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Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
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RIENZI, UN COUP D’ESSAI DE WAGNER… OU LE TRIOMPHE DE MEYERBEER ?
(Rienzi ou le dernier des Tribuns, WWV 49)

par Nicolas CRAPANNE

Durant ses postes de chef des chœurs ou de Kappelmeister à Magdebourg, puis à Riga (dans les années 1830), le chef d’orchestre qu’est Wagner est imprégné par la musique (ou devrait-on plutôt dire « les musiques ») qu’il dirige tous les soirs à l’Opéra.

Des œuvres de ses contemporains pour la plupart car on a alors relégué les œuvres baroques ou classiques du XVIIIème au second plan : le public veut de l’actuel et se montre particulièrement avide de nouveautés. Des œuvres de tous genres et nationalités. Ainsi, ce sera un soir Rossini ou Bellini, le lendemain, Auber ou Halévy, un autre jour soir encore, Beethoven ou Weber. Plus rarement, Gluck ou Mozart. Ce qui fait du jeune Wagner le premier « musicien européen ».

A cette époque,  le compositeur qui a déjà sa propre idée de « la musique de l’avenir » est constamment tourné vers le futur, vers ce qui devra émerger de nouveau devant ses prédécesseurs, sortes de « brouillons » (sans connotation péjorative) d’un art musico-théâtral qui devra perdurer.
Rappelons que l’obsession de Wagner – et ce sera une obsession qui le poursuivra toute sa vie durant – est une quête inlassable de la reconnaissance tant du public, que des autorités musicales qui à cette époque « font la loi ». Une volonté de reconnaissance d’ailleurs qui le mènera plus tard à cette entreprise dont on ne peut pas nier une certaine mégalomanie qu’est le Festival de Bayreuth.

Or, pour celui qui est en tel besoin de reconnaissance – mais également de fortune – celui qui incarne la réussite absolue, c’est le célèbre Giacomo Meyerbeer. En d’autres termes, sans doute un peu simplistes : Wagner à cette époque veut être un autre Meyerbeer. Autrement dit être reconnu lui-même comme un compositeur de la même valeur que son confrère.

"Les Huguenots" de Giacomo Meyerbeer ou le triomphe du "Grand Opéra à la française", un genre qui devait triompher et perdurer sur les scènes lyriques parisiennes jusqu'à la fin du XIXème siècle (ici décors pour la production de l'Opéra de Paris en 1875)

Et Meyerbeer triomphe sur les planches parisiennes, la capitale de l’hexagone considère le compositeur d’origines juives-allemandes comme une véritable référence.
Dans un genre bien particulier qu’est ce que l’on appellera dès l’éclosion de cette forme de théâtre lyrique : le fameux « grand opéra à la française ». Un genre qui devra perdurer jusqu’à la fin des années 1850, et au sein duquel Wagner tentera d’y faire admettre son Tannhäuser quand il présente celui-ci à l’Académie de Musique en 1860-61.

Affiche pour la création de "Robert le Diable", autre chef-d'oeuvre de Giacomo Meyerbeer type absolu du "Grand Opéra à la française"

