En préambule, pour pasticher les habituels marronniers des grands hebdomadaires français sur le “vrai pouvoir de la maçonnerie” ou “les francs-maçons qui comptent aujourd’hui”, il nous paraît primordial de délivrer une information inédite, un “scoop” comme on dit en langage journalistique : Richard Wagner n’a jamais été franc-maçon.
Ceci étant dit, nous nous devons de donner les raisons justifiant ce choix de traiter un sujet si particulier.
La première, pour tous les wagnériens, est « évidemment » un souvenir cinématographique :
En 1974, le réalisateur Ingmar Bergman filme pour la télévision suédoise une représentation de la Flûte Enchantée dans le vieux théâtre de Drottningholm. A l’entracte, Bergman suit les chanteurs dans leur loge et l’on voit alors l’interprète de Sarastro, Ulrik Cold, se plonger dans le livret de Parsifal, comme s’il voulait faire un lien entre les deux œuvres. Cela confirme la thèse du musicologue Jacques Chailley qui dans un ouvrage édité en 1979, Parsifal, opéra initiatique, faisant suite à son livre La Flûte Enchantée, opéra maçonnique, s’efforce de démontrer que la dernière oeuvre de Wagner, son testament philosophique, est une suite, inspirée elle aussi par la franc-maçonnerie, de l’opéra de Mozart.
La deuxième est purement (et aussi curieusement que cela puisse paraître) géographique :
Quand on visite la villa Wahnfried à Bayreuth et que l’on regagne à pied le centre-ville par le Hofgarten, on ne peut éviter de passer devant le musée allemand de la franc-maçonnerie qui se trouve à moins de cent mètres de la maison de Wagner. Ce musée est également le siège de la loge de Bayreuth “Eleusis zur Verschwiegenheit”, littéralement “Eleusis à la discrétion”, dont Friedrich Feustel, ami personnel de Wagner, a été le vénérable maître, c’est-à-dire le président, de 1863 à 1872 et de 1878 à 1882.
La troisième et dernière raison tient au contenu même des œuvres de Wagner dont les dimensions philosophique, spirituelle et symbolique entrent en résonance avec la démarche maçonnique.
L’analyse suivante s’appuie sur les documents suivants :
– Le CD Rom regroupant l’ensemble des écrits de Wagner intitulé Werke, Schriften und Briefe ;
– L’ouvrage déjà cité de Jacques Chailley ;
– L’encyclopédie de la franc-maçonnerie éditée en 2000 dans la collection “Le Livre de Poche” ;
– Un certain nombre de publications portant sur l’histoire de la franc-maçonnerie notamment allemande ;
– Deux articles parus dans le “Bayreuther Anzeiger« , le 15 août 2007, remis très généreusement par l’un responsable du musée maçonnique de Bayreuth ;
– Les livrets des œuvres de Wagner et notamment ceux des Maîtres Chanteurs, de L’Anneau du Nibelung et de Parsifal.
Il est facile dans une analyse de céder à la tentation d’une sorte de délire interprétatif auquel les œuvres de Wagner se prêtent assez bien (comme le montrent certaines mises en scène contemporaines). Tout en reconnaissant la subjectivité et la partialité de notre approche, nous nous efforcerons cependant d’argumenter notre propos dans un exposé divisé de la manière suivante en trois parties :
– La première partie, présente de manière succincte la franc-maçonnerie et plus spécialement la franc-maçonnerie allemande du XIXème siècle ;
– La deuxième partie évoquera les relations que Wagner a pu entretenir avec la franc-maçonnerie et des francs-maçons et dans quelle mesure il a pu en être influencé.
– La troisième partie enfin essayera de mettre en lumière l’empreinte maçonnique que l’on peut découvrir essentiellement dans Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, L’Anneau du Nibelung et Parsifal.
1) La franc-maçonnerie allemande au XIXème siècle
Avant d’aborder le XIXème siècle et l’Allemagne, il paraît utile de présenter rapidement une institution souvent méconnue malgré l’importante production éditoriale la concernant.
Au-delà des mythes et des “storytelling” qui la font remonter aux constructeurs de cathédrales, aux ordres chevaleresques voire aux sociétés initiatiques grecques ou égyptiennes, la franc-maçonnerie dite spéculative émerge dans les Iles Britanniques à la fin du XVIIème siècle et s’organise au début du XVIIIème sous la forme d’une grande loge de Londres créée en 1717.
