LOHENGRIN WWV75 : « LOHENGRIN A LA COUR DU THÉÂTRE DE WEIMAR : ASPECTS POLITIQUES D’UNE PREMIÈRE » (Chapitre 3/3)

L’œuvre musicale de Richard Wagner est composée d’opéras ou “drames musicaux” allant des “Fées” (Die Feen) à “Parsifal”. Une présentation détaillée de chacune de ces œuvres majeures est ici associée à un ensemble d’articles thématiques, replaçant celles-ci non seulement dans le contexte de sa vie personnelle mais également dans son contexte social, économique et culturel. Cette section regroupe également l’ensemble des œuvres musicales (hors opéra) et son œuvre littéraire.

LOHENGRIN, WWV75

Lohengrin, WWV75

LES ARTICLES THEMATIQUES

« LOHENGRIN A LA COUR DU THÉÂTRE DE WEIMAR : ASPECTS POLITIQUES D’UNE PREMIÈRE » (Chapitre 3/3)

par David TRIPPETT (Université de Cambridge)

Texte initialement rédigé et publié pour la revue The Journal of the American Liszt Society
traduit de l’anglais par @ Le Musée Virtuel Richard Wagner
pour lire le texte dans son intégralité sur le site www.academia.edu, cliquer ici.

 

La première de Lohengrin

Affiche pour la création de Lohengrin à Weimar sous la direction de Franz Liszt

Les premières impressions sur la représentation reçues par Wagner de Dingelstedt l’inquiètent. En effet, il soupçonne que la future première de Lohengrin – avec Rosa Agathe von Milde dans le rôle d’Elsa et Carl Beck dans celui de Lohengrin, sans Wilhelmine Schröder-Devrient ni le  » timbre de voix idéal dans l’aigu  » de Josef Tichatschek [1] – risquent de ne pas offrir la déclamation adéquate. Il s’en plaint immédiatement auprès du baron von Ziegesar, intendant du Hoftheater de Weimar :

“[Les acteurs] sont restés très en retard sur leur tâche. … Si, à l’avenir, les soi-disant récitatifs sont chantés de la manière dont j’ai demandé à Liszt d’insister pour qu’ils le soient, l’impression de pause et de ralenti des longs passages entiers disparaîtra, et la durée de la représentation sera considérablement raccourcie … J’imagine, par exemple, que les discours du roi et du héraut ont pu donner une impression de fatigue … c’était le cas parce que les chanteurs les chantaient d’une manière négligente, paresseuse, sans véritable expression … L’art et les artistes n’en bénéficieront également que si l’on demande sincèrement à ces chanteurs de prononcer ces discours avec énergie, fougue et l’expression déterminée.[2]

Les termes choisis par Wagner – « une véritable expression … d’énergie, de fougue et une expression déterminée » – auraient facilement pu être tirés d’une critique de Fidélio ou de Roméo par la Schröder-Devrient. Ce n’est qu’après l’arrivée de Karl Ritter à Zurich le 10 septembre, avec un rapport différent de celui de Dingelstedt, que Wagner concéda que Liszt avait, en fait, maintenu un bon tempo dans les récitatifs, et qu’il avait organisé la prestation des chanteurs en conséquence[3]. Comme le montre la correspondance ultérieure de Wagner avec Liszt, celui-ci demeurait cependant mal à l’aise avec les « récitatifs » de Lohengrin, qu’il craignait mal servis par les futurs chanteurs allemands. En salle, les critiques favorables au style de chant déclamatoire de Wagner le considéraient comme une innovation esthétique par rapport à l’opéra traditionnel. Des voix plus antagonistes, comme celle de l’archéologue et philologue Otto Jahn, déclaraient cependant que la déclamation inscrite par Wagner « est déjà exagérée… [et] est très souvent poussée à l’extrême », (…) ce qui viole l’oreille musicalement éduquée, tout comme lorsque des acteurs récitent de façon tout à fait correcte, mais exagèrent l’accent et l’articulation « [4].

L’équilibre entre réalisme et mélodrame dépendait des attentes des auditeurs ; mais comme A. B. Marx en 1826 [5], Wagner se plaignit très tôt de ce que les acteurs et les chanteurs allemands ne possédaient aucune aptitude naturelle pour la déclamation et le chant dramatique.

