Titre original : Großer Festmarsch zur 100jährigen Gedenkfeier der Unabhängigkeitserklärung der Vereinigten Staaten (1876, g major)
En 1875, après avoir décliné à plusieurs reprises l’invitation des États-Unis à diriger leurs orchestres, Richard Wagner finit par accepter de composer une marche pour célébrer le Centenaire de l’Indépendance des États-Unis en 1876.
Theodore Thomas (1835-1905), chef d’orchestre allemand et pionnier de la musique dans le Nouveau Monde, fut sélectionné parmi plusieurs compositeurs américains pour composer la musique des chœurs, tandis que Wagner se chargea de la musique orchestrale. Le Comité des Femmes pour le Centenaire réussit à rassembler la somme de 5 000 dollars pour acquitter les droits auprès du Maître de Bayreuth sur le sol américain. Pour justifier ce montant, Wagner déclara : « M. Verdi a bien reçu de son éditeur un demi-million de francs pour les droits de publication et d’exécution de son Requiem ! »
L’œuvre de Wagner portait le titre complet et original de « Grande Marche de Festival pour l’Ouverture des Cérémonies commémoratives du Centenaire de l’Indépendance des États-Unis, dédiée par Richard Wagner au Comité des Femmes pour le Centenaire. » En préambule à sa composition, Wagner cita quelques vers de Goethe : « Nur der verdient sich Freiheit wie das Leben, der täglich sie erobern muss » (« Il ne mérite la Liberté et la Vie que celui qui doit les conquérir chaque jour. ») Malheureusement, la première équipe de copistes américains qui reçut l’œuvre de Wagner commet une erreur en traduisant le verbe allemand “erobern” (conquérir). Wagner trouva cela très amusant lorsqu’il découvrit que la seconde partie du vers de Goethe avait été traduite de manière à signifier « celui qui est amené à les dérober chaque jour. »
Malheureusement, la première équipe de copistes américains qui reçut l’œuvre envoyée par le compositeur commet une erreur en traduisant le verbe allemand “erobern” (gagner). Wagner fut particulièrement amusé de découvrir que la seconde partie du vers de Goethe avait été traduite de manière à donner l’impression que l’on parlait désormais de « celui qui est amené à les dérober chaque jour. »
La Marche “américaine” de Wagner fut exécutée pour la première fois à Philadelphie le 10 mai par un orchestre de cent cinquante musiciens. L’œuvre rencontra un vif succès, comme en témoignent les applaudissements chaleureux qui l’accompagnèrent. Cependant, Wagner était conscient des faiblesses de sa composition. Avec la fierté qui le caractérise, il ne partagea cette réflexion que dans un cercle très restreint d’amis proches à Wahnfried.
Lorsque la Marche fit à nouveau le voyage à travers l’Atlantique pour être jouée à Londres l’année suivante, Wagner lâcha cette remarque : « Bien qu’à l’origine, j’avoue avoir été totalement séduit par l’ambition d’écrire pour cette occasion, je dois reconnaître qu’il n’y a guère plus d’une vingtaine de mesures dans cette partition qui méritent d’être écoutées. » Pendant qu’il travaillait encore sur cette œuvre, Cosima notait avec précision dans son Journal : « R. est encore en train de travailler… mais il ne pense qu’à une chose, les 5.000 dollars qu’il a demandés, et qu’il ne verra sans doute jamais. » Cependant, Cosima se trompait complètement ! Le critique musical Henry T. Finck (1854-1926) écrivit à l’époque dans ses “Notes pour un Festival Wagner” (1884) : « Le prix initial de la commande était effectivement de cinq mille dollars ; mais grâce aux efforts de ses amis américains, Wagner reçut finalement le double de la somme demandée, une véritable aubaine alors qu’il avait un grand besoin d’argent pour organiser son premier Festival à Bayreuth. » Finck rapporta également que lorsque Wagner apprit le succès de sa marche en Amérique, il s’exclama : « Savez-vous ce qu’il y a de mieux dans cette marche ? L’argent que j’ai reçu pour sa composition ! »
La Marche du Centenaire est souvent considérée comme l’une des œuvres les moins inspirées de la période mature de Richard Wagner. Néanmoins, cette composition marque une étape significative dans l’expansion de l’art du compositeur vers le continent américain.
À l’origine de cette commande, Theodore Thomas, qui devint par la suite le président de la première ‘Wagner Society » aux États-Unis, entretint par la suite une correspondance riche et significative avec le compositeur jusqu’à sa mort. Le chef d’orchestre joua également un rôle pionnier dans la diffusion de l’œuvre de Wagner sur le sol américain.
NC
Pour découvrir la Marche du Centenaire de L’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, WWV 110 :