[vc_row full_width= »stretch_row_content » content_placement= »middle » css= ».vc_custom_1545660998469{padding-top: 1% !important;padding-bottom: 1% !important;} »][vc_column width= »1/4″][vc_single_image image= »12770″ img_size= »full »][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text css= ».vc_custom_1544015626195{padding-top: 1% !important;padding-right: 1% !important;padding-bottom: 1% !important;padding-left: 1% !important;} »]Cette section présente une série de portraits biographiques de ceux qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à l’édification de l’œuvre wagnérienne. Des amitiés ou des inimitiés parfois surprenantes ou inattendues, des histoires d’amour passionnées avec les femmes de sa vie, parfois muses et inspiratrices de son œuvre, mais également des portraits d’artistes (chanteurs, metteurs en scène, chefs d’orchestre…) qui, de nos jours, se sont “appropriés” l’œuvre du compositeur et la font vivre différemment sur scène.[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/4″ desktop_alignment= »text-center »][pofo_button pofo_button_style= »style3″ pofo_button_preview_image= »style3″ pofo_button_type= »medium » pofo_enable_responsive_css= »1″ pofo_button_text= »url:http%3A%2F%2Frichard-wagner-web-museum.com%2Ffamille-epoque-entourage-interpretes%2Fmusee-richard-wagner-tribschen-lucerne%2F|title:Mus%C3%A9e%20Richard%20Wagner%3Cbr%3ET%3Cspan%20style%3D%22text-transform%3Alowercase%22%3Eribschen%3C%2Fspan%3E%3Cbr%3ELUCERNE%20(Suisse)%20|| » css= ».vc_custom_1545666766896{background-color: #663320 !important;} » pofo_button_text_color= »#ffffff » pofo_button_hover_bg_color= »#ffffff » pofo_button_hover_text_color= »#663320″ pofo_button_hover_border_color= »#663320″ pofo_button_border_color= »rgba(0,0,0,0.01) » responsive_css= »margin_top_mobile:2%25|margin_bottom_mobile:2%25″][/vc_column][/vc_row][vc_row full_width= »stretch_row_content_no_spaces » equal_height= »yes » pofo_enable_responsive_css= »1″ css= ».vc_custom_1544198311756{padding-top: 1% !important;padding-bottom: 0% !important;} » responsive_css= »padding_top_mobile:4%25″][vc_column width= »1/4″ desktop_alignment= »text-center » pofo_enable_responsive_css= »1″ css= ».vc_custom_1544198306481{background-color: rgba(102,51,32,0.03) !important;*background-color: rgb(102,51,32) !important;} »][vc_single_image image= »12426″ img_size= »full » alignment= »center »][vc_column_text css= ».vc_custom_1544088227431{padding-top: 4% !important;} »]Retour
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Médecin, chanteur d’opéra, directeur de théâtre, imprésario et producteur
Curieux personnage qu’Angelo Neumann ! Tout aussi atypique que sa carrière, fascinante, fulgurante et inattendue, participa à la reconnaissance de l’oeuvre de Richard Wagner à travers le monde. A une époque où ni les médias d’aujourd’hui ni internet ne pouvaient servir à participer à la notoriété d’un compositeur et de sa création artistique, cet ancien chanteur devenu imprésario puis producteur fut en quelque sorte l’un des pionniers de la communication relative à la création artistique et musicale de son temps.
Né le 18 août 1838 à Stampffen, près de Bratislava en Bohème, d’une famille d’origine juive, Josef Neumann, que le théâtre fascine dès l’enfance, ne doit pourtant espérer embrasser une quelconque carrière artistique. Reconnaissant à ses parents de lui avoir pourvu une éducation sérieuse dans les meilleures institutions locales, le jeune homme cède au désir de son père qui veut faire de son fils un scientifique. Mais comme une telle carrière se doit à l’époque d’être préparée sur les bancs des meilleures facultés de l’empire austro-hongrois, la famille Neumann, sacrifiant tout pour l’avenir de son fils décide de s’installer à Vienne. C’est donc dans la prestigieuse capitale que le jeune homme entame avec application ses études de médecine.
