemain, conformément au plan exposé par Hagen à la fin du 2ème acte. Pendant l’entracte, ont eu lieu successivement les cérémonies et les festivités de mariage, la nuit de noces et la partie de chasse. La scène avec les filles du Rhin se passe en fin d’après-midi. Les ondines ne se sont guère déplacées sur le cours du fleuve : à la fin du Rheingold, on entendait leurs plaintes monter de la vallée en bas du Walhall et maintenant elles nagent près d’une forêt dans les environs de la résidence des Gibichungen. Ceci est logiquement cohérent : ces différents lieux doivent être nécessairement assez proches puisqu’à l’épilogue on voit que les filles du Rhin sont présentes pour récupérer l’anneau juste avant d’apercevoir le Walhall en flammes.
La dernière image que Wagner propose dans ses indications scéniques n’est généralement pas réalisée au théâtre : c’est la vision des dieux et des héros rassemblés dans le Walhall, tels que Waltraute les a décrits dans son récit du 1er acte, et qui disparaissent finalement dans les flammes. Dans la partie du poème que Wagner supprima de la scène finale, il est dit que le Walhall se trouve au nord par rapport au palais des Gibichungen. À l’aide de ce dernier renseignement, il est possible de représenter sur un schéma les emplacements respectifs de tous les lieux de l’action de la Tétralogie. On peut même supposer que le Maître s’en était dessiné un du même genre pour ne pas se brouiller inutilement les pistes !
Le repas que Hagen demande aux chasseurs de préparer est un repas de fin de joumée. Le crépuscule commence au moment du meurtre de Siegfried et quand le cortège funèbre se met en marche, la nuit est déjà tombée et la scène finale a lieu en pleine nuit, au clair de lune et à la lumière des torches. L’action des trois actes du Götterdämmerung s’étend donc sur trois joumées successives. Les deux premières nuits se passent pendant les entractes et le rideau tombe définitivement au cours de la troisième nuit.
QUELQUES SITES DE TOURISME TÉTRALOGIQUE
Il est peu de dire que la Nature est omniprésente dans le Ring. Une Nature grandiose et sauvage que Wagner connaissait bien pour l’avoir abondamment fréquentée au cours d’innombrables promenades, randonnées et courses de montagne.
Pour le wagnérien, la Nature symbolise la Tétralogie au même titre que le cygne symbolise Lohengrin. Une promenade dans une forêt profonde et silencieuse et le voilà transporté dans le 2ème acte de Siegfried ; un vaste paysage de haute montagne le remplit du « sentiment d’auguste sainteté de la solitude » et il se plaît à imaginer l’arrivée de Siegfried auprès de Brünnhilde. Et le jour où notre wagnérien emmène sa famille aux grottes de la Balme ou à l’aven d’Orgnac, il est fort improbable qu’il n’en vienne pas à évoquer les profondeurs du Nibelheim. Ceci dit, il n’existe, dans le texte du Ring, aucune indication permettant de situer exactement un lieu sur une carte de géographie. Malgré cela de nombreuses excursions peuvent offrir à l’amateur diverses possibilités d’imprégnation tétralogique.
LA VALLÉE DU RHIN
Ce haut lieu touristique est plus riche de perspectives romantiques que de visions réellement tétralogiques. Les burgs perchés sur les hauteurs n’évoquent pas convenablement le Walhall et il est bien difficile de s’imaginer les filles du Rhin évoluant dans les parages du rocher de la Lorelei tant la navigation y est intense. Cependant, divers endroits relativement dispersés, relativement peu connus, peuvent suggérer d’une manière plus ou moins efficace tel ou tel épisode ou décor de l’univers merveilleux du Ring.
Il faut signaler tout d’abord un passage où, comme le veut la logique de l’histoire du Rheingold, le cours du fleuve fait un angle brusque et coule d’est en ouest sur environ trois kilomètres. C’est à la sortie du village de Gernsheim, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Worms. Dans un paysage plat et morne, un petit café-restaurant baptisé « Rheingold » est le bien modeste et unique repère de ce qui fut dans les temps anciens un lieu d’orpaillage.
