UNE VIE

Résultat de plusieurs années de recherches minutieuses, notre biographie exhaustive de Richard Wagner rassemble la plupart des informations connues à ce jour sur la vie du compositeur de la Musique de l’Avenir. Ces informations proviennent notamment des propres écrits du compositeur, ainsi que de correspondances et informations recueillies par les témoignages écrits de ses proches. Notre travail s’appuie sur une compilation des autobiographies de Richard Wagner (Ma Vie, Une Communication à mes amis…) ainsi que des ouvrages attestés des plus célèbres biographes du compositeur (M. Gregor-Dellin, H.S. Chamberlain, H. Lichtenberger…). Réparties en neuf périodes, chacune de ces sections permet ainsi d’accéder à une chronologie complète, année après année, de la vie de Richard Wagner.

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Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

 WAGNER APRÈS WAGNER
Les salles d’expositions permanentes

Section I

UNE VIE

Section II

DANS L’INTIMITÉ DE RICHARD WAGNER

Section III

UNE OEUVRE

Section IV

L’AVENTURE DE BAYREUTH

Section V

ILS ONT CRÉÉ WAGNER ET LE MYTHE WAGNÉRIEN

Section VI

 LIEUX DE VIE, LIEUX D’INSPIRATION

Section VII

WAGNER POUR LA POSTÉRITÉ

Section VIII

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L'ANNÉE 1813 EN ALLEMAGNE

par Nicolas Crapanne

UNE VIE Section I Une vie Résultat de plusieurs années de recherches minutieuses, notre biographie exhaustive de Richard Wagner rassemble la plupart des informations connues à ce jour sur la vie du compositeur de la Musique de l’Avenir. Ces informations proviennent notamment des propres écrits du compositeur, ainsi que de… (Lire la suite)

En 1813, les pays allemands ne se confondent plus avec le Saint-Empire romain germanique (das heilige römische Reich deutscher Nation) fondé en l’an 962 par Othon le Grand  et constitué au début du XIXème siècle d’environ trois cent soixante états indépendants, vastes ou minuscules.

Carte du Saint Empire Romain Germanique (@Wikipedia)

En effet Napoléon, et d’abord Bonaparte, est passé par là : la Diète allemande a dû enregistrer les remaniements territoriaux prévus par le Premier Consul ; c’est le Recez de 1803 qui a  ramené à quatre-vingt-deux le nombre des États de l’Empire.

Les entités supprimées, villes libres ou territoires  ecclésiastiques, servent à indemniser ou récompenser les souverains, clients de la politique française, ainsi la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg. Dès 1804, le dernier empereur romain, le Habsbourg François II, renonce à cette dignité et devient François Ier, empereur d’Autriche. Enfin, en 1806, le Saint Empire en tant que tel disparaît. Avec les États du sud et de l’ouest de  l’Allemagne, Napoléon crée la Confédération du Rhin (Rheinbund) dont il se déclare le protecteur. Certes, l’arbitraire procéda à l’établissement des frontières de ces nouveaux territoires, mais ils ont fait leurs preuves et ils se sont maintenus au cours du XIXème siècle et même souvent jusqu’à la guerre de 14-18.

MVRW Friedrich August I
Frédéric Auguste Ier (1750-1827), premier roi du royaume de Saxe
Dans la terre natale de Wagner, au temps du Saint-Empire, le duc de Saxe était un Grand Électeur et deux des souverains régnant au XVIIIème siècle, Auguste Ier et Auguste II,  furent rois de Pologne. Après la paix de Tilsitt en 1807, l’empereur des Français fit du duc de Saxe un roi et le royaume entra dans la Confédération du Rhin.

C’est donc sous le règne de Frédéric-Auguste Ier que Richard Wagner naît le 22 mai 1813.

La Grande Histoire, bruyante et sanglante, se manifeste peu après cette date. Après la désastreuse Campagne de Russie qui a épuisé les deux adversaires, Napoléon n’est pas au bout de ses peines, et c’est de Prusse que part le signal de la croisade anti-française. Le roi Frédéric-Guillaume III, un maître en matière d’hésitations et de revirements, se laisse convaincre par son épouse, la reine Luise, par ses hommes d’État, ses généraux, ses philosophes (Fichte), ses étudiants et conclut avec le tsar Alexandre un traité d’alliance, le 28 février 1813.

C’est alors la fameuse Campagne de 1813 qui se déroule essentiellement en Saxe en deux séries d’opérations séparées par un armistice et des négociations. La campagne de printemps fut marquée par les victoires françaises de Lutzen et de Bautzen sur les alliés russes et prussiens, et avec l’arbitrage de l’Autriche de Metternich se conclut par un armistice, le 4 juin. Peu après, Napoléon cherche vainement à négocier avec le Chancelier d’Autriche à Dresde, si bien qu’au mois d’août, l’Autriche s’allie avec les deux autres puissances pour former la coalition générale qui engage la campagne d’été.

La bataille décisive est  livrée à Leipzig, du 16 au 18 octobre, celle qu’on a appelée “la Bataille des Nations” (die Völkerschlacht). Sans affirmer que ce bruit et cette fureur ait pu toucher le petit Richard,  nourrisson de six mois à peine, on peut du moins dire que de cette défaite napoléonienne va naître un autre monde qui est celui dans lequel Wagner vivra sa jeunesse. Comme l’écrit son biographe Martin Gregor-Dellin, “la vie de Richard Wagner ne se déroula pas parallèlement à l’Histoire ; dès l’origine toutes deux sont tellement solidaires qu’il nous faut étudier en détail  leur interaction.”

