RICHARD WAGNER EN ROUMANIE

Lorsque Richard Wagner s’éteint en 1883, c’est tout un empire artistique et un royaume (celui de Bayreuth) qui menacent de s’écrouler. Conserver un temps comme une œuvre intouchable dans un mausolée, survivre à la disparition du compositeur … parfois même pour mieux y échapper : Cette section raconte l’histoire de l’aventure wagnérienne après la mort du compositeur jusqu’à aujourd’hui, des appropriations des plus douteuses aux créations contemporaines les plus intéressantes.

L’OEUVRE DE RICHARD WAGNER A LA CONQUÊTE DU MONDE

L’OEUVRE DE RICHARD WAGNER A TRAVERS L'EUROPE

L’OEUVRE DE RICHARD WAGNER A TRAVERS L’EUROPE

La réception du Ring aux Etats-Unis et en Russie
Le wagnérisme en Finlande
La réception de Wagner dans la Russie stalinienne
Richard Wagner en Roumanie

par Valentina SANDU-DEDIU
(traduit du roumain par Sorin Georgescu)

Titre original : « WAGNER-REZEPTION IN RUMÄNIEN: SIGNIFIKANTE BEISPIELE »
traduction @ Le Musée Virtuel Richard Wagner et reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur
pour lire le texte dans son intégralité sur le site www.academia.edu, cliquer ici

 

AVANT PROPOS

Il n’existe que très peu de travaux concernant l’historique de la réception de la musique de Richard Wagner en Roumanie. Lors d’un Festival consacré à ses œuvres et datant d’une trentaine d’années, une étude intitulée Richard Wagner dans la culture roumaine a été publiée. Il semblait donc tout naturel de se pencher sur le texte de cette publication et en particulier sur les aspects concernant Wagner de la vie musicale roumaine à cette période. Il est néanmoins à noter que l’auteur de cette étude n’ayant mené ses recherches que jusqu’au milieu du XXe siècle, il aurait pu paraître légitime, dans une perspective chronologique, que le présent article poursuive précisément le travail du prédécesseur. Ce n’est pas le cas et la raison en est simple : durant toute la période communiste et en particulier au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’expression d’une musique dite “nationale” fut vivement encouragée au détriment de toutes autres compositions. Il fallut donc attendre 1957 pour entendre à Bucarest après guerre un concert consacré aux oeuvres de Richard Wagner. Au cours des décennies suivantes, le public roumain n’assista que très épisodiquement à une reprise de cette tradition musicale wagnérienne de fin XIXe /début XXe qui avait été intense et passionnée. C’est ainsi que la Tétralogie n’a encore jamais été représentée dans son intégralité en Roumanie.

L’auteur, de ce fait, n’aurait pas eu suffisamment de « matière » à sa disposition pour traiter de ce sujet. En outre, le meilleur ouvrage musicologique (faisant office de référence) en langue roumaine relatif à Wagner avait déjà été rédigé dans l’entre-deux-guerres, ainsi que les récits des premiers « pèlerinages » de musiciens roumains à Bayreuth qui suscitèrent dès le premier Festival [de 1876] l’intérêt de la presse et de la radio roumaines. Ils relatent l’enthousiasme des musiciens roumains à la création du Ring et content également les aventures musicales que ceux-ci entreprirent. […]

 

Le wagnérisme roumain :
Eduard Wachmann et Dimitrie Popovici-Bayreuth.

Dans la presse du XIXe siècle, on relève ça et là des articles relatant les représentations de troupes de théâtre ambulant qui donnaient sur des scènes – le plus souvent improvisées – des extraits de la musique de Wagner. Les  goûts du public roumain l’orientait plutôt vers le répertoire italien. Par ailleurs, en Transylvanie (région rattachée à la Roumanie en 1918 par le Traité de Trianon), une poignée de théâtres traditionnellement de langue hongroise, ainsi que quelques sociétés de musique de langue roumaine et allemande, s’efforçaient à diffuser, les unes comme les autres et à leur échelle, de la musique de Richard Wagner.

Le chef d’orchestre Eduard Wachmann (1836-1908)

Le compositeur et chef d’orchestre Eduard Wachmann (1836-1908), connut bien des déboires en raison des efforts qu’il déploya pour mettre la vie musicale roumaine à la “mode européenne”. C’est ainsi que dès 1868, Wachmann fonda la Société philharmonique roumaine, premier ensemble symphonique professionnel de son pays, dont l’un des objectifs majeurs était d’accorder une place de choix justement à l’Oeuvre de Wagner dans les programmes de ses concerts, et ce, jusqu’au début du XXe siècle. En 1884, l’artiste engagé fonda une filiale bucarestoise des associations wagnériennes allemandes (qui fut active jusqu’en 1898) ; en parallèle, Wachmann dirigea également le Conservatoire de Bucarest (1869-1903) et il s’efforça d’insuffler un élan, en matière de choix de programmes, mais aussi, dans le domaine de la pédagogie (jeu et direction d’orchestre).