Mais telle destinée si ambitieuse soit-elle ne peut satisfaire les aspirations du jeune Neumann, toujours aussi épris de théâtre ainsi que de musique. Tout naturellement, ses affinités le conduisent à l’opéra. Avec la plus grande discrétion, le jeune étudiant en médecine commence à prendre en cachette ses tous premiers cours de chant auprès de l’un des plus grands professeurs de son époque, Therese Stillke-Sessi. Très vite, c’est la passion pour la scène (ainsi qu’un certain talent de chanteur) qui l’emporte sur une carrière plus conventionnelle. Un choix que le jeune « apprenti-artiste » a autant de difficulté à annoncer à ses parents qu’à leur faire accepter. Mais, comme pour Neumann c’est le feu de la passion qui par la suite guidera tous les choix de sa carrière, Josef, devenu « Angelo » Neumann, fait officiellement ses débuts en tant que chanteur, en 1859 sur les – modestes – scènes de Cracovie, Ödenburg et Dantzig.
Moins de deux années après, on retrouve notre baryton-basse sur la scène du théâtre de la Cour de Vienne, cette fois, où l’artiste déploie ses talents de chanteur et de comédien dans les seconds rôles d’un répertoire particulièrement impressionnant tant il était varié (et sur près de 1.000 représentations). Mais s’il est un choc qui à jamais marquera la carrière de l’artiste, c’est bien celui qu’il éprouve au cours des répétitions de Tristan et Isolde au cours de la saison de 1862. De cette envoûtante expérience, il retient le regard perçant du chef qui encourage l’orchestre et les chanteurs à se dépasser : il ne s’agissait pas moins que du compositeur de l’ouvrage lui-même, Richard Wagner ! Un Richard Wagner, en ces années difficiles que furent les années passées à Vienne (1859-1864), qui peine à trouver des interprètes à la hauteur de son œuvre, réputée « impossible », « inchantable », et qui vit dans la plus parfaite incompréhension de ses contemporains ainsi que la précarité la plus extrême.
Neumann révéla d’ailleurs quelques années plus tard à travers les pages de ses Souvenirs sur Richard Wagner que lorsqu’il logeait dans un hôtel modeste, il entendait dans la chambre jouxtant la sienne « craquer les chaussures » d’un Wagner qui en voulait à la terre entière de ne rien comprendre à « son Tristan ». Et quel honneur pour Neumann, déjà tout à fait sous le charme du compositeur… que de régler lui-même la note de l’hôtel que le compositeur ne pouvait honorer !
Bien que le projet de Tristan ne vit pas le jour sur la scène de l’Opéra de Vienne, le jeune Neumann fut de toutes les répétitions et, très rapidement, devint un ardent wagnérien de la première génération. D’ailleurs, le chanteur multiplia ses apparitions dans les (petits) rôles des œuvres de Wagner sur la scène viennoise : le Veilleur de nuit dans Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg et Cecco de Veccio dans Rienzi. Et lorsque Wagner revint dans la capitale autrichienne, quelques années plus tard, en 1875, cette fois-ci dans toute sa gloire, à l’occasion des nouvelles productions de Tannhäuser, puis de Lohengrin, Neumann était également toujours présent, et plus que jamais captivé par le charisme du compositeur de génie. L’année suivante, en 1876, année du premier Festival de Bayreuth, Neumann fut nommé à la tête de l’Opéra de Leipzig, la ville natale de Richard Wagner. Et naturellement, pour ouvrir sa première saison en tant que directeur d’opéra, quoi d’autre qu’un opéra de Wagner ? Ce fut Lohengrin.
Le « Wagner-Theater » d’Angelo Neumann
A l’occasion du premier Festival de Bayreuth de 1876, le Théâtre de Leipzig avait acquis un certificat de patronage qui permit ainsi à nos deux co-directeurs de Leipzig, August Förster et Angelo Neumann, d’assister chacun à l’intégralité du cycle de La Tétralogie au Festspielhaus de Bayreuth. August Förster est le premier à effectuer le voyage.
A l’issue du premier cycle dont il est l’un des spectateurs privilégiés, Förster rapporte à son confrère – dont il connaissait le désir (à peine) caché de faire représenter les quatre soirées du Ring« chez eux », à Leipzig – la phrase suivante : « C’est absolument injouable, peut-être la Walkyrie, et encore… Mais les trois autres : impossible ! » Il en faudra plus pour éprouver et faire renoncer Angelo Neumann qui assiste au deuxième cycle. C’est un choc artistique qui le dépasse plus encore que les précédentes « révélations » qu’il avait eu l’occasion d’éprouver lorsqu’il découvrir Lohengrin ou bien même Tristan.
