Mvrw Art Des Minnesaenger
Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
Les salles d’expositions permanentes

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DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

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ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

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WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

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 WAGNER APRÈS WAGNER
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L’ART DES MINNESÄNGER
(Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg, WWV 70)

par Marc ADENOT

Parmi les chevaliers-poètes évoqués par Richard Wagner dans son opéra Tannhäuser, quatre ont une réalité historique et ont exercé un temps leur art au château de la Wartburg au XIIIème siècle : il s’agit du Tannhäuser lui-même, de Wolfram von Eschenbach, de Walther von der Vogelweide et de Reinmar von Zweter. Notre propos sera de mieux connaître ces quatre personnages, principalement au travers de leur œuvre, faute de disposer de beaucoup d’autres données, et de replacer le Minnesang dans son cadre historique.
Ces poètes-chevaliers sont habituellement désignés comme Minnesänger : ce terme, qu’on pourrait traduire en première approximation par “chanteur d’amour”, désigne outre-Rhin des poètes-musiciens travaillant dans la tradition des troubadours : ce sont donc les auteurs et interprètes de poèmes déclamatoires, destinés au divertissement de l’élite aristocratique, et dont le sujet de prédilection est l’amour courtois.

L'amour courtois ou le roman d'Heloïse et Abelard

Qu’est-ce que l’amour courtois ?
Le mot Mime, dans son acception première, a une double connotation qui suggère à la fois l’amour au sens de l’eros grec et la soumission féodale, la loyauté du vassal envers son seigneur : dans l’inconscient médiéval le rapprochement sémantique entre l’amour et la vassalité, entre l’amour et la soumission n’est pas sans conséquence sur le développement du genre.

René Nelli écrivait que si les troubadours n’ont pas inventé l’amour, ils ont du moins inventé une nouvelle façon de le dire, à défaut peut-être de le faire ou de pouvoir le vivre. Et en effet, l’art courtois développe une expression littéraire du désir amoureux sans précédent dans les littératures de l’Antiquité. Il se caractérise en particulier par une représentation très codifiée des règles amoureuses, s`inscrivant dans un contexte délimité à la fois dans le temps (du XIème au XIIIème siècle) et dans l’espace (l’Europe occidentale) ; il concerne une classe sociale aisée et instruire dans une culture profondément imprégnée de christianisme. Et ce sont des règles d’amour -mais, faut-il le préciser, d’un amour qui se distingue radicalement de l’amour chrétien- qui vont peu à peu définir les modalités de nouveaux rapports entre hommes et femmes et d’une nouvelle “façon d’être” et de se comporter en compagnie de l’autre sexe. Ainsi se précisent les contours d’une société aristocratique émergente où l’on “joue à l’amour courtois”.

Examinons dans quelles circonstances est née cette nouvelle dialectique amoureuse que l’on dit courtoise : à partir de 1095, les croisades permettent au monde occidental de découvrir en Orient des civilisations raffinées et luxueuses, révélant – en poésie du moins – une grande délicatesse de cœur ; on en trouvera un exemple fameux avec les Quatrains du poète persan Omar Kheyyam, contemporain des troubadours, véritables hymnes à l’amour et à tous les plaisirs de la vie. Alors que l’Occident éprouve le besoin de renouveler son art de vivre, nostalgique d’un Empire qui fût un modèle di unité politique, apparaît une nouvelle génération d’artistes venus du midi de la France : ce sont les troubadours. Leur poésie veut faire de la Dame (la dona) transfigurée par l’amour une inspiratrice possédant sur celui qui l’aime tout pouvoir de vie et de mort. Mais cette Dame reste une abstraction poétique, aussi éthérée et désincarnée que possible, évanescente, jamais nommée au point d’être parfois désexualisée et dépourvue de marque grammaticale de genre. L’image de la femme béatifiée et sublimée à travers la Dame devient la rédemptrice spirituelle de l’homme. On prendra donc bien soin de distinguer cette Dame de la femme réelle, dont la condition reste précaire dans l’aristocratie féodale où les mariages ne sont jamais affaire de cœur mais d’alliance territoriale ; la jeune femme noble représente pour chaque royaume, chaque famille ou chaque clan une monnaie d’échange stratégique. Toutefois, avec le développement de l’amour courtois, le corps de la Dame va devenir un lieu sacré, un temple : c’est en quelque sorte l’écrin matérialisé de valeurs immatérielles et spirituelles, la source d’une sentimentalité totalement exacerbée et parfois excessive.