« Völkerschlacht bei Leipzig » ou « La Bataille des Nations à Leipzig », peinture de Wladimir Moschkow, 1815

 

L’ENFANCE ET L’ADOLESCENCE (1813-1829)

par Nicolas Crapanne

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Le père

Wilhelm-Richard Wagner voit le jour “aux premières lueurs du matin” (Mein Leben) le 22 mai 1813 à Leipzig (Royaume de Saxe), au deuxième étage de la maison dite du Lion Rouge et Blanc, au numéro 3 du Brühl, une grande artère commerçante de la ville. Il est le neuvième enfant de Carl Friedrich Wagner, greffier de la police de Leipzig et de son épouse Johanna Rosine (née Pätz).

Johanna Rosine Pätz Wagner(* 1778 † 1848), remariée en 1814 au peintre Ludwig Geyer (* 1779 † 1821), mère de Richard Wagner (portrait de Ludwig Geyer, Musée Richard Wagner, Bayreuth)

Dans la cité meurtrie et affaiblie par la guerre et l’occupation napoléonienne, le couple Wagner subvient très difficilement aux nécessités d’une si grande famille. Quelques mois à peine après la naissance du petit Richard, au mois de novembre de la même année, son père décède des suites d’une épidémie de typhus qui ravage la ville. Sa mère trouve soutien matériel et réconfort affectif auprès d’un fidèle ami de la famille, Ludwig Geyer, artiste à multiples facettes, peintre, auteur, acteur de théâtre et chanteur.

Richard serait trop jeune pour rejeter celui qui s’impose à lui en tant que nouveau père, et auprès de qui il découvre les différentes formes d’art qu’exerce Geyer du mieux qu’il peut.

Le remariage assez précoce de Johanna avec Geyer, dès l’année suivante, alimentera la “légende” selon laquelle les nouveaux époux se seraient connus intimement depuis bien longtemps… et que le jeune Richard ne serait peut-être pas le fils de celui qui l’a reconnu comme étant sien au cours de son baptême.

La question subsiste encore bien qu’il ne semble pas qu’elle ait troublé l’enfance du jeune garçon.

Ludwig GEYER (1779-1821), acteur, auteur de pièces pour le théâtre et peintre allemand. Beau-père de Richard Wagner. Autoportrait de l’artiste (v. 1813) @ Musée Richard Wagner, Bayreuth.

C’est dans un nouvel environnement, à Dresde où Geyer accueille Johanna et ses enfants, que Richard passe ses années d’enfance. Sa toute première éducation est confiée au pasteur Christian Ephraïm Wetzel qui l’admet à son internat de Possendorf à trois heures de marche de Dresde. Dès les toutes premières leçons que l’enfant reçoit, celui-ci montre un intérêt particulier pour le récit de la vie de Mozart qu’on lui apprend, les combats que menèrent les Grecs pour s’émanciper des Turcs ainsi que la singulière aventure de… Robinson Crusoé ! Un compositeur au génie aussi turbulent que novateur, des combats armés pour défendre la liberté d’un peuple, ainsi que le récit d’un solitaire exilé : ces toutes premières lectures pourraient résumer la future vie et carrière du jeune garçon !

L’année suivant la mort de son beau-père (le 30 septembre 1821), Richard entre à la Kreuzschule de Dresde ; il y reste quatre ans. Il est admis parmi les derniers mais devient pourtant rapidement l’un des premiers de sa classe.

La Kreuzschule de Dresde, photographie du XIXème siècle

A l’école, le jeune garçon ne montre aucun goût ni aucune aptitude particulière pour les mathématiques ou bien les langues mortes, en revanche il se montre doué pour la composition, la rédaction, la mythologie et l’Histoire.

Mais ce sont les années 1828 et 1829 qui décident de la carrière de l’adolescent qui cherche sa voie d’expression propre après avoir tâtonné auprès de tous les arts. Après avoir entendu pour la première fois les Septième et Neuvième Symphonies de Ludwig van Beethoven au prestigieux Gewandhaus de Leipzig, le jeune adolescent est sous le choc.

Quant à l’opéra, Richard Wagner le découvre véritablement en avril 1829. Ce soir là, la découverte de la célèbre cantatrice Wilhelmine Schröder-Devrient dans le rôle titre de Fidelio sonne comme une révélation.

Bouleversé par la représentation à laquelle il vient d’assister, le jeune homme, fébrile, écrit une lettre passionnée à l’artiste qu’il vient d’entendre sur scène, et qui décide de sa carrière : Richard Wagner sera donc musicien ! Compositeur… d’opéra ?

Wilhelmine SCHRÖDER-DEVRIENT (1804-1860). soprano allemande. « Positif » de photographie @ Fr.Hanfstængl (auteur) / Archives de la Bibliothèque Publique de Bergen, Norvège

LES ANNÉES DE JEUNESSE ET D’APPRENTISSAGE (1830-1841)

par Nicolas Crapanne

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Christian Theodor Weinlig (Dresde, 25 juillet 1780 – Leipzig, 7 mars 1842) est un professeur de musique, compositeur et chef de chœur allemand (artiste inconnu/oeuvre datant d’avant 1842)

Ces années de jeunesse sont marquées par des années de création (ou de tentatives de créations), d’espoirs, de quelques maigres succès, mais surtout de cinglantes déceptions.

Dès 1830, Richard Wagner compose et multiplie les projets : Die Laune des Verliebten (L’Amant capricieux, WWV6), sa première esquisse d’opéra (une scène pour trois voix féminines, ainsi qu’un air pour ténor) – plusieurs pièces symphoniques pour la plupart et directement héritées de Beethoven – dont l’Ouverture en si bémol majeur, dite Coup de timbale (Paukenschlagouverture). Ce Coup de timbale est donné cette même année au théâtre de Leipzig, où le chef, le jeune Heinrich Dorn, accepte de la diriger sous le titre Ouverture nouvelle et sans donner le nom de l’auteur, au cours du Concert populaire de Noël. Une chance d’ailleurs, car ce n’est pas un succès : le coup de timbale noté fortissimo sur la partition du jeune compositeur et qui ponctue chaque fin de mesure provoque les rires de l’assistance …

En 1831, Wagner entre à l’Université de Leipzig comme étudiant en musique. Il y suit des cours de composition et de contrepoint avec le cantor de la Thomaskirche, Christian Theodor Weinlig.