Car à l’émerveillement causé par la musique de Wagner, s’ajoute l’incroyable réalisation technique dont le compositeur-metteur en scène a su faire preuve sur sa propre scène de Bayreuth. Et le directeur de théâtre, toujours débordant d’optimisme et bien loin de l’effarement et des réserves de son collaborateur, de s’écrier : Wagner est pour lui le « plus grand réalisateur de tous les temps ».
Résolu et prêt à braver tous les obstacles qui se dresseraient devant lui, Neumann entreprend de rencontrer le Maître afin de proposer à ce dernier « l’impensable » : faire représenter l’intégralité du cycle de La Tétralogie à laquelle il vient d’assister sur la scène de son propre théâtre, à Leipzig. Car, à l’issue de ce premier Festival, ce ne fut un secret pour personne, Neumann également eu écho des déboires financiers du compositeur : cette première édition de 1876 s’était alors soldée par un déficit record. Engageant la responsabilité du compositeur lui-même. Certainement plus habitué que Wagner lui-même à tenir les comptes d’un théâtre d’opéra tout comme à monter de nouvelles productions, c’est avec une certaine audace que Neuman proposa au compositeur de lui céder les droits de La Tétralogie pour faire représenter le cycle dès l’année suivante, en 1877, sur la scène de l’Opéra de Leipzig. Projet que notre compositeur, « un brin » idéaliste, rejeta d’emblée dans un premier temps. Avant, forcé de se rendre compte de l’amère réalité de la déroute financière à laquelle il allait devoir faire face, reconsidéra et… finit par accepter.
Un coup dur assurément pour Richard Wagner qui entendait, dès le départ de la folle aventure de Bayreuth, réserver à « son » théâtre l’exclusivité de son œuvre. Et s’il était apprécié par le compositeur tant pour son enthousiasme que pour ses propres qualités artistiques, l’homme n’en était pas moins détesté par son épouse Cosima qui voyait en lui un « profiteur de situation ». Et ne manquait pas de le faire remarquer à son artiste d’époux. Certes, les origines juives de Neumann ne jouèrent pas particulièrement en sa faveur auprès de la farouche – et ouvertement antisémite – Cosima. Confiant toutefois en cet homme qui lui semble animé d’une sorte de feu sacré, Wagner osa jouer la carte « Neumann » et lui céda ainsi les droits de La Tétralogie. Pour ces seules représentations exceptionnelles à Leipzig, sa propre ville natale. Et si le compositeur espéra alors sans doute un accueil favorable, il était bien loin d’imaginer le succès que remportèrent ces représentations. Il fut par ailleurs convenu, au termes de longs pourparlers et de non moins longues tractations que les recettes émanant de ces représentations exceptionnelles « hors les murs » contribueraient à combler les pertes considérables du Festival.
Lorsque le rideau se ferma à l’Opéra de Leipzig le soir du 28 avril 1878 sur la Première de L’Or du Rhin, l’œuvre fut accueillie dans la liesse générale et un triomphe unanime en direction de son créateur. Franz Liszt qui était présent dans la salle rapporta immédiatement à son gendre et ami Wagner le succès de la soirée. Comme il en avait été convenu, le bénéfice net de ces représentations alla directement dans les caisses du Festival, afin de renflouer un tant soit peu le déficit amassé au cours de l’été 1876.
Et très vite, devant un tel succès, l’idée de présenter l’œuvre dans cette même production imaginée pour et réalisée sur d’autres scènes d’Allemagne devint autant obsession qu’elle devenait la raison même de la vie de l’homme de théâtre particulièrement avisé si ce n’est visionnaire. C’est donc toute à fait confiant qu’il s’en alla quérir Wagner pour reccueillir de lui-même l’autorisation de représenter l’intégralité du cycle sur différentes scènes d’Allemagne dans un premier temps. De simple amoureux de la musique de Wagner, Neumann s’improvisa ainsi producteur, sous le regard bienveillant du Maître qui pour seules conditions imposa que la direction d’orchestre serait assurée par un « connaisseur », le célèbre Anton Seidl, tout comme il laissait à Richard Fricke, l’un des assistants de Wagner pour La Tétralogie de la première édition de Bayreuth. Pris dans ce tourbillon aussi soudain qu’il avait été inattendu, Wagner, toujours en pleine confiance vis-à-vis de son collaborateur, osa à nouveau croire en la fin de ses déboires financiers, tout comme il rêvait secrètement que les portes de l’Opéra de Berlin qui par le passé n’avait guère été tendre avec lui avait jusqu’alors su lui résister si longtemps ?
