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Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
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WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

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BAYREUTH ET LES SYMBOLISTES FRANÇAIS : ART ET (OU) RELIGION

par Marie-Bernadette FANTIN-EPSTEIN

Littérature Comparée, Toulouse II.
Actes publiés in :
Littérature et Espaces, PULIM, Limoges, 2003, p.653-662.

« On va à Bayreuth comme on veut, à pied, à cheval,
en voiture, à bicyclette, en chemin de fer
et le vrai pèlerin devrait y aller à genoux. » (Albert Lavignac) 1

 

Créer son propre mythe à travers un lieu, était-ce le souhait réel de Richard Wagner en réalisant son théâtre à Bayreuth ? On peut se poser la question. En effet, des ébauches de « rassemblements » à Zurich puis à Tribschen annoncent les pèlerinages vers la « colline sacrée ». On peut même évoquer auparavant les voyages à Weimar de Nerval, Gautier et tant d’autres, où sous la baguette enthousiaste de Franz Liszt resplendissaient Tannhäuser et Lohengrin en l’absence du Maître proscrit, puis les représentations de Tristan et des Maîtres à Munich, où les « amis français » arrivaient en foule.

– L’AVANT-BAYREUTH

En fait, il s’agit d’un mythe préparé à l’avance, car il existait dans les milieux artistiques et littéraires français un public déjà acquis, plus particulièrement autour de Nerval, Gautier et Baudelaire. Lisons Judith Gautier, la fille du poète, découvrant Wagner sur son île, à Tribschen :

« C’était Apollon et Orphée fondus en une seule lyre. Poète, musicien, philosophe, – que n’était-il pas, ce nouveau venu ? » 2

En ce lieu quasi mythique, non seulement la belle Judith mais aussi son époux du moment Catulle Mendès, et surtout Villiers de l’Ile-Adam, vont séjourner en alternance avec Nietzsche, le roi Louis II de Bavière, des artistes amis du couple . « Lieu » déjà célèbre, bien que Richard et Cosima – épouse von Bülow ! – soient censés s’y cacher, puisque des touristes anglais tentent régulièrement  d’apercevoir le génie dissimulé, comme une curiosité locale ou un monument historique !

Le prosélytisme de ceux qui en reviennent fait fureur : Judith convertit Mallarmé, et bien d’autres. Mais l’aura du Maître ne suffit pas : il faut un théâtre digne de représenter l’Œuvre d’Art de l’Avenir, chose irréalisable à Tribschen.

– POURQUOI BAYREUTH ?

Le 26 juillet 1835, entre une répétition de La Défense d’Aimer à Magdebourg et un voyage à Carlsbad, Wagner découvrait déjà l’« aspect délicieux que présentait Bayreuth sous les rayons du soleil couchant »3. Plus de trente-cinq années se passent et c’est en 1871 que le compositeur la ville de Bayreuth. Louis II aurait préféré Munich, mais Wagner craint les intrigues dont il fut victime ; il songe au théâtre des Margraves de Bayreuth, qui s’avère, lui aussi, trop exigu. Mais le maire de la ville offre le terrain et de nombreuses facilités, ce qui entraîne la décision.

Charmante petite ville de Franconie, ce refuge de nombreux huguenots chassés de France en 1686 est surtout la patrie de la Margrave Wilhelmine- fille du roi – sergent Frédéric-Guillaume de Prusse, qui en fait un des centres artistique et intellectuel les plus brillants d’Europe autour de 1735-58 ; c’est aussi la patrie de Jean-Paul Richter.

– BAYREUTH, UN PHÉNOMÈNE « FRANÇAIS »

Bayreuth en 1892… tel que Willy le rencontra…

« M’y voici donc à Bayreuth ! Je retrouve cette Mecque du wagnérisme – la Mecque plus ultra – ce lieu saint où, jeune encore […] je bus le lait de la Tétralogie et humais la crème de Parsifal » (Willy, «Bayreuth en 1892 »4 )

Parsifalcréé en 1882, le « festival musical sacré » sera joué exclusivement à Bayreuth durant trente années ! Ce qui, au départ, pouvait apparaître comme un phénomène fondamentalement allemand allait évoluer pour devenir l’itinéraire obligé des intellectuels et des artistes après le rejet et la haine de l’après-1870.