Un pasteur presbytérien, James Anderson, en rédige les principes sous la forme de constitutions en 1723. Très rapidement cette organisation, aux effectifs initiaux très modestes, rencontre un grand succès en Angleterre mais également sur le continent. Ainsi les premières loges voient le jour en France vers 1725 et en Allemagne, en 1737 à Hambourg, en 1741 à Bayreuth.
Pourquoi un tel succès et un tel développement ? La franc-maçonnerie répond aux attentes d’une société sortant de guerres civiles et de guerres de religion, aspirant à la tolérance et séduite par les progrès de la science et des idées libérales. Elle prône l’égalité dans une société encore dominée par les ordres, répond aux besoins de mystère par la pratique de rituels et l’engagement au secret, et propose une sociabilité et une convivialité nouvelles en réunissant des gens d’origine sociale différente. Elle attire les puissants qui la protègent notamment des stigmatisations de l’Eglise Catholique. Ainsi en 1738, le prince héritier de Prusse, le futur Frédéric le Grand, est initié à Braunschweig. Ce geste donne le signal de la protection impériale des Hohenzollern dont jouira la maçonnerie prussienne jusqu’à son interdiction en août 1935 par le régime nazi.
La maçonnerie allemande se développe en s’inspirant de courants aussi différents que la chevalerie templière d’obédience chrétienne (notamment la Stricte Observance Templière que le négociant en soie lyonnais Jean-Baptiste Wíllermoz reprendra à Lyon en créant à la fin du XVIIIème siècle le “rite écossais rectifié”) et les illuminés de Bavière, anticléricaux et révolutionnaires. Elle est naturellement influencée par l’Aufklärung et fait entrer dans ses loges des hommes comme Goethe, Fichte, Lessing, Herder, Wieland, Schiller. Au milieu du XIXème siècle, la maçonnerie allemande est plurielle, à l’image du paysage politique germanique, puisqu’on compte plus d’une dizaine de grandes loges dont celle de Bayreuth, “Zur Sonne” ; elle est divisée entre une maçonnerie chrétienne luthérienne en Prusse qui refuse l’initiation des juifs et une maçonnerie libérale à laquelle appartient la grande loge de Bayreuth.
2) Les relations entre Wagner et la franc-maçonnerie
– L’entourage maçonnique de Wagner
Si l’on sait peu de choses sur une éventuelle appartenance maçonnique du père de Wagner, mort six mois après la naissance de Richard, il est avéré par contre que son beau-père, Ludwig Heinrich Christian Geyer, était membre actif de la loge “Ferdinand zur Glückseligkeit” à Magdebourg. Par son intermédiaire, la famille fut aidée par les francs-maçons de Dresde. C’est ainsi que Julius, le frère de Richard, obtint une place pour être élevé au “Dresdener Erziehunginstitut der Freimaurer” (institut d’éducation des francs-maçons). Par ailleurs, Wagner semble avoir été en rapport avec la loge de Magdebourg notamment quand il devint directeur musical du théâtre de cette ville en 1834. Les comptes-rendus de cet atelier maçonnique mentionnent en effet plusieurs fois sa venue, très certainement comme musicien invité. Il y dirige ainsi l’ouverture des Fées, le 10 janvier 1835.
Geyer meurt en 1821, alors que Richard n’a que sept ans, et n’a donc pu avoir une influence directe sur son beau-fils. Mais d’autres maçons sont présents dans l’entourage proche de Wagner. Tout d’abord son beau-frère, Oswald Marbach, le mari de Rosalie, initié en 1844 à la loge “Baldwin zur Linde” à Leipzig. Ce dernier a été vénérable de cette loge, membre d’honneur d’une cinquantaine de loges et auteur de nombreux écrits maçonniques.
Si les relations entre les beaux-frères furent d’abord assez espacées, elles ne cessèrent de se resserrer et finirent par devenir intimes. On peut imaginer que Marbach a été pour Wagner une source d’informations importante sur la franc-maçonnerie.