Le bouillonnant Neumann n’hésita pas un seul instant : La Tétralogie, parce qu’elle rappelait au peuple germain ses origines, devait être présentée au public le plus large. Et si le succès devait être au rendez-vous à Berlin, une scène qui pour Wagner avait résolument toujours résonner avec le mot échec, ce dernier serait indubitablement présent dans le reste de l’Europe, au cours des représentations à venir.
C’est ainsi qu’en mai 1881, l’intégralité du Ring fut présentée pour la première fois au public berlinois du Victoria-Theater. Dans l’assistance, retenant son souffle, le couple Wagner, Richard et Cosima, dissimulés dans la foule, assista pour la première fois à la reconnaissance de l’oeuvre du compositeur en dehors de l’enceinte sacrée (et privilégiée) de Bayreuth. L’adhésion du public fut immédiate, et le succès, énorme. Pour cette création berlinoise, la production menée par Angelo Neumann, portait pour la première fois le nom de « Wagner-Theater ».
Cette première au parfum de « test » s’étant avérée être un pari gagné, Neumann que rien n’arrête propose dans la foulée à Wagner d’être, grâce à sa nouvelle compagnie lyrique ainsi constituée, l’ambassadeur de l’art de Bayreuth en dehors des frontières d’Allemagne. Wagner, dont on sait qu’il eut toutes les peines du monde à faire accepter son art partout sur son passage en Europe, n’hésitera guère longtemps avant de donner son accord à Neumann.
Et si le « tourneur » lui parle de Londres (où quatre cycles entiers de La Tétralogie seront donnés sur la scène de Her Majesty’s Theater à compter du 4 mai 1882), de Paris ou bien encore de Saint-Pétersbourg, Wagner, lui, songe déjà… à l’Amérique ! Plus raisonnables, Neumann, Seidl et Fricke partent ainsi quasiment dans la foulée sur les routes d’Europe – ou plutôt sur les rails de chemins de fer des compagnies ferroviaires – avec à son bord cet étonnant « Richard Wagner Traveling Theater ». Artistes, musiciens, instruments, décors et costumes : un spectacle parfaitement rôdé et livré quasiment « en kit » là où ce convoi hors du commun s’arrêtait pour donner les représentations planifiées des mois en avance. Et surtout, de ville en capitale, spectacle après spectacle, toujours avec la même énergie, avec le même succès et avec la même soif de convaincre un public avide de vivre cette expérience artistique inédite.
Car pour l’immédiat, c’est l’Europe toute entière qui salue le « Grand Œuvre » de Wagner grâce à travers l’entreprise de Neumann. Et ce sont les villes de Breslau, puis de Königsberg, Dantzig, Hanovre, Brême, Barmen, Dresde, Amsterdam, Bruxelles, Aix-la Chapelle, Düsseldorf, Mayence, Darmstadt, Karlsruhe ou bien encore Strasbourg qui acclament le spectacle où le « Richard Wagner Traveling Theater » fait halte.
Et devant le succès rencontré en Europe du Nord, Neumann de proposer à Wagner une deuxième tournée, en Italie cette fois. Ce que le compositeur, désormais totalement acquis à la cause de son dévoué apôtre, accepte… car le deuxième voyage du « Wagner-Theater » devait avoir des airs de consécration ultime pour Wagner qui, durant toute sa vie, aura cherché à s’acquérir l’adhésion du public. Pour projet ultime en effet : faire se rencontrer le Maître et son Œuvre grâce à Neumann à Venise, sur la scène du Théâtre de La Fenice, lors d’une sorte d’apothéose à cette folle aventure dont les deux protagonistes ont très largement su et pu profiter de l’audace de l’un et du génie de l’autre.
Après le triomphe de Parsifal à Bayreuth, Wagner, malade et épuisé, se rend effectivement à Venise où il prend ses quartiers d’hiver en famille au Palazzo Vendramin. Et il est convenu que Neumann et son « théâtre itinérant » vienne à sa rencontre pour célébrer ensemble le succès de l’une des aventures les plus folles de l’Histoire de l’Opéra.
Hélas, cette rencontre tellement voulue par les deux protagonistes de l’histoire, n’aura jamais lieu. Le 13 février 1883, Wagner s’éteint auprès des siens au Palazzo Vendramin. Restée seule désormais aux commandes de cet empire, Cosima, éplorée, ne sait que répondre à Neumann qui lui demande s’il doit continuer ou non son aventure. On peut penser que c’est par fidélité à son Maître que le disciple finira la tâche qu’il lui avait promis d’accomplir. Et quand il arrive à Venise, le 19 avril 1883, Wagner n’est plus. Mais, grâce à Neumann, le Maître revivra le temps d’une Tétralogie qui sera donnée avec l’émotion la plus vive.