Ce sont les Symbolistes français les premiers, qui vont élever au rang de lieu mythique le « Temple » du wagnérisme, le Festspielhaus, rêve devenu réalité, où Wagner avait choisi de faire représenter son œuvre monumentale inspirée de mythes celtes et nordiques, célébration d’un art « germanique », mais surtout art religion, art rédempteur baignant dans le sacré. Les termes affluent, empreints de mysticisme, pour désigner tous les recoins de ce haut lieu du culte. Le pèlerinage devient une étape obligée, évoquée dans la plupart des publications de l’époque, tandis que poèmes, romans et tableaux illustrent ou s’inspirent de la « ville sainte », où plane toujours l’ombre du « Dieu Richard Wagner », passant de l’idolâtrie au snobisme, sans ternir vraiment l’image de la ville ni celle d’un artiste hors normes qui avait déjà su créer de son vivant son propre mythe .

Les ouvrages de vulgarisation fleurissent, peu d’entre eux méritent d’être retenus. Le Voyage artistique à Bayreuth d’Albert Lavignac, promu au rang de « Bible » des wagnériens français, donne le ton de l’idolâtrie wagnérienne ; il présente également un intérêt documentaire, on y trouve des renseignements sur le théâtre, son acoustique exceptionnelle, sur les œuvres, ainsi que  la liste de tous les Français ayant assisté aux représentations de 1876 à 1886. Il n’en est pas moins qualifié de « guide-âne » par l’impertinente Ouvreuse du Cirque d’Eté !

– EDOUARD DUJARDIN ET LA REVUE WAGNÉRIENNE

Édouard Dujardin (1861-1949)

« Pour moi, Wagner est resté le grand amour de ma vie…dans le sens péjoratif que prend le mot amour, quand on veut parler du vice délicieux et fatal dont un cœur est possédé. » (Edouard Dujardin)5

En 1875, Le Drame Musical d’Edouard Schuré en fait, avant les représentations du Ring de 1876, le véritable annonciateur du culte wagnérien à Bayreuth. Partout, les théories musicales et philosophiques de Wagner étaient déformées, une poignée comprenait sa musique, peu connaissaient l’allemand. Quand Judith Gautier, Mendès et d’autres wagnériens de la première heure abandonnent toute idée de prosélytisme, la lutte reprend. Un jeune homme de vingt quatre ans, dandy, esthète et don Juan, Edouard Dujardin, va créer l’événement. Son érudition était faite du livre de Schuré et de représentations à Bayreuth et Munich de Parsifal et la Tétralogie. D’une conversation à Munich avec Houston Stewart Chamberlain – le gendre de Wagner – naquit l’idée de La Revue Wagnérienne. Son but : s’attacher à mettre en valeur l’aspect philosophique et symbolique de Wagner. Elle allait l’annexer au Symbolisme et expliquer l’un par l’autre.De 1885 à 1888, La Revue réunit les plus grands noms du Symbolisme en un même hommage au Maître de Bayreuth. Les habitués des « mardis » de Mallarmé collaboraient, et toute l’élite intellectuelle de l’époque : Champfleury, Mendès, Schuré, Elémir Bourges, Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans, Verlaine, Laforgue, Moréas, Vehraeren, Vielé-Griffin, Maeterlinck, Henri de Régnier, des musiciens : Lamoureux, Chabrier, Chausson, d’Indy, P. de Bréville, Dukas, des journalistes : Willy, H. Bauer, Fourcaud, quelques peintres : Fantin-Latour, Renoir, J.-E. Blanche…

Dujardin et Wyzewa étaient les piliers de la revue. La plupart des articles, en style décadent sont illisibles, les poèmes mêlent un charabia philosophico- décadent à des noms de personnages wagnériens. Du poème de Mallarmé, on retient les deux derniers vers :

« Le Dieu Richard Wagner irradiant un sacre
Mal tu par l’encre même en sanglots sibyllins »,

de celui de Verlaine, le hiatus final : « Et ô », qui provoquait l’hilarité de Fantin-Latour, malgré son wagnérisme. L’orientation trop abstraite de la Revue finit par effaroucher les soutiens financiers et entraîna sa chute. En 1923, avec le recul, Dujardin déclara dans la Revue Musicale :

« A un moment où la plupart des wagnériens se satisfaisaient à en admirer la forme musicale, où les plus avancés n’y voyaient qu’une réforme de l’opéra, elle a montré quelle profonde nouveauté apportait cette conception schopenhauerienne de la musique, cette conception hellénique de l’art […]. Du point de vue purement français […] elle a été le trait d’union entre Wagner et Mallarmé, entre Schopenhauer et le Symbolisme. »

Après la chute de la Revue, d’autres cherchent à prendre le ton : La Revue Indépendante, La Vogue, Le Spécimen ; très symbolistes, elles n’ont rien de commun avec des revues musicales, elles parlent de Wagner et de Bayreuth puisque toute la France en parlait !

