600 Affiche Tannhauser
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Opéras et drames musicaux.

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Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg (WWV 70)
Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg (WWV 70)

Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
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TANNHÄUSER OU L’ETERNEL INACHEVÉ :
LES TROIS VERSIONS DE TANNHÄUSER
(Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg, WWV 70)

par Nicolas CRAPANNE

Moins d’un mois avant sa mort, d’après ce qu’en rapporte Cosima dans son Journal, Richard Wagner aurait dit « qu’il devait encore Tannhäuser au monde »… Comme si, jusqu’au terme de sa vie, le compositeur et dramaturge était insatisfait de la facture définitive de son œuvre, par ailleurs le premier opéra pourtant à être considéré comme appartenant à la période dite de « maturité » de ce dernier.

Entre la version de Dresde, celle de Paris, celle de Vienne, sans compter les multiples versions « hybrides » prenant de l’une ou de l’autre au gré de la volonté d’un metteur en scène ou d’un chef d’orchestre, il est vrai qu’il y a en effet de quoi se perdre, même pour le mélomane le plus aguerri.

Afin d’y voir un peu plus clair sur le parcours pour le moins atypique de l’un des opéras les plus célèbres du compositeur allemand qui – car ce dernier avouait ne jamais être satisfait de la nouvelle version qu’il présenta au public de Dresde, puis de Paris, et enfin de Vienne – hanta un Wagner insatisfait jusqu’à l’obsession – ou par trop perfectionniste – jusqu’à la fin de ses jours, ainsi que ses différentes versions.

 

TROIS VERSIONS POUR « TANNHÄUSER »
(et non deux, comme on a l’habitude de le penser… et parfois de l’écrire)

Comme on le sait, Richard Wagner remodela au moins à trois reprises aussi bien l’orchestration que la dramaturgie (et donc le livret) de son opéra TannhäuserVoici ci-après le récit de la composition et de la création de ces trois différentes versions qui font aujourd’hui autorité dans l’histoire de cette œuvre au parcours pour le moins hors du commun.

 

I. La version de Dresde (1845)

Le Théâtre royal de la Cour de Dresde où fut créée la première version de Tannhäuser, le 19 octobre 1845.Si la composition de la musique de l’opéra ne prit au compositeur que quelques mois, entre 1842 et 1845, la gestation du drame de Tannhäuser en est bien antérieure. Celle-ci remonte en effet à l’époque du premier séjour du compositeur à Paris (18391842) au cours duquel son ami et compagnon de misère, le très érudit Samuel Lehrs offrit au compositeur différents ouvrages relatifs à la légende du Venusberg et au concours des chanteurs à la Wartburg.

Fort du triomphe de son Rienzi et du succès – plus mitigé – de son récent Vaisseau Fantôme, Richard Wagner, alors maître de chapelle de la Cour royale de Saxe, n’envisage désormais plus un seul instant que quoi que ce soit puisse freiner sa fulgurante carrière. Tannhäuser, dont la création (dans sa version initiale ) est fixée au mois d’octobre 1845, ne peut, dans l’esprit de notre compositeur, que se révéler être un nouveau succès propice à asseoir encore un peu plus sa (récente) notoriété! A cet effet, le compositeur obtient déjà du théâtre un nombre de répétitions pour le moins inhabituel à l’époque.

Affiche pour la création de Tannhäuser à Dresde le 19 octobre 1845

Hélas, l’esprit malin qui se plaira à faire enrager le créateur frappe l’œuvre une première fois. Alors que la date de la Première a enfin été fixée, la nièce du compositeur, Johanna, titulaire du rôle d’Elisabeth, tombe malade à quelques jours de celle-ci : il faut repousser la représentation tant attendue de six jours.

Créée finalement le 19 octobre 1845, l’œuvre n’aurait reçu qu’un certain succès d’estime et de polis applaudissements d’un public un peu déconcerté semble-t-il par le choix du thème, et la manière dont il est traité tant dans sa forme (musicale et dramatique) que dans le fond.

En effet, le thème de la lutte contre l’attrait des plaisirs de la chair au profit de l’aspiration spirituelle et religieuse déconcerte la plupart des spectateurs. Les interprétations des solistes, dont les fidèles Joseph Tichatschek (Tannhäuser) et Wilhelmine Schröder-Devrient (Venus), aussi habitués de la prestigieuse scène dresdoise qu’ils sont adulés du public, contribuèrent pour leur part indéniablement à ce succès.