À Worms, on ira contempler la statue de Hagen sur la promenade longeant la rive gauche du fleuve, même si elle représente le héros du Nibelungenlied en train de jeter le trésor dans les eaux du Rhin et non le triste fils d’Alberich. Nous rappelons à ce sujet que le texte de Wagner ne fait pas mention de Worms, alors que la légende en fait la capitale du royaume de Gunther. La ville ne néglige pas ce titre de gloire et se présente comme « la ville des Nibelungen ». Siegfried tuant le dragon n’est représenté que par une minuscule statue sur la place du marché mais, fort spirituellement, les allemands ont baptisé « Nibelungen-Ring » le boulevard qui va dans la direction de Mayence. On peut admirer dans le musée de Worms, ainsi que dans celui de Bonn, des pièces de fouilles du Haut Moyen-Âge (armes et bijoux).
De Worms, part la route touristique dite Nibelungenstrasse avec son annexe la Siegfriedstrasse. Passant par les pentes boisées de l’Odenwald et traversant des petites villes anciennes pleines de charme, un parcours extrêmement agréable offre la possibilité d’intéressantes excursions aux fontaines de Siegfried (Siegfriedsbrunnen) qui, vu leur abondance (en nombre plus qu’en débit !) méritent un paragraphe particulier.
Toujours dans la région rhénane, le touriste curieux peut monter sur le sommet du massif montagneux du Taunus au Nord-Ouest de Francfort, le Großer Feldberg. On peut y voir un petit espace rocheux en plan incliné qui a reçu des autochtones le nom de rocher de Brünnhilde. Comme les citadins fréquentent ce lieu à la belle saison pour y allumer leurs barbecues, on a aussi la possibilité d’y voir du feu ; et même, à l’extrême rigueur, les bâtiments d’architecture très massive de l’émetteur de télévision qui est tout proche peuvent être pris pour le Walhall par ceux dont l’imagination se limite aux conceptions des metteurs en scène modernes les moins doués.
En revanche, les traditionalistes et autres primaires ne doivent absolument pas manquer l’excursion au Drachenfels (la montagne du dragon) au départ de Königswinter, sur la rive droite du Rhin, juste au sud de Bonn. C’est là qu’une des nombreuses variantes de la légende place l’épisode au cours duquel Siegfried est venu à bout du monstre. On peut y voir un château de style néo-gothique datant de la fin du XIXème siècle dont l’intérieur est décoré de fresques sur la légende des Nibelungen. Mais surtout, il faut absolument visiter la Nibelungenhalle, un bâtiment de dimension relativement modeste édifié en 1913, pour le centenaire de la naissance du Maître, avec des fonds recueillis par la Société Richard Wagner de Berlin. Il s’agit ni plus ni moins d’un temple édifié au dieu Richard Wagner dans un style néo-hyperboréen que mes très modestes connaissances en architecture ne me permettent pas de vous décrire avec précision. Après avoir acquitté le droit d’entrée de ce qui est maintenant une propriété privée, on pénètre dans une salle unique circulaire surmontée d’une coupole et dont le pavement est fait de pierres polychromes qui dessinent le grand serpent mythologique. Au fond, se dresse une sorte d’autel orné du profil de Wagner et de l’inscription : « Ehr Eure Deutchen Meister » reprenant les paroles de Hans Sachs à la fin des Maîtres Chanteurs.
La salle est décorée par de grandes peintures dues à Hermann Hendrich représentant des scènes de L’Anneau du Nibelung. L’ensemble, dont l’abord est aussi monstreux que désuet, peut finir par être extrémement émouvant pour le visiteur baigné dans une ambiance sonore wagnérienne, pour peu que ce visiteur soit un dévot au coeur tendre et qu’il n’ait pas peur du mauvais goût, ce qui est mon cas.
En fait, les visiteurs dans leur immense majorité ne sont pas wagnériens et ne font que passer rapidement dans ce lieu, avec un regard rempli d’étonnement et d’incompréhension, pour continuer le sens de la visite en direction d’un très riche vivarium présentant une grande variété de reptiles avec ou sans pattes. Le parcours permet entre-temps d’admirer un énorme dragon en ciment dans une fausse grotte du même métal.