En 1868, le compositeur Grigore Ventura eut l’occasion de rendre visite à Wagner ; cette rencontre le marqua si profondément qu’il s’en souvenait encore près d’un quart de siècle plus tard :

« Il [Wagner] m’interrompit et me demanda :

« Avez-vous un orchestre à Bucarest capable d’exécuter une symphonie de Beethoven convenablement ?”

J’ai à peine pu répondre “oui”. Mais je n’osais pas non plus lui répondre … “non”. Je suis donc resté là, stupéfait. Wagner interpréta mon silence comme un démenti à sa question et poursuivit : “Je vois, vous n’avez donc pas de bon orchestre. Alors, Monsieur, cela signifie que vous n’êtes pas encore civilisé !”

Le maître aborda ensuite toutes sortes de sujets, mais il n’a plus parlé de musique. Je dois avouer que je l’ai quitté déçu et indigné. […] En réalité, Wagner avait tout à fait raison. Aussi ma joie fut d’autant plus grande lorsque j’ai pu constater que, grâce à la Société philharmonique et surtout à son chef d’orchestre Wachmann, les choses commençaient à changer. Aujourd’hui, je souhaiterais qu’un Richard Wagner puisse assister à un concert symphonique à l’Athénée [de Bucarest] ; à présent, il pourrait y apprécier le travail d’un orchestre de 80 musiciens, capable d’interpréter tous les chefs-d’œuvre de la musique instrumentale d’une manière qui paraîtrait honorable dans n’importe quelle grande capitale d’Europe.”

Wachmann réussit à hisser l’orchestre à ce niveau grâce à beaucoup d’efforts (y compris financiers). Stimulé par les mots de Wagner, il inscrivit de plus en plus régulièrement des symphonies de Beethoven dans ses programmes et organisa même un festival Beethoven en 1871. Wachmann dirigeait également des œuvres de Mendelssohn, Mozart, Haydn, Weber, Schumann, Schubert, et beaucoup plus rarement des pièces de musique baroque ou de compositeurs français contemporains.

« Le grand favori de Wachmann […], c’est Wagner ; cependant, jusqu’à cette impulsion nouvelle qu’il apporta à la vie musicale de Bucarest, la musique de Wagner était parfois malencontreusement “arrangée” voire “mutilée”. […] Extrêmement rares sont les concerts où Wagner n’est pas programmé, et le chef d’orchestre qui fait le pèlerinage nécessaire sur le lieu du festival annuel […], convainc ses amis de l’imiter.”

Les chroniques musicales de l’époque relatent l’infatigable ardeur que mit Wachmann afin de diffuser l’oeuvre de Wagner : des fragments symphoniques de La Walkyrie, de Lohengrin, de Parsifal, de Tristan et Isolde figurent souvent au programme, jouées  à plusieurs reprises afin de familiariser avec cette musique un public pas toujours très ouvert. Dans la revue România muzicală (Roumanie musicale) du 1er mars 1892, un chroniqueur relève par exemple d’un ton bourru que Wachmann « veut [nous] gaver de Wagner à tout prix ». Cette critique ne fut pas isolée, la presse roumaine, enhardie, lança dans les années 1890 une véritable campagne dirigée ouvertement contre Wachmann (une campagne en fait « orchestrée » par divers rivaux du Chef). « Tout d’abord, on reproche au chef d’orchestre ses origines allemandes, on insinue systématiquement qu’il favorise les musiciens étrangers au détriment des Roumains. Les insinuations étaient bien entendu infondées, mais l’accusation de germanophilie pouvait avoir de graves conséquences en cette dernière décennie du XIXe siècle, de sorte que Wachmann dut intervenir en personne pour faire valoir sa nationalité roumaine, déjà obtenue en 1876 en vertu des nouvelles lois.

« […] Si Wachmann n’avait pas eu autant d’ennemis, la capitale roumaine aurait été gratifiée, grâce à son initiative, d’un orchestre permanent subventionné par le budget et d’un opéra national beaucoup plus tôt”.

En effet, Eduard Wachmann tenta de fonder une troisième institution après la Philharmonie et le Conservatoire : l’Opéra roumain, en commençant par les premières représentations de musique roumaine et de Wagner ; et cela de la saison 1892/93 jusqu’aux premières années du XXe siècle.

Wachmann prit sa retraite en 1903, mais il continua à diriger et organisa souvent des festivals wagnériens jusqu’en 1907. Le hasard (ou peut-être n’était-ce pas un hasard ?) voulut que, peu après, un autre wagnérien, le célèbre baryton Dimitrie Popovici-Bayreuth (1860-1927), prenne la direction du conservatoire de Bucarest.