Le long commentaire suivant, adressé à Liszt quelques jours à peine après la première, est typique, en ce qu’il attribue le problème à de mauvaises traductions allemandes sur des mélodies étrangères :

“En raison du fait déplorable que nos théâtres allemands ne donnent pratiquement que des opéras traduits d’une langue étrangère, nos chanteurs dramatiques ont été fortement démoralisés. Les traductions d’opéras français et italiens sont généralement réalisées par des amateurs… Avec le temps, les chanteurs ont pris l’habitude de négliger complètement le lien entre le mot et le son, de prononcer une syllabe sans importance sur une note accentuée de la mélodie, et de placer le mot important sur une partie faible de la mesure. C’est ainsi qu’ils se sont habitués progressivement au non-sens le plus absolu, à tel point qu’il était souvent indifférent qu’ils prononcent ou non… Le récitatif a connu le pire sort ; les chanteurs y ont été habitués à ne voir qu’une certaine séquence conventionnelle de phrases tonales, qu’ils peuvent tirer à hue et à dia selon leur bon vouloir… Un compositeur qui écrit pour des chanteurs allemands doit donc prendre toutes les précautions nécessaires pour opposer une nécessité artistique à cette paresseuse insouciance.[6]

Les italiens et français, dont c’était la langue maternelle, formaient alors l’antithèse de la plainte de Wagner soulignant ce qui manquait à la première de Lohengrin à Weimar : « Il idéalisait sans complexe ces voix étrangères en vertu de leur naissance[7] (« un instinct naturel les empêche de jamais défigurer le sens du discours par une fausse interprétation »)[8], et mettant en évidence le vide congénital qu’il tentait de combler. Ainsi, en plus de blâmer la prédominance de traductions ineptes d’opéras étrangers, Wagner ne put cacher sa frustration – dans la même lettre à Liszt – face à l’effet corollaire que cela engendra : à savoir, l’indiscipline des chanteurs.

“Quand, à l’opéra, le récitatif commence, cela signifie pour les chanteurs allemands :  » Dieu soit loué, voici la fin de ce maudit tempo qui nous contraint de temps à autre à une sorte de rendu rationnel ; nous pouvons maintenant errer dans toutes les directions, nous attarder sur n’importe quelle note jusqu’à ce que le souffleur nous ait fourni la phrase suivante ; le chef d’orchestre n’a maintenant plus aucun pouvoir sur nous, et nous pouvons nous venger de ses prétentions en le sommant de nous donner le rythme quand cela nous convient « , etc.[9]

Il est vrai que certains chanteurs allemands avaient été engagés, peu avant que Wagner soit nommé au poste au Hoftheater de Dresde, uniquement pour chanter des opéras italiens.[10] Cela témoignait de leur aptitude à interpréter des récitatifs étrangers qui étaient mieux rémunérés [11]. Dans les années 1840, le spectre d’une mauvaise traduction et d’une interprétation inepte correspondante a néanmoins préoccupé Wagner, et cela, tout au long des premières étapes de Lohengrin. Alors, comment imaginait-il exactement que « l’énergie, le feu et l’expression déterminée » pouvaient être inscrits dans une partition ?

En écrivant sur la première de Lohengrin, Wagner exprime le point de vue d’un compositeur-auditeur in absentia, qui théorise les fautes d’exécution à partir d’informations glanées dans des rapports de seconde main. Le contenu de sa lettre à Liszt, révélatrice et peu étudiée – mais qui sera plus tard développée dans le dernier chapitre d’Opéra et Drame – reflète donc davantage les présupposés (et l’imagination) du compositeur que la réalité de la première à Weimar.