– WAGNÉRISME ET WAGNÉROLÂTRIES

Le Crépuscule des Dieux par Elémir Bourges (édition originale)

« Jamais les hommes d’aujourd’hui ne pourront absolument comprendre ce que Wagner, vers 1892, a été pour nous, l’immense zone de lumière que sa magie nous ouvrit, la lame de fond qui souleva nos âmes, le terrible dégoût qu’il nous imposa pour tout ce qui n’était pas LUI », écrit C. Mauclair 6.

Issue de La Revue Wagnérienne, l’influence de Wagner s’étend de la poésie au théâtre dit « idéaliste » ; notons la pièce Axel de Villiers de l’Isle Adam . Etude du renoncement, comme Parsifal, elle séduisit Claude Debussy à son retour de Bayreuth, au point qu’il voulut la mettre en musique 7. Les romans s’imprègnent de wagnérisme : décor psychologique, leitmotive, structures musicales ; parfois même Bayreuth est le lieu de l’action : Le Crépuscule des Dieux d’Elémir Bourges.

Au cœur des tendances idéalistes et surtout symbolistes de cette fin de siècle, la revue Le Mercure de France accorde une place de choix à la musique. Wagner figure au centre de la critique musicale, mais aussi d’études littéraires et philosophiques sérieuses. On y retrouve l’auteur des Lauriers sont coupés (1881) plein de désillusions.

En effet, dénoncé par Wyzewa dès 1887 dans Le Spécimen, le snobisme wagnérien envahit la petite cité bavaroise, et ce n’est qu’un début : « Très chic, Bayreuth !.. La mode, la vogue et la badauderie s’en furent violer le sanctuaire érigé contre elles en ce coin reculé de Bavière », écrit Henri Bauer8.

Lavignac se plaint de « l’indifférence mondaine » et des réflexions de ce public doté d’un vernis plus que léger. Robert de Montesquiou rime :

« Trop de cabotinage ou de pèlerinage,
Bayreuth est à Wagner comme Lourdes est à Dieu. »9

L’Ouvreuse s’amuse, lors des représentations de 1892, à décrire le contenu des boutiques et l’attitude des pèlerins, chargés de couronnes de fleurs à déposer sur la pierre tombale du Maître :

« Nombreux sont les adorateurs zélés qui achètent des boîtes de papier à lettres wagnérien blasonné (rouge et or) du thème de la Cène, des pantoufles Parsifal où le père de Lohengrin est représenté, au point croisé, à genoux devant la sainte lance, des pipes de santé Bayreuth avec, sur le fourneau, le portrait du maître et la mention « injutable. »10

Mais par ailleurs sa critique, badine d’apparence, dénonce une interprétation décevante sur scène. Cosima « en grands voiles de deuils », maintient le théâtre en l’état de musée, alors que Wagner déçu par les réalisations de son vivant, aurait souhaité profiter de techniques nouvelles, ce qu’elle refuse tout en s’accommodant fort bien de l’engouement mondain qui entoure le Festspielhaus et la ville .

La Revue Wagnérienne, avec La Légende de Bayreuth de Villiers, prête ces paroles prémonitoires à Wagner :

« Et enfin, lorsque ceux-là même qui de par le monde entier haïront, de naissance MA MUSIQUE, seront acculés, jusqu’à se voir forcés de l’admirer et de l’applaudir QUAND MÊME, sous peine de passer pour des imbéciles, je te dis et jure que MA MUSIQUE résistera quand même à leur admiration profane. »

– LA FIN D’UN MYTHE ?

La Revue wagnérienne (édition originale) Tome I (1885-1886)

L’article d’Edouard Dujardin sur les représentations de Bayreuth en 1896 crée un électrochoc. Il faut le situer par rapport à « l’Enquête Franco-Germanique » de 1895, organisée entre deux revues : Le Mercure de France et la Neue deutsche Rundschau en Allemagne, qui invite les personnalités de l’époque à répondre 11. Wagner se trouve fréquemment cité, et surtout les voyages à Bayreuth. Barrès apparaît pour l’heure germanophile, Mallarmé juge l’échange « fécond » car la France exalte Wagner tandis que l’Allemagne « traduit » Baudelaire. Octave Mirbeau, Laurent Tailhade et Remy de Gourmont exaltent un anti-chauvinisme violent, quant au Sâr Péladan il pontifie :