Le baryton Dimitrie Popovici-Bayreuth (1860-1927).

Jeune homme, il avait suivi le conseil d’un ami proche, le compositeur transylvanien George Dima (qui avait lui-même étudié à Leipzig et qui était un wagnérien convaincu), et il était parti à Vienne pour y étudier ; c’est également à Vienne qu’il assista pour la première fois à une représentation d’un opéra de Wagner (Tannhäuser). Il en avait déjà chanté des extraits mais il n’avait encore jamais travaillé un rôle dans son intégralité ; la musique de Wagner devint dès lors le moteur le plus puissant de sa carrière.
« Wagner m’intéresse plus que tout au monde, même si ses phrases musicales sont ardues […]. On ne réussit à les présenter artistiquement que si on ne laisse pas seulement la voix les entonner, mais si on sait aussi comprendre celles-ci. La musique nous envahit alors et nous pénètre quasiment comme des ondes électriques. On est dès lors sous son emprise, on ne peut plus échapper à son pouvoir et la musique d’autres compositeurs ne nous plaît plus autant qu’auparavant.”

Après un engagement à Prague, Dimitrie Popovici commence à se faire un nom dans toute l’Europe en interprétant différents rôles de Wagner. Julius Kniese, alors directeur permanent du Festival de Bayreuth, le remarque et lui propose un contrat en 1894. Popovici se produit à nouveau à Bayreuth en 1899, et la presse roumaine fait état – dans un style éminemment emphatique – des rapports noués par le baryton avec la famille Wagner.

Les succès certainement avérés du Roumain à Bayreuth furent immédiatement auréolés d’une vague de patriotisme grandiloquent. On souligna par exemple l’amitié entre Popovici et Siegfried Wagner qui, après le succès de son Lohengin en 1894, lui offrit « deux portraits gravés comportant des dédicaces élogieuses.” L’une disait :

« Il n’y a qu’un seul Popovici ! »

Même le surnom que Dimitrie Popovici s’attribua lui-même donna lieu à quelques interrogations. En effet : Popovici, qui dans certaines lettres envoyées au pays signait jusqu’alors « D. Popovici-Bîrlădeanu”, commença à accoler l’éponyme “Bayreuth” à son nom (à partir de 1895 environ). Il bénéficiait, selon toute probabilité, de l’accord de Cosima Wagner, car il aurait été inimaginable qu’un artiste puisse se servir du prestige d’une petite ville devenue le centre du culte wagnérien, sans que la veuve de Wagner en ait eu connaissance et n’ait approuvé cette initiative. Bien qu’il n’existe aucune trace ou témoignage de l’époque attestant cet “adoubement”, l’affaire peut être considérée avec sérieux et vraisemblance, car un seul et unique défi lancé à l’encontre de la “Sainte Trinité” de Bayreuth, composée de Cosima, Siegfried Wagner et Julius Kniese, aurait condamné l’artiste à l’échec”.

En 1897, suite à une recommandation de Cosima Wagner, le baryton chanta à Vienne sous la direction de Gustav Mahler (qu’il admirait beaucoup). « Pour le rôle de Telramund – qui fit regretter à Wagner toute sa vie de n’avoir pas rencontré d’interprète à sa hauteur, tel qu’il se l’imaginait – il n’existe dans le monde musical aucun artiste que l’on puisse comparer à Popovici.” L’enthousiasme de Cosima Wagner sembla toutefois se modérer par la suite, comme l’indique une autre source : « Cosima a écrit à Mahler pour lui recommander un baryton roumain du nom de Demeter Popovici (elle admettra plus tard qu’elle a été très généreuse dans son évaluation)”.

Même après son retour dans son pays, l’admiration de Popovici-Bayreuth pour Wagner resta le moteur de toutes ses entreprises. Les succès internationaux lui avaient apporté un soutien si important qu’il poursuivit dès lors – avec son ami le compositeur George Dima – ses projets de modernisation de la vie musicale roumaine. Popovici fut nommé en 1904 – grâce à l’insistance de son ami – à la tête du Conservatoire de Bucarest, poste qu’il occupa jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Il y enseignait le chant et certains de ses collègues se méfiaient de lui, le considérant comme un « Allemand pédant et démodé ». En 1920, Popovici fut nommé directeur de l’Opéra national de Cluj/Klausenburg (Transylvanie), le premier opéra d’Etat de Roumanie, où il tenta de toutes ses forces de mettre la musique de Wagner à l’affiche.

 

Représentations à Cluj-Napoca et Bucarest

La ville de Cluj-Napoca à la Belle Epoque (photographie pour carte postale vers 1920)

La première de Tannhäuser à Cluj-Napoca, en mars 1921, a fait l’objet d’un vif débat dans la presse locale, avec des articles pour et contre, et même une protestation d’étudiants contre les chicanes de la presse. Les événements étaient principalement motivés par des raisons politiques, la Roumanie ayant changé de camp et combattu aux côtés des Alliés à la fin de la Première Guerre mondiale, ce qui lui permit d’étendre son territoire national à la Transylvanie (auparavant rattachée durant des siècles à la Hongrie ou indépendante).