Lorsque la Dame des chansons fait référence à une femme réelle, généralement l’épouse d’un seigneur local, le troubadour doit user d’un langage allégorique, pour détourner l`attention du mari tout en attirant celle de sa femme. Celle-ci, de son côté, feint de rester imperturbable car elle se doit d’être hautaine et inaccessible. Elle appréciera d’autant mieux l’hommage que le code utilisé par le troubadour est habile et pas trop conventionnel. Ces subtilités de comportement et de langage, cette façon particulière d’exprimer ses sentiments, contournée, hermétique, voire parfaitement incompréhensible, ont trouvé à s’appliquer à d’autres formes d’ambigüités intellectuelles, morales et religieuses, expliquant (en partie seulement) la collusion entre l’art des troubadours et certaines hérésies (on pensera particulièrement au catharisme). Ce qui gêne tant l’Eglise romaine, c`est que l’amour courtois substitue l’amour de la Dame à l’amour de Dieu Lui-même. Et si certains poètes assimilent volontiers la Dame à la Vierge Marie, dont l’image semble peu subversive, d’autres semblent se référer à des cultes païens comme celui d’Isis ou des cultes importés d’Orient au retour de croisades ; du reste toute la mystique du Graal développée par Wolfram von Eschenbach dans son Parzival procède bien pour partie des spiritualités musulmanes et indiennes ainsi que du mazdéisme iranien. Qui plus est, au-delà de l’amour de la Dame, c’est le culte de l’amour pour lui-même qui est redoute, cet amour de l’amour dénoncé par Saint Augustin, cinq cents ans plus tôt. L’amour courtois trouve ainsi sa voie et ses règles extrêmement codifiées. Dans les cours d’Aliénor d’Aquitaine, de Marie de Champagne ou d’Ermengarde de Narbonne, des tribunaux d’amour spéciaux sont chargés d’établir une jurisprudence pour énumérer toutes les situations litigieuses liées à des conflits d’amour et cherchent comment on peut concilier les principes chrétiens et les règles courtoises ; celles-ci peuvent schématiquement se résumer en trois points :

1°) Il s’agit toujours d’un amour adultère, donc secret, qui doit transfigurer l’instinct sexuel brutal et reproducteur en un sentiment noble et raffiné. Il donne le courage de traverser les épreuves, de parvenir par la souffrance å un dépassement de soi. Il exclut toute vulgarité et impose la fidélité absolue de l’amant à la Dame ;

2°) La Dame est toujours de condition sociale supérieure à l’amant. Elle le conduit à un très haut degré de valeur morale et de perfection. Pour cela, elle doit être lointaine, intouchable, nimbée de mystère, souvent allégorie d’une forme d’absolu ou d’un principe supérieur tel que la Sagesse suprême ou la Philosophie. Elle se montre volontiers dure et indifférente, si ce n’est méprisante, vis-à-vis de l’amant transi d’amour ; certains troubadours parlent de dona Petra (“dame au cœur de pierre”) et il faut y voir un signe de grande vertu ; la Dame ainsi mise à distance a acquis la maturité intérieure que recherche l’amant ; généralement, elle se refuse à lui de sorte que leur rencontre (parfois une simple conversation) n’a d’autre but que d’assurer l’élévation intérieure des deux amants ; seule compte la transformation morale, la fortification de la foi amoureuse, le douloureux plaisir de la langueur et en aucune façon l’accomplissement physique de l’amour :

3°) Enfin, en vertu de ce qui précède, la chasteté est évidemment obligatoire : les baisers et les caresses sont autorisés mais si les amants reposent sur la même couche, ils doivent rester séparés par un drap ou le tranchant d’une épée : c’est une discipline amoureuse très élaborée dont on imagine évidemment assez mal qu’elle puisse être vraiment respectée dans la pratique. Rappelons au passage que cette impossibilité apparente de concilier l’amour pur et céleste avec la sensualité la plus voluptueuse constitue le cœur même de la problématique du Tannhäuser wagnérien qui en ce sens -tout anachronisme mis à part- pourrait s’apparenter au genre courtois. Si ce n’est que Wagner contrevient a la règle première qui définit le genre, à savoir l’adultère : en effet, Tannhäuser et Wolfram aiment tous deux Elisabeth, mais elle est la nièce du landgrave Hermann et non son épouse. Wagner a d’ailleurs en cela suivi l’exemple du conte d’Hoffmann intitulé la Guerre des maître-chanteurs à la Wartburg, dont il s`est en partie inspiré pour rédiger le livret de son opéra. L’amour courtois consiste, pourrait-on dire, à organiser sa frustration en fonction des contraintes sociales, dans une société rigide et hiérarchisée, en tombant amoureux de la personne dont on ne devrait pas : l’amour courtois consiste à créer en soi-même un état de manque profond, à développer une sorte de maladie d’amour et à en souffrir pour essayer de la surmonter… ou pas. Il relève donc avant tout d’une discipline intérieure, d’une quête pour accéder à l’ultime objet du désir : infini, inatteignable. Dans les romans de chevalerie et du Graal, l’amour est sans cesse exalté par la séparation, l’éloignement physique, sentimental ou géographique, les obstacles incessants à la conquête amoureuse, par l’impossibilité d’atteindre son but ; jusqu’a Dante, héritier des troubadours, qui fait d’une jeune fille morte et montée au plus haut degré céleste l’objet de son adoration et la source de sa rédemption, thème wagnérien s’il en est. Le troubadour chante le pur désir, idéalisé et sans objet ; il décrit un vagabondage de  l’esprit amoureux perdu dans l’abstraction des sentiments. Parfois l’abstraction tend vers un idéal, oscillant entre mysticisme et érotisme, s’inspirant largement du Cantique des Cantiques, ce texte allégorique de la bible hébraïque où l’amour entre un homme et une femme de haute condition évoque symboliquement l’âme en harmonie avec le monde. La difficulté de vivre l’amour courtois sera cause que nombre de chevaliers -et de Minnesänger- finissent par y renoncer, soit qu’ils ne se sentent pas au niveau, soit qu’ils finissent par n’y voir qu’un jeu insensé. L’amour courtois préfigure assez précisément les tourments de l’amour impossible des Romantiques, pour qui l’intensité de l’expérience littéraire et artistique devient telle qu’elle ne trouve plus aucune correspondance dans la réalité d’un monde physique devenu trop médiocre et insatisfaisant à leurs yeux.