« Le sentiment national est aujourd’hui le dernier prétexte aux grands crimes […] Ce qui différencie les hommes, c’est leur culture […] Il n’y a que deux races, celle qui pense et l’autre : la frontière qui les sépare est l’ignorance […] Votre question d’aujourd’hui, monsieur, a son origine à Bayreuth. Les relations intellectuelles de la France et de l’Allemagne ont été nouées par Richard Wagner, le sublime rénovateur de l’art sacerdotal grec. » (p.21-22)

Bien différente est l’attitude désabusée de Wyzewa, il ne voit que les « dommages » causés à l’esprit français par l’influence allemande, y compris celle de Wagner sur les musiciens français qui ont perdu toute originalité 12. Les écrits de Wyzewa n’entament pas la foi des pèlerins, tandis que le nom du fondateur de la Revue Wagnérienne demeure associé à Wagner et au Symbolisme, d’où le désarroi.

Dujardin dénonce d’abord «l’écœurement» causé par les manifestations du snobisme, le manque d’originalité des concerts parisiens où triomphent toujours les mêmes « morceaux choisis », qui le conduisent de nouveau à Bayreuth pour la reprise de la Tétralogie. Hélas ! Les décors n’ont guère évolué depuis la création ! Pire : la musique est parfois altérée par une direction et des voix qui l’alourdissent. « Le mauvais goût, la laideur et l’inutilité » règnent sur scène :

« On peut fermer les yeux quand le spectacle est trop laid, mais quand dans les sublimes silences de la marche funèbre on entend le choc des armures, quand Mime traîne avec affectation ses savates sur les planches de façon à faire autant de bruit que l’orchestre, quand les flammes de l’incantation sifflent et crépitent, etc…, nous ne pouvons pas ne pas entendre, et vrai, la musique suffisait sans ces accompagnements réalistes. »13

C’est alors que le « fidèle » doute : « nous pouvons nous demander si l’œuvre réalisée correspond à l’idéal rêvé » ; il existe donc « un vice fondamental de l’œuvre wagnérienne : l’homme est resté insuffisant quand il en est arrivé à la représentation extérieure de l’action ». Dujardin poursuit, enfonçant le fer dans la plaie : « Wagner a échoué à faire de Bayreuth la Jérusalem qu’il a par instant entrevue, et l’échec est sans rémission », puis il ajoute que malgré tout le compositeur a « réussi son idéal […] il impose à l’âme des mouvements vers le Bien, fait l’âme plus haute […]. » Bien fade consolation après cette remise en question de toute la conception wagnérienne de l’art ! L’image de l’artiste total représentée par Wagner est très fortement ébranlée, si ce n’est brisée, et c’est tout particulièrement ce qui est allemand en lui qui est mauvais ! Quelle contradiction avec l’enquête de 1895 ! C’est déjà l’annonce du fameux article sur « Wagner et la sensibilité française »14 en 1902, qui marque l’incompatibilité des génies latins et germains, dans une France redevenue farouchement nationaliste. Plus que Wagner, c’est le prestige de Bayreuth qui est atteint. Le « Temple » n’est plus qu’un vulgaire théâtre infesté « d’oripeaux ». Une certitude se fait jour, si là on ne peut pas représenter l’œuvre du Maître, comme elle devrait l’être, c’est qu’une représentation parfaite est impossible, donc l’œuvre est imparfaite… ou inhumaine ? Ce curieux article qui veut être une condamnation, sans en être vraiment une, bouleverse les milieux symbolistes.

Remy de Gourmont le qualifie de « date dans l’histoire du wagnérisme », au même titre que le premier numéro de la Revue Wagnérienne : « l’action peu étendue mais profonde de la Revue […] créa le wagnérisme sérieux et presque religieux. On croyait avoir trouvé l’art intégral, et cela dura dix ans. »15

Ainsi, Charles Guérin avoue s’être ennuyé à Lohengrin et au Vaisseau, à cause d’une interprétation défectueuse ; il ajoute que si Tristan et Les Maîtres nous émeuvent aux larmes, cela reste éphémère car « l’art humain ne mérite pas la foi qui nous unit à la chose éternelle ; il est semblable à l’amour ; tous deux déçoivent parce qu’ils nous rapprochent infiniment de l’Unité sans nous y fondre jamais ». Dujardin « avoue simplement l’impuissance où se trouve l’esprit qui est humain à satisfaire l’âme qui est divine ». Ce ton désabusé présente une résonance nouvelle qui surprend après les épanchements lyrico- mystiques auxquels on était accoutumé ! Pourtant, le véritable « échec » de Bayreuth, personne n’y fait allusion. Wagner rêvait d’un théâtre gratuit, ouvert à tous, ainsi seulement, l’art devenu populaire remplirait son rôle « civilisateur ». Il ne voulait ni La Mecque ni Lourdes, il ambitionnait de ressusciter les cérémonies athéniennes.