« La représentation à Cluj-Napoca d’un drame wagnérien au parfum médiéval-germanique est une maladresse culturelle […] Après la guerre, Tannhäuser n’a été présenté ni à Paris ni à Milan, pourquoi donc à Cluj-Napoca, par-delà le programme culturel des Alliés ?  »

Les esprits se calmèrent dans les années qui suivirent, et Lohengrin (1923), La Walkyrie (1925), Le Hollandais volant (1926), Tristan et Isolde (1935) et Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1939) furent bientôt représentés à Cluj-Napoca. Toutes les représentations ne furent pas des succès, la plupart des opéras, peu joués, disparurent vite de l’affiche.

L’idée audacieuse de monter Wagner sur scène était généralement considérée comme l’expression de la « maturité » d’un théâtre musical audacieux et fut appréciée en conséquence ; les représentations elles-mêmes n’étaient pas accueillies avec un enthousiasme débordant.

Même dans le Bucarest du tournant des XIXe et XXe siècles, Wagner restait le standard le plus élevé auquel se mesuraient toutes les autres représentations. Alors que l’Opéra roumain n’était encore qu’une troupe de spectacle, un opéra de Wagner (Lohengrin) fut représenté pour la première fois en roumain en 1898, suivi de Tannhäuser en 1900.

Les deux représentations furent couronnées de succès et récoltèrent à la fois des applaudissements enthousiastes et des attaques – devenues habituelles – contre Eduard Wachmann. Jusqu’à la fondation officielle de l’Opéra roumain (1921), l’histoire de cette institution s’est trouvée liée de manière significative au nom de Wagner. Directeur ou chef d’orchestre : l’un d’entre eux s’est toujours enthousiasmé pour la musique de Wagner, mais il n’y a jamais eu assez d’argent pour de nouvelles représentations.

En 1916-17, la Roumanie – auparavant aux côtés des Allemands et de l’Autriche-Hongrie – a donc changé de camp et s’est rangée auprès des Alliés. Ainsi Bucarest a été temporairement occupée par les troupes allemandes. Les édiles de l’époque se sont alors efforcés de promouvoir la culture allemande. En voici quelques exemples. Du 7 au 15 mai 1917, l’Opéra de Darmstadt se produisit à Bucarest avec Lohengrin ; du 6 au 30 mai, l’Opéra de la Cour de Dessau donna une « série de représentations extraordinaires « . Sur un total de vingt représentations comportent des premières roumaines,  viennent se greffer Tannhäuser, Lohengrin, Tristan et Isolde, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg et La Walkyrie.

L’histoire officielle de l’Opéra roumain en tant qu’institution commence en 1921, lorsque George Enescu dirige Lohengrin lors d’un concert de gala ; l’événement a été largement commenté par la critique de l’époque, et la date est considérée aujourd’hui encore comme importante pour l’historiographie roumaine. Les années suivantes, l’Opéra de Bucarest présentera d’autres mises en scène de Wagner : Le Hollandais volant (1922), La Walkyrie (1923), Parsifal (1932), Tristan et Isolde (1934), Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (1934).

 

Les critiques roumains et leurs déclarations

Avant la Première Guerre mondiale, un critique, déplorant la méconnaissance du public roumain, publia un portrait romantique et enthousiaste du compositeur allemand, en s’inspirant des Mémoires de Wagner traduites en français par Camille Benoit.

On peut lire sous la plume du même critique : « Dans toute l’Europe civilisée, il n’y a guère de pays où l’œuvre de Richard Wagner soit aussi peu répandue et aussi inconnue que chez nous. A l’exception de quelques mauvaises interprétations de Tannhäuser et de Lohengrin que les troupes italiennes itinérantes présentaient autrefois et de fragments symphoniques faiblement transmis dans les concerts dominicaux de notre orchestre […] notre public ne connaît qu’une fraction peu caractéristique de l’œuvre du maître. […] Des termes comme wagnérianisme et wagnérien sont aujourd’hui encore utilisés chez nous de la manière la plus extravagante. On entend dire que telle ou telle valse, voire telle ou telle danse de sârba serait écrite dans le style wagnérien !!! ».

