L’œuvre musicale de Richard Wagner est composée d’opéras ou “drames musicaux” allant des “Fées” (Die Feen) à “Parsifal”. Une présentation détaillée de chacune de ces œuvres majeures est ici associée à un ensemble d’articles thématiques, replaçant celles-ci non seulement dans le contexte de sa vie personnelle mais également dans son contexte social, économique et culturel. Cette section regroupe également l’ensemble des œuvres musicales (hors opéra) et son œuvre littéraire.
LOHENGRIN, WWV75
Lohengrin, WWV75
Pour aller plus loin...
Lohengrin (WWV 75) est le sixième des opéras de Richard Wagner, et le troisième des opéras dits « de la maturité » du compositeur. Composé entre 1845 et 1848, Lohengrin s’inscrit dans la lignée des opéras composés pour l’Opéra de la Cour royale de Saxe où Wagner, qui exerçait alors la fonction de Maître de Chapelle, avait enfin accédé au statut de compositeur « respectable », suite au succès éclatant de la création de Rienzi ou le dernier des Tribuns (20 octobre 1842), et ceux, en demi-teintes, du Vaisseau fantôme (2 janvier 1843) et Tannhäuser (19 octobre 1845).
C’est au cours de son séjour parisien de 1839-42 et alors qu’il découvrait les anciennes légendes germaniques qui lui donnèrent matière à composer son Tannhäuser que Wagner prit également connaissance de la légende du Chevalier au Cygne. L’inspiration essentielle du compositeur provenait du Parzival de Wolfram von Eschenbach (un poème du XIIIème siècle qui rattache la chanson de geste de L’Épopée du Saint-Graal à celle du Chevalier au Cygne) ainsi que des Légendes allemandes que les frères Grimm avaient publiées entre 1816 et 1818. Dans les différentes versions de la légende rattachées au personnage de Lohengrin sont prépondérants le thème des origines mystérieuses du Chevalier, l’interdiction qui lui est faite de dévoiler son nom ainsi que la douleur de sa belle à ne pas poser la question fatidique.
Comme toujours plus soucieux de la portée dramatique de l’oeuvre que de la fidélité à ses sources, Wagner y introduisit la paraphrase du poète incompris du monde des hommes qui ne saurait vivre pleinement sa gloire et son succès que retiré du monde…
Encore influencé par la tradition classique de l’opéra quant à la distribution des rôles notamment en ce qui concerne l’opposition du couple innocent face au couple de félons, Richard Wagner ajouta à son drame deux personnages, Ortrud et Telramund, qu’il consacra comme pendants maléfiques des personnages de lumière, de pureté et d’innocence que sont Lohengrin et Elsa. Mais plus encore qu’un personnage doté de desseins et de pouvoir maléfiques, Wagner conçoit le personnage clef d’Ortrud comme « une réactionnaire, et cela dans l’acception la plus outrancière du terme » (lettre à Franz Liszt, le 30 janvier 1852). Wagner dépassait ainsi l’archétype du duo formé par les héros soprano/ténor à celui de la mezzo-soprano/baryton, en dotant ses personnages d’une caractérisation plus complexe.
Richard Wagner jeta sur le papier les premières esquisses de son drame conçu comme un « grand opéra romantique en trois actes » à partir de l’été 1845, au cours d’un séjour qu’il effectua en compagnie de son épouse Minna à Marienbad (à la maison dite « À la feuille du trèfle »). Dès la fin de l’été, la trame globale du livret était esquissée ; la rédaction du poème en vers lui prit quelques mois à peine et il s’attaqua à la composition de la musique dès le printemps 1846 : celle-ci – en grande partie composée au cours d’un séjour estival en 1846 en Suisse Saxonne, à Pirna Graupa, dans une maison surnommée depuis la Lohengrinshaus qui jouxtait la maison natale d’Hans von Bülow – lui prit deux années. L’ensemble de la partition fut achevé au mois d’avril 1848. Le prélude, d’une durée de dix minutes environ qui présente et développe le thème de Lohengrin mêlé à celui du Graal, fut composé en dernier.
Avec Lohengrin, Wagner s’affranchit résolument de la facture classique de l’opéra dans sa composition. À travers cette partition onirique, le compositeur développe pour la première fois son concept de mélodie continue et d’emploi récurrent de leitmotive. C’est grâce à l’emploi de ceux-ci que le compositeur bâtit la trame mélodique de son opéra, placé tantôt dans une tonalité majeure pour exposer les thèmes brillants de la victoire de l’amour et de la gloire du héros ou bien en mineur pour illustrer le doute ou les noirs desseins du couple des félons. Portant le travail sur l’écriture musicale à un degré de complexité qu’il n’avait encore exploré jusqu’alors, Wagner alla même jusqu’à composer certaines pages qui annonçaient presque le langage musical de La Tétralogie (notamment dans la première scène qui ouvre le deuxième acte et qui met en scène le dialogue d’Ortrud et Telramund).
Bien que Lohengrin fut destiné initialement à être représenté sur la scène du Semperoper de Dresde où étaient nés ses chefs-d’œuvre précédents, les soulèvements populaires qui éclatèrent un peu partout en Europe, réclamant notamment l’interdiction de la censure et la liberté de la presse, mirent un arrêt brutal à ce projet. En effet, Wagner ne se contenta pas de ses fonctions de compositeur et de musicien. Ayant remis sa démission de son poste de Maître de Chapelle auprès de la Cour, il se lia d’amitié avec des insurgés tels qu’August Roeckel et Mikhail Bakounine et prit le parti du peuple en révolte. Une fois l’insurrection réprimée par les forces royales, le compositeur dut fuir et s’exiler pour de nombreuses années… sans avoir vu naître son chef-d’œuvre.
La création de Lohengrin eut lieu, sans la présence de son compositeur interdit de séjour en Allemagne, le 28 août 1850 au Théâtre grand-ducal de Weimar à l’occasion des fêtes organisées en commémoration du centenaire de la mort de Goethe, sous la direction musicale de Franz Liszt. Wagner n’assista à sa représentation que onze ans plus tard, lors d’une production à l’Opéra de Vienne le 15 mai 1861. Œuvre emblématique de Wagner par excellence, exaltant de romantisme, Lohengrin est aujourd’hui l’un des opéras les plus joués du compositeur.
NC
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