Victoria DE LOS ANGELES

Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

DE LOS ANGELES Victoria

(née le 1° novembre 1923 – décédée le 15 janvier 2005)

(Soprano)

Victoria de los Ángeles López García dite Victoria de los Ángeles

Fille d’un concierge de l’université de Barcelone, Victoria de los Ángeles ne s’est jamais cachée de ses origines modestes. Eelle termine ses études à 18 ans au prestigieux Conservatoire du Liceu de Barcelone en trois années au lieu des six habituellement requises.

Avant Teresa Berganza ou bien Montserrat Caballé, Victoria de los Ángeles est la première cantatrice espagnole à avoir pu accéder à une carrière internationale, après la guerre d’Espagne et la Seconde Guerre mondiale. Cette carrière prend un essor définitif après avoir remporté en 1947 un prix au Concours international de chant de Genève.

Après avoir chanté au Grand théâtre du Liceu de Barcelone dans Mozart, en 1948, elle est engagée par la BBC à Londres pour chanter Salud dans La Vida breve de Manuel de Falla.

En 1949, elle interprète la Marguerite du Faust de Gounod à l’Opéra de Paris, et enregistre ce rôle avec Nicolai Gedda et Boris Christoff à deux reprises pour EMI en 1953 et 1959. L’année suivante, elle va incarner Mimi dans La Bohème de Puccini au Covent Garden, de nouveau à Londres, sous la baguette de Thomas Beecham, ensuite Rosine dans Le Barbier de Séville de Rossini, sous la direction de Tullio Serafin.  En 1959 elle enregistre également pour le disque deux rôles qui sont toujours des références : Carmen de Bizet (sous la direction de Beecham) et La Traviata de Verdi (sous la direction de Serafin).

Au début de sa carrière, elle était soprano colorature, mais devenue grande soprano lyrique, elle élargit alors son répertoire avec notamment Agathe du Freischütz de Weber et Eva dans Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner. Sa parfaite diction des langues étrangères lui vaut de chanter le rôle d’Elisabeth du Tannhäuser au Festival de Bayreuth en 1961. Les frères Wagner furent si impressionnés par sa prestation qu’ils l’invitèrent l’année suivante, en 1962.

Wieland Wagner lui a d’abord proposé le rôle de Senta, mais après avoir étudié la partition, Victoria de los Ángeles a décidé de ne pas accepter l’offre tentante. Il lui proposa plus tard le rôle de Sieglinde, mais elle refusa également et finit par accepter le rôle d’Elisabeth, moins ambitieux. Wieland lui expliqua ce qu’il voulait : une Elisabeth avec les caractéristiques de Victoria.

La célèbre chanteuse fut particulièrement impressionnée par Bayreuth (voir article ci-dessous). Bien que Victoria de los Ángeles n’ait pas de voix spécifiquement wagnérienne, elle a toujours été une grande admiratrice du compositeur et son grand rêve aurait été de chanter le rôle d’Isolde, mais ses caractéristiques vocales l’empêchaient de le faire de manière professionnelle et elle se contenta de chanter ce rôle en privé, pour elle-même. Tout au long de sa carrière, elle a chanté avec succès les trois « E » de Wagner : Elisabeth, Elsa et Eva.

Particulièrement assidue et toute entière dévolue à son art ,Victoria de Los Angeles se consacrait avec passion à son métier.  Aussi il n’était pas rare que celle-ci assiste aux répétitions un mois à l’avance. Toujours avec le même soin de l’apprentissage et la quête infinie de se surpasser.

Elle reste fidèle au répertoire de chants de son pays : Manuel de FallaJoaquín RodrigoXavier Montsalvatge et le répertoire des zarzuelas, ainsi que les chants en nahuatl sur des compositions de Salvador Moreno Manzano. Elle collabore avec Heitor Villa-Lobos pour la Bachianas brasileiras n° 5.

Elle fait ses adieux à la scène en 1979 avec Pelléas et Mélisande de Debussy.

Elle fera encore une tournée internationale avec Madame Butterfly et chantera notamment à la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Barcelone en 1992.

Elle reçoit en 1991 la Médaille d’or du mérite des beaux-arts du Ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports espagnol

Le 31 décembre 2004, elle est hospitalisée pour une insuffisance cardiaque et une infection aux bronches. Et Le 15 janvier 2005, Elle meurt à Barcelone, à l’âge de 81 ans, et est enterrée dans le cimetière de Montjuïc.