La critique wagnérienne roumaine ou « Richard Wagner » par Emanoil Ciomac

La critique musicale roumaine, aujourd’hui en déclin, était représentée dans l’entre-deux-guerres par quelques personnages hauts en couleur. Leurs propos pittoresques ont eu un grand retentissement. Le musicologue Emanoil Ciomac, qui a également écrit la première monographie roumaine sur Richard Wagner, le compositeur Mihail Jora, recteur de l’Académie de musique de Bucarest, et la pianiste et écrivaine Cella Delavrancea ont publié d’excellentes chroniques musicales dans des journaux de Bucarest. Alors que la critique musicale roumaine actuelle a perdu la qualité, l’impact et la fonction qu’elle avait à l’époque de Ciomac, Jora et Cella Delavrancea (les causes de ce phénomène sont complexes et ne font pas l’objet du présent article), il est tout aussi évident que l’intérêt pour les opéras de Wagner a lui aussi diminué par rapport à la période de l’entre-deux-guerres. Les représentations de Wagner se font rares à Bucarest par manque d’habitude de jouer ce répertoire. Elles tournent généralement autour de Tannhäuser, Lohengrin et La Walkyrie. Personne n’a encore osé monter l’intégralité du Ring ou proposer au public roumain actuel Tristan et Isolde, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg ou Parsifal.

Le lecteur des articles sur la musique de Wagner écrits par Cella Delavrancea, Jora et Ciomac découvre une argumentation profonde et un style personnel chez Delavrancea, qui présente des qualités littéraires et poétiques (avec une tendance métaphorique), puis l’ironie parfois mordante de Jora et l’élégance de Ciomac. Les articles paraissent en priorité en 1937-1938 dans des publications de Bucarest et témoignent d’un pic d’intérêt pour le drame musical et les représentations à Bayreuth ou en Roumanie, lesquelles étaient au cœur de la vie musicale de l’époque. Cella Delavrancea a également consigné son séjour à Bayreuth dans une série d’articles ; leur style feuilleton donne une impression de confession ou de journal intime. Elle se montre impressionnée par les représentations et les spectacles de Bayreuth : « Deux éléments dominent dans la perfection du festival de musique de Bayreuth : Intelligence et ferveur « . Cella Delavrancea admire les mises en scène du Ring et les décrit dans les moindres détails, mais n’a que peu d’attirance pour la complexité de Parsifal, un opéra qu’elle considère comme « l’œuvre tardive » d’un Wagner vieilli et fatigué : « Pendant les trois actes, la sensualité grossière et la chasteté furieuse se mêlent, le non-sens et l’acquis sont en bon voisinage, le dégoût et l’innocence vont de pair ». On peut certes entendre par moments de la belle musique, mais dans l’ensemble, l’œuvre est « pédante et le mauvais goût y est évident « . En revanche, elle poursuit: « comme Lohengrin est apparu authentique le lendemain, avec la splendeur d’une médiévalité barbare et raffinée ! La musique a une mélodie juteuse, prend des couleurs grâce au système de composition de Wagner et déploie une rythmique riche  » . Quelques mois plus tard, Cella Delavrancea esquisse un portrait du compositeur où elle le décrit comme « un précurseur de Freud, avec comme un écho de l’influence de Rousseau », qui « parlait en musique et enrichissait ainsi la littérature romantique de nuances jusqu’alors inconnues avec une telle précision ».

La pianiste et écrivaine met alors un terme à ses réflexions sur Wagner (du moins dans le sens éditorial), mais elle publiera sur la vie musicale roumaine jusqu’en 1976.

Alors que Cella Delavrancea assistait en direct au festival de Bayreuth, Mihail Jora écoutait la retransmission du troisième acte de Lohengrin à la radio roumaine et expliquait à son auditoire la manière dont Bayreuth s’identifiait à Wagner et quelle était son influence écrasante sur les contemporains et la postérité. L’esprit de Wagner « plane avec volonté et ironie » sur toutes les têtes et sur tous les courants musicaux post-wagnériens qui ont immédiatement suivi et que Jora qualifie de « réactions violentes » – il s’agit de l’orientalisme russe, du vérisme italien, de l’impressionnisme de Debussy, du futurisme de Marinetti, de l’expressionnisme de Schönberg et du néoclassicisme de Stravinsky. Jora a également fait le constat de la politique allemande de l’époque et de la manipulation abusive qui a été réalisée à partir du message wagnérien : « Wagner entendait l’art comme une entreprise purement nationale, ce qui a autorisé les dirigeants de l’Allemagne actuelle à accorder au grand musicien le titre de patron de l’hitlérisme. Nous ne pouvons pas prévoir combien de temps durera cette nouvelle apparence de Wagner mais nous ne croyons guère à l’intransigeance germanique de sa musique. L’art est au-dessus de tous les bouleversements politiques et brise les frontières fortifiées « .

