Jules Etienne PASDELOUP

Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.

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Pierre-Louis DIETSCH
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Jules Etienne PASDELOUP

(né le 15 septembre 1819 à Paris et mort à Fontainebleau le 13 août 1887)

Fils d’un ancien chef d’orchestre au Théâtre Feydeau, Jules Pasdeloup apprend le piano au Conservatoire de Paris, où il remporte le premier prix de solfège en 1832 et de piano en 1834. Il y enseigne entre 1841 et 1868. Il devient chef d’orchestre car Habeneck refuse d’exécuter une de ses œuvres au Conservatoire, aussi il fonde une société de concerts avec des étudiants du Conservatoire, la Société des jeunes artistes (premier concert le 20 février 1853). Cette phalange devient la Société des jeunes artistes du Conservatoire impérial de musique (1856-1865). En 1860, Charles Gounod démissionne de son poste à la tête des Orphéons de la Ville de Paris. À sa place, François Bazin devient directeur pour la rive gauche et Pasdeloup directeur pour la rive droite.

 

L’année suivante, Pasdeloup fonde les Concerts populaires de musique classique (premier concert le 27 octobre 1861 au Cirque d’hiver à Paris), qui deviendront par la suite les Concerts Pasdeloup.

Henri de Curzon rappelle dans son ouvrage L’Œuvre de Richard Wagner à Paris et ses interprètes (1850-1914) l’importance du rôle de Pasdeloup dans la diffusion de l’œuvre wagnérienne.

« Au moment où l’Opéra répétait Tannhäuser, un autre chef d’orchestre, qui commençait sa carrière, s’était mis en tête de faire connaître, et de défendre au besoin, cette musique nouvelle : c’est Pasdeloup. Et comme il devait, pendant une douzaine d’années, régner sans partage, son action a été aussi considérable que son audace méritoire. Quelques réserves qu’une critique sévère puisse faire sur ses exécutions, il n’est pas de plus noble figure et qui commande, autant que la sienne, la gratitude et le respect des musiciens.

Il dirigeait encore « les Jeunes artistes » du Conservatoire, quand il fit entendre, en 1861, le chœur des fiançailles et la marche de Lohengrin. C’était avant l’audition inconsciente de Tannhäuser à l’Opéra. Après le retrait de cette œuvre par Wagner, il redonna encore ces deux pages. Peu de temps après, il fondait ces « Concerts populaires » qui allaient rendre si célèbre le Cirque d’hiver, et exécutait dès lors, successivement, mais encore à de longs intervalles, la marche (1865), puis l’ouverture, de Tannhäuser, le prélude, la marche et le chœur des fiançailles, la marche religieuse, de Lohengrin, l’ouverture du Vaisseau fantôme et celle de Rienzi, le prélude, l’entr’acte, la marche du troisième acte, puis l’ouverture, des Maîtres Chanteurs, le prélude de Tristan, enfin (en 1876), la marche funèbre du Crépuscule des dieux. Avec quelle fortune, je n’ai pas à le redire : il y eut des séances épiques. On applaudissait assez volontiers, mais on sifflait plus volontiers encore, parfois « par sport », comme des écoliers « conspuent » un maître qui leur déplaît. Une fois, on bissa, d’enthousiasme, par erreur sans doute, le prélude de Lohengrin (en 1867) ; d’autres fois l’orage prit des proportions de scandale (l’ouverture des Maîtres Chanteurs, entre autres, en 1869). Pasdeloup, alors, perdait un peu la tête, mais il allait jusqu’au bout. Bien plus, il remettait l’œuvre au programme de sa séance suivante !

Le vaillant artiste fit plus : ayant, à cette même date, assumé la charge de directeur du Théâtre Lyrique, il monta Rienzi (1869). Et s’il était un peu tard, au point de vue wagnérien, — l’œuvre date de 1842 et ne correspondait plus du tout à l’esthétique actuelle du maître, — il n’était du moins pas trop tôt pour le public parisien, car le chiffre très honorable de trente-huit représentations prouve l’intérêt sérieux qu’il y sut prendre. Les interprètes furent : le vaillant ténor Monjauze, avec Mlle Sternberg dans le personnage d’Irène, Mlle Borghèse dans celui d’Adriano, et Mlle Priola dans le messager de paix. »

Il crée également la Société des oratorios (1868) et devient chef d’orchestre au Théâtre Lyrique (1868-1870).