Succès d’estime donc, nettement moins enthousiaste que pour les deux opéras précédents créés sur la même scène du Théâtre royal de la Cour de Saxe.

Notons, si l’on veut être parfaitement exact, cette nuance: si Tannhäuser reçoit un accueil favorable de la part d’un public totalement acquis à la cause de ce nouveau compositeur dont on parle avec éloges depuis Rienzi (ce qui mènera la direction de l’Opéra à maintenir l’ouvrage au répertoire),  la critique locale, déconcertée par les nouveautés que présente l’ouvrage, fustige le compositeur.

C’est donc grâce au soutien du public que l’ouvrage continue à être représenté. Tannhäuser, dans la version dite « de Dresde » fait alors son chemin sur différentes scènes d’Allemagne, dont celles de Weimar (sous la direction de Franz Liszt) en 1849. Sans son auteur, l’œuvre acquiert un peu partout en territoire germanique une confortable notoriété.

Tannhaüser à Dresde en 1845

III. La version de Paris (1861)

La création de Tannhäuser à Dresde en 1845 sera, pour de longues années à venir, le dernier succès public de Richard Wagner à l’Opéra. Car très vite, outrepassant les domaines artistiques dans lesquels les autorités de la Cour eussent préféré qu’il se cantonnât, le compositeur, pour qui art, politique et progrès social ne font qu’un, se mêle des revendications du peuple. Il se met à haranguer les foules, jusqu’à participer aux mouvements populaires qui, entre autres, réclament la liberté de la presse, et n’hésite pas à faire corps avec ce peuple dont il sent qu’il est de son devoir de se faire le porte-parole. Et finalement, il monte sur les barricades lors des soulèvements insurrectionnaires de 184849.

Bien loin de réussir à faire entendre sa cause, l’artiste est vaincu, pis encore, il devient un «homme à abattre», recherché par toutes les forces de police d’Europe, et finalement proscrit de sa patrie d’origine.

C’est à Zurich que Richard Wagner, l’exilé, le paria, le proscrit, trouve finalement refuge, comme bon nombre de ses amis et semblables. Frappé d’interdiction de revenir sur le sol germanique, il ne pourra même pas assister à la création de son Lohengrin dont la Première aura lieu le 28 août 1850 au Théâtre grand Ducal de la cour de Weimar sous la direction de son ami Franz Liszt.

Depuis Zurich, Wagner le musicien et compositeur, théorise. Ses aspirations à faire émerger de la création artistique un nouveau genre musical et dramatique (le drame musical, l’œuvre d’art totale – ou Gesamtkunstwerk – que, sans hésiter, il nomme également «Œuvre d’art de l’avenir» et dont il se veut le chantre) sont tour à tour définies, codifiées, «réglées» par le biais d’ouvrages théoriques que notre dramaturge visionnaire couche sur le papier. Et, bien après de longues années de mûrissement et de gestation, les premières de ces œuvres d’un nouveau genre s’expriment enfin par le biais de la composition: Tristan et Isolde, et, en parallèle, le projet fantastique de l’épopée lyrique que deviendra L’anneau du Nibelung (la Tétralogie).

Naturellement, le style, tant musical que poétique – car Wagner revendique toujours inlassablement l’absolu nécessité d’être l’auteur du livret de ses drames musicaux au même titre que de la partition – évolue. Tel un alchimiste dans son laboratoire, Wagner, à sa table de composition, s’essaie à de nouvelles trouvailles musicales promptes à gagner le cœur du spectateur. Il explore des pistes nouvelles et inédites, poussant parfois son travail de composition aux frontières de l’entendement humain. Un nouveau genre lyrique naît. Mais Wagner souffre encore du manque de reconnaissance du grand public (une sorte de «complexe» – d’ailleurs bien légitime lorsque l’on s’inscrit comme novateur dans l’art et que l’on se frotte constamment aux réticences d’une critique trop ancrée dans ses traditions – qui ne le quittera d’ailleurs jamais toute sa vie durant).

La Princesse Pauline Metternich

Enfin, en 1860, les astres semblent lui être favorables : la France, grâce à l’entremise de la princesse Pauline de Metternich, épouse fort influente de l’ambassadeur d’Autriche à la cour de Napoléon III, appelle le compositeur à venir présenter l’une de ses œuvres à Paris, sur la scène du Grand Opéra.