Deux ans plus tard, vraisemblablement sous l’impulsion de sa sœur Rosalie, Wagner construit un projet de livret pour un futur opéra Les Fées,  premier opéra intégralement composé et terminé de la main de Wagner. Il ne sera créé sur scène qu’après la mort du compositeur.

Minna PLANER (1809-1866), la première épouse de Richard Wagner

Christine Wilhelmine (Minna) PLANER (1809-1866). Portrait d’Alexander von Otterstedt (1835) @ Richard-Wagner-Stiftung, Bayreuth.

En attendant, il faut vivre, et Wagner accepte le poste – mal rémunéré – de chef des chœurs au théâtre de la ville.  En 1834, il se lance dans la composition d’un nouvel opéra : La Défense d’aimer (Das Liebesverbot).

Il fait la même année à Bad Lauchstädt-  où il assure la direction musicale de la saison estivale de la compagnie du théâtre de Magdebourg – la connaissance de la jeune actrice Minna Planer, et de sa fille Nathalie.

Durant deux années, outre ses nouvelles compositions et son idylle avec Minna, il s’acharne à essayer de sauver -inutilement- la troupe du théâtre de Magdebourg de la faillite.

Le 24 novembre 1836, Richard Wagner épouse Christine Wilhelmine (Minna) Planerà Königsberg. Devenu directeur musical au Théâtre de Königsberg, Wagner fait à nouveau face à une situation financière qui est, comme à Magdebourg, au bord de la rupture.

Les dettes accumulées par le théâtre mèneront la troupe à la mise en faillite peu de temps après. C’est un nouvel échec artistique pour Wagner.

Côté ménage, la situation n’est guère plus brillante : les crises entre les deux époux se succèdent les unes aux autres et Minna quitte le ménage de Königsberg pour se rendre à Dresde en compagnie d’un négociant du nom de Dietrich. Depuis Dresde, Wagner entreprend alors un voyage à Berlin en vue d’entamer des pourparlers afin de signer un engagement au Théâtre de Riga. Minna l’y rejoint, après avoir envoyé à son époux une lettre lui demandant le pardon.

Le Théâtre de Riga au XIXème siècle

Le théâtre de Riga (Opéra allemand) où Richard Wagner exerça les fonctions de directeur musical et de chef d’orchestre (lithographie de la première moitié du XIXème siècle)

En  1838, Richard Wagner se lance dans la composition de Rienzi. Évincé du Théâtre de Riga, le compositeur doit faire face à une situation financière désastreuse ; Minna tente de subvenir aux besoins du couple en jouant au théâtre de Riga. Par quatre apparitions, l’actrice fera ses adieux définitifs à la scène.

Wagner pense à fuir en France et traduit le texte de Rienzi en français. Wagner, Minna – accompagnés du fidèle chien Robber, un terre-neuve – décident d’opter pour un exil par voie maritime, sans passeports. Ils embarquent à bord de La Thétis en direction de Copenhague, avec pour but de rejoindre Londres.

Les conditions météorologiques que rencontre l’équipage durant la traversée sont épouvantables : l’embarcation manque de vents plusieurs jours, puis une tempête se déchaîne au large des côtes norvégiennes. L’épreuve rencontrée par le voilier est tellement épouvantable qu’elle aurait inspiré au compositeur l’ouverture du Vaisseau fantôme.

La légende du Vaisseau fantôme ou Le Hollandais volant

« Der Fliegende Holländer » (ou « Le Vaisseau fantôme ») de Richard Wagner. Illustration : Willem van de Velde d.J. (1633-1707) : « De windstoot » @ Rijksmuseum Amsterdam

Enfin arrivé à Paris, Wagner se précipite chez Meyerbeer pour lui présenter Rienzi et obtenir de lui des lettres de recommandation auprès de la direction de l’Opéra de Paris. Malgré les quelques lettres de recommandation de Meyerbeer et les nombreuses propositions que Wagner fait aux théâtres et à l’opéra, le compositeur n’arrive pas à s’imposer dans la capitale française et les dettes s’accumulent.

En 1841, Wagner achève enfin son Vaisseau fantôme. C’est un nouveau refus de la part de l’Opéra de Paris qui n’en achètera que … le livret (et pour la somme modeste de cinq cents francs). En Allemagne cependant, Wagner, grâce à l’appui de Meyerbeer dans les deux cas, s’ouvre une voie : Rienzi est accepté à Dresde et le Vaisseau fantôme, semble-t-il, à Berlin.

DRESDE ET LES GRANDS OPÉRAS ROMANTIQUES (1842-1849)

par Nicolas Crapanne

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Richard Wagner a déjà connu nombre de désillusions : l’artiste a frappé à beaucoup de portes, cherché à se faire entendre comme compositeur, directeur musical,  théoricien… Mais aux quelques maigres succès qu’il rencontre succèdent de retentissants échecs. Et cette série d’espoirs et de désillusions va se poursuivre encore un certain temps.

Durant la décennie des années 1840, le compositeur crée plusieurs œuvres. Toutes ne verront pas le jour, mais celles qui finissent par aboutir et être représentées correspondent à ce que l’on peut nommer les premières œuvres romantiques du compositeur.  Ce sont aussi les années où Wagner se démène certes pour se faire représenter, mais de la manière qu’il souhaite. Ainsi, en avril 1842, Wagner et Minna quittent la France où le couple n’aura connu que désillusions et rentrent en Allemagne afin de superviser la production de Rienzi à Dresde. En mai, c’est avec Theodor von Küstner, le nouvel intendant des théâtres berlinois, que Wagner négocie en vue d’y faire représenter Le Vaisseau fantôme.