L'art des Minnesänger ou l'Amour courtois au temps du Moyen-Âge allemand

Le Minnesang : texte et musique
Plusieurs enregistrements ont été consacrés au Minnesang. Il va de soi qu’il s’agit d’une musique reconstituée, le système de notation musicale médiéval, basé sur les neumes, n’indiquant que la hauteur des sons mais ni la durée de la note, ni le rythme, ni l’expression, ce qui ne permet de définir qu’assez vaguement le contour mélodique (dôn). La musicalité est imposée assez naturellement par l’organisation métrique et le souffle du texte (wort). La plupart des manuscrits ne comportent d’ailleurs que le texte sans notation musicale. On ne sait pas davantage si le texte était déclamé sur la musique ou si celle-ci était jouée entre les strophes. Aucune indication non plus concernant le choix des instruments, même si la présence d’instruments à cordes type vielle, harpe ou luth semble constante. De l’aveu même des musicologues, rien n’est incontestable dans ces tentatives de reconstruction musicale. Quant aux textes, les chants de Minnesänger sont compilés dans des manuscrits, dont le plus fameux est certainement le Codex Manesse du XIVe siècle, conservé à Heidelberg. Tous ces textes originaux sont rédigés en haut-allemand, dont les particularités de style et de vocabulaire sont difficilement rendues par l’allemand moderne – pour ne pas parler du français ! Même si les poèmes d’un Tannhäuser ou d’un Wolfram sont souvent plus proches d’une forme de lyrisme érotique que de la fin’amore provençale ou occitane d’origine, nous en retrouvons du moins la plupart des caractéristiques stylistiques, ce style fleuri (geblümte Stil) caractérisé entre autres par le libre placement des mots dans la phrase, les allégories hermétiques où abondent les figures de rhétorique, les assonances et les allitérations, les hyperboles, néologismes et jeux de mots. Tous les textes figurant dans le présent exposé ont été traduits/ adaptés en français par nous-même à partir de textes en allemand moderne et français.

TANNHÄUSER (v. 1200 – 1270)
Peu de choses sont connues sur la vie du Tannhäuser en dehors de ses œuvres : né entre 1200 et 1205 dans une famille de chevaliers du Haut-Palatinat bavarois, il aurait passé une partie de sa jeunesse à Nuremberg, puis aurait participé à la croisade de Frédéric II. En récompense, celui-ci lui aurait accordé un fief à Vienne. A la mort de son protecteur, le Tannhäuser mène une vie d’errance jusqu’à sa mort en 1270. Le manuscrit de Manesse conserve de ce poète un portrait avec la cape blanche à croix noire des chevaliers teutoniques. Tannhäuser (Maisons dans les sapins) est en fait un nom d’artiste et on ignore l’identité véritable de l’homme qui se cache derrière le pseudonyme. Son assimilation à Heinrich d’Ofterdingen ne semble dater que de la littérature romantique (entre autre sous la plume de Lucas dont l’ouvrage a servi de référence à Wagner). Cette absence d’éléments biographiques précis a rapidement laissé place aux conjectures les plus fantaisistes : dès le XIVe siècle, en effet, le nom de Tannhäuser a été mêlé à la légende du Venusberg.

Le chevalier Tannhäuser au Venusberg

La légende du Venusberg
La première apparition d’un Venusberg en littérature semble remonter à 1380 dans Der Tugenden Schatz (Le trésor des vertus) de Maître Altswert, qui n’a du reste aucun rapport avec l’histoire du Tannhäuser. La légende du Venusberg lui est du reste bien antérieure ; en effet, depuis les temps les plus reculés, le Hörselberg, cette colline voisine de la Wartburg, est assimilé au culte des déesses païennes de l’amour et à l’une des portes de l’Enfer. D’anciennes chroniques de Thuringe rapportent qu’on y entend certains soirs les gémissements des âmes tourmentées par leurs péchés. Dans le Paradis de la Reine Sybille, Antoine de la Salle raconte l’histoire d’un chevalier allemand enfermé dans le palais souterrain de la Sibylle : après 300 jours passés dans les bras de celle-ci, il réalise qu’il s’est laissé séduire par le démon et part se confesser. Ce n’est que vers 1430/1435 qu’un dialogue anonyme (Tannhäuser und Frau Welt) établira la première connexion entre Tannhäuser et le Venusberg.

Dans le courant du XVème siècle apparaît alors le véritable substrat de la légende : les fameuses Ballades du Tannhäuser, œuvres anonymes présentant plusieurs variantes mais dont le plan laisse apparaître le canevas qui servira à Wagner.