Wagner s’interroge : quelle œuvre présenter à ce Second Empire aussi frivole qu’éminemment codifié dans ses usages ? Il sait que son rival, le compositeur alors très en cour, Meyebeer, triomphe sur cette même scène avec les fastes d’un genre, le « Grand Opéra à la française », qu’il a poussé à son paroxysme au travers d’œuvres telles Les Huguenots ou Le Prophète. Un genre qui fait les délices du beau monde du Second Empire et codifié à l’extrême avec sa structure et sa distribution vocale imposée, tout comme un ballet «obligé» que tout compositeur doit irrémédiablement placer au second acte de son œuvre.

Tannhäuser, bien que de facture différente, ne serait-elle pas l’œuvre qui se rapprocherait le plus (ou le moins mal), par les effets et les ensembles qu’il contient, de même que par la grandeur et la majesté qui en émanent, à ce genre? Mais, depuis la création de l’ouvrage à Dresde en 1845 et 1860, quinze ans ont passé : durant cette période, que de chemin intérieur le compositeur a parcouru ! Alors, s’il s’agit de présenter Tannhäuser au public parisien, le compositeur et dramaturge, insatisfait de la première version qu’il juge indigne et qui – de toutes manières – ne correspond plus à ses nouvelles et ambitieuses aspirations artistiques – remet tout entier le travail sur l’écheveau.

"Tannhäuser au Venusberg" au cours d'une Bacchanale qui fit autant couler d'encre... qu'elle ruina pour longtemps la destinée de l'oeuvre auprès du public parisien.Il commence par le livret, qu’il retravaille en français pour le public parisien, devant accorder rythmique et syntaxe à un ouvrage autrefois pensé, écrit et composé… en allemand ! Un travail d’une envergure phénoménale, auquel Wagner s’attache, en collaboration avec son ami Nuittier (de son véritable nom, Charles Henri Truinet) qui en signera le livret définitif en français.

Les modifications apportées à la version de Dresde sont les suivantes :

  • renforcement général de l’effectif orchestral (orchestre agrandi : 3ème timbale, castagnettes, 2ème harpe, accroissement du petit orchestre de scène) ;
  • Wagner ajoute une Bacchanale à l’Acte I (ballet) afin surtout de correspondre aux exigences de l’Opéra de l’époque ;
  • le rôle de Vénus est développé (Acte I) ;
  • le solo de Walther est supprimé à l’Acte II ;
  • l’introduction de l’Acte III est raccourcie.

Affiche parisienne annonçant la première de "Tannhäuser" (seconde version,) sur la scène du Théâtre Impérial de l'Opéra (mars 1861). On note parmi la distribution la présence du célèbre ténor Albert Niemann dans le rôle titre.

Contrairement à ce que l’on a l’habitude de lire ou de penser, l’ouverture n’est pas encore liée directement à la Bacchanale; elle ne le sera que dans la version présentée au public viennois en novembre 1875.

Malgré le nombre insensé (pour l’époque) de répétition requises pour la préparation de cette nouvelle production (plus de 150), une distribution de haut-vol (dans laquelle on note la présence du ténor Albert Niemann), la présentation au public parisien fait l’objet d’une cabale montée par les détracteurs du compositeur.

Le ténor Albert NiemannMais bien plus que contre Wagner, c’est contre toute l’Allemagne ainsi que les sentiments cordiaux qu’entretient cet empereur Napoléon III décidément trop permissif au regard d’un compositeur qui à lui seul incarne cette Allemagne contre laquelle la France commence à s’armer que les opposants aux régimes s’insurgent. En profitant de cette représentation un peu trop « emblématique ».  Ainsi que les membres du Jockey-Club, frustrés d’arriver – comme à leur habitude – au milieu de l’Opéra, s’attendant à applaudir les charmes de leurs « protégées » danseuses du Ballet de l’Opéra : lorsqu’ils pénètrent dans la Salle, force est de constater pour eux… que le Ballet a déjà eu lieu !

Raillée, ridiculisée (bien que louée par le monde artistique – dont Charles Baudelaire – qui assiste aux toutes premières représentations), l’œuvre est retirée de l’affiche au bout de trois représentations.