Lors de la création de Rienzi en octobre 1842, Wagner constate, horrifié, que l’opéra est d’une extrême longueur. L’enthousiasme du public est néanmoins au rendez-vous à la fin du cinquième acte, malgré les six heures qu’aura duré la représentation (entractes compris), ce qui n’empêche pas le compositeur d’y faire de nombreuses coupures.

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Création de « Rienzi, le dernier des Tribuns » au Théâtre royal de la Cour de Saxe, Dresde, octobre 1842 (ici dernière scène de l’acte IV). Johann Jacob Weber (1803-1880), « Le journal illustré » (Illustrirte Zeitung) du 12 août 1843 (nr 7), Leipzig @ MDZ München.

Du côté des créations, l’opéra Les Mines de Falun (Die Bergwerke von Falun), entamé en 1842, en reste au stade de l’esquisse. En 1843, c’est au tour du Vaisseau fantôme d’être créé au Semperoper de Dresde (Théâtre Royal de la Cour de Saxe) sous la direction du compositeur. Le succès est plus mitigé que celui rencontré pour la création de Rienzi.  Peu après, Wagner est nommé au poste de Maître de Chapelle de la Cour Royale de Saxe.

Mais l’argent manque toujours et Wagner demande, désespéré, de l’aide à Wilhelmine Schröder-Devrient. Toutefois, la cantatrice qui avait déjà prêté de l’argent au compositeur au début de l’année 1843 refuse d’effectuer de nouvelles avances financières à son ami compositeur.

Malgré toutes ses difficultés, Wagner parvient au terme de Tannhaüser en avril 1845. Du moins de sa première version. Comme pour Le Vaisseau fantôme, l’Ouverture est composée en dernier ; cette dernière reprendra principalement les motifs du Chœur des Pèlerins et du Venusberg.

MVRW-Tannhaueser-creation-Dresde-1845
Création de « Tannhäuser », le 19 octobre 1845 avec Joseph Tichatschek (Tannhäuser) et Wilhelmine Schröder-Devrient (Venus). Dessin par F. Tischbein (1845) et publié dans « Die deutschen Romantiker » (Les compositeurs d’oprés romantiques allemands) de Klaus Günzel (Artemis, Zürich 1995).
Sans perdre de temps, en juillet 1845, Wagner commence à poser les premières bases des Maîtres chanteurs de Nuremberg qu’il conçoit à la base comme une satire de Tannhäuser. Et travaille également et en parallèle sur le canevas de Lohengrin.

Lorsque Tannhäuser est créé à Dresde, le 19 octobre 1845, l’œuvre n’obtient qu’un succès d’estime (du moins de la part de la critique). Le compositeur se sent incompris, mais persévère dans ses choix artistiques : il achève en 1846 la partition de Lohengrin et met sur son ouvrage un nouveau projet, Barberousse, ayant pour thème la vie de Frédéric Ier de Barberousse.

Las de sa charge de Maître de Chapelle et de plus en plus en contradiction avec les autorités de la Cour Royale de Saxe, Wagner envoie sa lettre de démission à von Lüttichau durant l’été 1847.

Peu à peu, les tensions politiques deviennent palpables.  A Dresde, le peuple descend dans la rue. Wagner fait la connaissance de Bakounine et s’engage politiquement. Au nom de la liberté de la presse, au nom de la liberté de pensée. Dans sa lancée, le compositeur abandonne son projet théâtral sur Barberousse au profit d’une autre épopée tout aussi patriotique : la légende des Nibelungen.

Photographie de Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine (1814-1876) par Félix Nadar

En octobre 1848, Wagner termine l’esquisse en prose de La Mort de Siegfried et décidément en verve, il pose les premières bases d’un drame dont le héros serait Jésus de Nazareth en 1849. Plus encore que ses premiers héros, Wagner voit en la figure du Christ l’incarnation d’un révolutionnaire social.

À la plume du compositeur s’allie celle, plus acerbe, plus révolutionnaire, plus ambitieuse encore, de l’engagé politique. Lors des émeutes populaires de 1849, Wagner redouble d’écrits tous plus subversifs les uns que les autres dans lesquels il prend ouvertement le parti des forces populaires. Que l’armée du royaume n’hésite pas à réprimer dans le sang. Wagner est désormais considéré, tel Bakounine, comme l’un des chefs de meute qu’il faut mettre hors d’état de nuire. Et arrêter.

Mandat d’arrêt prononcé à l’encontre de Richard Wagner

Un décret d’arrestation à son encontre prononcé le 16 mai 1849 pousse le compositeur à prendre le chemin de l’exil. Chassé de sa patrie, recherché par la police, Wagner arrive en Suisse le 28 mai 1849. Commencent alors de longues années d’exil et d’errance

 

NC

LES ANNÉES D’EXIL ET D’ERRANCE (1850-1863)

par Nicolas Crapanne

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En janvier 1850, le compositeur  se lance dans le scénario de Wieland le Forgeron, une œuvre qu’il destine à la scène de l’Opéra de Paris. Et comme le compositeur n’est pas certain de se faire un nom en créant lui-même la musique, il en propose la composition à Hector Berlioz et à Franz Liszt. Tous deux, aimablement, déclinent cette proposition de collaboration.

Wagner se rend néanmoins à Paris pour tenter de faire aboutir ses différents projets d’opéras ou de symphonies. Paris n’est pas si loin de Bordeaux, et c’est toujours en quête de soutien et de (riches) protecteurs que Wagner répond à l’invitation qui lui a été faite par la jeune Jessie Laussot, rencontrée quelques années auparavant à Dresde. La jeune femme, née Taylor d’une riche famille anglaise, épouse d’un négociant en vins à Bordeaux, est une wagnérienne enthousiaste “de la première heure”. Par ailleurs, sa mère, également sous le charme de la musique de Wagner, a promis à celui-ci un soutien financier conséquent. Mais entre le compositeur en exil et malheureux en ménage (son mariage avec Minna lui est de plus en plus insupportable) et la jeune wagnérienne exaltée, l’offre de séjour se transforme rapidement en “idylle bordelaise”: tous deux ébauchent des plans d’évasion des plus romanesques. Mais Eugène Laussot n’est pas un époux complaisant : en mai 1850, le mari emmène sa femme à la campagne et profite de cette absence pour faire  expulser Richard Wagner, toujours recherché par les forces de police au-delà même des frontières de Prusse, et honni en tant que dangereux activiste. Quant à Madame Taylor, elle retire son offre de soutien financier. Fin de l’aventure bordelaise.

