Mvrw Newell Sill Jenkins
Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
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NEWELL SILL JENKINS : LES SOUVENIRS DU DENTISTE DE RICHARD WAGNER

par par Newell Sill JENKINS

Issu d’une famille d’armateurs de la Nouvelle-Angleterre, Newell Sill Jenkins est né à Falmouth (Massachussets) le 29 décembre 1840. Après des études à Baltimore, il devient dentiste et émigre avec sa famille à Dresde où il exerce de 1866 à 1909. Durant des années, il exerça un mois par an à Vienne et à Varsovie. Sa clientèle comprenait nombre de membres de familles couronnées et de célébrités. En 1907, il s’installe aussi à Paris, où il poursuivit ses recherches. Il fut président de l’American Dental Club de Paris. Introducteur de la digue dentaire en Allemagne, il développa aussi les implants et couronnes en porcelaine, avec son « émail porcelaine Jenkins », pour la fabrication de laquelle il fonde une compagnie dont les droits de fabrication et de distribution au États-Unis furent achetés par son ami Mark Twain. Newell Jenkins est mort d’une attaque cardiaque au Havre, le 25 septembre 1919.

Nous livrons ci-après la première partie des « Souvenirs » relatifs notamment à son illustre patient que fut Richard Wagner (traduction par Michel CASSE, Président des Rencontres Wagnériennes de Bordeaux)

Newell SILL JENKINS

« Au milieu des années soixante-dix, je rencontrai Richard Wagner pour la première fois. Frau Cosima Wagner était d’abord venue me voir comme patiente, avec ses enfants. Cette femme remarquable me fit une forte impression. Elle était l’incarnation de l’énergie mentale et physique. Sa silhouette élancée, ses traits accusés, ses promptes résolutions, aussi fermes qu’intelligentes, son dédain des obstacles dressés entre elle et son but, et le tact et la ressource avec laquelle elle les surmontait, révélaient au premier abord une femme d’un caractère extraordinaire. Ma première impression se confirma lorsque je la connus mieux. En 1877 Frau Cosima me demanda de me rendre à Bayreuth afin de traiter son époux. L’année précédente avait vu la première représentation de L’Anneau du Nibelung à Bayreuth et le monde résonnait encore des échos de ce grand événement musical et national. Wagner se trouvait dans l’impossibilité de venir me voir et avait un besoin urgent de certain traitement afin de soulager des souffrances intolérables pour un homme de son tempérament et, en conséquence, bien que je fusse moi même fatigué et surmené, je décidai d’y aller : ce fut le début d’une amitié qui dura jusqu’au décès de Wagner.

Pour la première fois, j’eus l’occasion de me réjouir d’être aussi étranger à la musique parce que si j’avais été amateur de musique, il eut été possible que ma société l’eût ennuyée comme il paraissait l’être de celle de beaucoup de personnes que j’ai vues essayer de lui témoigner leur admiration. De fait, il m’accepta comme une nouveauté et me prit aussitôt en sympathie. À cette occasion, et lors des autres visites que je lui fis, il me fréquenta autant que possible. Nous fîmes de longues promenades ensemble en conversant de toutes choses humaines et divines, la musique exceptée, hormis que j’évoquais auprès de lui le caractère plaintif de la musique des nègres américains au temps de l’esclavage, qualité inhérente également à la musique des serfs russes ; nous ne pûmes cependant décider si cela était dû au tempérament ou aux circonstances.

Je fus ravi de découvrir qu’il possédait un sens de l’humour extraordinaire et qu’il aimait beaucoup les anecdotes divertissantes, les racontant d’une manière pince-sans-rire qui ajoutait fort à leur piquant. Il nous est arrivé en plus d’une occasion de rester assis fort avant dans la nuit à échanger des histoires, lui trouvant les plaisanteries américaines particulièrement savoureuses ; il éprouvait, en effet, un grand intérêt pour tout ce qui était américain, puisqu’il était en théorie un redoutable républicain, ainsi que l’ont montré sa participation à la révolution de 48 et son indifférence ultérieure pour les blandices des Altesses royales.