Lorsqu’il se plaint des tempos arbitraires et de la mauvaise formation des chanteurs allemands, Wagner révèle aussi qu’il a voulu remédier à ces problèmes :

“Nulle part dans la partition de Lohengrin je n’ai écrit au-dessus d’une phrase vocale le mot « récitatif » ; les chanteurs ne doivent pas savoir qu’il y a des récitatifs ; d’autre part, j’ai eu l’intention de peser et d’indiquer l’accent verbal de la parole si sûrement et si distinctement que les chanteurs n’ont qu’à chanter les notes, exactement, selon leur valeur dans le tempo donné, afin d’obtenir purement par ce moyen l’expression déclamatoire.[12]

Figure 1 : Partition de direction de Liszt pour Lohengrin, Acte 1, scène 1 (Goethe- und Schiller-Archiv, Weimar ; GSA 60/Z 19)

Qu’est-ce donc qui ne fonctionnait pas bien alors à Weimar ? La partition de direction de Liszt pour Lohengrin est remplie de notes qui donnent un aperçu de son approche de la direction des passages les plus déclamatoires de Wagner (voir figures 1-3). Comme le montrent les indications de la figure 1, il cessait de battre la mesure pendant les « récitatifs » sur des accords en trémolo, c’est-à-dire qu’il n’essayait pas de micro-gérer l’articulation de chaque chanteur, et se contentait de faire des gestes pour chaque changement d’accord ou de donner les quatre temps pour de brèves fanfares orchestrales. Lorsque les accompagnements d’arioso présentaient un plus grand intérêt rythmique, Liszt avait tendance à les battre en mesure, bien que cela change évidemment d’une mesure à l’autre, comme l’indique le va-et-vient entre 1 et 4 temps dans la figure 2. Dans la majeure partie de la partition, le texte du livret est souligné au crayon rouge, ce qui suggère que Liszt le suivit de près et qu’il voulait pouvoir s’y référer rapidement pendant l’exécution. Dans la figure 3, les lignes verticales emphatiques, le comptage numérique et le soulignement fréquent des syllabes accentuées, ainsi que la tentation d’aligner les syllabes sur l’accompagnement orchestral à l’aide de flèches, indiquent que la coordination au cours de ces passages était un énorme problème. (Pas moins de sept points d’exclamation accompagnent le quatrième temps de la mesure 3 dans la figure 3).

Il est peu probable que Liszt ait estimé qu’il négligeait son devoir en ne délimitant pas continuellement la pulsation. Le fait que les syllabes soient fréquemment soulignées correspond aux temps de chaque mesure, ce qui suggère que Liszt a appris aux chanteurs à les respecter, même s’il ne les a pas battus lors de l’exécution. En 1881, dans un traité sur la direction d’orchestre, Hermann Zopff (1826-83) explique que le récitatif est le matériau musical « le plus difficile » à diriger, et que son succès dépend du fait de « suivre exactement les chanteurs » [13]. Indépendamment des efforts de Liszt pour arbitrer sur le fait de suivre les chanteurs, et celui de Wagner qui était de les maintenir dans le temps, les remarques de Wagner ci-dessus révèlent que les mélodies de Lohengrin sont intentionnellement déclamatoires dans la façon dont elles sont construites. Ainsi, ses notes mettent aussi en lumière un paradoxe latent dans la troisième partie d’Opéra et Drame : Les acteurs et chanteurs allemands qui, pour Wagner, n’ont aucune aptitude compétitive pour la récitation dramatique, doivent être les réceptacles – corps, gorge et langue nationale – d’une synthèse idéale du drame et de la musique, qui communiquerait son universalité plus directement aux sens que toute autre conception antérieure, et cela n’apparaît nulle part depuis Eschyle et Sophocle. L’entreprise semble improbable et presque contre-intuitive si l’on considère les plaintes formulées à l’égard du théâtre allemand.

Figure 2 : partition de direction de Liszt pour Lohengrin, acte 2, scène 5 (Goethe- und Schiller-Archiv, Weimar ; GSA 60/Z 19).

Ce sont les interprètes de Weimar, pensait Wagner, qui ont paralysé Lohengrin. Soulignant la nécessité d’une déclamation encadrée après la première insatisfaisante, Wagner recommanda au régisseur, Eduard Genast, que les chanteurs entreprennent une « répétition de lecture » au cours de laquelle ils « liraient leurs parties en liaison, distinctement et de manière expressive, à partir du libretto imprimé … » [tandis que Genast lui-même devrait] expliquer le contenu de l’œuvre [15]. [Ce n’est peut-être pas une coïncidence si la technique d’urgence de Wagner imitait par inadvertance la pratique de Goethe pour les toutes premières répétitions de drames parlés à Weimar un demi-siècle plus tôt.[16] Dans son Geschichte der deutschen Schauspielkunst (1848), Eduard Devrient révèle que Goethe a en fait commencé les répétitions de la même manière que celle que Wagner espérait pouvoir utiliser pour remédier à son Lohengrin verbeux :