LES FONTAINES DE SIEGFRIED
On désigne ainsi les sources pouvant être celles où, se penchant pour boire à l’ombre des tilleuls, Siegfried fut frappé dans le dos par l’épieu de Hagen comme le raconte le Nibelungenlied. La raison pour laquelle on doit employer le pluriel est que les maîtres d’école, les ecclésiastiques et autres érudits locaux ont interprété les divers manuscrits de la Chanson des Nibelungen de façon différente et cherché à situer sur leur propre territoire l’emplacement de la fameuse source. Evidemment les renseignements très vagues fournis par les manuscits permettent de multiples hypothèses. Il n’est pas de notre ressort d’en juger, ni de nous plaindre de visiter quatre sources au lieu d’une seule, sans d’ailleurs être le moins du monde assurés qu’une d’elles soit la bonne puisqu’aussi bien l’existence historique d’un modèle de Siegfried est également controversée.
Les récits concordent pour situer le lieu de la mort de Siegfried quelque part dans l’Odenwald, région de petite montagne à l’est de Worms où se trouvait le palais de Gunther. Un premier lieu se trouve près du village d’Odenheim, entre Heidelberg et Karlsruhe, au Nord-Est de Bruchsal. Sur la façade du Rathaus d’Odenheim, on peut voir un petit bas-relief qui représente Siegfried ayant abattu le dragon. Pour trouver la fontaine, il faut prendre la route conduisant aux installations sportives du village (Siegfried Stadium). Le monument encadrant la source représente Hagen brandissant sa lance derrière Siegfried qui est en train de boire, avec une inscription reproduisant un passage du manuscrit C du Nibelungenlied qui mentionne le site d’Otenhaim. Cependant, nous sommes un peu trop loin de Worms pour penser que ce soit le lieu idéal : il convient de chercher plus au nord.
Un site tout à fait plausible topographiquement est celui de la Fontaine des Tilleuls à Heppenheim, à environ 20 kilomètres à l’est de Worms. La fontaine en question se trouve en plein environnement urbain, juste en face de l’entrée de la grande fabrique de glaces Langnese-Iglo. Il s’agit d’une sorte de puits plus ou moins à sec avec, gravé sur une pierre voisine, un tableau expliquant qu’on se trouve bien au bon endroit. Mais, si l’on souhaite un coin plus romantique, mieux vaut se rendre à la station suivante, la Lindenbrunnen près d’Hiltersklingen. La source jaillit dans la forêt, à environ 100 mètres de la route. Sur un terre-plein bordé de tilleuls, l’eau coule dans un petit bassin entouré de blocs de pierre dont l’un porte une plaque explicative. Dans la solitude et le silence, dans la lumière ombreuse d’un soleil déclinant, on peut s’y croire. Pourtant, c’est une quatrième source, la Siegfriedbrunnen de Gras-Ellenbach qui est la plus célèbre. Il faut reconnaître que les gens de la localité n’ont pas ménagé leurs efforts pour persuader les touristes que c’était bien chez eux que se trouvait la véritable fontaine. Il parait même que, la source ayant tari dans les années 50 à la suite d’opérations de déboisement, ils n’ont pas hésité pour sauver le site à l’alimenter par une conduite d’eau communale !
De la fontaine d’Hiltersklingen, on rejoint facilement Gras-Ellenbach. C’est un important centre de villégiature qui serait relativement banal si les noms des rues et des hôtels n’étaient pas tous ou presque empruntés au Nibelungenlied. La fontaine de Siegfried est le but d’une belle et assez longue promenade en forêt, facilitée par les nombreux panneaux indicateurs. Une majestueuse allée de sapins conduit jusqu’à la source qui coule timidement entre des blocs de pierre. Un peu en arrière, se dresse un petit monument de pierre rose surmonté d’une croix et où est gravé le passage du Nibelungenliedrelatant les circonstances de la mort de Siegfried. La présence d’une croix est ici bien étrange. Même si elle rappelle seulement le signe cousu sur le vêtement du héros, elle a peut-être une signification symbolique plus générale : tout comme Jésus fils de Dieu est mort par la Croix, Siegfried, petit-fils de Wotan, est aussi mort par une croix. Pour poursuivre cette méditation, il vous restera à faire une étape à l’hôtel « Siegfriedbrunnen », le meilleur de Gras-Ellenbach, décoré abondamment à l’extérieur et à l’intérieur de personnages et de scènes de la légende.
