Opéra romantique en trois actes
Livret et musique de Richard Wagner,
d’après la nouvelle Les Mémoires de Monsieur de Schnabelewopski
(Aus den Memoiren des Herrn von Schnabelewopski) de Heinrich Heine
Créé le 2 janvier 1843 au Théâtre de la Cour Royale de Saxe (Dresde) sous la direction du compositeur
Distribution :
Le HOLLANDAIS (baryton-basse)
DALAND, capitaine norvégien (basse)
SENTA, sa fille (soprano)
ERIC, chasseur et fiancé de Senta (ténor)
MARY, nourrice de Senta (mezzo-soprano)
Le Pilote (ténor)
Matelots norvégiens, équipage du Hollandais volants, jeunes filles (chœurs)
L’action se déroule sur la côte norvégienne
Composition de l’orchestre :
1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes en si bémol, 2 bassons,
4 cors en mi bémol, 4 trompettes, 3 trombones, 1 tuba,
1 harpe, cordes,
timbales, tam-tam, machine à vent
Durée approximative de l’oeuvre : environ 2h15
Sources littéraires, contexte de la composition du poème et de la musique, création
Composé après le succès fracassant de Rienzi ou le Dernier des Tribuns (WWV 49), Le Vaisseau fantôme (Der Fliegende Holländer, WWV 63) est le quatrième opéra composé par Richard Wagner. Il est de nos jours considéré comme le premier des opéras que l’on attribue à la période de maturité du compositeur.
Si l’on en croit ses écrits autobiographiques (et plus particulièrement Mein Leben, Ma Vie ,où cet épisode est rapporté sur plusieurs pages), l’idée de mettre en musique la légende du Hollandais volant serait venue à l’esprit de Wagner alors que, fuyant les créanciers de Riga à bord de « La Thétys » en compagnie de son épouse Minna, le compositeur effectuait la désastreuse traversée de la Mer du Nord. L’effroi ressenti par les voyageurs au cours de la traversée leur aurait en effet fait entrevoir dans la houle l’ombre fantomatique du navire spectral dont l’histoire avait inspiré entre autres poètes Heinrich Heine.
Condamné à errer sur les mers pour l’éternité pour avoir, selon la légende, défié Satan, le Hollandais n’a plus désormais droit d’appareiller qu’une fois tous les sept ans : à cette unique occasion, il doit essayer de conquérir le cœur d’une femme. Seul l’amour absolu d’une femme qui lui vouera une fidélité éternelle pourra le délivrer de la malédiction.
Empruntant son inspiration à l’atmosphère fantastique chère aux auteurs du début du XIXème siècle qui aiment à se délecter de spectres, légendes et crimes passionnels, Richard Wagner adapte toutefois son livret à sa manière et tisse dès 1839 la trame d’un opéra en trois actes.
Destiné initialement à être proposé à l’Opéra de Paris, le livret du Vaisseau fantôme (ou bien encore « Le Hollandais Volant » si l’on traduit littéralement le titre de l’œuvre depuis l’allemand) a dans un premier temps été écrit en français au cours du séjour que Wagner effectua à Paris à partir de 1839. A partir de 1840, le compositeur commença la composition de la partition (toujours sur le texte français), Léon Pillet, directeur de l’Opéra de Paris, montrant un certain intérêt pour le sujet. Mais musicalement, ce fut plus compliqué : Wagner s’évertua tant bien que mal à faire accepter son œuvre sur la scène parisienne. De trois actes – dans la version initiale telle que pensée par Wagner -, l’œuvre fut remaniée en un divertissement en un seul acte, destiné à être donné en première partie d’un ballet. Malgré les efforts du compositeur, l’œuvre fut néanmoins refusée et on n’acheta finalement à Wagner… que son livret ! (celui-ci fut d’ailleurs mis en musique par un autre compositeur, français celui-ci et habitué de la scène parisienne, Pierre-Louis Dietsch).
Appelé pour superviser les répétitions de Rienzi au Théâtre royal de la Cour de Saxe à Dresde, Wagner mit fin à son séjour parisien au printemps 1842, emportant avec lui ses esquisses du Vaisseau fantôme qu’il ne pouvait se résoudre à abandonner. Il les acheva d’ailleurs rapidement durant les répétitions de Rienzi, dont le succès remporté à la création le 20 octobre 1842 décida les autorités de la Cour de Saxe à monter Le Vaisseau fantôme (alors que celui-ci avait été jusque-là refusé successivement à Leipzig, Berlin, puis enfin Munich).
Si l’oeuvre est encore largement apparentée à la facture classique de la première moitié du XIXème siècle (distribution des rôles, ouverture isolée du reste de l’ouvrage, composition de l’orchestre, découpage de l’œuvre en numéros distincts, composition des airs encore fortement imprégnés par la tradition de l’opéra français et italien), elle marque cependant une rupture conséquente avec la tradition lyrique habituelle, notamment par l’introduction de leitmotive : des phrases musicales identifient personnages, concepts centraux et sentiments dominants, et ces thèmes présentés dans l’ouverture de l’œuvre sont réexposés et développés par la suite tout au long de l’opéra.
C’est la première apparition dans l’oeuvre de Wagner de l’utilisation des leitmotive dont il se servira pour construire ses futurs opéras ou drames lyriques. C’est aussi dans le Vaisseau fantôme que la compositeur introduit certains thèmes qui lui sont chers et qui seront récurrents dans son oeuvre : la rédemption par l’amour, le sacrifice de l’héroïne féminine, l’errance, le poids de la malédiction.
Créé le 2 janvier 1843 au Théâtre royal de la Cour de Saxe à Dresde (Semperoper) avec Wilhelmine Schröder-Devrient dans le rôle de Senta, l’opéra désorienta la critique tout autant que les spectateurs et ne rencontra qu’un succès d’estime. Par la suite cependant, l’ouvrage ne tarda pas à s’imposer parmi les œuvres les plus représentées de Richard Wagner.
Donné de nos jours dans la version initialement souhaitée par le compositeur, c’est à dire dans sa version en trois actes s’enchaînant les uns aux autres et sans interruption pendant environ 135 min, Le Vaisseau fantôme a été le dernier ouvrage à être admis au répertoire du Festival de Bayreuth en 1901 (sous la direction de Felix Mottl). Il y est depuis représenté régulièrement au même titre que Tristan et Isolde et La Tétralogie.
NC