On peut également citer le protecteur et grand ami de Wagner, Franz Liszt, initié en 1841 à la loge de Berlin “Loge zur Einigkeit” et bien sûr Friedrich Feustel, ami de Wagner et grand maître de la loge de Bayreuth, évoqué en introduction.
– L’attitude de Wagner vis-à-vis de la franc-maçonnerie
Si l’entourage maçonnique de Wagner, conjugué à son appétit de savoirs et sa curiosité, laissent supposer qu’il connaissait bien la franc-maçonnerie, il y a peu de manifestations explicites de sa part sur ce sujet. En interrogeant la bibliothèque digitale consacrée à ses écrits, on ne trouve que deux occurrences concernant la franc-maçonnerie. C’est très peu (il y a par exemple plusieurs dizaines de références à Arthur Schopenhauer) mais elles sont le signe d’une connaissance certaine de l’ordre.
Ainsi, dans une longue lettre écrite à Dresde le 12 mai 1842 et adressée à Ernst-Benedict Kietz à Paris, Richard fait allusion à une visite prochaine qu’il souhaite faire à l’institut maçonnique de la ville sans en donner la raison, même si l’on peut penser que, comme à Magdebourg, il y allait en tant que musicien. La banalité du propos laisse à penser qu’il entretient des relations régulières avec cette organisation. La deuxième et dernière allusion est issue du journal de Cosima en date du 28 mai 1872. Cosima indique qu’ils ont beaucoup parlé ce jour-là de la Neuvième Symphonie de Beethoven. Elle se demande pourquoi Beethoven a voulu mettre en musique le poème de Schiller pour son final ; Richard lui répond que Beethoven a souhaité faire une symphonie de la joie dans l’esprit de la franc-maçonnerie. Là encore cet échange indique une connaissance des principes et valeurs de l’ordre.
Un dernier élément important peut être versé au dossier. Il n’émane pas de Wagner mais de Christian Feustel, le fils de Friedrich Feustel, lui-même maçon dans la loge de Bayreuth.
Dans une lettre ouverte publiée dans la revue “Bayreuther Bundesbaltt” de 1905-1906, il indique que son père lui a expliqué en 1883, après la mort de Wagner, que ce dernier avait manifesté son désir d’être initié en 1872, peu de temps après son arrivée à Bayreuth. Sa candidature a été officieusement examinée par les dignitaires de la loge, qui ont décidé de l’écarter pour des raisons politiques. Feustel et ses amis craignaient en effet que l’appartenance de Wagner à la franc-maçonnerie soit à l’origine d’une rupture avec Louis II de Bavière, roi catholique d’un royaume très catholique et donc fidèle à une papauté qui avait, dès 1738, menacé d’excommunication tout catholique entrant en maçonnerie. D’autres raisons comme le mode de vie de Wagner ou ses déclarations antisémites ont pu également motiver cette décision, mais cette anecdote confirme l’intérêt du Maître pour l’institution maçonnique.
3) L’empreinte maçonnique dans les œuvres de Wagner
Vouloir interpréter l’oeuvre de Wagner à partir du seul prisme maçonnique serait une profonde erreur. Le Maître de Bayreuth a conduit sa recherche artistique et spirituelle en s’appuyant sur des références diverses. Ainsi dans Parsifal, on retrouve bien évidemment la figure du Christ rédempteur, mais aussi le Bouddhisme avec notamment la scène du cygne tué par une flèche, la philosophie de Schopenhauer dans sa dimension compassionnelle et la franc-maçonnerie comme nous le verrons plus loin. Le metteur en scène Christoph Schlingensief a d’ailleurs usé et semble-t-il abusé de ces références dans sa mise en scène d’il y a quelques années.
C’est à partir de trois œuvres, Les Maîtres chanteurs, L’Anneau du Nibelung et Parsifal que nous allons tenter de mettre en évidence cette empreinte maçonnique, en distinguant ce qui a trait à la forme et au fond. La forme, ce sont les allusions aux rituels, aux appellations, aux ambiances ; le fond, ce sont les éléments du livret qui se rapprochent de l’essence de la démarche maçonnique, c’est-à-dire de l’initiation.