 

Lied vom Tannhäuser (Nun will ich aber heben an)
(Mus. ms., 31 54, Bayerische Staatsbibliothek)

1) Prologue
Je veux commencer/ A vous parler de Tannhäuser
Er des prouesses/ Qu’il accomplit auprès de Vénus.
Tannhäuser était bon chevalier/ Qui s’en voulait chercher merveilles
Au loin du Venusberg/Trouver dame sans pareille.
2) Dispute entre Tannhäuser et Vénus
Vénus : « Tannhäuser, toi qui sait mon amour pour toi ! Te souviens-tu ?
De la promesse que tu m’as faite ! De ne jamais t’éloigner de moi ?”
Tannhäuser : “Dame Vénus, jamais je ne fis pareil serment!
Et qui prétend le contraire/ Connaîtra mon châtiment ! »
« Tannhäuser, tu ne sais plus ce que tu dis  ?/ Tu dois rester près de moi
Qui te tiens compagnie / En amante de bonne foi. ”
“Allons, si je prenais quelqu’autre péronnelle/ Que j’ai en pensée
Croyez-vous que je m’en irais brûler/ Aux flammes éternelles ?”
“Parles-en de ces flammes ! Tu n’en éprouvas jamais la brûlure.
Mais pense plutôt à ma bouche vermeille ! Qui te souriait dans la luxure.’”
“Qu’ai-je à faire de pareille bouche / Je ne l’aime plus !
Laissez-moi repartir/ Et sauver ma vertu ! »
« Tannhäuser, tu prends ton congé ! / Mais je ne te l’accordes pas
Reste donc à mes côtés / Et pour toujours vis avec moi.’”
“Non car ma vie ici me fait souffrir/ Je ne resterai pas davantage.
Laissez-moi repartir/ Loin de vos avantages. »
“Tannhäuser, pourquoi plus attendre ? / Sois bon et comme autrefois
Retournons dans la petite chambre / Où nous jouions à l’amour courtois”
“Votre amour m’est insupportable / Quand j’ai désir d’honnête dame
Et que vous, Vénus, / Etes l’enfer qui s’est fait femme !”
« Tannhäuser, tu regretteras d’avoir ainsi blâmée une dame /
De cet affront, tu répondras / Tu peux le croire sur man âme !”
“Dame Vénus, n’y comptez pas / ]e ne resterai pas plus en vos lieux
Car pour m’aider, je t’invoque / O Marie, Vierge pure, mère de Dieu ! »
La Vierge Marie : “ Qu’il en soit ainsi, doux seigneur/ Car si tu pars chanter ma louanges
Tu seras libéré de ce diable et tu connaîtras bientôt les anges ! »
Aussitôt Tannhäuser s’enfuit de la montagne/ En proie à la douleur et au remords
“Il faut”se dit-il “que je parte à Rome/ Pour trouver le pape avant ma mort. » (…)

3) L’arrivée devant le Pape
“O pape, mon souverain / Laisse-moi te confier les pêchés
Commis durant mon existence / Un à un, je t’en ferai récit.
Ainsi, le temps d’un été, je me trouvais / Chez Dame Vénus bien loin d’ici
A cause de cela je veux faire pénitence / Et revenir dans le droit chemin du bon sens ».
Le pape tenait alors dans sa main / Un petit rameau desséché.
Le pape : “Lorsque ce rameau mort reverdira / Toutes tes fautes Dieu pardonnera”
Tannhäuser : “Ne vivrais-je plus qu’un an / sur cette terre
Je n’aurais d’autre désir / Que consolation et repentir. ”
Alors Tannhäuser quitta la ville / Errant en proie à la douleur et au remords
En chemin, il pensait : “Marie, mère de Dieu, Vierge pure/ Encore une fois, je dois me séparer de toi”
Alors, il remonta à la montagne/ Grimpa inlassablement.
Tannhäuser : “Chez Vénus, je m’m doit retourner/ Que Dieu sait mon guide et ma volonté. ”
Or trois jours plus tard à Rome/ Le rameau desséché se mit à reverdir.
Le pape envoya ses messagers à travers le pays / Faire cherchrer le chevalier.
Mais celui-ci était déjà clans la montagne / Auprès de son amante d’autrefois.
Et pour finir, ce fut ce pape si peu miséricordieux / Qui fût damné pour l’éternité
(De n’avoir su ramener à Dieu une si belle âme égarée).
On voit que dans cette version initiale de la légende n’apparaissent ni le concours de chant de la Wartburg ni le conflit entre Tannhäuser et les autres Minnesänger ni même le personnage d’Elisabeth. Mais la légende de Tannhäuser reste désormais associée au Venusberg.

