En janvier 1850, le compositeur se lance dans le scénario de Wieland le Forgeron, une œuvre qu’il destine à la scène de l’Opéra de Paris. Et comme le compositeur n’est pas certain de se faire un nom en créant lui-même la musique, il en propose la composition à Hector Berlioz et à Franz Liszt. Tous deux, aimablement, déclinent cette proposition de collaboration.
Wagner se rend néanmoins à Paris pour tenter de faire aboutir ses différents projets d’opéras ou de symphonies. Paris n’est pas si loin de Bordeaux, et c’est toujours en quête de soutien et de (riches) protecteurs que Wagner répond à l’invitation qui lui a été faite par la jeune Jessie Laussot, rencontrée quelques années auparavant à Dresde. La jeune femme, née Taylor d’une riche famille anglaise, épouse d’un négociant en vins à Bordeaux, est une wagnérienne enthousiaste “de la première heure”. Par ailleurs, sa mère, également sous le charme de la musique de Wagner, a promis à celui-ci un soutien financier conséquent. Mais entre le compositeur en exil et malheureux en ménage (son mariage avec Minna lui est de plus en plus insupportable) et la jeune wagnérienne exaltée, l’offre de séjour se transforme rapidement en “idylle bordelaise”: tous deux ébauchent des plans d’évasion des plus romanesques. Mais Eugène Laussot n’est pas un époux complaisant : en mai 1850, le mari emmène sa femme à la campagne et profite de cette absence pour faire expulser Richard Wagner, toujours recherché par les forces de police au-delà même des frontières de Prusse, et honni en tant que dangereux activiste. Quant à Madame Taylor, elle retire son offre de soutien financier. Fin de l’aventure bordelaise.
Wagner retourne donc à Zurich où la vie d’exilé semble plus calme. Mais le compositeur intérieurement bouillonne… tant de rage contre ses “prétendus amis” (qui ne lui ont pas été d’une aide aussi manifeste que promise) que de force créatrice intérieure. Exaspéré par la prédominance de Meyerbeer qui règne en maître absolu sur la vie culturelle en France (et en Europe…), Richard Wagner rédige le pamphlet en août 1850, Du Judaïsme dans la Musique (Das Judentum in der Musik). S’étant vu offrir la direction du théâtre de Zürich, Richard Wagner esquisse en mai 1851 le scénario du Jeune Siegfried, la première partie d’un drame inspiré par la Chanson des Nibelungen. Zürich, terre d’exilés de toutes conditions et origines, ville de libre expression, se révèle terrain de rencontres marquantes pour le compositeur. À partir de 1852, il fait la connaissance du couple de publicistes et poètes François et Eliza Wille qui deviennent rapidement ses fidèles amis, du jeune Hans von Bülow qui commence une timide carrière au poste de chef d’orchestre à Zurich, ainsi que de Otto Wesendonck, futur mécène, et de son épouse Mathilde… future muse.
Le 15 décembre 1852, les quatre poèmes composant L’anneau du Nibelung (ou La Tétralogie) sont pour ainsi dire achevés. Et l’idée d’un festival dédié aux représentations de cette épopée tant littéraire que musicale germe peu à peu. Les années qui suivent sont donc entièrement dédiées à la composition de L’Or du Rhin et à celle de La Walkyrie.
En marge de ce travail sur les deux premiers épisodes de La Tétralogie, Richard Wagner poursuit de nouveaux projets de rédaction et de composition : Tristan et Isolde, d’une part, largement inspiré par la découverte de l’œuvre d’Arthur Schopenhauer que lui fait connaître son ami Herwegh, Les Vainqueurs, d’autre part, suite à l’enthousiasme né de la lecture de l’Introduction à l’Histoire du Bouddhisme de Burnouff.
Lassé des charges de sa fonction, il se désiste auprès de la Société de Musique de Zurich.
Devenu ami proche du couple Otto et Mathilde Wesendonck, Wagner accepte la proposition de venir s’installer avec son épouse Minna à l’« Asile », une bâtisse construite sous la forme d’un chalet à proximité de la propriété que le couple vient de se faire construire sur la colline d’Enge, à Zurich. Le compositeur, sous le charme de sa muse, Mathilde Wesendonck, abandonne son héros Siegfried dans la forêt et se consacre alors pleinement à Tristan.
Mais dès le début 1858, le conflit s’envenime entre “L’Asile” et la Villa Wesendonck, Minna commençant à comprendre la relation qui unit son époux à Mathilde. Le scandale éclate à l’interception par Minna d’une lettre “équivoque” entre le compositeur et son égérie.
Wagner doit quitter l’ « Asile » définitivement. Sans Minna. Prochaine étape pour le compositeur : Venise, puis Lucerne. Toujours des difficultés financières, toujours des dettes et toujours Tristan et Isolde. L’œuvre est finalement achevée le 6 Août 1859 dans le pessimisme le plus totale, inspiré par le chant plaintif des gondoliers vénitiens.