Un an plus tard, Mihail Jora a commenté une représentation de Tristan et Isolde et a fait remarquer qu’il n’y avait pas d’opéra sur lequel on ait dit autant de choses différentes, « en commençant par les insultes les plus triviales, en passant par les moqueries grotesques et les critiques objectives, jusqu’aux louanges hyperboliques ». Que l’on qualifie Wagner de fou, de charlatan ou de génie, l’impression qu’il laisse est écrasante, et Jora estime, 80 ans après la première de 1865, que l’on a affaire à « l’œuvre scénique la plus bouleversante jamais écrite ». Il se sent entièrement sous l’emprise de cette énergie vitale, saisi par la force de cette vérité éternelle évoluant autour de la vie et la mort et par la manière miraculeuse dont tout est traduit dans une harmonie sonore « insaisissable ». Au début de la saison de concerts 1938/39, l’Opéra roumain a osé cette représentation courageuse qui n’a malheureusement pas été appréciée par le public, bien que la prestation semble avoir été remarquable : l’orchestre dirigé par Ionel Perlea a donné une interprétation claire, chaude et pénétrante de Tristan, il a rarement joué de manière aussi merveilleuse et les solistes ont également bien chanté, et cela au-delà de toute attente. Mais la réaction du public de Bucarest aurait en revanche été négative : « Vendredi soir, après le deuxième acte, les manteaux et les chapeaux ont été réclamés avec insistance au vestiaire et un tiers des spectateurs assis au parterre a quitté la salle pour aller admirer le clair de lune sur la place Valter-Mărăcineanu « .

Avant une retransmission radiophonique de L’Anneau du Nibelung, Emanoil Ciomac rédigea deux articles à l’intention du public : « La Tétralogie de R. Wagner jouée pour la première fois à Bucarest ». Ciomac abordait la musique dans une perspective symbolique et concluait que « le Wagner le plus expressif et le plus émouvant s’écoute mieux les yeux fermés, tout en imaginant son propre décor ». L’auteur roumain soulignait particulièrement l’aspect germanique du message de Wagner, évoquant la synthèse des mythes allemands et scandinaves, mais aussi la typologie des héros : Loge serait un pendant du Méphisto de Goethe, Wotan un homme d’État moderne, un souverain spirituel qui souhaiterait également avoir du pouvoir sur le temps, Siegfried représentait le « prince rêvé des contes allemands », etc… Ciomac écrivit à nouveau sur la Tétralogie de Wagner lorsqu’il fut impressionné par une représentation à Francfort. Il tint également compte de toutes les représentations de Wagner à Bucarest. Il revint sur Le Vaisseau fantôme vingt ans après la première à Bucarest, souligna le mérite de l’interprétation et déclara que la nouvelle représentation n’avait rien perdu de sa qualité. Le premier article se terminait sur une réflexion sur deux partitions fondamentalement différentes, comme Le Hollandais volant de Wagner et la Flûte enchantée de Mozart : « Le Hollandais volant montre un romantisme sombre et démodé, tandis que le Printemps de Mozart sourit par sa lumière constante, ses couleurs, ses sentiments et ses chants. »

Deux autres articles de Ciomac traitent de la fameuse ouverture et de la « bacchanale du Venusberg » de Tannhäuser, qu’il a d’abord entendues lors d’un festival wagnérien organisé par la Philharmonie. Le critique constate dans ce contexte que certains morceaux sont beaucoup trop fréquemment programmés – voire répétées jusqu’à l’abrutissement – (préludes, scènes de mort, marches funèbres) et il fait remarquer que par cette répétition, Franz von Hoesslin ne les met pas forcément en valeur. Ciomac ne comprend pas non plus pourquoi le chef d’orchestre a placé la « bacchanale du Venusberg » avant l’ouverture, et donc différemment de l’ordre conçu par Wagner dans la version de 1861 (version parisienne) : « Après les passages remarquables dans le style chromatique, il n’est ni logique ni musical, et pas non plus adapté à l’ambiance créée, de revenir au style « plat » de l’ouverture avec sa conclusion bruyante et donc efficace « .

Quelques années plus tard, un concert symphonique fut l’occasion pour Ciomac d’évoquer à nouveau les deux partitions de Wagner et, cette fois, il jugea opportun d’informer le lecteur de la sensualité serpentine et insidieuse de la « bacchanale du Venusberg », semblable à celle de Tristan et pourtant si éloignée de celle-ci, en raison de l’incarnation d’un autre type d’affect. Ciomac mentionne également le prélude du troisième acte de Lohengrin (l’opéra fut joué lors du même concert), une partition célèbre pour sa puissance, son animation et une « enflure » qui rappelle un peu les « effets de cirque bombastiques d’un Meyerbeer, le rival détesté de Wagner ».

Ciomac avait déjà écrit sur Lohengrin en 1921, lors de la fondation de l’Opéra roumain à Bucarest. Le texte, qui sonnait avec émotion à l’époque, présente une tonalité exubérante et patriotique pour les standards actuels, mais Ciomac était certainement sincère lorsqu’il s’enthousiasma pour la représentation dirigée par George Enescu. En tous cas, Lohengrin sembla devenir par cela un symbole de la vie institutionnelle de l’Opéra de Bucarest. Vingt ans plus tard, le drame musical de Wagner fut à nouveau représenté au Théâtre national, et à nouveau sous la direction d’un compositeur, cette fois-ci : Alfred Alessandrescu.