Mathilde WESENDONCK (1828-1902), née Agnes Luckemeyer. Huile sur toile (1850) de Karl Ferdinand Sohn (1805-1867) @ Musée de la Ville de Bonn
Wagner retourne donc à Zurich où la vie d’exilé semble plus calme. Mais le compositeur intérieurement bouillonne… tant de rage contre ses “prétendus amis” (qui ne lui ont pas été d’une aide aussi manifeste que promise) que de force créatrice intérieure.  Exaspéré par la prédominance de Meyerbeer qui règne en maître absolu sur la vie culturelle en France (et en Europe…), Richard Wagner rédige le pamphlet en août 1850, Du Judaïsme dans la Musique (Das Judentum in der Musik). S’étant vu offrir la direction du théâtre de Zürich, Richard Wagner esquisse en mai 1851 le scénario du Jeune Siegfried, la première partie d’un drame inspiré par la Chanson des NibelungenZürich, terre d’exilés de toutes conditions et origines, ville de libre expression, se révèle terrain de rencontres marquantes pour le compositeur. À partir de 1852, il fait la connaissance du couple de publicistes et poètes François et Eliza Wille qui deviennent rapidement ses fidèles amis, du jeune Hans von Bülow qui commence une timide carrière au poste de chef d’orchestre à Zurich, ainsi que de Otto Wesendonck, futur mécène, et de son épouse Mathilde… future muse.

Le 15 décembre 1852, les quatre poèmes composant L’anneau du Nibelung (ou La Tétralogie) sont pour ainsi dire achevés. Et l’idée d’un festival dédié aux représentations de cette épopée tant littéraire que musicale germe peu à peu. Les années qui suivent sont donc entièrement  dédiées à la composition de L’Or du Rhin et à celle de La Walkyrie.

Conclusion au Prélude et Mort d’Isolde, manuscrit de la partition par Richard Wagner

En marge de ce travail sur les deux premiers épisodes de La Tétralogie, Richard Wagner poursuit de nouveaux projets de rédaction et de composition : Tristan et Isolde, d’une part, largement inspiré par la découverte de l’œuvre d’Arthur Schopenhauer que lui fait connaître son ami HerweghLes Vainqueursd’autre part, suite à l’enthousiasme né de la lecture de l’Introduction à l’Histoire du Bouddhisme de Burnouff.

Lassé des charges de sa fonction, il se désiste auprès de la Société de Musique de Zurich.

Devenu ami proche du couple Otto et Mathilde Wesendonck, Wagner accepte la proposition de venir s’installer avec son épouse Minna à l’« Asile », une bâtisse construite sous la forme d’un chalet à proximité de la propriété que le couple vient de se faire construire  sur la colline d’Enge, à Zurich. Le compositeur, sous le charme de sa muse, Mathilde Wesendonck, abandonne son héros Siegfried dans la forêt et se consacre alors pleinement à Tristan.

Mais dès le début 1858, le conflit s’envenime entre “L’Asile” et la Villa Wesendonck, Minna commençant à comprendre la relation qui unit son époux à Mathilde. Le scandale éclate à l’interception par Minna d’une lettre “équivoque”  entre le compositeur et son égérie.

La villa du couple Wesendonck, sur les hauteurs de Zurich (aujourd’hui musée Rietberg) @ collection privée Le Musée Virtuel Richard Wagner

Wagner doit quitter l’ « Asile » définitivement. Sans Minna. Prochaine étape pour le compositeur : Venise, puis Lucerne. Toujours des difficultés financières, toujours des dettes et toujours Tristan et Isolde. L’œuvre est finalement achevée le 6 Août 1859 dans le pessimisme le plus totale, inspiré par le chant plaintif des gondoliers vénitiens.

Le 10 septembre 1859, Wagner est invité par l’Opéra de Paris à venir y faire représenter son Tannhaüser avec le solide appui de la princesse Pauline von Metternich, épouse de l’ambassadeur d’Autriche à Paris.

Wagner serait-il enfin en bonne voie pour faire se faire accepter des Parisiens ? Les premiers mois à Paris s’avèrent prometteurs, les premiers concerts dirigés par le compositeur  remportant un honorable succès.

En revanche,  à l’occasion des répétitions de Tannhaüser, le compositeur doit entièrement remanier l’œuvre. Rien ne va, malgré le nombre démesuré de répétitions octroyé au compositeur : le ténor Albert Niemann demande à ce que son rôle soit coupé, Madame Tedesco (Venus) n’est pas vraiment convaincante dans son rôle… et surtout, on impose à Wagner, selon l’usage, d’intercaler un ballet au deuxième acte de son ouvrage, en l’absence duquel il risquerait de se voir attirer les foudres des membres du Cercle du Jockey-Club dont les maîtresses n’étaient autres que les jeunes danseuses du corps de ballet ! Mais Richard Wagner n’entend pas ces mises en garde : si ballet il doit y avoir, ce sera une bacchanale, et au premier acte de son ouvrage, directement après l’ouverture. Victime d’une cabale sans précédent, l’œuvre qui déclenche les passions (et les sifflets des membres du Jockey-Club) est retirée au bout… de trois représentations ! Wagner quitte Paris le 15 avril 1861 avec ce mot : “ Les français sont des idiots ! ”

Affiche pour la Première de la version parisienne de « Tannhäuser » au Théâtre Impérial de l’Opéra (mars 1861). Auteur anonyme @ Bibliothèque de l’Opéra National d Paris

Désabusé, le compositeur tente dans un élan désespéré de se raccrocher au succès qu’il attend de Tristan et Isolde. Pourquoi pas sur la scène de Vienne ? Tandis que les répétitions commencent, Wagner se lance dans un nouveau projet, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Alors que Tristan, lui, s’enlise, faute de chanteurs et d’orchestre à la hauteur de l’ouvrage.