DES PAYSAGES DE MONTAGNE
Un centre d’intérêt attirera les wagnériens épris de hauteur et ne réchignant pas à l’effort physique : ce sont les montagnes de la Suisse. On sait que Wagner était un redoutable alpiniste qui trouvait dans ses longues courses et randonnées, non seulement un dérivatif et un calmant à son intense activité intellectuelle, mais aussi certainement une source d’inspiration dans la majesté et le silence des paysages de haute montagne. Il en parle lui-même dans son autobiographie, à propos notamment du Col de Julier et du glacier de Roseg dans la région de Saint-Moritz. Les amateurs intéressés doivent savoir que le catalogue des excursions de Wagner dans les montagnes suisses a été établi scrupuleusement par plusieurs biographes et qu’ils ont donc la possibilité de suivre les traces du Maître en utilisant au besoin, s’ils sont moins courageux que lui, divers moyens de locomotion mécaniques.
Une autre région que Wagner a souvent parcourue, dont les paysages ont certainement marqué son imagination et dont il s’est probablement souvenu notamment pour le décor du 2ème acte de La Walkyrie, est la Suisse Saxonne près de Dresde, particulièrement le site dit de « la Bastei », un paysage impressionnant de rochers, d’immenses falaises, de pitons et de gouffres sauvages.
SUR LA ROUTE DE BAYREUTH
On peut regrouper divers lieux assez dispersés mais qui peuvent être visités par le touriste wagnérien en route pour Bayreuth ou en balade pendant les deux jours où il n’y a pas de représentation dans un cycle de Ring.
Une curiosité tout à fait remarquable est l’amas de rochers dans un site de forêt à Luisenburg dans le Fichtelgebirge, à une quarantaine de kilomètres à l’est de Bayreuth : on ne saurait rêver de meilleur décor pour le 2ème acte de Siegfried. La Suisse Franconienne au Sud-Ouest de Bayreuth offre aussi de belles perspectives de rochers au profil toumenté et plusieurs grottes naturelles dont la Teufelshöhle (la grotte du diable), bien à même d’évoquer le royaume souterrain d’Alberich.
En revanche, le vaste temple néo-grec qui porte le nom de Walhall, en bordure du Danube près de Ratisbonne, ne convient guère pour représenter la demeure des dieux germaniques même si l’intérieur est décoré de scènes de la mythologie nordique. C’est une sorte de Panthéon renfermant une collection de bustes des grands hommes de l’Allemagne où Wagner figure en bonne place.
Dans le domaine de la représentation picturale, il faut mentionner les fresques sur la légende des Nibelungen qui décorent l’hôtel de ville de Passau et celles traitant du même sujet au palais de la Résidence à Munich, dues à Julius Schnorr von Carolsfeld, le père du célèbre ténor. Des représentations plus spécifiquement wagnériennes sont à voir à Weimar dans le Grand Hôtel de l’Eléphant (modernes, genre tag) sans oublier celles qui ornent le hall de la villa Wahnfried. A Bayreuth également, en bordure du Hohenzollernring, ont été placés deux fragments d’un monument resté inachevé à Leipzig dont l’un represente Hagen tuant Siegfried (et l’autre Senta et les fileuses).
Quant aux châteaux de Louis II, ils n’offrent guère d’évocations tétralogiques, même si la perspective de Neuschwanstein peut paraître adéquate pour évoquer la demeure de Wotan. Une exception toutefois : c’est la cabane de Hunding que Louis Il avait fait construire dans le parc du château de Linderhof. La cabane originale, détruite à la fin de la deuxième guerre mondiale, a été reconstituée. Après une longue promenade dans les bois, le wagnérien sera ravi par la visite de cette Hundingshütte entièrement fidèle à la description des indications scéniques du 1er acte de La Walkyrie.
Enfin, il ne faudrait pas terminer cette liste de sites touristiques sans mentionner Brunnen au bord du lac des Quatre-Cantons. A une époque, Wagner avait sérieusement pensé à utiliser comme décor pour sa Tétralogie la magnifique perspective qu’offre le paysage depuis la rive de Brunnen avec une scène lacustre qui aurait été aménagée sur des pontons. Mais l’affaire est tombée dans le lac, une forte tempête de föhn lui ayant fait comprendre que son beau projet était susceptible de se terminer par un dramatique naufrage. Ainsi, comme le pilote dans Le Vaisseau Fantôme, les wagnériens peuvent chanter les louanges du vent du Sud : sans lui, le Festspielhaus de Bayreuth n’aurait peut-être jamais existé !
@ CRW Lyon