Ciomac devait son appréciation, généralement objective, des œuvres de Wagner à ses indéniables compétences musicologiques : il avait déjà rédigé la première monographie roumaine de Wagner – encore d’actualité aujourd’hui – sans paraitre ni partisan fanatique ni ardent détracteur. Il comptait en fait parmi les admirateurs du compositeur allemand. Dans ses chroniques musicales, Ciomac avait pour but d’informer objectivement le lecteur et il présentait, lorsqu’il le jugeait nécessaire, les principes du drame musical , afin de guider le public en connaissance de cause.

Le Théâtre National de Bucarest au 19ème siècle

Le volume Viața și opera lui Richard Wagner a été publié à la suite d’une série de conférences données à l’Opéra de Bucarest en 1934 sous les auspices de la Fondation royale. L’ouvrage s’adressait donc a priori aux spécialistes, mais également à un public plus large ; il contenait des informations riches et pertinentes, montrait une réelle érudition et il était rédigé dans un langage simple. Ciomac connaissait parfaitement les opéras et donc les livrets de Wagner. Il savait passionner le lecteur pour l’amener à découvrir les multiples facettes de la personnalité de Wagner, et il savait aussi mettre en lumière l’environnement culturel, philosophique, littéraire et artistique de tous ces drames musicaux et leur réception moderne dans les années 1930. […]

Il faut souligner  que ce livre est destiné à un public spécifiquement roumain et que les sources sont françaises (Guy de Pourtalès, Romain Rolland, André Coeroy, Edouard Du- jardin, Maurice Kufferath, Gaston Paris, etc. ), anglo-saxonne (William Ward, Houston Stewart Chamberlain) et allemande (Friedrich Nietzsche, Hans von Wolzogen, Ernst Kurth, Guido Adler, Alfred Einstein), y compris des références telle l’interprétation socialiste de la Tétralogie de Wagner par George Bernard Shaw. La confrontation entre l’esthétique de Wagner et certains écrits roumains aide le lecteur à se rapprocher des interprétations symboliques du compositeur allemand. Ciomac entreprend ici une démarche de recherche que l’on qualifierait aujourd’hui d’herméneutique et d’anthropologique, en comparant les mythes (« le stock de légendes est le même chez de nombreux peuples « ) et en expliquant au lecteur roumain les légendes scandinaves à travers leurs similitudes avec les contes roumains. Plus encore : Ciomac trouve dans la dramaturgie de Lohengrin des similitudes avec un poème roumain connu, Luceafărul [L’étoile du soir] de Mihai Eminescu.

Dans les modèles littéraires comparés, les deux protagonistes se sentent seuls dans la « sphère froide de leur immortalité. Tous deux rencontrent la chaleur d’un désir humain et veulent se rapprocher de l’être qui les désire. […] Je crois que l’incarnation similaire de ce désir de repos et de délivrance, de renaissance et d’accomplissement dans l’amour, tant chez Eminescu que chez Wagner, est un reflet de la littérature romantique allemande de l’époque  » Dans la description du « wagnérisme » – en particulier de ses manifestations roumaines – Ciomac ne manque pas d’accents amusants : « Je connais aussi dans ce pays un wagnérien qui a fait ses études à Munich et qui a baptisé sa fille du nom de Walkyria. En roumain, on la caressait avec le diminutif Walkyritza « .

Dans l’ensemble, la monographie sur Wagner de Ciomac possède des qualités lorsqu’on veut découvrir le compositeur. Ensuite, on peut explorer d’autres directions, approfondir et se faire une opinion grâce à d’autres titres ; Ciomac aide à s’orienter. Je ne voudrais pas passer sous silence les excellents portraits des femmes dans la vie de Wagner, le chapitre séparé sur la relation entre Nietzsche et Wagner ainsi que la section finale (« L’héritage »), dans laquelle il examine les multiples répercussions culturelles ou purement musicales chez Gabriele d’Annunzio, Franz Werfel, Debussy, Vincent d’Indy, Chabrier, Wolf, Bruckner, Mahler, l’épigone Pfitzner, mais aussi chez Schönberg et Richard Strauss (« le dernier et le plus brillant des wagnériens « .