Sur le chemin du retour du « Richard-Wagner-Theater », autant de haltes que de représentations qui prennent une allure de commémoration, de célébration d’un artiste compositeur visionnaire qui venait d’entrer dans la légende.
Bologne, puis Rome, Turin, Trieste, et puis enfin Budapest et Graz, où lorsque, le 5 juin 1883, le rideau se baisse une dernière fois sur la scène finale du Crépuscule des Dieux, c’en est fini de l’aventure extraordinaire d’Angelo Neumann et de son « Richard-Wagner-Theater ».
Son contrat aura été pleinement rempli.
Ou presque ! Car, alors qu’il pensait que l’aventure de son « opéra itinérant » avait pris fin, c’est la Russie qui réclame – malgré le décès du compositeur – à recevoir cette Tétralogie qui a tant fait parler en Europe. En 1888, le Tsar Alexandre III fait savoir à Wahnfried et à sa veuve éplorée que promesse avait été donnée, du vivant du Maître, que « l’Oeuvre du siècle » soit donnée à découvrir au public ainsi qu’à la bonne société pétersbourgeoise, vers qui d’autre que Neumann Cosima peut-elle donc se tourner pour demander de bien vouloir relever ce dernier défi ? Et notre producteur de reprendre les rênes de son embarcation de fortune et de faire route pour… Saint Petersbourg, puis Moscou, où le spectacle rencontra un succès sans précédents de la part du public russe.
Cette fois, enfin, l’aventure pouvait s’achever.
Pour quelques années, le Palais des Festivals de Bayreuth ferma… pour cause d’artistes et de spectacle partis en tourné internationale. Car, sur place, là même où l’ « Oeuvre d’art de l’avenir » avait été créée, il ne reste plus rien. C’est un Palais des Festivals désormais vide qui se tient au dessus de la Colline Verte. Dans un souci de présenter au public européen un spectacle tout à fait identique à celui que les Festivaliers découvrirent en août 1876 à Bayreuth, ce sont les mêmes décors, machineries et costumes qui seront utilisés pour ces représentations « hors les murs ». Cette fois-ci, Wagner, qui d’ailleurs songe déjà à financer sa nouvelle production de Parsifal, ce sont directement ceux du Festival qui sont loués à la troupe de Neumann. À Bayreuth, certes, même aux tous débuts du Festival, on pense avant tout en termes artistiques, mais les créanciers, eux, n’oublient pas le besoin impératif de rentabilité d’une telle aventure. Tout apport financer, si minime qu’il soit, est donc considéré comme une source de revenus… non négligeable !
Ironie du sort : les décors de la création de La Tétralogie conçus par le peintre de paysage Josef Hoffmann et réalisés dans les ateliers des frères Brückner de Coburg destinés à l’origine à n’être utilisés qu’à Bayreuth…. serviront de base à l’une des plus grandes tournées de l’histoire de l’Opéra à travers… toute l’Europe !
Avec plus de 135 représentations du Ring données sur les scènes les plus prestigieuses d’Europe, et quelque 58 concerts donnés au cours des différentes tournées du « Richard-Wagner-Theater », Angelo Neumann contribua incontestablement et considérablement à la popularité de l’œuvre de Richard Wagner ainsi qu’à la reconnaissance de cette forme d’expression théâtrale et musicale unique en son genre auprès de publics si différents mais tous conquis. Et même si cette aventure hors du commun avait eu pour raison première de « renflouer les caisses » d’un Festival désespérément vides, l’occasion offerte par Angelo Neumann par le biais de cette extraordinaire aventure dépassa naturellement le simple accord matériel. Méconnu par notre époque, Neumann fut l’un des apôtres qui œuvra le plus – et le mieux – pour la reconnaissance de l’art de Richard Wagner en dehors des frontières de Bayreuth.
Après ce nombre impressionnant de « tournées Wagner » à travers les routes d’Europe, et autant de temps passé sur les routes d’Europe, Angelo Neumann reprit ses fonctions initiales de directeur de théâtre et dirigea l’Opéra de Prague pendant vingt-cinq ans. Il s’y éteignit le 20 décembre 1910, au terme de soixante-douze années bien remplies.
