(contralto)
L’Or du Rhin et Siegfried (L’anneau du Nibelung)
Déesse primitive de la terre nourricière (son nom lui-même provient de die Erde – « la terre »), dont elle est l’oracle, ancêtre des dieux (elle est d’ailleurs également appelée Ur-Wala – de Ur : « qui est à l’origine de »), mère des Nornes et des Walkyries, Erda symbolise à la fois la mère nourricière, les origines et la connaissance du monde : le thème musical qui caractérise son personnage n’est d’ailleurs qu’une variation du thème du mythe des origines (les premières mesures de L’Or du Rhin.
La déesse fait sa première apparition à la scène finale de L’Or du Rhin. Divine prophétesse des choses éternelles, on mesure l’inexorable chute des dieux ainsi que leur course à l’abîme à la perte de son pouvoir de divination qu’elle-même avoue lorsque, pour la deuxième fois dans le cycle de La Tétralogie, elle apparaît dans Siegfried (acte III, scène 1).
Plongée dans un sommeil primordial, un élément important de La Tétralogie (cf. le dragon Fafner, le sommeil de Brünhhilde, la belle endormie, ou bien encore Hagen dans sa conversation quasi-fantastique avec Alberich au début du deuxième acte du Crépuscule des Dieux), Erda porte le rêve éternel du monde. Lorsqu’elle apparaît dans L’Or du Rhin, c’est pour mettre en garde Wotan du malheur à venir si ce dernier s’attache à l’anneau (ainsi qu’à sa malédiction). De même lui apprend-elle à cette occasion l’origine et la fin de toutes choses (« Alles was ist, endet ! »). Lorsque celui-ci enfin la tire de son sommeil pour en savoir davantage sur son propre avenir (Siegfried) et la marche du monde, Erda ne paraît plus que comme un spectre, dépossédée peu à peu de ses pouvoirs et de la connaissance qu’elle a du monde (« wild und kraus kreist die Welt ! »). C’est à Brünnhilde, la fille qu’elle conçut de Wotan, qu’elle lègue à présent le pouvoir d’agir et c’est à elle seule, désormais qu’appartient d’accomplir la rédemption du monde. Erda, elle, ne souhaite que rejoindre le sommeil (« Schlaf verschliesse mein Wissen ») ; le pouvoir n’est plus entre les mains des Dieux, il appartient désormais aux héros et aux hommes.
Confié à un contralto (la tessiture la plus grave de toute La Tétralogie), le rôle d’Erda requiert le timbre caverneux caractéristique de ses origines telluriques, mais également un phrasé capable de soutenir les longues (et somptueuses) lignes mélodiques que Wagner a composé pour le personnage. Si l’ampleur du timbre n’est pas nécessaire au cours de l’apparition de la déesse dans L’Or du Rhin, l’interprète doit affronter les tempêtes orchestrales de la scène où elle affronte Wotan dans Siegfried.
Pour incarner celle-ci, l’alto Maria von Ilovsay fut l’une des interprètes les plus demandées par Bayreuth dans les années 50. Son timbre particulièrement envoûtant incarnait la plus captivantes des Erda. Par la suite, Jean Madeira, Marga Höffgen ou bien encore Ortrun Wenkel furent des interprètes d’exception. Actuellement, la contralto chinoise Qiu Lin Zhang est l’une des plus demandées pour la beauté de son timbre ainsi que son interprétation magistrale de ce rôle magnifique et particulièrement “payant” de La Tétralogie.
NC
Sources :
– La Tétralogie, collection « L’Avant-Scène Opéra », n. 227 (L’Or du Rhin) et 229 (Siegfried) (parus respectivement en juillet et novembre 2005)
– Wagner, mode d’emploi, Christian Merlin, collection « L’Avant-Scène Opéra », hors série (2011)
– La Tétralogie, commentaire de Stéphane Goldet et profil vocal des personnages de Pierre Flinois, Guide des opéras de Richard Wagner (Fayard, Les Indispensables de la musique, 1988)
– Dictionnaire des personnages (collectif, Robert Laffont éditeurs, Bouquins, 1992)