Le 10 septembre 1859, Wagner est invité par l’Opéra de Paris à venir y faire représenter son Tannhaüser avec le solide appui de la princesse Pauline von Metternich, épouse de l’ambassadeur d’Autriche à Paris.
Wagner serait-il enfin en bonne voie pour faire se faire accepter des Parisiens ? Les premiers mois à Paris s’avèrent prometteurs, les premiers concerts dirigés par le compositeur remportant un honorable succès.
En revanche, à l’occasion des répétitions de Tannhaüser, le compositeur doit entièrement remanier l’œuvre. Rien ne va, malgré le nombre démesuré de répétitions octroyé au compositeur : le ténor Albert Niemann demande à ce que son rôle soit coupé, Madame Tedesco (Venus) n’est pas vraiment convaincante dans son rôle… et surtout, on impose à Wagner, selon l’usage, d’intercaler un ballet au deuxième acte de son ouvrage, en l’absence duquel il risquerait de se voir attirer les foudres des membres du Cercle du Jockey-Club dont les maîtresses n’étaient autres que les jeunes danseuses du corps de ballet ! Mais Richard Wagner n’entend pas ces mises en garde : si ballet il doit y avoir, ce sera une bacchanale, et au premier acte de son ouvrage, directement après l’ouverture. Victime d’une cabale sans précédent, l’œuvre qui déclenche les passions (et les sifflets des membres du Jockey-Club) est retirée au bout… de trois représentations ! Wagner quitte Paris le 15 avril 1861 avec ce mot : “ Les français sont des idiots ! ”
Désabusé, le compositeur tente dans un élan désespéré de se raccrocher au succès qu’il attend de Tristan et Isolde. Pourquoi pas sur la scène de Vienne ? Tandis que les répétitions commencent, Wagner se lance dans un nouveau projet, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Alors que Tristan, lui, s’enlise, faute de chanteurs et d’orchestre à la hauteur de l’ouvrage.
Le 8 février 1862, le compositeur s’installe à Biebrich, près de Wiesbaden. Il y rencontre Mathilde Maier, une jeune femme au tempérament romanesque bien que réservé, au cours d’une réception donnée chez son éditeur Schott. Malgré le manque constant d’argent et les projets artistiques qui n’aboutissent pas, cette – courte – période d’idylle permet à notre compositeur de “respirer” l’espace d’un temps.
Bénéficiant enfin d’une amnistie totale lui permettant de retourner en Allemagne, Wagner voyage et assiste aux représentations de ses œuvres. Il enchaîne les concerts à travers l’Europe, et les succès sont au rendez-vous, mais Wagner, comme toujours, manque d’argent. Et cette fois, Otto et Mathilde Wesendonck ne le secourent pas.
Malgré sa liaison avec Mathilde Maier, à qui il propose d’emménager avec lui, le compositeur et Cosima s’avouent leurs sentiments en 1863.
Mais un coup de théâtre dans la vie romanesque de Richard Wagner s’apprête à frapper.
Le roi Louis II de Bavière, passionnément épris de l’œuvre du compositeur, est à la recherche de l’exilé et s’apprête à changer le cours de sa vie.
NC
Cet article est protégé
Née à Nottigham (Grande-Bretagne) Soprano dramatique C’est dans le rôle de Brünnhilde, l’un des plus exigeants de toute la partition wagnérienne, que la soprano britannique Catherine Foster, s’est illustrée remarquablement ces dernières années. Jusqu’en a en faire quasiment un rôle fétiche. L’artiste effectue la prise de ce rôle particulièrement périlleux… (Lire la suite)
1937 – Herbert Janssen (Holländer) ; Kirsten Flagstad (Senta), Ludwig Weber (Daland), Max Lorenz (Erik) – Fritz Reiner /London Philharmonic Orchestra and Covent Garden Royal Opera Chorus – Golden Melodram GM 1.0064 1944 – Hans Hotter (Holländer) ; Viorica Ursuleac (Senta) ; Georg Hann (Daland) ; Karl Ostertag (Erik) –… (Lire la suite)
Les Mémoires de Monsieur de Schnabelewopski (publiées en 1833) de Heinrich Heine (1797-1856). « Le traitement dramatique de la rédemption de cet Ahasvérus des océans, inventé par Heine, m'a tout donné pour utiliser cette légende comme thème de mon opéra », écrivit Wagner concernant l'adaptation de la légende du Vaisseau fantôme pour son opéra.
Découvrez l’univers de Richard Wagner à travers notre musée dédié à sa vie et son œuvre. Nous vous invitons à explorer ses créations, son héritage et son influence durable sur la musique.
Nous contacter