 

Le concours de chant (Sängerkrieg) à la Wartburg
Dans son opéra, Wagner ajoute à cette première légende l’épisode du concours de chant à la Wartburg évoqué par les troubadours dès le XIIIème siècle en particulier par le chroniqueur Johannes Rothe qui le situe en 1206-1207 au temps du Landgrave Hermann de Thuringe. Le concours nous est rapporté par deux poèmes : d’une part, le Fürstenlob (Éloge des Princes, où les Minnesänger comparent les vertus respectives de différents souverains) et d’autre part le Rätselspiel (Jeu des énigmes). Dans le Fürstenlob, le chevalier Heinrich d’Ofterlingen loue la générosité du landgrave Hermann qui l’accueille mais c’est clans la personne de son protecteur du moment, le duc d’Autriche Léopold VI qu’il prétend trouver toutes les vertus réunies. De cette offense naît la querelle entre Heinrich et les autres Minnesänger, qui prennent tous la défense du Landgrave Hermann et réclament unanimement la mort pour OfterdIngen : c’est donc une offense diplomatique et non une supposée débauche, comme le Tannhäuser wagnérien, qui vaut à Ofterdingen la disgrâce… En revanche, comme clans l’opéra de Wagner, c’est bien une femme qui intercède en sa faveur et lui donne la possibilité de se racheter en organisant un nouveau concours l’été suivant. Dans le Wartburgsängerkrieg, cette femme est Sophie, l’épouse du Landgrave et non, comme chez Wagner, Elisabeth de Thuringe. Quant au concours de la Wartburg – s’il a jamais eu lieu ! -, il ne se serait pas déroulé dans la fameuse Grande Salle des Chevaliers puisque celle-ci n’a été construite qu’en 1225, soit neuf ans après les faits relatés dans le poème.

Les poèmes de Tannhäuser
Le manuscrit de Manesse conserve seize poèmes du Tannhäuser, parmi lesquels six lais (petits poèmes en octosyllabes), trois chansons de danse, cinq parodies d’amour, un chant de croisade. Seuls deux poèmes sur les seize relèvent de 1’amour courtois proprement dit. Partout ailleurs, le poète privilégie le réalisme, l’amour physique et la sensualité ; il rejette la Hohe Minne, le Minnesang traditionnel et parodie ouvertement l’idéal courtois. Aussi, le terme de Minnesänger s’applique finalement assez mal au Tannhäuser qui se classerait plutôt comme Neidhart von Reuenthal parmi les poètes tardifs se détournant du Minnesang pour tracer de nouvelles voies poétiques.

L’hiver enfin se termine
Çà, je le vois à la lande
Quand je m’y vais promener
Partout c’est une joie pour les yeux !
Qui jamais vit de fleurs si beau tapis?
De celles-ci, je tresse une couronne
Que je porte plein d’allant aux filles qui dansent.
Qui veut garder sa bonne humeur doit savoir tenter sa chance I
On trouve ici et là trèfle et violette
Jeunes pousses de germandrées, nobles narcisses
On trouve roses, jonquilles et lys ;
En nul autre endroit, avec elle je ne voudrais causer.
span style= »font-weight: 400; »>Elle me fait l’honneur d’être son ami
De me laisser la servir pour la durée du mois de mai
Alors pour elle je veux entonner
Cet air de danse, ce gai refrain.
Dans la forêt où j’accourais non loin d’ici
Les oiseaux par leur chant m’accueillaient tendrement.
Mille fois béni est leur salut !
A peine entendis-je le rossignol gazouiller
Que je ne pus m’empêcher de parler
En suivant mon inclination
Tant je me sentais le cœur léger.
Dans la forêt, j’aperçus la rivière.
Beau y coulait, traversant la clairière
Et son cours m’amena sous les yeux de ma belle.
Elle se tenait assise près de la fontaine,
Ma beauté radieuse, ma tendre et pure.
Ses yeux sont clairs, bien dessinés.
Elle est dans tous ses propos fort réservée
Tout en elle appelle l’amour
Sa bouche rouge, sa gorge brillante
Ses blonds cheveux bouclés, pas trop longs,
Et plus fins que fil de soie.
Plutôt mourir que renoncer à elle.
Eblouissants comme l’hermine sont ses bras menus.
Elle est mince de toute sa personne
Et très bien faire de partout.
Ici plantureuse mais là menue, assurément rien ne lui manque
Ni douces cuisses ni jambes bien droites
Pieds modelés ni attaches délicates…
Aucune silhouette n’enchanta davantage mon cœur.
Si elle n`est la perfection, elle est donc sa sœur.
Aussi lorsque je la vis pour la première fois
L’éloquence monte å ma bouche et tout joyeux je lui dis
“Maîtresse, je suis tien comme tu es mienne,
Rivalisons d’ardeur, le veux-tu ?
Tu surpasses pour moi toutes les autres femmes
Et toujours à mon cœur tu plairas.
Partout où l’on compare nobles dames
J’irais témoigner et combattre pour toi.
Et tu seras en tous pays source de joie et paix de l’âme. »
Alors je m’inclinai devant la belle et son salut me combla !
Elle me pria de chanter
Sous les branches du tilleul, la splendeur du printemps…
Or il n’y avait à cette heure personne dans le champ.
Elle fit ce qu’elle devait, accomplit ce que j’attendais.
Je lui fis mal, certes, mais mal d’une si douce manière
Que nous souhaitions tous deux ardemment le refaire.
Le rire allait bien à son teint.
Alors nous fîmes à nouveau jeux forts plaisants
Mais ceci par amour uniquement.
Car d’amour toujours je lui parlai et elle me le rendait bien
Voulant que je lui fisse à elle
Ce qu’à Palerme on fait aux filles.
Ce qu’il advint de tout ça, j’y pense encore.
Mon amante elle devint et moi je devins son amant.
Ah, l’heureuse aventure ! Ah, le charmant dénouement !…
Que me fait-elle d’autre, sinon du bien ?
D’elle j’ai reçu toute ma joie de vivre.
Et cela jamais je ne pourrai l’oublier…
Allez Adelaïde, / Réjouis-toi avec moi 1
Allez Irmgard / Joins-toi à nos danses
Que tous ceux qui sont ici soient heureux avec nous.
Que jouent les flûtes, les tambourins
Et quiconque entre dans nos danses
Réussisse dans toutes ses espérances.
Louée sois-tu, ma Cunégonde,
Car si ta bouche rose je pouvais encore embrasser
Pour toujours je serais guéri / Toi qui de tant d’amour m’a blessé
Tu as touché mon cœur brisé, heia hei !
Tiens, mais voilà que la corde de mon luth s’est brisée…