En guise de conclusion :
La dernière tournée du « Richard-Wagner-Theater » eut lieu au cours de l’année 1889, soit six années après la disparition du compositeur : c’est grâce à cette ultime tournée que La Tétralogie fut présentée pour la première fois au public russe de Saint-Pétersbourg et Moscou. Lorsque Cosima, désormais restée seule souveraine à Bayreuth, demanda le retour des éléments de décors et costumes prêtés par le Festival à Neumann pour remonter La Tétralogie en son sein originel, elle se les vit rendre en si piteux état… qu’il fallut, au grand dam de la celle qui dirigeait le Festival depuis la mort de son époux, envisager, faute de matériel, à offrir au public une toute nouvelle production de La Tétralogie.
On peut aisément imaginer le désarroi de la « Dame de Bayreuth » qui, dans un esprit de conservation à l’extrême de l’oeuvre de son défunt époux, dut considérer ce « changement de cap artistique » comme… une véritable trahison !
Ce fut également toutefois l’occasion, pour la première fois, de repenser « Wagner autrement », donnant ainsi naissance à la deuxième production du Ring à Bayreuth en 1896. Ainsi que le début de la longue histoire du Festival qui eut toujours – à l’exception de certaines « années de misère » – comme préoccupation majeure que de présenter au public de nouvelles productions, soit de nouvelles lectures des œuvres qui y sont représentées, elles, dans le respect de la règle d’un répertoire immuable.
NC
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Pour aller plus loin :
Sur les « Souvenirs sur Richard Wagner » d’Angelo Neumann
ainsi que le récit de quelques péripéties de mise en scène narrées par le producteur
Les souvenirs wagnériens d’Angelo Neumann (1)
Dans les Souvenirs sur Richard Wagner de l’imprésario Angelo Neumann, dont MM. Maurice Rérnon et Wilhelm Bauer publieront demain, chez Calmann-Lévy, la traduction française, il ne faudrait pas chercher des aperçus propres à nous faire mieux comprendre l’œuvre et le génie du maître de Bayreuth. Ce volume n’est pas une étude de psychologie ni d’esthétique. Mais on y trouvera de curieux renseignements sur les embarras et les ennuis de Wagner dans sa vie pratique, sur ses perpétuels démêlés avec les directeurs, les chanteurs, les agents intermédiaires, etc. M. Angelo Neumann nous introduit dans les coulisses, dans la cuisine de l’art théâtral, et cette pot-bouille ne manque pas d’un certain pittoresque. On s’en amuse, et en même temps on plaint le grand homme contraint de consacrer une large partie de ses journées et de ses forces à se débattre parmi ces mensonges et ces mesquineries.
Les souvenirs wagnériens d’Angelo Neumann (2)
La Brünnhilde à barbe du premier Crépuscule de Berlin
Voici ce qui s’était passé. Sur la recommandation de la comtesse de Schleinitz, on avait engagé un coiffeur qui avait été employé, en 1876, au théâtre de Bayreuth et qui prétendait « être au courant de tout ». En effet, il avait été chargé de faire la tête des figurants. Or l’écuyer était un fort gaillard, le coiffeur n’avait pas imaginé qu’il jouât un rôle de femme, et le prenant pour quelque vassal, lui avait distribué une de ses plus belles barbes. Le cavalier s’était laissé faire; en soldat qui ne connaît que sa consigne, et sa consigne était seulement de monter à cheval. Le régisseur, appelé ailleurs par sa tache multiple, n’avait pas eu le temps d’inspecter le militaire. Sans l’heureux hasard, sans l’obscur pressentiment qui amena Neumann sur la scène, le drame s’abîmait dans une chute effroyable. Voit-on l’arrivée de Brunhilde avec sa large barbe ? En ce temps, où le wagnérisme.ne triomphait pas encore,, c’eût été pour le Crépuscule une catastrophe plus terrible que l’écroulement du Walhalla. »
Note :
* Therese Vogl et Amalie Materna (créatrice du rôle de Brünnhilde dans la première édition de La Tétralogie lors de la première édition du Festival de Bayreuth, en 1876, ainsi que première Kundry lors de la création de Parsifal sur la scène du même théâtre, en 1882) furent deux grandes interprètes wagnériennes de la première heure.
Les souvenirs wagnériens d’Angelo Neumann (3)
Les deux Ortrud du Lohengrin en 1882 à Leipzig
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