Carte postale de la fin du XIXème siècle, montrant la maison de Biebrich (dans les environs de Wiesbaden) où Richard Wagner séjourna et où il composa une large partie des « Maîtres-Chanteurs de Nuremberg »

Le 8 février 1862, le compositeur s’installe à Biebrich, près de Wiesbaden. Il y rencontre Mathilde Maier, une jeune femme au tempérament romanesque bien que réservé, au cours d’une réception donnée chez son éditeur Schott. Malgré le manque constant d’argent et les projets artistiques qui n’aboutissent pas, cette – courte – période d’idylle permet à notre compositeur de “respirer” l’espace d’un temps.

Bénéficiant enfin d’une amnistie totale lui permettant de retourner en Allemagne, Wagner voyage et assiste aux représentations de ses œuvres. Il enchaîne les concerts à travers l’Europe, et les succès sont au rendez-vous, mais Wagner, comme toujours, manque d’argent. Et cette fois, Otto et Mathilde Wesendonck ne le secourent pas.

Malgré sa liaison avec Mathilde Maier, à qui il propose d’emménager avec lui, le compositeur et Cosima s’avouent leurs sentiments en 1863.

Mais un coup de théâtre dans la vie romanesque de Richard Wagner s’apprête à frapper.

Le roi Louis II de Bavière, passionnément épris de l’œuvre du compositeur, est à la recherche de l’exilé et s’apprête à changer le cours de sa vie.

NC

 

MUNICH ET TRIBSCHEN (1864-1870)

par Nicolas Crapanne

UNE VIE Section I Une vie Résultat de plusieurs années de recherches minutieuses, notre biographie exhaustive de Richard Wagner rassemble la plupart des informations connues à ce jour sur la vie du compositeur de la Musique de l’Avenir. Ces informations proviennent notamment des propres écrits du compositeur, ainsi que de… (Lire la suite)

Wagner se bat, encore et toujours, contre les problèmes financiers. En 1864, acculé par les dettes, totalement désespéré, le compositeur songe pour la première fois au suicide.

Fuyant Vienne et cherchant, comme toujours, refuge auprès de ses amis, il est accueilli par Eliza WilleMathilde Wesendonck quant à elle lui fait parvenir des meubles ainsi qu’un piano.

MVRW Louis II de Baviere
Le roi LOUIS II de Bavière (1845-1886)
Wagner espère un miracle et celui-ci arrive : le jeune monarque Louis II de Bavière appelle le compositeur. Il lui fait part de son admiration et le comble de bienfaits matériels. “Mais, grâce à mon auguste ami, le fardeau de la vie me fut définitivement épargné.” déclare alors l’artiste. Wagner s’installe donc à Munich dans la villa Pellet sur le lac de Starnberg.

A partir de cette date, voire plusieurs fois par jour, le roi en personne se déplace à la villa Pellet afin de rendre visite à son ami, ou bien reçoit ce dernier dans sa résidence d’été du château de Berg, situé à proximité.

Peu après, Cosima ainsi que ses filles Daniela et Blandine se rendent auprès du compositeur. Il semblerait que ce soit à partir de ce séjour que Cosima et Wagner se rapprochent définitivement.

Fin 1864, enthousiaste, le roi Louis II de Bavière décide officiellement de faire construire à Munich un Festtheater (Théâtre des Fêtes), grand édifice moderne en pierre, sur la rive droite de l’Isar, en vue de la création de La Tétralogie. Plusieurs architectes sont pressentis, mais le roi pense confier les plans du futur bâtiment à Gottfried Semper (par ailleurs ami de Wagner).

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Le projet de Palais des Festivals (Festpielhaus) sur les rives de l’Isar à Munich par Gottfried Semper.
Le 4 décembre 1864, la première du Vaisseau fantôme est donnée à Munich sous la direction personnelle de Wagner. Mais Wagner, sûr de son influence sur le jeune monarque, déborde du champ musical et veut se mêler de tout. Depuis des conseils « personnels », en familiarités en public, puis… de politique ! C’en est trop pour l’entourage du monarque ! Dès février 1865, le compositeur connaît sa première disgrâce auprès de la Cour de Bavière.

Ailleurs, un bonheur l’attend : la naissance d’Isolde von Bülow. Bien qu’officiellement reconnue par Hans von Bülow, Isolde est la première fille de Richard et Cosima. Cette naissance s’accompagne peu après, le 10 juin 1865, de la première de Tristan et Isolde, avec, pour interprètes, les époux Carolsfeld.

Mais quelques mois plus tard, en décembre 1865, Wagner est contraint de quitter Munich par arrêté du Roi. C’est la disgrâce. Un nouvel exil contraint et obligé pour le compositeur ! Alors qu’il voyage à Marseille, Wagner apprend en janvier 1866  la nouvelle du décès de son épouse Minna à Dresde, d’un infarctus du myocarde.

C’est à ce moment que commencent les années Tribschen,  du nom du lieu où se situe la villa sur le lac des Quatre-Cantons, non loin de Lucerne. Le 22 mai 1866, le  roi Louis II de Bavière lui fait incognito une visite surprise à Tribschen pour l’anniversaire de celui-ci ; il est déguisé en Walther von Stoltzing !