Originaire de cette Roumanie plutôt francophile de l’entre-deux-guerres, mais pourtant un pays qui avait en même temps un roi allemand comme chef d’Etat, Emanoil Ciomac a reconnu la manipulation de l’idéologie wagnérienne dans l’Allemagne contemporaine, en particulier avec Siegfried et Les Maîtres, interprétant lui-même parfois trop hâtivement et exagérant la responsabilité du compositeur dont la pensée en effet a été en perpétuelle évolution durant son existence ;  mais il a su retrouver la pensée originale du maître et son aboutissement dans Parsifal et donc poser la question de la récupération politique post-mortem:

« Mais quand nous voyons que cette conscience antimatérialiste, cette nouvelle religion de la charité et de la réconciliation universelle [il s’agit ici de Parsifal] est revendiquée par un nationalisme strictement teuton et nordique, nous nous demandons si, dans l’Allemagne d’aujourd’hui, la pensée volontaire de celui qui a écrit Parsifal en dernier est correctement traduite. Nous n’avons jamais nié l’abondance des appels les plus agressifs et les plus impérialistes du nationalisme le plus typique chez l’auteur du belliqueux Siegfried et des distingués Meistersinger. Nous avons néanmoins tenu compte de la transformation chrétienne apportée par Parsifal.  »

« […] Wagner est-il responsable de la ferveur de ses disciples mystagogues ? Quelles conséquences imprévues son immense héritage aura-t-il encore ?  »

Après la monographie de Ciomac, rééditée en 1967, d’autres volumes consacrés à Wagner ont été publiés en Roumanie. Notons le livre de George Bălan, écrit à la première personne (Eu, Richard Wagner, 1966), dans lequel il s’efforce de faire une confession imaginaire du compositeur. Un autre ouvrage : la traduction roumaine de la monographie soviétique de Druskin, publiée en deux éditions (1961, 1983). Ce livre devrait être banni des bibliothèques publiques, mais on peut en trouver malheureusement encore quelques exemplaires. D’autres titres mériteraient également d’être mentionnés (voir les références bibliographiques ci-dessous), mais ils sont insuffisants pour prouver que la musicologie roumaine se trouve en phase avec l’état actuel de la recherche wagnérienne.

VSD

Bibliographie des ouvrages cités en référence (sélection) :

. George Bălan, Eu, Richard Wagner… [Ich, Richard Wagner…], (Bucarest, 1966).
. Cristina Bohaciu-Sârbu, Richard Wagner în cultura românească [Richard Wagner in der rumänischen Kultur], in: Studii de Muzicologie, (Bucarest, 1983).
. Emanoil Ciomac, Viața și opera lui Richard Wagner [Das Leben und Werk Richard Wagners], (Bucarest, Fundația pentru Literatură și Artă »Regele Carol II« [Stiftung für Literatur und Kunst »König Karl II.«], 1934; Neuauflage: Bucarest 1967).
. Emanoil Ciomac, Pagini de cronică muzicală (1915–1938) [Musikchroniken], hrsg. von Silviu Gavrilă (Bucarest 1967).
. Emanoil Ciomac, Pagini de cronică muzicală 1939–1958 (II) [Musikchroniken II], hrsg. von Silviu Gavrilă (Bucarest 1980).
. Mihai Cosma, Opera Națională din București; 50 de stagiuni în actuala clădire [Die Bukarester Nationaloper; 50 Spielzeiten im heutigen Gebäude], (Bucarest, 2004).
. Octavian Lazăr Cosma, Hronicul muzicii româneşti [Chronik der rumänischen Musik], Bd. 5:1898–1920 (Viaţa muzicală), (Bucarest, 1983).
. Octavian Lazăr Cosma, Hronicul Operei Române din București [Chronik der Rumänischen Oper in Bukarest], Bd. 1: 1885–1921, (Bucarest, 2003).
. Octavian Lazăr Cosma, Opera Română din Cluj [Die Rumänische Oper in Cluj/Klausenburg], Bd. I: 1919–1959, (Bistrița, 2010).
. Cella Delavrancea, Scrieri [Schriften], hrsg. von Valeriu Râpeanu, (Bucarest, 1982).
. Anca Florea, Opera Română [Die Rumänische Oper],1921– 1931, 1931–1941, 1941–1951, 1951–1961, (Bucarest 2001–2004; 1961–1971, Bucarest 2006; 1971–1981, Bucarest 2009.)
. Mihail Jora, Momente muzicale [Musikalische Momente], (Bucarest, 1968).
. Alice Mavrodin, Dinamica leitmotivelor în Tetralogia wagneriană [Die Dynamik der Leitmotive in Wagners Tetralogie], (Bucarest, 2010).
. Mihai Mărgăritescu, Viața muzicală. Cronici (1903–1916) [Das Musikleben. Chroniken (1903–1916)], hrsg. von Simona Cornelia Petrescu, (Bucarest, 1983).
. Doru Popovici, Magicianul de la Bayreuth [Der Magier von Bayreuth], (Bucarest, 1985).
. Iuliu D. Roșca, De prin Bucuresci. Muzica la sfârșit și început de secol (1882–1904) [Aus Bukarest. Die Musik um die Jahr-hundertwende (1882–1904)], hrsg. von Despina Petecel, (Bucarest 1987).

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