“L’étude commença par la lecture des deux maîtres. Tous deux s’en tenaient […] à un cantabile puissant et à un ton exagéré et pathétique, mais qui contenait quelque chose de fondamental. Ils voulaient positionner le langage scénique comme un degré particulier d’accord, de solennité, de dignité, de noblesse et ainsi confronter le naturalisme dominant avec un franc-parler extrême.[17]

Mais pour Wagner (dont la critique favorable du livre de Devrient en 1848 ne fut pas acceptée pour publication par l’Augsburger Allgemeine Zeitung[18], une telle répétition de lecture était une mesure désespérée qui laissait entrevoir le besoin d’une « véritable expression parlante » à la Devrient, dans laquelle le chant n’était « rien d’autre qu’une traduction de la parole dans un langage plus éloquent ». Cela révèle en outre à quel point Wagner pensait qu’il composait pour des interprètes « vides », qui n’apportaient que peu de compréhension à la partition et qui avaient besoin d’une mélodie déclamatoire clairement écrite, ainsi que d’un tutorat sur la façon de l’oraliser verbalement.

Dans ce contexte, il semble étrange que les éloges de Wagner à l’égard de Liszt portent systématiquement sur sa nature  » productive « , que ce soit en tant qu’interprète ou en tant qu’auteur. À la lecture de l’essai de Liszt sur Tannhäuser, publié dans le Journal des débats, Wagner fait une remarque :

« Lorsque j’ai posé l’article, mes premières pensées ont été les suivantes : « Cet homme merveilleux ne peut rien faire ni entreprendre sans se produire lui-même à partir de sa plénitude intérieure ; il ne peut jamais être simplement reproducteur ; aucune autre action que la purement productive ne lui est possible ; tout en lui tend à la production absolue et pure.  » [19]

De même, dans sa lettre ouverte à Marie Sayn-Wittgenstein sur les Poèmes symphoniques (1857), Wagner évoquait une idée similaire :

« Quiconque a eu l’occasion d’entendre Liszt jouer Beethoven (par exemple) dans une petite assemblée intime a dû être frappé par le fait qu’il ne s’agissait pas d’une simple reproduction, mais plutôt d’une véritable production nouvelle. La frontière entre ces deux processus est certes très difficile à définir. » [20]

Figure 3 : partition de direction de Liszt pour Lohengrin, acte 2, scène 1 (Goethe- und Schiller-Archiv, Weimar ; GSA 60/Z 19).

De tels commentaires s’inspirent sans aucun doute du modèle d’exécution « épique » de Hegel, mais ils vont aussi dans les deux sens : ils semblent contredire la notion non dialectique d’inscription de la déclamation, dans une partition que Wagner a appliquée à Lohengrin, et présentent ainsi une lueur de double sens dans l’éloge ostensif de Wagner à Liszt.

En fin de compte, la déception apparente des récitatifs dans Lohengrin fut ressentie comme un coup dur pour le compositeur, qui avait précisément cherché à inscrire dans la partition « l’énergie, le feu » de la déclamation. Peu après la première de Lohengrin, l’espoir de Wagner de cultiver l’expression « allemande » s’évanouit et, sous une pression financière extrême, il fit part à Liszt, – de façon peu convaincante -, de son projet de composer un opéra en français pour Paris, tout en précisant : »de ne pas devenir un Français … mais de rester tel que je suis dans mon propre caractère ». Dans la même lettre, Wagner considère ensuite la langue de Lohengrin avec indifférence, acquiesçant à la suggestion de Liszt en juillet 1849, de traduire Lohengrin en anglais pour une première à Londres.

