29 avril 1841
Le couple Wagner s’installe à Meudon, 27 avenue du Château, loin du centre ville parisien, toujours semble-t-il pour échapper aux créanciers et aux huissiers.
La situation financière du couple Wagner les pousse à quitter l’appartement du 25, rue du Helder, près des Grands Boulevards : tout d’abord parce que le centre de Paris propose des logements dispendieux et ensuite pour fuir les huissiers qui se risquaient assez peu à aller réclamer le paiement des dettes en dehors des murs de la capitale. Malheureusement, c’est aussi se couper du cœur de la vie parisienne et de la vie culturelle.
Hors quelques rares travaux rémunérés, Wagner se consacre entièrement à la composition du Vaisseau fantôme (dans un français assez approximatif, voire plutôt mauvais, le compositeur dramaturge refusant qu’un autre que lui puisse concevoir et écrire le livret de l’un de ses opéras).
Et paradoxalement, c’est le livret seul que Léon Pillet, directeur de l’Opéra, séduit par le sujet, achète. Ou du moins, le livret « en l’état », c’est à dire, le synopsis. Pour la somme dérisoire de cinq cents francs.
Par un billet qui dit : « Je soussigné, déclare abandonner à MM. Foucher et Révoil le sujet du Hollandais Volant, moyennant la somme de cinq cents francs que je prélèverai sur les droits d’auteur que pourra produire la représentation de cette pièce. Ce vendredi 2 juillet (1841), Richard Wagner. », Wagner abandonne son livret et ses droits sur Le Vaisseau fantôme. La musique est confiée à l’un des compositeurs de la « maison », à savoir Pierre-Louis Dietsch. Wagner poursuit néanmoins la composition du Vaisseau fantôme – en allemand cette fois-ci, dans une langue beaucoup plus confortable à Wagner, afin de pouvoir être joué quelque part en Allemagne… peut-être Berlin ?
Lehrs est dans une misère noire .. mais vole toujours au secours de Wagner
Lehrs, de son côté, sombre dans la misère et le dénuement le plus total. Il souffre d’une maladie du larynx aggravée par le manque de soins. Lorsqu’il est instruit de l’état pitoyable de cet esprit brillant qu’était Lehrs, Abel-François Villemain, alors ministre de l’Instruction Publique, écrit à ce dernier pour lui porter secours. Et avec cette lettre, la somme de cinq cents francs que ce dernier s’empresse de porter au couple Wagner, faisant abnégation de sa propre détresse.
Lorsqu’il débarque chez ses amis, Wagner est au plus mal. Aucun des projets ne semble définitivement aboutir. Et les nouvelles d’Allemagne où ont été envoyées les partitions de Rienzi et du Vaisseau fantôme tardent à arriver.
Courant mai 1841,
Le livret du Vaisseau fantôme est achevé, et le compositeur poursuit la composition de la musique de ce nouvel opéra.
C’est un nouveau moyen de subvenir aux besoins du couple Wagner. Schlesinger – qui n’avait pas donné de suite aux différents échanges qui avait suivi la débâcle de Wagner et de son Vaisseau fantôme à l’Opéra – se fait à nouveau entendre. Il vient d’acheter les droits d’un nouveau succès d’Halévy : La Reine de Chypre… et naturellement, aura besoin des services de Wagner pour rendre cette musique populaire. Wagner remet à nouveau sur l’écheveau son travail de transcripteur de la musique… des autres !
Le travail lui apparaît cependant moins pénible que pour les arrangements qui lui avaient été demandés pour La Favorite, car semble-t-il, la musique est moins « odieuse » à ses oreilles.
La découverte des légendes qui vont servir l’inspiration de Wagner pour ses prochains drames musicaux
Mis à l’abri provisoirement des nécessités de la vie quotidienne, Wagner emploie son temps à la lecture. Des œuvres théoriques traitant de la société et de la politique (dont Qu’est ce que la Propriété? de Proudhon, paru en 1840-41, ce qui réveille en Wagner des aspirations à la composition d’une littérature engagée), mais également des légendes moyenâgeuses, germaniques et celtes. Un jour, Wagner tombe sur un livre de légendes germaniques intitulé Le Venusberg. Il demande à son ami Lehrs de lui procurer tous les ouvrages relatifs aux concours de chant de la Wartburg. C’est ainsi que naissent dans l’esprit de Wagner les prémices des synopsis pour Tannhäuser, et également pour Lohengrin. Dans les romans français de chevalerie, Wagner découvre les légendes de Parsifal (Perceval) et de Tristan et Yseult.
5 mai 1841
Richard Wagner rédige un article ambivalent, concernant Hector Berlioz publié dans la Dresdner Abendzeitung.
25 et 30 mai 1841
Richard Wagner rédige deux articles sur Le Freischütz de Carl Maria von Weber dans la Gazette Musicale.
Eté 1841
Richard Wagner passe la majeure partie de l’été à la composition de la musique du Vaisseau fantôme.
La fin de l’orchestration du Vaisseau fantôme
Une fois la fin de l’été venue, le couple Wagner doit à nouveau quitter Meudon.
Un nouveau logement de fortune leur est trouvé à nouveau par l’ami Kietz, au 14, de la rue Jacob. L’hiver est particulièrement rude, les conditions de vie du couple sont extrêmement difficiles et Minna parvient à grand peine à pourvoir aux besoins du ménage. C’est dans ces conditions extrêmement difficiles que Wagner achève l’instrumentation du Vaisseau fantôme. Dès le début du mois de décembre 1841, le compositeur peut enfin expédier la partition à l’Intendance du Théâtre de Berlin.
Novembre 1841
L’œuvre est achevée en novembre (l’ouverture est composée en dernier), sous la forme plus conventionnelle de trois actes, l’œuvre ayant essuyé le refus auprès de l’Opéra, même sous la forme en un acte, il n’est plus besoin de satisfaire à cette exigence !
Toujours en lien avec son Allemagne natale, Richard Wagner demande au Roi Frédéric Auguste II de Saxe de produire Rienzi à Dresde. La demande, appuyée par Meyerbeer, est acceptée.
Le Vaisseau fantôme est proposé à Berlin (également soutenu par Meyerbeer) où il est accepté (la Première a malgré tout lieu à Dresde, comme Rienzi, le succès de ce dernier ayant ouvert la scène Royale de Saxe aux compositions de Wagner).En cette fin d’année 1841
Samuel Lehrs fournit à Richard Wagner un volume des Études historiques et littéraires de la Société royale allemande de Königsberg où il trouve un récit de la guerre de la Wartburg qui deviendra le noyau central de Tannhäuser et un résumé détaillé de l’épopée de Lohengrin ; les deux œuvres trouvent donc une origine commune.
Un Premier Noël parisien passé dans une « petite opulence »
Le beau-frère de Wagner, Avénarius, averti de la précarité de la situation du couple Wagner à Paris, a fait entendre la nouvelle auprès des membres de la famille les plus fortunés restés en Allemagne. C’est un succès pour Richard Wagner et son épouse qui reçoivent de cette « générosité familiale unie » une petite somme qui permet à Wagner de rentrer subrepticement au sein de son couple, porteur d’une oie pour Noël tenant dans son bec un billet… de cinq cents francs.