Un soir, Frau Cosima parlait de l’été précédent, où Bayreuth avait reçu la visite de tant de personnes royales et princières en sus du monde entier, et raconta comment l’empereur du Brésil, à son arrivée, fit demander à Wagner et à Liszt de se rendre auprès de lui. Ils étaient tous les deux absents mais Madame Cosima fit répondre verbalement : « Je sais positivement que mon père accepterait de venir, mais je sais de manière aussi certaine que mon époux refuserait. »

Un jour à dîner, Wagner m’interrogea au sujet de Brigham Young, qui venait de mourir, et désira connaître le secret de son pouvoir. Je lui parlai de la condition matérielle des gens chez lesquels les Mormons faisaient leurs convertis, combien beaucoup d’entre eux étaient ignorants et pauvres, et citait en exemple les mineurs de Cornouailles, dont beaucoup se convertirent et fondèrent l’Utah, que leurs fortes mains firent fleurir telle la rose, paradis terrestre comparé à leur ancien morne pays natal. Semblables aux disciples de Mahomet, ils gagnaient non seulement l’assurance du ciel, mais tels bienfaits dans cette vie qu’ils étaient capables d’apprécier.

Au bout d’un petit moment, Wagner me regarda avec un éclair dans les yeux que je savais annoncer une plaisanterie, et se mit à parler avec gravité de son intention d’établir une religion nouvelle aussitôt qu’il aurait terminé Parsifal, qu’il était alors en train de composer. Le premier instant passé, il regarda en particulier un autre invité, un neveu par alliance et professeur de mathématiques à Kiel1, que je soupçonnais déjà être privé d’imagination, et se mit à lui expliquer les détails de la nouvelle entreprise. Elle devait être fondée sur une vue matérialiste du ciel, comme celle de Mahomet, mais il devait également y avoir différents degrés de béatitude céleste et le culte devait être magnifiquement choral, car l’art musical devait être le moyen d’adoration et le passeport pour le ciel serait par des billets achetés contre argent comptant auprès des prêtres. Ces billets, cependant, devaient avoir quelque chose de la forme des indulgences papales et assurer ainsi des revenus abondants à l’église. Ils devaient également ressembler aux billets de train, qui ne portent pas leur détenteur au-delà de l’endroit pour lequel ils ont été achetés, de sorte que l’âme pieuse devrait aspirer au moyen de sacrifice d’or dans cette vie à atteindre le ciel le plus élevé dans le monde à venir et ne pas se satisfaire d’un billet de troisième classe, qui lui donnerait simplement accès aux places debout, comme dans un théâtre. Il continua ensuite de manière de plus en plus fantasque et espiègle, en remarquant la stupeur du bon professeur, qui aurait fort bien pu s’imaginer le Meister fou, jusqu’au moment où Frau Cosima et moi ne pûmes plus retenir notre hilarité et que l’autre auditeur commença à se rendre compte qu’il ne s’agissait que d’une plaisanterie extravagante. Cette face du caractère de Wagner, dévoilée seulement dans les Meistersinger entre toutes ses œuvres, peut avoir été à l’origine des nombreux récits étonnants que l’on fit à son sujet. J’ai moi- même observé que la vénération quasi-religieuse avec laquelle l’approchaient certains de ses adorateurs lui semblait un sujet convenable de raillerie et, en effet, elle était parfois tellement exagérée que la tentation de la tourner en ridicule devait être irrésistible. Je me souviens d’une réception à Wahnfried un soir à l’époque de la première représentation publique de Parsifal. J’avais obtenu une invitation pour un compositeur américain de second ordre qui était, sauf en matière de musique, un individu fort raisonnable. Il arriva tôt et je le présentai à Frau Cosima, qui recevait, Wagner lui-même n’arrivant que tard en de semblables occasions. Mon ami tremblait d’excitation. Il me dit que c’était l’expérience la plus importante de sa vie, il était sur le point de voir les deux plus grands hommes au monde, Wagner et Liszt.