III. La version de Vienne (1875)

L’œuvre maudite une fois à Dresde, puis une seconde à Paris, aurait pu irriter Wagner au point de l’oublier à jamais ! Mais, entre-temps, Tannhäuser, peut-être l’un des opéras les plus «faciles d’accès» pour le public, a fait son chemin, et… est même devenue l’opéra le plus populaire de Wagner à travers toute l’Allemagne.

A la fin de l’année 1875, Wagner qui, depuis ses déboires parisiens, a composé et présenté au public de Munich et sous la protection de son royal mécène le roi Louis II de Bavière, Tristan et Isolde (1865) puis Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868) et a déjà entrepris sa colossale entreprise de vouloir faire représenter le cycle complet de L’anneau du Nibelung au Théâtre des Festivals de Bayreuth, est appelé à Vienne, où les autorités des théâtres impériaux lui demandent de diriger lui-même en personne ce Tannhäuser  dont le public germanique est si friand.

Pour Wagner, on pourrait penser qu’il s’agit d’une «mauvaise blague» tant cette œuvre lui rappelle d’âpres souvenirs. Mais, en hôte obligé de la Cour Impériale de François-Joseph, le compositeur s’exécute et ressort son œuvre damnée des cartons dans lesquels il l’avait enfouie. La date de la re-création à l’Opéra de Vienne est arrêtée pour le 22 novembre 1875 ; la direction musicale en sera assurée par Hans Richter.

Comment Wagner aurait-il pu, face à une œuvre qui ne lui a jamais apporté que des déboires, ne pas retravailler une fois encore la facture de sa partition ?

La nouvelle mouture telle que présentée à Vienne comporte ainsi les modifications suivantes :

  • l’ouverture est liée directement à l’Opéra (la Bacchanale est enchaînée à la fin de l’ouverture qui ne comporte plus la réexposition du thème des pèlerins) ;
  • le solo de Walther à l’Acte II, supprimé pour la version de Paris est finalement réintroduit.

NB : les années passant, bien après la disparition du Maître, c’est curieusement cette version «de Vienne» que l’on appelle aujourd’hui communément et à tort «version de Paris».

Le public viennois, acquis à la cause de Wagner depuis longtemps, fait un triomphe à ce Tannhäuser. A l’issue de la représentation, le compositeur, sans doute ému de constater que son œuvre a également droit comme les autres au succès de son public, remercie l’auditoire par une longue et chaleureuse allocution.

Sur une période qui s’étale sur près de trente ans, Wagner se débarrasse progressivement de ce qui rattachait encore Tannhäuser à la forme du grand opéra romantique à la Meyerbeer pour se rapprocher progressivement d’une forme plus proche du drame musical à la manière de Tristan. En témoignent les nombreuses différences de la première version à la dernière, tout comme le matériau dramaturgique et musical employé. A la version de 1845 qui comprenait en effet encore des numéros, faite d’une succession d’airs, de duos, d’ensembles et de chœurs, celle de 1875 présente une quasi-mélodie continue qui permet enfin à Tannhäuser d’accéder au rang des ouvrages de la maturité du compositeur.
Et pour rendre hommage à ce très long labeur qui préoccupa Wagner sur près de trente ans, c’est la version dite « de Vienne » que l’on donne aujourd’hui le plus souvent. Avec le succès que l’on sait : Tannhäuser est aujourd’hui l’un des opéras de Richard Wagner les plus populaires et les plus représentés sur les scènes lyriques du monde entier. Justice est donc rendue à cette « œuvre maudite ».

Ou presque…

Rappelons que l’on aurait pu penser l’œuvre enfin achevée en 1875 dans l’esprit apaisé d’un compositeur enfin satisfait de son ouvrage…. s’il n’y avait ce «mot de la fin» provenant de la bouche de Wagner lui-même : « je dois encore Tannhäuser au monde ».

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Sommaire
„Wen ruf’ ich zum Heil, daß er mir helfe? Mutter, Mutter! Gedenke mein!” : dans quelle situation Siegfried chante-t’il ce cri désespéré appelant à l’aide ?
Réponse :

Lorsqu'il est surpris de découvrir que sous l'armure (Brünne) se trouve non pas un homme endormi, mais Brünnhilde.

LIENS UTILES
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Richard Wagner et Tannhäuser à Paris, texte de Charles BAUDELAIRE  (après les représentations parisiennes de mars 1861)

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