Cosima Wagner von BÜlow, deuxième épouse du compositeur

Lorsqu’en février 1867 naît Eva (Wagner est en pleine composition des Maîtres Chanteurs de Nuremberg), deuxième enfant de Richard Wagner et Cosima von Bülow, Hans von Bülow en assure à nouveau officiellement la paternité. Cela n’entame pas les relations entre le compositeur et le chef d’orchestre : Hans von Bülow en effet dirige la Première des Maîtres Chanteurs de Nuremberg au Hoftheater de Munich qui reçoivent d’ailleurs un accueil extrêmement chaleureux de la part du public. Et déjà, Wagner se remet à la composition de La Tétralogie et achève celle du deuxième acte de Siegfriedqu’il avait abandonné provisoirement pour mieux se consacrer à la composition de Tristan.

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« Les Maîtres chanteurs de Nuremberg » (« Die Meistersinger von Nürnberg ») de Richard Wagner
C’est à cette époque, en mai 1869, que le compositeur fait la connaissance de Friedrich Nietzsche qui se rend pour la première fois à TribschenCosima est sur le point de donner naissance à Siegfried, le premier fils du couple illégitime et leur troisième enfant. Dix jours après la naissance de son fils, Wagner achève la partition de Siegfried.

Durant l’été 1869, Wagner et Cosima font la connaissance de celle qui deviendra la marraine de Siegfried : Judith Gautier, âgée de vingt-trois ans, fille de Théophile Gautier et Ernesta Grisi (sœur de la célèbre danseuse Carlotta Grisi). La vie de famille va bien, le couple a enfin pu régulariser sa situation : le 25 août 1870, à 8h du matin,  se déroule la cérémonie de mariage de Wagner avec Cosima, au temple protestant de Lucerne.

Mais à Munich, Louis II exige la création de L’Or du Rhin. Il faut trouver le théâtre qui accueillera la création de La Tétralogie intégrale. Ce sera peut-être Bayreuth ?

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LES ANNÉES BAYREUTH (1871-1876)

par Nicolas Crapanne

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Alors que le sentiment anti-wagnérien se développe en France – la nation vient de perdre la guerre de 1870 contre la Prusse – Wagner s’apprête à réaliser le rêve d’une vie.

En pleine verve créatrice, Richard Wagner précise son projet de monter l’intégralité de La Tétralogie sur la scène de l’Opéra des Margraves de Bayreuth ou sur la scène d’un théâtre qui serait entièrement dédié à la représentation de ses œuvres. Le compositeur l’annonce au roi Louis II de Bavière qui fait bonne figure, malgré son mécontentement.

Pour financer ce rêve ambitieux, Wagner profite d’un voyage à Berlin pour mettre en place un Patronatsverein pour réunir le financement du futur Festival de Bayreuth. Selon la charte de ce comité, chacun des adhérents se verra attribuer l’une des mille places du Festival en création. Le comité est placé sous la direction de Marie von Schleinitz, épouse du ministre prussien Alexandre von Schleinitz. Wagner essaie en outre d’obtenir des subventions auprès du Chancelier Otto von Bismarck, mais sans succès. Le compositeur visionnaire comprend que “ les frais de [son] entreprise seront à réunir uniquement par des particuliers ” (dans un courrier à von Düfflip).

Parmi ces bonnes volontés,  se trouvent en décembre 1871 les autorités de la ville de Bayreuth (représentées par le bourgmestre Theodor Muncker) qui mettent à la disposition du compositeur un terrain à bâtir juché sur une colline à l’extérieur de la ville, le Bürgerreuth, pour la somme de 14.000 guldens. En route donc pour Bayreuth. En avril 1872, Wagner quitte définitivement Tribschen.

Le 22 mai, jour de son anniversaire, c’est l’inauguration du chantier du Festspielhaus, à Bayreuth, sur la musique de la Huldigungsmarsch. Pour l’occasion se sont déplacés Friedrich NietzscheKarl Ritter, Heinrich Porges, Peter Cornelius, Malwida von Meysenburg

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Le chantier du Palais des Festivals de Bayreuth en construction. Gravure extraite du journal parisien « L’Illustration Européenne », n°36. 15 Juillet 1876 @ collection particulière « Le Musée Virtuel Richard Wagner »
Le lieu – le futur temple ! – se construit, il est temps de penser aux artistes. A nouveau sur les routes, le couple Wagner entreprend un voyage en Allemagne afin de recruter des chanteurs en vue des représentations de La Tétralogie à Bayreuth : Würzburg, Frankfurt am Main, Darmstadt et Mannheim.

Le 22 mai 1873, Wagner fête ses 60 ans. Un an s’est écoulé depuis le début des travaux. Le chantier est plus long que prévu. Malgré ses espoirs, les représentations du Ring sur la scène idéale ne peuvent se dérouler en 1873. Wagner annonce un report pour 1875 pour cause de manque de liquidités et part en quête des fonds nécessaires. Hélas les porte(-feuille)s s’ouvrent difficilement. En 1874, alors que le projet est au bord de la faillite, Louis IIl’indéfectible mécène, vole malgré les disputes passées au secours de Wagner.

Ainsi l’entreprise de Bayreuth échappe à la déroute grâce à un sauvetage provisoire émanant de la couronne de Bavière (et plus précisément, sur les avoirs personnels du roi). Soulagé, Richard Wagner s’installe avec Cosima le 28 avril 1874 dans la Villa Wahnfried, construction pour laquelle le roi Louis II de Bavière a également contribué à hauteur de 25.000 thalers. Lorsqu’en Août 1874  Friedrich Nietzsche séjourne à Wahnfried, une querelle lézarde l’amitié qui liait les deux hommes. Mais Wagner n’a à ce moment qu’un objectif en tête : l’avènement du Festival.