La forme
Dans Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, la confrérie regroupe des hommes d’origines différentes. On y trouve par exemple un cordonnier, un boulanger, un huissier et d’autres représentants de la classe moyenne et de la bourgeoisie qui se réunissent pour pratiquer l’Art, faire subir des épreuves qui déterminent une hiérarchie entre des apprentis, des compagnons et des maîtres. On assiste d’ailleurs au troisième acte au viril passage de David du grade d’apprenti à celui de compagnon. La composition sociologique de cette microsociété du XVIème siècle semble anticiper celle des loges maçonniques allemandes du XIXème siècle essentiellement formées, selon l’historien Didier Le Masson, de fonctionnaires, de bourgeois, de pasteurs protestants, d’universitaires et d’officiers. Par ailleurs, elle accueille le noble Walther sans lui accorder de privilège lié à sa naissance. Comme le dit Hans Sachs au premier acte : “Qu’il soit noble ou paysan, pour devenir maître seul compte l’art”. On retrouve ici les principes originels de la franc-maçonnerie du XVIIIème siècle où les maçons en loge portaient symboliquement l’épée comme symbole d’égalité. C’est cette aspiration à l’égalité que l’on retrouve également dans La Flûte Enchantée, une des œuvres préférées de Wagner. Ainsi au deuxième acte, les initiés débattent, sous l’autorité de Sarastro, de l’admission de Tamino aux épreuves initiatiques. A l’objection posée par l’orateur : “]’ai peur pour ce jeune homme. Et si, éperdu de douleur, il perdait courage et succombait à ce dur combat ? Il est prince« , Sarastro répond simplement : “il est plus que cela, il est homme” (Mensch, c’est-à-dire humain). Cet art que pratiquent les maîtres chanteurs n’a pas qu’une fonction esthétique, il a aussi une fonction morale voire spirituelle à l’image de l’Art royal inspiré des constructeurs de cathédrales que pratiquent les francs maçons. Enfin, il est intéressant de noter que l’essentiel de l’oeuvre se situe la veille et le jour de la Saint Jean-Baptiste, au solstice d’été, fête que les francs-maçons célèbrent comme symbole de la lumière.
Dans L’Anneau du Nibelung, Siegfried, comme Tamino et Pamina dans la Flûte Enchantée, subit les quatre épreuves initiatiques de la terre, de l’air, du feu et de l’eau qui sont pratiquées dans toutes les loges maçonniques. L’épreuve de la terre est représentée par l’entrée dans la grotte et le meurtre du dragon, l’épreuve de l’air est symbolisée par la capacité à comprendre le chant des oiseaux, l’épreuve du feu permet à Siegfried de délivrer Brünnhildeet c’est en voyageant sur le Rhin qu’il passe l’épreuve de l’eau. Cependant, contrairement au musicologue franc-maçon Paul Legardien qui voit dans Siegfried la figure de l’initié complet, je pense que Le Crépuscule des Dieux et notamment la scène du philtre d’oubli nous montrent que si Siegfried a effectivement subi les quatre épreuves, il n’est pas devenu pour autant un initié au sens de quelqu’un qui aurait acquis un niveau supérieur de conscience. C’est ce que disent d’ailleurs les rituels maçonniques : les épreuves initiatiques ne sont pas un achèvement mais un commencement et la démarche initiatique n’est qu’un long processus jamais totalement terminé.
Parsifal contient de nombreuses références quasiment explicites à la franc-maçonnerie. Tout d’abord, Parsifal est le fils d’une veuve (Herzeleide). Or, les maçons sont souvent appelés les “fils de la veuve », en référence au maître architecte Hiram, constructeur du Temple de Salomon et figure de l’initié parfait dans la mythologie maçonnique. Par ailleurs, au premier acte, quand Gurnemanz rejoint avec Parsifal les chevaliers du Graal pour participer à la cérémonie, il le fait quand le soleil est à son Zénith (“Hoch steht die Sonne”) et il sera encore plus précis au troisième acte, en situant le début de la cérémonie à midi (“Mittag, die Stunde ist da” : midi, il est l’heure), ce qui correspond à l’heure rituelle du début des travaux d’une loge maçonnique qui travaille symboliquement de midi à minuit. Toujours au premier acte, alors que Parsifal s’interroge sur sa destination, Gurnemanzlui répond que “l’espace naît ici du temps” (“Zum Raum wird hier die Zeit”), ce qui signifie qu’ils se dirigent vers un espace-temps sacré coupé du monde profane, en analogie avec une réunion maçonnique. Enfin lors de la cérémonie du dévoilement du Graal, les chevaliers partagent le pain et le vin et se donnent le baiser de paix.