Qu’il s’agisse ou non de la part de Wagner d’un sentiment sincère ou d’une simple complaisance à l’égard de Liszt, qui cherche à le rendre financièrement autonome, il n’entreprendra aucune action. Ses commentaires marquent néanmoins un point de départ par rapport à ce que Susan Bernstein appelle « l’identification rigide avec le caractère d’un ‘je' », qui identifie « sa langue ou ses mots comme étant les siens ».[21] Au cours de ses premiers mois d’exil, l’identité d’auteur de Wagner va se détacher temporairement d’un lien, par ailleurs irréprochable, avec le son de l’allemand parlé. Ce n’est peut-être pas une coïncidence si c’est aussi à cette époque qu’il perd la foi en tant que révolutionnaire allemand.

par David TRIPPETT (Université de Cambridge)

Texte initialement rédigé et publié pour la revue The Journal of the American Liszt Society
traduit de l’anglais par @ Le Musée Virtuel Richard Wagner
pour lire le texte dans son intégralité sur le site www.academia.edu, cliquer ici.

Notes :

1. Wagner, Ma Vie, 368.
2. Wagner au Baron von Ziegesar, 9 Septembre 1850, in Correspondance, 65-66
3. Wagner à Liszt, 11 Septembre 1850, in Correspondance, 67.
4. « Sa déclamation est déjà exagérée ; bien qu’elle soit en général d’une précision et d’une netteté louables, elle est très souvent poussée à l’extrême, ce qu’une oreille musicalement éduquée ne peut pas plus que lorsqu’un acteur récite correctement, mais exagère dans l’accentuation et l’articulation ». Otto Jahn, « Lohengrin. Opéra de Richard Wagner » publié pour lapremière fois dans Die Grenzboten (1854) ; réimprimé dans Gesammelte Aufsätze über Musik (Leipzig : Breitkopf & Härtel, 1866), 146.
5. A. B. Marx Die Kunst des Gesangs (Berlin, 1826).
6. Wagner à Liszt, 8 septembre 1850, Zürich in Correspondance, 59-60. Les plaintes caustiques de Wagner au sujet des traductions étrangères et de leurs effets négatifs sur les chanteurs allemands se retrouvent tout au long de ses premiers écrits, et atteignent en quelque sorte un point culminant dans la troisième partie de Opéra et Drama : « Les chanteurs allemands (…) sont habitués, pour la plus grande partie, à chanter des opéras qui ont été simplement traduits en allemand à partir du français ou de l’italien. Ni l’intelligence poétique, ni l’intelligence musicale n’ont jamais été mises en mouvement par ces traductions, mais elles ont été réalisées par des gens qui ne connaissaient rien à la musique ni à la poésie, et qui ont travaillé dans le même esprit commercial que celui qui transpose les articles de journaux ou les annonces commerciales … ils ont rendu un manuel italien ou français … en un soi-disant mètre iambique … ces vers ont été écrits sous la musique par un pauvre hacker ou un copiste musical, avec l’instruction d’ajouter goutte à goutte une syllabe à chaque note. Le labeur poétique du traducteur avait consisté à doter la prose la plus vulgaire de rimes terminales absurdes ; et comme il avait souvent éprouvé les plus pénibles difficultés à trouver ces rimes elles-mêmes, sans se soucier qu’elles fussent presque inaudibles dans la musique, son amour pour elles lui avait fait déformer l’ordre naturel des mots, au-delà de toute espérance de compréhension. Ce vers détestable, méprisable et confus en lui-même, était maintenant placé sous une musique dont les accents distinctifs ne lui convenaient nulle part ». Sämtliche Schriften und Dichtungen 4 : 212-3. Cf. Œuvres poétiques 2 : 359-60.
7. « […] la clarté et l’énergie … avec laquelle ces [chanteurs italens et français] prononcent également les mots, et ce notamment dans les phrases drastiques du récitatif ». Wagner, Sämtliche Schriften und Dichtungen 4 : 212. Cf. Œuvres poétiques 2 : 359.
8. « Mais il faut avant tout reconnaître cette chose chez l’un et l’autre, qu’un naturel les empêche de jamais déformer le sens du discours par une expression fausse ». Wagner, Sämtliche Schriften und Dichtungen 4 : 212. Cf. Œuvres poétiques 2 : 359.