 

Monument représentant Wolfram von ESCHENBACH (1170-1220) érigée par le roi Maximilien II de Bavière à la gloire du chanteur allemand en 1860

WOLFRAM VON ESCHENBACH (V. 1170 – 1220)
Né en Franconie vers 1170, il séjourne à la Wartburg, sous la protection de Hermann
Landgrave de Thuringe, puis de son successeur Louis IV (le futur époux de l’Elisabeth historique). Notons que si ses repères biographiques sont compatibles avec une participation au concours de la \Wartburg, une différence d’une trentaine d’années environ sépare Wolfram de Tannhäuser. C’est probablement à la Wartburg que Wolfram rédige son Parzival, adaptation allemande du Perceval de Chrétien de Troyes dans laquelle il reconnaît avoir voulu se démarquer de l’amour courtois : il y prétend par exemple vouloir dorénavant servir sa dame le glaive à la main et non en simple poète ; il y règle aussi ses comptes avec une femme, se mettant à nu en nous donnant un aperçu de sa personnalité et en parlant en son nom propre au cœur de l’ouvrage, chose suffisamment rare au Moyen-Age pour mériter d’être signalée. “Si maintenant il existe quelqu’un qui soit meilleur que moi pour faire l’éloge des femmes, je n’y vois aucun inconvénient ! Je serais très heureux de savoir ces dernières au comble de l’enchantement. Mais il en est une dont je ne suis pas prêt d’être le fidèle serviteur car la colère que j’éprouve contre elle ne s’atténue pas depuis le jour où j’ai constaté son inconstance. Je suis Wolfram d’Eschenbach et je crois que je m’y connais un peu en chanson ; et je suis une tenaille qui ne desserre pas sa prise sur la colère que j’éprouve envers cette femme. « Parmi les oeuvres de Wolfram, il faut citer le Wilhelhalm, une adaptation de la Chanson des Aliscans, l’une des branches du cycle de Guillaume d’Orange et qui lui aurait été transmise par le landgrave Hermann de Thuringe en personne. Et enfin, le fragmentaire Titurel, qui est encore consacré à la dynastie des gardiens du Graal, et plus particulièrement à l’ascendance maternelle de Parzival.
Poèmes
On a recensé neuf chansons attribuées à Wolfram, dont cinq sont des Tagelieder, c’est-à-dire des chants d’aube, décrivant le chant du veilleur au petit matin lorsqu’il met fin aux voluptés des nuits d’amour clandestines. Le chant d’aube est un exercice de style extrêmement répandu chez les troubadours occitans ; c’est ce qu’ils appellent l’alba. On retrouve d’ailleurs le personnage du veilleur dans la nuit d’amour de Guenièvre et Lancelot dans le roman de Chrétien de Troyes et dans le conte de Tristan. Wagner conserve cette fonction de veilleur (ou plutôt de veilleuse) dans Tristan et Isolde, où comme dans les chants d’aube des troubadours, on retrouve avec force cette idée que seule la nuit permet aux amants de vivre intensément une passion qui doit se préserver de la lumière du jour.

