Grand-opéra tragique en cinq actes
Livret et musique de Richard Wagner,
d’après le roman Rienzi, the Last of the Tribunes d’Edward Bulwer-Lytton
Créé le 20 octobre 1842 au Théâtre de la Cour Royale de Saxe (Dresde) sous la direction de Carl Gottlieb Reissiger
Distribution :
COLA RIENZI, notaire du pape (ténor)
IRENE, sa soeur (soprano)
STEFFANO COLONNA, chef de la famille Colonna (basse)
ADRIANO, son fils (soprano)
PAOLO ORSINI, chef de la famille Orsini (basse)
Le cardinal ORVIETO (à partir de 1842 : Raimondo), légat du pape à Rome (basse)
BARONCELLI, citoyen romain (ténor)
CECCO DEL VECCHIO, citoyen romain (basse)
Premier messager de la paix (soprano)
Un héraut (ténor)
L’ambassadeur de Milan (basse)
Les ambassadeurs de la Lombardie (ténors et basses)
L’ambassadeur de Naples (ténor)
Les ambassadeurs de Bohème et de Bavière (basses)
Nobles romains, partisans de Colonna et d’Orsini, prêtres et moines de tous les ordres, sénateurs, citoyens et citoyennes de Rome, messagers de la paix, soldats romains (choeurs)
Personnages de la pantomime à l’acte II :
Brutus, Collatinus, Tarquinius, Lucretia, Virginia, la Paix (plus tard, la Déesse de la Paix), vierges de Lucretia, jeunes Romains, soldats de Tarquinius, Romains, chevaliers
L’action se déroule à Rome, vers le milieu du XIVème siècle.
Composition de l’orchestre :
2 flûtes, 1 petite flûte, 2 hautbois, 3 clarinettes, 3 bassons, 1 serpent (ou contrebasson),
4 cors (2 cors naturels, 2 cors à pistons), 4 trompettes (2 naturelles, 2 à pistons), 3 trombones, 1 ophicléide (ou tuba basse),
timbales, tambours, triangles, coches, tam-tam, 1 harpe, cordes.
Derrière la scène : orgue, cloches, 1 trompette
Au IIIème acte : 12 trompettes, 6 trombones, 4 ophicléides, 10 petits tambours, 4 caisses roulantes
cor anglais, 2 clarinettes en la, 2 clarinettes en si bémol,
clarinette basse en la, clarinette basse en si, 3 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba,
harpes, timbales, cymbales,
violons 1 et 2, altos, violoncelles, contrebasses
Durée approximative de l’oeuvre : environ 3h45
Rienzi, le dernier des Tribuns, (Rienzi, der letzte der Tribunen, WWV 49) est le troisième opéra achevé de Wagner et ce que l’on considère généralement comme le dernier de ses opéras de jeunesse. Le sujet est basé sur l’histoire de Cola di Rienzo, plus précisément sur le roman historique d’Edward Bulwer-Lytton, et se déroule dans la Rome médiévale.
Composé entre avril 1839 et octobre 1840, la création de Rienzi eut lieu à Dresde le 20 octobre 1842, soit presque en même temps que celle du Vaisseau Fantôme. Si le premier remporta un triomphe, le deuxième, commandé sans doute à la hâte par les autorités de la Cour du royaume de Saxe devant l’immense succès du premier, ne rencontra pas le même engouement du public ni de la critique.
Après s’être essayé au style romantique allemand (Les Fées), puis italien (La Défense d’aimer), Wagner voulait conquérir Paris. Il créa donc une oeuvre dans la veine du « grand opéra à la française » avec la volonté – déjà- de le surpasser : un sujet historique traité en cinq actes avec un ballet au troisième, de grandes scènes permettant de déployer de vastes parties chorales, des décors grandioses animés par des machineries aux effets spectaculaires et pas moins de douze solistes ! Mais l’oeuvre créée initialement pour Paris, et donc pensée sur un livret en français – surnommée par ailleurs par Hans von Bülow de meilleur opéra de… Meyerbeer ! – mit un quart de siècle pour arriver dans la capitale.
La véritable histoire de Nicola Lorenzo, dit Cola di Rienzo (1313-1354), démarre de façon héroïque. Il s’éleva contre la corruption à Rome, et ce fils de boulanger poussa le peuple à se soulever contre les clans dominants. Il se fit acclamer comme nouveau tribun, mais sa mégalomanie lui valut des ennemis en haut lieu, et il finit assassiné. Wagner reprend les grands traits du roman de Bulwer, mais idéalise le héros.
Pour la création de son oeuvre colossale, Richard Wagner fit appel à la collaboration de chanteurs de renom, dont le ténor Josef Tichatschek (dans le rôle titre) et l’égérie du compositeur, Wilhelmine Schröder-Devrient (dans celui du rôle travesti d’Adriano) qui, par la suite, devait créer les rôles de Senta (Le Vaisseau fantôme) ainsi que celui de Venus (Tannhäuser). Commencée à six heures du soir, la représentation ne finit qu’après minuit. A l’issue du troisième acte, le compositeur raconte qu’il constata horrifié qu’ “ il était aussi tard que si l’on avait joué Le Freischütz tout entier ” (Mein Leben/Ma Vie). Dès le lendemain de la première, le compositeur envisage d’opérer des coupures dans la partition. Rencontrant l’opposition farouche de Tichatschek qui rétorqua au “père” de l’oeuvre : “ Je ne laisserai rien supprimer – c’est trop divinement beau.”
Six représentations de Rienzi eurent lieu les jours suivant la première, rencontrant à chaque soirée un succès identique. Mais, conscient des proportions démesurées de son ouvrage, et surtout afin de mieux faire accepter l’opéra sur d’autres scènes que celle de Dresde, Wagner proposa de couper l’oeuvre en deux soirées distinctes (La Grandeur de Rienzi, puis, le lendemain, La Chute de Rienzi). Cette formule ne séduisit jamais véritablement le public … qui ne voyait pas trop les raisons de payer deux fois le prix de sa place pour assister à l’ouvrage dans son intégralité ! Wagner finit par opérer de sévères coupures dans la partition, et c’est sous des formes “hybrides” que l’opéra est depuis (rarement) représenté sur les grandes scènes internationales.
Sous différentes formes donc, Rienzi fut longtemps un opéra très représenté, en Allemagne notamment. À Dresde, la 100ème représentation fut donnée en 1873, et la 200ème en 1908. Mais la faveur dont il jouit sous le IIIe Reich lui fut fatale. En effet, le héros romantique investi d’une grande mission politique fascina particulièrement Hitler qui se fit offrir une partition autographe de l’opéra par la famille Wagner pour ses cinquante ans, détruite dans l’incendie de Berlin. Régulièrement utilisée dans les films de propagande, l’ouverture de Rienzi devint dans les années l’hymne non-officiel du parti nazi. L’opéra ne s’est jamais remis de cette trop grande faveur.
De plus, très longue, trop longue par moments, la version complète est rarement jouée et/ou enregistrée. Seule l’ouverture est souvent exécutée, en concert notamment.
Il est juste de noter que Wagner lui-même considérait que cette oeuvre était loin de représenter ses vues sur ce que devait être la musique : le compositeur appelait Rienzi son « braillard » ou son « péché artistique de jeunesse ».
SB