9. Wagner à Liszt, 8 septembre 1850, Zürich, in Correspondance, 60. Le même sentiment apparaît dans Opéra et Drame où Wagner se plaint :  » Puisque dans la bouche du chanteur allemand, la base n’est plus la diction, ce récitatif – dont il n’avait d’abord pas su quoi faire – a bientôt acquis pour lui une valeur tout à fait particulière : c’était un tel répit par rapport au rythme de la mélodie, et, libéré de l’agacement de la baguette du chef d’orchestre, le chanteur y trouvait une occasion agréable de produire sa voix. Pour lui, le récitatif sans voix était un chaos de notes décousues, parmi lesquelles il pouvait choisir une ou deux qui convenaient particulièrement à son registre ; sur un tel ton, qui apparaissait environ une fois toutes les quatre ou cinq notes, sa vanité vocale ravie s’élançait et le gardait jusqu’à ce que le souffle s’éteigne ». Sämtliche Schriften 4 : 214. Cf. Œuvres poétiques 2 : 361.
10Johannes Miksch, Fräulein Hunt, Frau von Biedenfeld.
11. Voir « Verzeichnis des Personals der Oper und des Schauspiels des Königl. Hoftheaters zu Dresden vom 1. Oktober 1816 bis 1. Januar 1862. II. Italianische Oper. B. Sängpersonal« . Dans Prölss, Geschichte des Hoftheaters zu Dresden, 659-60. L’écart de revenus entre l’acteur allemand Carl Devrient (qui a épousé Wilhelmine Schröder en 1823 mais a divorcé en 1828) et la soprano italienne Matilde Palazzesi en 1831 était de 2200 thalers : Devrient recevait 1800, Palazzesi 4000. Voir Prölss, Geschichte, 662-63.
12. Wagner à Liszt, 8 septembre 1850, in Correspondance, 59.
13. « Le plus difficile est, entre autres, de diriger des récitatifs. Ici, il s’agit surtout de suivre le chanteur avec précision ». Hermann Zopff, Der angehende Dirigent (Leipzig : Merseburger, 1881), 93.
14. Wagner to Liszt, 8 September 1850, Zürich, in Correspondance, 63.
15. Dès la première répétition de lecture pour les nouvelles mises en scène (parlées), Goethe a traité l’intonation de la parole de ses acteurs comme de la musique, comme l’explique Christina Kröll : « La répétition de lecture a d’abord servi à la formation du texte, au cours de laquelle la hauteur de la voix et l’intonation ont été fixées à la manière d’une phrase musicale. [« Zuerst diente die Leseprobe der Erarbeitung des Textes, wobei Stimmhöhe und Tonfall in der Art eines musikalischen Ablaufs festgelegt wurden. »]. Voir Christina Kröll, Gesang und Rede, sinniges Bewegen. Goethe als Theaterleiter (Düsseldorf : Goethe-Museum, 1973), 110.
16. « Les études [au Hoftheater de Weimar] commençaient par des cours des deux maîtres. Tous deux y rendaient hommage … à un ton fortement chanté, outré et pathétique, mais qui avait chez eux quelque chose de fondamental. Ils voulaient placer le langage de la scène à un certain niveau d’accord, de solennité, de dignité et de distinction et s’opposaient donc au naturalisme dominant avec un extrême fortement prononcé ». Eduard Devrient, Geschichte der deutschen Schauspielkunst [1848] (Munich et Vienne : Langen Müller, 1967), 1 : 630.
17. Wagner, « Über Eduard Devrient Geschichte der deutschen Schauspielkunst » [1848], Sämtliche Schriften und Dichtungen 12, 228-30.
18. « Elle ne considérait le chant que comme une traduction du discours dans une langue supérieure … C’est ainsi qu’il acquit une expression véritablement parlante ». Julius Epstein, Breslauer Zeitung 122 (1835). Cité dans Alfred von Wolzogen, Wilhelmine Schröder-Devrient (Leipzig : F. A. Brockhaus, 1863), 114.
19. Wagner à Liszt, 5 juin 1849, Paris, in Correspondance, 24.
20. Voir Thomas Grey (trans. et éd.), « Wagner’s Open Letter to Marie Wittgenstein on Liszt’s Symphonic Poems » The Wagner Journal 5 (2011), 72.
21. Susan Bernstein, « En formule : Wagner et Liszt » New German Critique 69 (1996), 91.

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