« Au chant du guetteur, lorsque la dame aperçut les premières lueurs de l’aube
Elle était en secret dans les bras de son noble ami.
Toute sa joie lui fut ravie et ses yeux brillants se remplirent de larmes.
“Las le jour ! Tous les êtres se réjouissent de ta venue
Tous sauf moi, que vais-je devenir,
Car mon bien-aimé ne peut rester plus longtemps auprès de moi.
Las le jour, ta lumière va le chasser encore loin de moi ! »
Alors le jour a pénétré violemment par les fenêtres
Bien qu’elles fussent fermées par maints verrous.
La dame pressa son ami et le retint contre elle
Leurs joues inondées de larmes, elle lui dit :
“Deux cœurs dans un seul corps
La foi de l’un accompagnant celle de l’autre.
Je serais privée de tout bonheur
Tant que tu ne seras pas revenu à moi ni moi à toi ».
Puis plein de tristesse, son ami prit congé.
Leurs peaux claires er lisses se rapprochèrent une dernière fois
Bien que le jour eut déjà paru.
Les yeux pleins de larmes, le baiser d’une amante,
Ainsi s’entrelacent-ils parles bras, mêlent-ils leurs blanches jambes
Posant bouche contre bouche et sein contre sein.
Celui qui voudrait les peindre
Tels qu’ils étaient couchés aurait fort à faire.
Ils savaient leur bonheur en danger mais pourtant
A l’amour ils s’adonnaient sans réticence.
Dans la chanson suivante, le narrateur est le guetteur lui-même :
Du créneau, je veux descendre
Avec l’aube cesse mon chant
Et ceux qui s’aiment en secret
Doivent songer à l’avertissement
De celui à qui ils ont confié vie er honneur.
A celui qui me le demande
Je donnerai de bons conseils
Et fournirai une aide précieuse.
Eveille-toi, chevalier, prends garde !
Je ne voudrais trahir
La loyauté des guetteurs.
Il faut que la douleur de l’adieu
Ne gâche point l’espoir du retour,
Noble dame, car ce serait insupportable
Si pesait encore sur celui qui s’adonne à l’amour
Le devoir ingrat d’avoir à guetter.
L’été, je chante :
A travers les nuages passe le jour.
Eveille-toi, chevalier, prends garde !
Il lui faut maintenant partir
Celui qui avec chagrin écoutait ma complainte.
Alors il dit : “Le bonheur à peine trouve
Par la douleur toujours est détruit”
Bien que le jour fut prêt de se lever
L’homme intrépide obtint une dernière fois
Que sa belle lui fasse oublier ses souffrances.
Tendre rapprochement, intime étreinte,
Effleurement sur ses seins mignons
Et bien davantage encore
Voilà ce que lui accorda l’ultime adieu ;
Et tout cela était d’un grand prix. »
Dans La complainte de l’amour secret, Wolfram fait allusion à l’étoile du matin, image récurrente dans la poésie de troubadours dont on ignore dans quelle mesure elle aurait pu inspirer Wagner pour écrire la romance à l`étoile ; mais dans ce chant, on note que Wolfram se démarque clairement de l’amour courtois en y louant les bienfaits de l’épouse légitime alors que l’amour courtois est par nature adultère.
La complainte de l’amour secret
« Que tu chantes depuis toujours à l’aube
L’amertume faisant suite à la douceur
De qui vient de connaître l’amour et doit se séparer
Quel que soit ton conseil aux deux amants,
Guetteur tais-toi, je t’en prie.
Quand se lève l`étoile du matin,
Ne chante rien.
Mais celui qui peut reposer dans les bras de son aimée
Sans devoir se cacher des jaloux
Celui-là n’a pas à s’en aller vite à l’aube
Il peut attendre le matin
Et n’a pas besoin de s’enfuir au péril de sa vie.
Seule une épouse légitime
Peut offrir un pareil amour. »

Walther von der VOGELWEIDE (1170-1230)

WALTHER VON DER VOGELWEIDE (1170 – 1230)
Né au Tyrol, il passe ses années de jeunesse à Vienne à la cour des ducs d’Autriche, où il est en concurrence artistique avec Reinmar l’Ancien. Puis il mène une vie errante passant entre autre au service de Philippe de Souabe, Otton IV et Frédéric II dont il obtient des terres près de Würzburg. Il séjourne à la Wartburg plusieurs fois entre 1200 et 1210 où il rencontre Wolfram. Il est généralement reconnu comme marquant l’apogée du Minnesang.

Poèmes

Walther est un auteur prolixe à qui l’on n’attribue pas moins de 90 lieder et 150 Sprüchen. Ses thèmes de prédilection sont la religion et la politique : en particulier, il prend parti avec virulence en faveur de l’empereur contre le pape. Quoique indiscutablement courtois, Walther a aussi écrit un groupe de lieder “niederer Minne” se libérant lui aussi par moment des règles contraignantes du lyrisme courtois.

Sous le tilleul / Sur la lande
Où nous avons couché ensemble
Vous trouverez / l’herbe foulée.
Et dans le vallon, à l’orée du bois
Tandaradei !
Un rossignol chantait.
Quand j’arrivai/ Dans la prairie
Mon bien-aimé m’y précédait.
En noble dame il m’accueillit / Et comme jamais me combla.
Combien de baisers me donna ? Pas moins de mille, je crois.
Tandaradei !
Regardez vous-mêmes ! Ma bouche en est encore toute rouge !

Il m’avait préparé / Ah, quelle splendeur,
Une couche parée de mille fleurs.
Certains souriront de tout leur cœur / Car en passant par là
Sous les rosiers, ils comprendront vite
Tandaradei !
Là où ma tête s’était posée.

Mon ami s’en est venu coucher près de moi,
Si quelqu’un apprenait ça,
Dieu m’en garde, quelle honte j’éprouverai.
Car tout ce qu’il fit avec moi
Il Faut que personne n’en sache rien.
Personne hormis lui et moi
Et puis ce petit oiseau posé sur la branche
Tandaradei !
Qui lui au moins, j`en suis sûre, saura tenir son bec.