On retrouve bien évidemment une allusion à la cène christique, mais également une référence explicite au rituel pratiqué au grade de chevalier Rose Croix au 18ème degré du rite écossais.
Le fond
L’essence de la démarche maçonnique est l’initiation. Mais de quelle initiation s’agit-il ?
De nombreuses sociétés ou groupes pratiquent ou ont pratiqué l’initiation. Ainsi dans les sociétés traditionnelles, l’adolescent est-il invité à subir des épreuves parfois pénibles signifiant son entrée dans le monde des hommes. Par ailleurs, certaines sectes prétendent détenir des secrets qu’elles n’entendent révéler qu’à des initiés. L’initiation maçonnique, tout en utilisant parfois des formes comparables aux groupes précédemment cités, a un autre objectif : permettre à des hommes et des femmes de progresser sur les plans moral et spirituel sans la révélation d’une vérité toute faite. C’est par un travail à la fois individuel et collectif que le maçon avance dans sa démarche. L’initiation n’est donc pas un but à atteindre, mais un processus infini qui prend parfois, par des retours en arrière, la forme d’une spirale. Ce processus passe par des épreuves, des voyages, un retour sur soi, un travail permettant l’élagage des apparences et des jeux de rôle sociaux pour un meilleur développement de son humanité.
On retrouve dans de nombreux personnages de Wagner cette figure du cherchant, mais c’est dans Parsifal qu’elle apparaît dans toute sa pureté. Le héros, qui ne connaît ni son origine, si son nom, ni le nom de son père, peut être comparé au néophyte maçon qui symboliquement ne sait ni lire ni écrire. Non préparé, il est incapable de comprendre la signification de la cérémonie du Graal à laquelle il assiste au premier acte et de compatir à la souffrance d’Amfortas.
Chassé par Gurnemanz, il voyage longuement, subit des épreuves pour enfin prendre conscience, dans les bras de Kundry, de la cause du mal : le manque d”amour (Lieblosigkeit), au sens d’amour “Agapè”. Cette conversion spirituelle lui permet d’apporter la rédemption à Amfortaset Kundry et de prendre la direction des chevaliers du Graal. Parsifal représente l’initié parfait qui a trouvé en lui, par un travail intérieur, les ressorts de sa connaissance, la connaissance par la compassion (“durch Mitleid wissend”).
Wagner associe dans son œuvre, comme indiqué plus haut, l’amour-caritas chrétien, la compassion bouddhiste, la pitié de Schopenhaueret l’amour fraternel de la franc-maçonnerie.
En réunissant, comme le disent les maçons, “ce qui est épars », il démontre, au-delà des caricatures qui l’enferment parfois dans un nationalisme étroit ou un antisémitisme agressif, son aspiration à une spiritualité humaniste.
Pour illustrer ce dernier propos laissons le dernier mot au Maître de Bayreuth en citant un extrait de la lettre écrite à Franz Liszt, le 13 avril 1853, en réponse à son ami qui lui proposait de se convertir à la foi chrétienne : « Quiconque aspire, espère et croit lui-même, se réjouit volontiers de la foi et de l’espérance d’autrui : toute dispute sur la vraie forme ne peut donc être que vanité et ergoterie. Vois mon ami, j’ai mai aussi une forte croyance qui me fait honnir des politiciens et des juristes : j’ai la foi en l’avenir du genre humain, et je la fonde simplement sur un irrésistible besoin. J’ai réussi à considérer dans leur essence les phénomènes de la nature et de l’histoire avec tant d’amour et de liberté d’esprit, que je n’ai rien trouvé de mal en eux si ce n’est le manque d’amour. Et ce manque d’amour à son tour, je n’ai pu me l’expliquer que comme un égarement, qui de l’inconsciente naturelle, nous conduira à la conscience de l’unique et sublime nécessité de l’amour. Acquérir cette nation et la mettre en pratique, c’est la tâche du monde”.
in WAGNERIANA ACTA 2008 @ CRW Lyon