En 1875, à nouveau en manque de liquidités, le  couple Wagner repart pour une série de concerts destinés à financer le projet. Les répétitions préliminaires à Bayreuth démarrent le 1er juillet 1875, sous la direction de Hans Richter, puis de Hermann Lévi. Mais nouveau report : même si le 1er août 1875 les travaux de construction du Festspielhaus sont enfin achevés, l’année 1876 est encore consacrée à la recherche de fonds. Le couple se rend notamment à Berlin auprès de l’Empereur Guillaume. Quelques ressources sont heureusement les bienvenues : le compositeur reçoit la commande en 1876 d’une Grossen Festmarsch (Grande Marche de fête pour les festivités du centenaire de l’Indépendance américaineWWV110).  Enfin, en juin 1876, débutent les (vraies) répétitions de La Tétralogie au Festspielhaus et le 13 août 1876, c’est la grande inauguration du premier Festival de Bayreuth : sous la direction de Hans Richter, représentation de L’Or du Rhin (Das Rheingoldle 13de La Walkryrie(Die Walkürele 14, de Siegfried le 16 et du Crépuscule des Dieux (Götterdämmerung) le 17. La première édition du Festival remporte un succès musical exceptionnel, un succès artistique en demi-teinte et une débâcle financière. En effet, malgré le succès, malgré les aides financières et malgré les apports personnels du couple Wagner, le Festival génère un déficit énorme de 148.000 marks.

Décors pour la scène II de « L’Or du Rhin » (« Das Rheingold »), prologue à la Tétralogie de Richard Wagner créé en août 1876 au Palais des Festivals de Bayreuth (décors de Brückner)

Fatigué, Richard Wagner entreprend un voyage en Italie et visite Vérone, Venise, Bologne, Naples, Sorrente (où il rencontre pour la dernière fois Frédéric Nietzsche), Rome et Florence. Le compositeur est alors tenté, puis convaincu, de vendre les droits sur les représentations de La Tétralogie hors les murs de Bayreuth afin de financer un deuxième festival. Richard Wagner songe en effet déjà à Parsifal

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LA MATURITÉ PARSIFAL, VENISE (1877-1883)

par Nicolas Crapanne

UNE VIE Section I Une vie Résultat de plusieurs années de recherches minutieuses, notre biographie exhaustive de Richard Wagner rassemble la plupart des informations connues à ce jour sur la vie du compositeur de la Musique de l’Avenir. Ces informations proviennent notamment des propres écrits du compositeur, ainsi que de… (Lire la suite)

L’intégralité du cycle de La Tétralogie a pu être créé au Festspielhaus de Bayreuth, et comble de bonheur pour les premiers wagnériens qui ne purent se rendre sur la Colline Verte – car l’engouement pour la musique de Richard Wagner s’inscrit désormais dans un mouvement artistique à travers toute l’Europe –  Richard Wagner autorise la représentation du cycle du Nibelung hors de Bayreuth. Ainsi renonce-t-il à toute exclusivité de mise en scène et fait rayonner son œuvre dans toute l’Europe, puis bien au-delà. Parmi les « fidèles » autorisés par le compositeur à représenter La Tétralogie (dans un premier temps) en Allemagne, il y a imprésario Angelo Neumann : celui-ci propose ainsi le Ring au théâtre municipal de Leipzig en 1878, puis au Viktoria-Theater de Berlin en 1881.

Si Wagner renfloue en partie ,par l’entreprise inespérée du directeur de l’Opéra de Leipzig, les caisses d’un Festival dont la première édition a creusé un déficit d’une importance colossale, c’est dans l’objectif de l’avènement d’une nouvelle œuvre. En vertu du pouvoir créateur de Wagner, 1877 marque en effet la naissance de Parsifal. Œuvre emblématique, moquée par les adversaires du compositeur qui y voient un christianisme mièvre de fin de siècle, véritable chant du cygne pour les autres, la composition de Parsifal commence par l’écriture du poème que le compositeur-dramaturge achève en à peine quelques mois.
Malgré sa brouille avec Nietzsche (qui, entre-temps, a fait paraître son Humain trop humain), malgré ses combats  (il s’engage notamment dans une lutte contre la vivisection), malgré les alertes d’une santé préoccupante, Wagner achève assez rapidement, en 1879, la composition musicale de Parsifal.

Wagner, Parsifal, Bühnenbild 1882 – Wagner / Parsifal / Set Design / 1882 – Wagner, Parsifal, Décors de scène 1882 (création au Palais des Festivals de Bayreuth)

Wagner organise donc son deuxième Festival et prévoit la création de Parsifal à Bayreuth pour 1882. Le travail est énorme : se mêlent soucis techniques et – une fois encore – financement compliqué. Par ailleurs, un sentiment fortement antisémite s’est largement développé en Allemagne, occasionnant une situation de crise à Wahnfried. En effet, c’est le chef d’orchestre Hermann Levi que Wagner a choisi pour diriger la création de Parsifal. Ce choix ne fait pas l’unanimité et le compositeur reçoit des lettres l’accusant d’entacher ainsi la soi-disant pureté de son œuvre. On accuse en outre anonymement Cosima d’avoir une liaison avec le chef d’orchestre. Levi, blessé, s’éloigne mais il est rattrapé par Wagner : c’est lui qu’il veut pour créer son Parsifal et personne d’autre. Le succès de l’ultime opéra de Wagner est immense, et – phénomène incroyable – pour la première fois, les comptes du Festival sont au vert.

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Cortège funéraire à Bayreuth au cours des cérémonies d’obsèques de Richard Wagner.
Mais Wagner, épuisé par cette nouvelle composition et cette création dans laquelle il s’est donné corps et âme, retourne à Venise. C’est dans la ville des Doges qu’il s’éteint le 13 février 1883. Le corps est embaumé, la dépouille est rapatriée et Richard Wagner est inhumé en grande pompe à la villa Wahnfried le 18 février. Il laisse derrière lui une veuve éplorée, des enfants encore jeunes, une œuvre monumentale et un Festival à gérer.

NC

 

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