– PÉRENNITÉ DU LIEU

L’Art Idéaliste et Mystique par Péladan

Le wagnérisme français ne s’éteint pas avec l’article de Dujardin, mais au début du siècle, s’il faut « avoir été » à Bayreuth, il n’est plus indispensable de continuer à y aller. Cependant, la lecture des chroniques musicales du Mercure de France et d’autres revues, les Lettres de l’Ouvreuse, la consultation des programmes des concerts parisiens, permettent de constater la place encore occupée par Wagner. On remarque la présence de plus en plus fréquente d’œuvres presque intégrales, données en version de concert – conséquence des virulentes critiques des mises en scène de Bayreuth, qui n’encouragent guère les autres théâtres à tenter l’aventure ! Symbolistes et autres, se retrouvent dans les salles du Cirque d’Eté et du Châtelet (où ont lieu chaque dimanche les concerts Lamoureux et Colonne), et Wagner ou ses personnages évoluent toujours dans diverses créations artistiques.

« Ce siècle s’appellera le siècle de Wagner », prédisait Péladan dans L’Art idéaliste et mystique (1894), avec pour lieu de culte Bayreuth car la ville abrite aussi Wahnfried : l’illusion de la paix pour le Maître, éternel errant, qui va mourir à Venise, mais repose au fond du jardin de sa villa !

Si des « caravanes de snobs » se rendent toujours vers la « colline sacrée », une foule de mélomanes aussi, malgré le prix des places et des mises en scènes souvent discutables, et c’est vrai que l’on y trouve quelque chose d’indéfinissable qui tient de la fascination exercée par Wagner sur les premiers pèlerins. Ainsi, la petite cité franconienne à la splendeur oubliée avait attendu celui qui allait lui redonner sa place de haut lieu de la culture européenne et ce pouvoir attractif mystérieux des sites élus.

MBFE

 

Notes :

1 Albert Lavignac, Le Voyage artistique à Bayreuth (1896), Delagrave, 1934, p.9. Il était le professeur de Claude Debussy au Conservatoire.
2 Judith Gautier, Visites à Richard Wagner, Mayenne, Le Castor Astral, « Les Inattendus »,1992, p.22.
3 R. Wagner, Ma Vie, trad. N. Valentin et A. Schenk, Plon, 1911, T. I , p.175 .
4 Henri Gauthier-Villars, Propos d’Ouvreuse, Martine, p.106 . De larges extraits des écrits de Willy – L’Ouvreuse – concernant Wagner sont reproduits dans notre ouvrage : Wagner et la Belle Epoque, Toulouse, EUS, 1999 .
5 Le Mercure de France, « Enquête sur l’influence allemande », tome XLV, 1903, p.251 .
6 Camille Mauclair, Servitudes et grandeurs littéraires, Ollendorf, 1922, p.222
7 Axel sera donné au théâtre de la Gaîté en 1894, mais avec la musique d’Alexandre Georges. Debussy est revenu bouleversé des représentations de Bayreuth en 1888 et 1889. On est loin des prises de position chauvines et des commentaires caustiques de Monsieur Croche antidilettante en 1903 !
8 L’Echo de Paris, août 1891.
9 in Emilien Carassus, Le Snobisme et les Lettres françaises, A.Colin, 1966, p.303.
10 Henri Gauthier-Villars (Willy), op.cit. p.105.
11 Le Mercure de France, tome XIV, 1895 : « Toute politique mise de côté, êtes-vous partisan de relations intellectuelles et sociales plus suivies entre la France et l’Allemagne, et quels seraient, selon vous, les meilleurs moyens pour y parvenir ? » Une autre enquête en 1903, recueillera des réponses presque totalement opposées, suite à la réaction anti-wagnérienne et à l’orientation anti-germanique et nationaliste de la politique française du moment.
12 Le Mercure de France annonce le livre de Wyzewa : Chez les Allemands, l’Art et les Mœurs, qui présente deux images de l’Allemagne, l’ancienne avec son art gothique, ses rêves, ses légendes et celle d’aujourd’hui : l’empire militaire et ses « habitudes répugnantes ». Il est très dur et très amer.
13 Le Mercure de France, tome XIX, août 1896, p.198-206.
14 Le Mercure de France, tome XLIV, octobre 1902, Fernand Caussy, p.98.
15 Le Mercure de France, tome XXIV, nov. 1897, « Nouveaux Masques », p.334-335.

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