Alors pour Wagner, être une référence ? Lorsque l’on connaît un peu le personnage et la confiance absolue qu’il avait en son génie (tant qu’en sa personne), cela coule de source.
Wagner doit donc présenter un « grand opéra à la française » avec le but si de n’est d’évincer Meyerbeer, au moins de pouvoir être assis à ses côtés sur le trône du Royaume de la musique.
Lorsque l’épisode allemand se termine (en catastrophe) à Riga, et que, Wagner, acculé par les huissiers qui le poursuivent, lui et sa femme,  et le menacent d’emprisonnement pour non-paiement de ses dettes, le couple « préfère » (ou plutôt décide à a hâte) la fuite.
Ce sera… vers la France ! S’il faut fuir, autant fuir avec en tête le but de faire fortune !
Et la fuite se fera par voie de mer ; on sait par ailleurs combien cette traversée des mers du Nord de l’Europe auront été éprouvantes mais auront au moins eu le mérites de pouvoir faire naître en Wagner son projet de Vaisseau fantôme.
Or, comme il ne part pas à l’improviste, Wagner a organisé pour que la première personne qu’il rencontrera à son arrivée sur le territoire français soit justement Giacomo Meyerbeer, le compositeur qui en plus d’être une légende vivante, fait, par son entre-gens, la pluie et le beau temps sur le destin des œuvres à faire représenter sur la scène de l’Opéra de Paris. C’est donc, on peut l’imaginer, un Wagner on ne peut plus affable, qui rencontre le compositeur français le fin août 1839 … à Boulogne-sur-mer où celui-ci se trouve justement à l’époque.
Très vite, au cours de l’entretien, Wagner présente à Meyerbeer son projet de Rienzi. Une œuvre justement que Wagner a conçu dans le style du « grand opéra à la française ».
Fier de son succès des Huguenots (obtenu en 1836), le français se fait un peu désirer, naturellement – ce qui exaspère un Wagner rageant et maugréant déjà sur … les juifs – avant de lâcher que la partition n’est pas « si mauvaise que cela”.
Quant à présenter celle-ci aux autorités de l’Opéra de Paris, pourquoi pas, après tout ? Wagner devrait pourtant toutefois revoir quelques passages de sa copie afin de correspondre au mieux à ce genre que le public réclame… et dont il ajoute « en toute modestie qu’il y règne en maître absolue.
Fort de ces précieux conseils, le couple Wagner arrive enfin dans la capitale, le 17 septembre 1839, et la première tâche du compositeur sera naturellement de revoir son Rienzi et de corriger ce qu’il faisait encore défaut à son œuvre pour qu’elle soit l’archétype parfait de ce genre tellement prisé. Qu’est-ce qu’après tout que ce « fameux grand opéra à la française » ? Une œuvre particulièrement longue (cinq actes imposés), faisant appel à un orchestre symphonique de grande envergure, d’un nombre tout aussi important ou presque de rôles interprétés par des solistes vocaux, et d’une intrigue le plus généralement basée sur un événement historique dramatique. Seule la qualité des vers, elle, n’est pas une obligation absolue, ce qui fera d’ailleurs parfois naître d’indescriptibles fatras de vers plutôt approximatifs et d’une pauvreté inouïe, résultant du travail de librettistes qui devaient plus miser sur le rendement que la véritable qualité de celui-ci.
Et naturellement, la présence d’un ballet, parfois tellement hors de propos de l’action que l’on ne comprend toujours pas ce que des tribus égyptiennes viennent faire dans les décors d’une place de marché médiévale et occidentale. Mais peu importe, il faut également penser à ravir ses messieurs qui n’ont d’yeux que pour leur « protégée » qui s’illustre à ce moment-là de l’ouvrage au sein du corps de ballet. Bref, Wagner a tout cela dans ses cahiers. Il révise certains passages, introduit – cette fois-ci avec concession – le ballet dans la Pantomime de l’Acte II.
On ne prendra pas pour autant la liberté que de dire que Wagner a fait avec Rienzi un pastiche d’un opéra de Meyerbeer. Non : Wagner s’est forgé un style qui lui est propre : les quelques premiers ouvrages de jeunesse qu’il a déjà présenté ont fait parler (modestement) de lui. Wagner conçoit son Rienzi comme une œuvre qui lui est propre mais qu’il a adapté au gout de grandeur (et de grandiose) tel qu’il lui permettrait d’accéder enfin à la salle de l’Opéra de Paris ainsi qu’au statut qu’il convoite depuis toujours. Plus encore, Rienzi est bien une oeuvre “personnelle” de Wagner, à savoir que le compositeur s’identifiait au personnage tellement anticonformiste et “révolutionnaire” que “le dernier des tribuns”, alors que le compositeur français ne considérait ses héros que comme des “faire-valoir” à son art.
Une remarque encore : écrire que Rienzi ne serait qu’un « ticket d’entrée » pour la scène de l’Opéra de Paris – même pour un artiste aussi opportuniste que Wagner – serait une erreur, voire une insulte faite à ce dernier. Rienziappartient bien à la production artistique du compositeur, et en cela, l’œuvre, malgré ses failles dues à la jeunesse de l’ « élève Wagner », tient son rang parmi le processus de composition de celui-ci. Wagner tout juste cède « à une mode de son temps », en l’occurrence celle du « grand opéra à la française » comme Les Fées lorgnent du côté de Weber, alors que La Défense d’aimer regarde du côté de l’Italie.
L’œuvre pourtant – du fait des premières manipulations de Meyerbeer qui voyaient en lui un rival potentiellement dangereux, ou tout simplement par manque d’intérêt de soutenir le travail de l’un de ses confrères – échoue au passage d’entrée dans le Saint des Saints parisien. Pourtant Wagner avait bien préparé ses artistes et sélectionné quelques airs et ensembles qui selon lui étaient en mesure de pouvoir faire basculer le sort en sa faveur. Il n’en sera rien ; le refus est catégorique.
C’est d’ailleurs de cette période que débutera la haine quasi maladive que Wagner éprouvera pour Meyerbeer. Rienzi, lui, ne verra sa création à l’Opéra de Paris qu’en 1869… sans la présence de Wagner naturellement, car depuis le scandale de Tannhäuser en 1861, il était compréhensible que Wagner ne voulût plus entendre parler ni de la France… ni des français !
C’est donc à Dresde le 20 octobre 1842 que l’œuvre – comportant les modifications apportées à Paris – verra sa création. Dans toute son « énormité »… le spectacle dure en effet plus de six heures et Wagner note inquiet que lorsque le rideau tombe sur le milieu de l’opéra, une représentation du Freïschütz, elle, serait depuis un moment déjà terminée !
Mais le public d’acclamer à tout rompre ! Tellement que l’œuvre est reprise les jours suivants dans son intégralité puisque le compositeur voulant épargner le public des longueurs qui alourdissaient l’œuvre en pratiquant des coupures dans sa « monstrueuse partition » s’est vu opposer les artistes et la direction de l’Opéra de Dresde. L’œuvre était parfaite ainsi, et c’est dans cette forme qu’elle se tint au répertoire de l’Opéra.
Les coupures ou bien la scission de Rienzi en deux soirées ne viendront qu’après.

Alors, Rienzi, made by… ?
Un Richard Wagner assurément, mais qui tout en se confortant aux exigences du « Grand Opéra à la Française » a su apporter sa touche d’originalité. Et… de génie. Par la richesse de son orchestration d’abord, par le sang neuf qu’il apportait à cette forme d’opéra tout en étant de racines et de culture étrangères, par un travail au quotidien enfin avec les chanteurs à qui il faisait comprendre – bien des années avant que cela ne préoccupe majoritairement son travail – qu’il fallait qu’ils soient également des acteurs. Une œuvre en tout les cas, hybride qui lorgne tantôt d’un côté, tantôt de l’autre du Rhin.
Quant à Meyerbeer, dans l’art qu’il avait porté aux sommets, avec le Rienzi de Wagner… avait été tout simplement… surpassé.

NC

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