CPL

Pour approfondir,

1961, VICTORIA DE LOS ANGELES, DÉBUT À BAYREUTH
Un article d’Antonio FERNANADEZ CID (traduit du catalan par Flavio BANDIN)
extrait de la revue WAGNERIANA de l’Assosiacio Wagneriana (n°50, mai 2019)

 » Victoria avait derrière elle une carrière particulièrement riche, exceptionnelle, épique et flamboyante au moment de son début à Bayreuth. Un public averti, érudit en matière musicale, venait de partout dans le monde à chacune de ses prestations et suivait la star inconditionnellement. Avec une maitrise parfaite de chaque note, de chaque vers de l’œuvre du maitre de Bayreuth, et ayant déjà surmonté de nombreux défis, la victoire l’attendait à la colline verte ! Rarement un artiste fut applaudi aussi chaleureusement : celle-ci dut revenir quarante fois saluer sur scène. Les lumières éteintes, le rideau tombé, le publique continuait son ovation d’une Victoria de los Angeles triomphale au sein même du temple wagnérien, lieu réservé à seuls quelques élus !  »  (Arthur Llopis au sujet du début de Victoria de los Angeles à Bayreuth).

Durant l’année 1960, Victoria de los Angeles donne une vaste série de récitals dans les principales villes allemandes : Munich, Cologne, Frankfort, Hanovre, Berlin, Hambourg… Alors qu’elle s’apprête à débuter le tout dernier concert de cette tournée, Victoria est mise au courant que parmi l’assistance ne se trouve rien de moins que Wieland Wagner, petit-fils de Wagner lui-même, et qui dirige avec un très grand succès et depuis quelques années la destinée du Festspielhaus de Bayreuth, sa part du glorieux héritage. Victoria attend dans sa loge que celui-ci vienne la saluer. En vain ! Quelques heures plus tard pourtant, elle éprouvera l’une des plus grandes émotions de sa vie, confessera-t-elle.  Un télégramme lui parvint de Berlin :  » En recherchant l’Elisabeth idéale pour l’ouverture du Festival 1961, à Bayreuth, pour Tannhäuser je l’ai trouvée en vous. Accepteriez-vous le rôle pour le Festival ? Wieland Wagner «  Quelle fut la joie vécue par Victoria ! Enrique l’atteste. (Enrique Magriñá Mir, son époux, NDT) Tous les deux le confirmeront : jamais une invitation ne leur a causé un tel élan de joie !

L’année 1961 sera pour Bayreuth celle de tous les superlatifs. Au théâtre qui compte – est-il besoin de le rappeler – le meilleur orchestre d’opéra au monde, un chœur d’une qualité extraordinaire ; au sein du temple de la discipline et de l’ordre, qu’elle n’est pas la surprise de Victoria, habituée à une exigence de fer, de constater la souplesse des répétitions. Elle va par moments même déplorer les improvisations qu’on lui demande, le fait de ne pas l’obliger à chanter à pleine voix. En somme, se libérer – certes, pour un temps seulement, celui des répétitions – de ce qu’elle considère comme la pureté musicale et qui n’est autre que l’essence même de sa règle de vie. Les répétions sur scène se dérouleront dans une très grande aisance, une grande entente s’établie même entre l’artiste et Wieland Wagner, ce dernier ne cachant pas l’extraordinaire admiration qu’il éprouve pour Victoria. De plus, tout est parfaitement chronométré, disposé afin que la production – calculée dans les moindres détails de la production – puisse donner naissance à un triomphe.

La distribution est extraordinaire : Victoria de los Angeles, Grace Bumbry, Wolfgang Windgassen, Dietrich Fischer-Dieskau. Et à la baguette un des meilleurs directeurs de l’époque, Wolfgang Savallisch.

Et comme ballet pour la Bacchanale du Venusberg, la fulgurante version de Maurice Béjart…

Le chant céleste de Victoria enchanta le public dès le début. L’ovation du public fut telle que l’on savait déjà que son lien à Bayreuth été d’ores et déjà scellé. Parce que je reconnais les qualités exemplaires d’un vétéran de Bayreuth dans la personne de Wolfgang Windgassen, parce que j’admire la musicalité sans faille et la beauté vocale de Dietrich Fischer Dieskau, dès que je l’ai entendu dans le rôle du Héraut dans Lohengrin (1954), je pense qu’une telle reconnaissance du public a dû marquer toutes les personnes présentes à cette représentation de manière profonde et durable…. Suite à un tel succès, Victoria de Los Angeles allait devenir l’une des interprètes favorites du Festspielhaus et montrera l’étendue de la palette de ses moyens vocaux et artistiques pour affronter les rôles les plus divers de sa carrière.

AFC.

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