Quand il vit réellement et fut présenté au Meister, il était trop agité pour parler et était tellement ému que je saisis la première occasion de l’aiguiller dans un coin, où il pourrait se remettre lentement. Le lendemain, je découvris que le pauvre homme souffrait d’une profonde déception. Connaissant les images qui représentaient seulement la tête massive de Wagner, il s’était attendu à trouver un homme d’une stature imposante et s’affligeait grandement de le trouver d’une taille légèrement inférieure à la moyenne. Je le consolai toutefois en lui rappelant la taille réduite de Napoléon, étant donné je savais que le Corse était un autre de ses héros.

Lors de l’une de mes visites, le frère du célèbre pianiste Rubinstein se trouvait à Wahnfried, occupé à arranger l’Anneau du Nibelung pour piano. C’était un homme intéressant, dans un certain sens. Je crois qu’il connut une fin tragique avant que l’œuvre ne fut achevée et qu’elle parut en fin de compte sous le nom de Klindworth. Au cours de la visite, il arrivait que la famille devait parfois sortir quelque part, chose qui coûtait toujours à Frau Cosima parce que, disait-elle, elle quittait son époux à contre-cœur, même pour quelques heures, car tout le temps qu’elle pouvait espérer passer avec lui lui était tellement précieux. Dans ces occasions-là, je restais avec le Meister, car je ne dansais pas et n’aimais pas la société en général ; ces soirées furent parmi les plus délicieuses que j’ai jamais connues. Je trouvai Wagner, comme tous les hommes véritablement distingués que j’ai rencontrés, un caractère des plus humains doté d’un champ très vaste d’intérêts et de sympathies. Parler avec un Américain, qui ne connaissait rien à la musique, était sans doute une expérience rare pour lui. Quoi qu’il en soit, il continuait à s’entretenir avec moi, même après le retour de la famille, parlant avec familiarité de sujets nombreux, m’impressionnant toujours par ses grands talents intellectuels. En octobre 1877, après que l’adaptation de l’Anneau pour piano eut été publiée, il m’envoya un exemplaire magnifiquement relié avec son autographe et une Widmung (dédicace) de sa propre main sur la page de garde du premier volume. 

« Ich sage nichts vom Zahn der Zeit,
Die Zeit des Zahnes naht heran,
Ist dann Herr Jenkins nich mehr weit,
Trotz’ ich die Zeit mit Ihren Zahn. »

(La dent du temps, je n’en dis rien,
Car le temps de la dent s’approche,
Et si M. Jenkins n’est plus très loin,
Je braverai le temps avec votre dent.) »2

Newellk Sill Jenkins
(traduit par Michel Casse)

Notes :
1 – Il s’agit de Friedrich Brockhaus (1838-1895), fils cadet de Hermann (1806-1877), orientaliste, et d’Ottilie, l’avant-dernière sœur de Richard Wagner. Petit-fils de Friedrich Arnold, le fondateur de la maison d’édition Brockhaus, Juriste, Friedich Brockhaus fut professeur à l’université de Bâle, à l’université de Kiel, à l’université de Marburg et enfin à celle d’Iéna. (N.d.T.)
2 – Mme Wagner m’écrivit à la même époque :
« CHER M. JENKINS. Mon époux vous envoie ses remerciements en paroles et en sons, mais je ne voudrais pas laisser partir sa plus grande œuvre à votre adresse sans ajouter combien je vous suis obligée d’être venue le voir et j’espère que vous avez conservé un aussi bon souvenir de notre maison que vous de votre visite.
Je vous renouvelle, avec mes meilleures salutations à votre adresse et à celle de Mme Jenkins, l’expression de mes remerciements.
COSIMA WAGNER
Bayreuth, 9 octobre 1879″

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Sommaire
De 1876 à 1878, Wagner vécut une idylle particulièrement intense avec une jeune Française dont la beauté, l’intelligence et les parfums l’avaient envoûté. Qui était-ce ?
Réponse :

Judith Gautier (1845-1917). L'écrivaine était la fille du poète Théophile Gautier. En raison de son tempérament impétueux, elle était surnommée « l'ouragan ». Elle servit de modèle à Wagner pour le personnage de Kundry (Parsifal).

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