Pasdeloup, cependant, toujours initiateur, avait fait chanter, en année 1881, la scène du Hollandais et de Senta (par Lauwers et Mme Brunet-Lafleur). Wagner a été programmé 124 fois entre 1861 et 1884 aux concerts Pasdeloup.

Jules Pasdeloup n’est pas un chef d’orchestre talentueux, mais son amour de la musique le pousse à mettre au programme des compositeurs et des musiques qu’il estime injustement refusés par les institutions ou par le public. Il ne recherche pas la popularité ou à gagner de l’argent par ses concerts.

Adolphe Jullien décrit Pasdeloup comme un homme peu aimable mais qui rachète ses défauts par « un amour passionné pour l’art, qu’il communiquait à son orchestre, à ses auditeurs, et qui le transformait en une sorte de moine prédicant, d’apôtre illuminé de la musique classique. »

Berlioz cite très souvent les concerts Pasdeloup dans sa correspondance ou établit la critique musicale de ces concerts. Notamment dans le Ménestrel en 1884 :

« Ménestrel 22 novembre, p. 406: — Grand tapage et grands bravos dimanche au Concert populaire [15 novembre]. Les bravos furent pour M. Sarasate, qui a supérieurement exécuté le concerto de Beethoven. On ne peut, à propos de ce nouveau succès, que répéter les éloges décernés ici-même dimanche dernier à ce jeune virtuose, au sujet du concerto de Mendelssohn. Le tapage a été soulevé par le prélude de Tristan et Iseult de Richard Wagner, qui paraissait pour la première fois sur le programme de ces concerts. Il y a longtemps que M. Pasdeloup aurait dû nous faire entendre cette page remarquable, digne pendant du prélude de Lohengrin et qui arrivera bien vite, comme ce dernier morceau, à être compris par la partie impartiale du public et à être bissée sans opposition. En présence de l’hostilité soulevée par les auditeurs qui voulaient faire recommencer le prélude, soit qu’ils l’admirassent, soit qu’ils jugeassent une seconde audition nécessaire pour comprendre une œuvre aussi élevée, M. Pasdeloup a pris la parole et a annoncé qu’il redirait ce morceau à la fin de la séance, et que ceux qui voulaient l’entendre n’auraient qu’à rester, tandis que les autres sortiraient sans rien perdre du concert. Néanmoins, presque tous sont demeurés jusqu’à la fin du concert, et se sont remis à siffler dès que M. Pasdeloup a levé l’archet pour recommencer. En présence du calme montré en cette circonstance par le chef d’orchestre, qui a clairement fait entendre qu’il donnerait le signal seulement lorsque le calme serait entièrement rétabli, les siffleurs ont dû se taire ou déguerpir, et le morceau a été réexécuté au milieu d’un silence attentif. On peut évaluer à un tiers des auditeurs le nombre des personnes qui sont restées pour cette seconde audition. »

Ses Concerts populaires sont abandonnés en 1884 par suite de la concurrence exercée par les Concerts Colonne et les Concerts Lamoureux. Ils reprennent en 1886 et 1887. L’Orchestre Pasdeloup est le plus ancien des orchestres associatifs parisiens encore en activité.

CPL

Bibliographie

 

Adolphe Jullien, Jules Pasdeloup et les concerts populaires, in Musique. Mélanges d’histoire et de critique musicale et dramatique

Paris 1896

Yannick Simon,  Jules Pasdeloup et les origines du concert populaire

Éditions Symétrie et Palazetto Bru Zane
277 pages, Novembre 2011

Michal Piotr Mrozowicki, Richard Wagner et sa réception en France. Du ressentiment à l’enthousiasme (1883-1893)

Symétrie, Lyon 2016

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