Célèbre et brillante interprète des grands rôles du répertoire allemand, Wilhelmine Schröder-Devrient fut la fille d’un non moins célèbre baryton, Friedrich Schröder, et d’une talentueuse actrice, Sophie Bürger. Cette double ascendance lui permit de devenir une soprano exceptionnelle dont les talents d’interprétation et la qualité dramatique impressionnèrent rapidement Richard Wagner ; à tel point qu’il aimait à dire qu’il l’avait applaudie dans Fidelio où elle tint le rôle de Leonore en 1822, alors que sa présence effective est des plus contestées.
Mais quelle que fût la représentation qui fit découvrir la cantatrice au compositeur, celui-ci lui écrivit une lettre enflammée dans laquelle il lui déclara qu’elle avait changé le cours de sa vie qui « avait gagné en signification »… Rien de moins que cela !
Quoiqu’il en soit, l’admiration du compositeur était telle qu’il lui confia la création du rôle travesti d’Adriano dans Rienzi (1842), puis celui de Senta (1843) dans Le Vaisseau fantôme et celui de Venus dans Tannhaüser (1845).
Elle aurait dû créer le rôle d’Elsa, programmé pour Dresde en 1849, mais les événements politiques de 1848 bouleversèrent ce programme. La participation active de Wagner à cette révolution lui valut l’exil, celle de Wilhelmine Schröder-Devrient lui valut la prison.
Si l’artiste alla de succès en succès – elle se produisit un peu partout en Europe : Vienne, Prague, Berlin, Paris, Londres, Riga…, toujours avec le même succès – la femme fut moins heureuse. Elle divorça de son premier époux en 1828, après seulement 5 ans de mariage, et comme toujours à cette époque, dut renoncer par là même à ses quatre enfants. Son deuxième mariage, qui eut lieu en août 1847, ne dura qu’un an. Mais il fut la raison pour laquelle elle dut renoncer un temps à la scène, car son époux, David Oskar von Döring, était officier, et elle ne pouvait se produire comme femme d’officier. Elle se sépara très vite de cet époux peu scrupuleux. Elle retenta pourtant l’aventure en 1850 et se maria avec un propriétaire foncier, Heinrich von Bock, qu’elle suivit dans son pays natal. Cependant elle revint en 1852 en Allemagne et vécut à Berlin et à Dresde. En 1856 elle revint sur les scènes de concert avec des lieder de Schubert, Beethoven et Felix Mendelssohn Bartholdy. En 1859 elle quitta définitivement la scène et mourut un an plus tard à Coburg.
Son extraordinaire talent et sa carrière impressionnante de cantatrice sont curieusement associés à un autre domaine artistique : la littérature érotique. En effet, deux tomes furent publiés après sa mort (le premier en 1868 et le second en 1875) sous son nom et sous le titre de Mémoires d’une chanteuse allemande (Memoiren einer Sängerin).
Si le premier peut éventuellement lui être attribué (encore que rien ne soit sûr), le second semble vraiment être une imposture et avoir été publié sous son nom pour bénéficier du succès d’un parfum de scandale. Guillaume Apollinaire, traducteur avec Blaise Cendrars du premier tome, met déjà en doute dans son introduction la véracité et des sources et de l’auteur, privilégiant l’hypothèse d’écrits apocryphes remaniant quelques éléments biographiques de Wilhelmine Schröder-Devrient, ou plus simplement de mémoires d’une autre cantatrice inconnue.
Quant au second volume, les aventures érotiques contenues semblent ouvertement fantaisistes : sadomasochisme, lesbianisme, sexe de groupe, sodomie, bestialité, prostitution et même vampirisme, le tout avant d’avoir eu vingt-sept ans ! Mais qui qu’en fut l’auteur, cet ouvrage est le plus célèbre de la littérature érotique en Allemagne et a été plusieurs fois réimprimé et traduit en anglais sous le titre Pauline, la Prima Donna.
Rôles : Adriano (Rienzi), Senta (Le Vaisseau fantôme), Venus (Tannhaüser)