 

Reinmar von ZWETER (v.1200-v.1248) dans le Codex de Manesse (14ème siècle)

REINMAR VON ZWETER (v.1200-v.1247 ou 1260).
À ne pas confondre avec Reinmar l’Ancien ou Reinmar von Hagenau. D’origine franconienne, il a probablement été un élève de Wolfram et de Walther. Il commence sa carrière en 1217 en Autriche. Il n’a donc pas pu participer au concours de chant de la Wartburg en 1206 avec les autres Minnesänger : Wagner a peut-être confondu ou volontairement assimilé ce Reinmar avec Reinmar le vertueux dont le nom est effectivement mentionné dans le Sängerkrieg.

Reinmar von Zweter vit au château des Babenberg sous Léopold VI et Frédéric 11 puis mène une vie de voyages à partir de 1241. Il est principalement connu pour ses Sprüche, vers courts et souvent satiriques sur la politique, la religion, la morale et l’amour courtois.

Poèmes
Le Codex Manesse est une source assez abondante contenant 229 courts poèmes attribués à Reinmar von Zweter.
Tristram, der leit vil groze not
Tristan éprouva grande peine et par l’amour d’une femme trouva fin pitoyable.
C’est sa fidélité qui en fut cause lorsque d’un seul verre il but cet amour.
Ce destin, moi aussi je l’ai bu aux yeux de mon adorée.
Et à cause de cela, j`endure depuis les plus profondes souffrances
Dont ne peuvent me délivrer la magnificence du printemps ni le chants des oiseaux.
Sa lance d’amour m’a si profondément percé le cœur
Que je mourrais bien vite si elle ne vient me consoler.
Et oui, c’est ainsi : sa bouche rouge si douce chavire mon cœur,
à moi, homme malade de désirs ardents.

Alle schwole sint gar ein wint
Aucune école ne vaut celle où vont les amants.
Elle instruit si bien dans l’art d’aimer qu’on lui accorde grande autorité.
Sa baguette frappe si fort les hommes réticents
Qu’elle les pousse vers ce qu’ils n’avaient encore ni vu ni entendu.
Personne, je crois, ne connaît plus haute école.
L’amour enseigne à s’incliner avec grâce devant les dames
L’amour apprend l’usage des mors tendres
L’amour professe la plus grande des douceurs
L’amour épanouit les plus grands talents
L’amour enfin apprend au jeune homme qu’en portant haut son blason
Il se fait l’égal d’un chevalier.
Ein wip, di gar geuriet hat
Une femme qui toute sa vie s’est gardée des futilités,
A acquis une conduite noble.
Aussi ne posséderait-elle ni biens ni terres,
Si ses pensées se sont affranchies de toute impureté
Et que sa bouche s’est tenue éloignée de tout mot grossier
Alors nous dirons d’elle qu’elle est tout à la fois
une femme et un ange.
Aucun honnête homme ne lui refuserait cet éloge.
Et celui qui l’appelle ainsi Femme, Maîtresse et Ange
Ne lui reconnaît pas moins que ce que Dieu lui-même lui accorde.
Pour l’amour d’une Femme, pour la vertu d’une Maîtresse, pour la chasteté de l’Ange
Dont l’esprit lutte en permanence contre les appétit : charnels
Comme chaque matin sur le brin d’herbe le soleil lutte pour dissiper la rosée.
Waz cleider wroven Wol an ste
Je veux vous expliquer ici quel habit convient le mieux à une femme.
Qu’elle porte d’abord un jupon blanc comme neige.
Cela signifie qu’elle aime Dieu et lui est attachée.
C’est là vraiment un vêtement magnifique.
Puis par-dessus, coupée comme une robe, elle doit revêtir la chaste modestie
Qui aide à supporter le Bien comme le Mal.
Que sa ceinture soit l’amour dont la boucle soit disposée à la vertu.
Que son manteau soit la bienséance dont elle se protège face aux dangers.
Son voile doit être la fidélité. Son béguin porté de manière à se garder de toutes tâches.
Pareille femme dont la réputation ne peut pâlir est sans rivale.

 in WAGNERIANA ACTA  2006 @ CRW Lyon

 

Discographie indicative des oeuvres ci-dessus mentionnée :

ANONYME
La Ballade de Tannhäuser, dans Hildebrandston par l’Ensemble Ferrara dirigé par Crawford Young (Arcana)

TANNHÃUSER
Ich lobe ein Wip, dans Trouvères et Troubadours – Harmonia Mundi

WOLFRAM VON ESCHENBACH
Aufbruch in der Orient,  dans Titurel (Koch Schwann, Austria)

WALTHER VON DER VOGELWEIDE
Unter den Linden, dans The ancient miracles par l’Ensemble für frühe Musik d’Augsburg et également dans Trobadors, trouvères und Minnesänger(Christophorus)
Unter den Linden, dans Minnesang und Spruchdichtung parle studio der frühen Musik (Teldec)

Group 1077

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Où réside Alberich dans la Tétralogie ?
Réponse :

À Nibelheim. Alberich règne en tant que souverain sur le peuple des Nibelungen dans ce sombre royaume souterrain.

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